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1. Introduction et problématique

1.1 État de la situation en cheminement particulier de formation

Alors que de nombreuses instances exigent un minimum de qualification professionnelle et un diplôme d’études secondaires comme seuil minimal de formation nécessaire à l’insertion sociale et professionnelle, beaucoup de jeunes (32 % selon Savoie-Zajc et Lanaris, 2005, p. 297) quittent chaque année l’école avant d’avoir terminé un programme d’études secondaires, manifestant de multiples lacunes en éducation de base. Parmi ces décrocheurs se trouvent un bon nombre d’élèves éprouvant des difficultés d’apprentissage ou de comportement, qui ont entraîné des retards scolaires de plus en plus criants, accompagnés d’un sentiment de démotivation et d’une perception négative d’eux-mêmes. Pour plusieurs chercheurs (Baby, 2005 ; Bak, 1991 ; Parent et Parent, 1994 : voir Debeurme, 1999 ; Vultur, 2005), ces jeunes sont généralement des élèves qui présentent des besoins différents, et auxquels les matières scolaires, les pratiques pédagogiques et les conditions d’apprentissage de l’école, bref la tournure d’esprit de l’école, pour citer Baby (2005), ne répondent pas.

Au fil du temps, des programmes adaptés visant à favoriser l’insertion socioprofessionnelle de ces élèves ont été mis en place au Québec afin de répondre davantage à leurs besoins et de contribuer à leur réussite dans la société. Ainsi sont apparus les programmes de cheminement particulier, temporaire et continu, d’insertion sociale et professionnelle des jeunes (ISPJ), d’alternance études-travail (AET), de même que les Centres de formation en entreprise et récupération (CFER). Liés au secteur des jeunes, ces programmes sont destinés à des élèves âgés de 15 à 21 ans.

Avant d’y participer, la majorité d’entre eux ont vécu un cumul d’échecs causés souvent par des difficultés en lecture et en écriture, fréquemment sources de leur retard scolaire dès les premières années. Par ailleurs, rappelons que, dans notre société du savoir, gérée en bonne partie par les TIC et exigeant un traitement constant d’informations simples et complexes, 11 % des jeunes de 16 à 25 ans sont classés, sur une échelle de compétence, au niveau le plus faible, et à 26 % de la proportion au niveau 2, niveaux jugés insuffisants pour s’intégrer dans la société de l’écrit (Bourdon et Roy, 2005). Leur insertion n’en sera certes pas facilitée. Si on a constaté régulièrement un manque d’investissement dans l’apprentissage du français, c’est aussi parce que ces jeunes ne lui ont trouvé ni sens ni utilité. En effet, selon ces derniers, les situations d’apprentissage sont trop répétitives, pas assez concrètes et les préparent mal à l’intégration au monde du travail et à ses exigences (Debeurme, 1995).

Par surcroît, les maisons d’édition québécoises ont développé très peu, sinon pas, de matériel didactique adapté aux capacités et aux intérêts spécifiques de ces élèves. D’ailleurs, le Rapport sur l’évaluation du cheminement particulier de formation visant l’insertion sociale et professionnelle des jeunes de 16 à 18 ans (ISPJ) (Ministère de l’Éducation du Québec, 2003) faisait état, en termes de soutien, aux équipes, de nombreux besoins d’intervention, d’adaptation de matériel, de création d’outils pédagogiques appropriés aux élèves avec un cheminement particulier, partie intégrante de la mise en place des conditions favorisant la réussite des élèves. Cette absence de matériel adapté a souvent obligé les enseignants et formateurs à recourir aux modules de l’enseignement individualisé, que l’on sait peu d’actualité, ou à construire leur propre matériel, ce qui exigeait beaucoup de temps et d’investissement de leur part. Rappelons que nombre de ces enseignants se retrouvent dans ces programmes malgré eux, et préfèrent alors s’appuyer sur une pédagogie conventionnelle (Baby, 2005, p. 22) en puisant dans du matériel destiné aux classes ordinaires, avec le risque d’entraîner rapidement une perte d’intérêt chez leurs élèves.

Toutefois, malgré ces lacunes, il ne faut pas passer sous silence les multiples initiatives individuelles prises par de nombreux enseignants. Ainsi, citons en exemple les programmes des Centres de formation en entreprise et récupération, où l’on a choisi d’utiliser les journaux comme soutiens à l’apprentissage du français, ce qui permet d’assurer non seulement le développement des compétences en français, mais aussi une ouverture sur le monde, un des objectifs prioritaires pour former un citoyen engagé.

1.2 Des conclusions théoriques aux scénarios d’apprentissage adaptés

Sensibilisées par cette problématique et soucieuse, de mettre à profit les conclusions tirées d’une expérimentation antérieure, nous avons accompli un projet de transfert de connaissances, initié et soutenu par le Centre de Transfert pour la Réussite Éducative du Québec (CTREQ).

L’outil didactique réalisé est issu de l’expérimentation d’activités d’apprentissage créées pour les fins de la thèse doctorale et ayant comme cadre de référence les principes de l’éducation à la carrière. En effet, selon Hoyt (1987, p. 34) :

L’éducation à la carrière est un effort de collaboration entre le système de l’éducation et l’ensemble de la communauté qui a pour but de réformer l’éducation, principalement par l’infusion de notions liées à la carrière dans des activités scolaires, à relier l’éducation et le travail et à acquérir des habiletés générales d’employabilité […].

L’éducation à la carrière est une source d’inspiration pour l’approche orientante dans le Renouveau pédagogique du ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport, basé sur le modèle de dynamique motivationnelle de Viau (1994) et d’une approche psycholinguistique en enseignement de la langue maternelle. Le Comité sur l’approche orientante en Estrie définit celle-ci en ces termes :

Le concept de l’approche orientante intègre l’information et l’orientation scolaires et professionnelles à l’ensemble des activités de l’école de façon concertée et en collaboration avec tous les intervenants de l’école, les parents et la communauté. S’appuyant sur les phases du processus d’orientation, l’approche orientante vise à favoriser la motivation et l’engagement de l’élève dans son cheminement individuel en lien avec ses choix scolaires et professionnels.

2002, p. 5

L’adaptation des scénarios aux besoins d’une population scolaire du secondaire maîtrisant peu de compétences lecturales et scripturales, a été guidée par des pistes tirées des écrits de recherche, par les résultats d’un processus de consulta- tions auprès d’enseignants et grâce aux observations des stagiaires en cours de formation.

En guise de pré-expérimentation, une évaluation du matériel a été réalisée auprès d’une dizaine d’enseignants des programmes adaptés dans des écoles de la Montérégie et de l’Estrie. Une première collecte a été effectuée à l’aide d’une grille critériée couvrant six aspects : 1) la pertinence, 2) l’utilité, 3) la faisabilité, 4) le degré d’adaptation, 5) l’originalité et 6) les limites des activités (voir l’annexe). Les réponses ont été analysées par une étudiante en orientation scolaire et professionnelle dans le cadre d’un essai de maîtrise (Plouffe, 2000) ; des échanges ont eu lieu avec d’autres enseignants sur les besoins de matériel didactique. Par la suite, un document validé, regroupant une trentaine de scénarios d’apprentissage conformes aux exigences ministérielles du programme-cadre d’insertion sociale et professionnelle des jeunes, a été présenté en appel d’offres au Centre de transfert pour la réussite éducative du Québec, dont la mission est d’accroître la réussite éducative par la production, la diffusion et l’accompagnement d’instruments d’intervention adaptés aux utilisateurs en s’appuyant sur le transfert de résultats de recherches. Ainsi donc, ce sont des écrits et des résultats scientifiques qui sous-tendent les orientations et les choix pédagogiques à la base de l’outil pédagogique présenté ci-dessous.

2. Présentation de Clicfrançais

Ancrées dans des situations concrètes du monde du travail, les activités de Clicfrançais [www.clicfrancais.com] visent, de façon concomitante, à stimuler les élèves à l’apprentissage de la langue orale et écrite ainsi qu’à leur permettre de développer des habiletés favorisant leur intégration socioprofessionnelle, particulièrement au moment de leur stage. Elles rejoignent le cadre de l’approche orientante, puisqu’elles cherchent à intégrer des notions de français à des activités reliées à l’information, à l’orientation et à la formation professionnelles.

Les projets proposés poursuivent plusieurs buts en termes de participation, de responsabilisation et d’initiative chez l’élève. Ainsi, par son caractère interactif, l’outil pédagogique permet, d’une part, le développement d’une certaine autonomie chez l’élève, en le faisant cheminer à son propre rythme, selon une approche de pédagogie différenciée. Un soutien constant de la part de l’enseignant est toutefois recommandé. D’autre part, sur le plan pédagogique, les projets visent à éveiller une prise de conscience de l’utilité, à court ou à moyen terme, des apprentissages scolaires, notamment par l’engagement cognitif de l’élève pour une consolidation de ses acquis en français, par un transfert possible de ses apprentissages en situations authentiques de travail et par une attitude positive envers le milieu de travail lors des stages. Les différentes tâches en vue de l’acquisition de connaissances sont souvent à effectuer en milieu de travail, sous forme de cueillette d’informations, de lectures ou d’entrevues par exemple.

Ne prenant pas les technologies de l’information et de la communication (TIC) pour la panacée, ces tâches peuvent, dans la recherche de solutions aux difficultés des élèves, constituer un atout pour l’apprentissage : d’une part, parce qu’elles ont un fort pouvoir d’attraction chez les jeunes (Centre francophone d’informatisation des organisations, 2004) ; d’autre part, parce qu’elles peuvent constituer un facilitateur tant sur le plan affectif (augmentation de la motivation) que sur le plan cognitif (ajout d’un aspect dynamique au contenu, caractère interactif, autocorrection possible, rétroaction synchrone/asynchrone, outils de soutien, recours possible aux stratégies de lecture et d’écriture en mode synchrone, et illustrations). Par ailleurs, pour ce qui est de la motivation, les avis sont partagés. Desmarais (1998) et Harvey (1999) ont montré que l’utilisation des TIC peut contribuer à augmenter la motivation à l’apprentissage, alors que pour Karsenti, les TIC en elles-mêmes ne favorisent pas nécessairement la motivation ou le rendement scolaire (2003, p. 30). Selon Depover (Meunier, 1997), une bonne utilisation des TIC offre des avantages sur le plan de l’apprentissage individualisé, de l’adaptation au rythme et aux stratégies d’apprentissage de l’apprenant, des rétroactions sur mesure et de l’évaluation en cours d’apprentissage ; elles augmentent, selon Godard (1998), dans certains cas, la motivation à la lecture. Les TIC facilitent également les apprentissages sur le plan psychomoteur pour les élèves qui éprouvent des difficultés avec la motricité fine, la manipulation de la souris s’avérant plus simple qu’un crayon ou un stylo. Rappelons aussi que la maîtrise des compétences en lien avec les TIC constitue une exigence pour intégrer le marché du travail du 21e siècle.

2.1 Caractéristiques et contenus de l’outil

Selon la Société de développement de la main-d’oeuvre du Québec, les employés doivent démontrer une capacité à travailler en équipe, une habileté à communiquer oralement et par écrit, un désir d’apprendre, un sens des responsabilités, une certaine créativité, un esprit d’initiative, une flexibilité et une polyvalence. Considérant cette importance de préparer les jeunes aux exigences du monde du travail, nous avons mis de l’avant des stratégies pédagogiques en vue du développement des compétences d’employabilité. Nous avons préconisé une pédagogie par projets, qui maintient un équilibre entre les activités à faire seul, celles qui mènent à un produit commun et les travaux d’équipe. Les cours magistraux y ont aussi leur place. Une mise en situation collective amorce chaque activité, pour permettre le rappel des connaissances générales et langagières et pour susciter l’intérêt. Les consignes sont traitées en grand groupe afin de soutenir l’élève qui éprouve de plus grandes difficultés de compréhension. Le véhicule du courriel et du forum de discussion offre la possibilité de poser toutes les questions nécessaires à l’enseignant, sans que l’élève ne se sente jugé.

Par le choix de ses contenus et de ses orientations Clicfrançais s’inscrit dans les visées du Programme de formation de l’école québécoise (Ministère de l’Éducation du Québec, 2001) (Annexe), mettant l’élève au centre de ses apprentissages. Il touche plus particulièrement le domaine général Orientation et entrepreneuriat et le domaine des Langues, français langue d’enseignement. La centaine d’activités proposées rejoint l’une ou l’autre des neuf compétences transversales.

Les activités supposent que les employeurs soient prêts à s’investir dans la formation de base des jeunes, tel que le préconise le Renouveau pédagogique, en engageant la communauté extra-scolaire dans la formation des jeunes.

Projets pédagogiques - Clicfrançais propose plus de 50 activités d’apprentissage en ligne (auxquelles s’ajoutent une cinquantaine d’activités sur fiches reproductibles) visant la réalisation de trois projets pédagogiques : 1) Recherche d’emploi, 2) Mini-entreprise et 3) Magazine. Ce dernier est le fruit d’une communauté de pratique, nommée Réseau québécois de l’insertion sociale et professionnelle des jeunes, issue des échanges autour des deux premiers projets. Il est né après la première année d’utilisation et ne fait pas partie de l’évaluation dont il sera question.

Le projet Recherche d’emploi (Annexe 1) met en valeur la démarche complexe et dynamique à laquelle il faut préparer les jeunes pour leur insertion socioprofessionnelle. Ainsi, sont proposés des parcours visant le développement de plu-sieurs compétences : aider l’élève à mieux se connaître et à mieux connaître le marché du travail et ses exigences. Dans ce but, on y trouve des activités pour découvrir des valeurs recherchées par les employeurs, demander une carte d’assurance sociale, comprendre et choisir des offres d’emploi pertinentes, remplir un formulaire de demande d’emploi, rédiger une lettre de présentation et un curriculum vitae adapté à un poste convoité, comprendre un organigramme ou lire un chèque de paye.

Le projet Mini-entreprise (Annexe 2) s’inspire du succès des projets de création de mini-entreprises déjà existants dans certaines écoles secondaires. La participation à un tel projet peut être formatrice et motivante pour l’élève, puisque riche en expériences, en coopération et en créativité. En s’engageant dans le projet qui comprend 29 activités, l’élève est amené à participer à toutes les étapes, de l’idéation aux relations avec les clients, pour lesquelles Clicfrançais offre les outils nécessaires : donner ses idées, partager son opinion avec celles des autres, visiter une entreprise, rédiger des lettres destinées au directeur de l’école et à des commanditaires potentiels, inventer un slogan publicitaire, créer une affiche promotionnelle, gérer une caisse, interagir avec un client, etc.

Quant au projet Magazine, ses activités amènent l’élève à rédiger un texte et à contribuer à la création d’un magazine publié en ligne. Par cette voie, l’élève peut mieux se connaître et structurer son identité ; exploiter l’information (se l’approprier, en tirer profit) ; exercer son jugement critique (construire son opinion, exprimer son jugement et relativiser) ; écrire des textes variés (reportage, critique, chronique, entrevue, éditorial, poème, etc.) ; échanger avec d’autres personnes sur les productions réalisées et se familiariser avec des stratégies d’écriture présentées sous forme de capsules d’aide en mode interactif, auxquelles il peut recourir en tout temps.

Plusieurs outils, dont il sera question ci-dessous, permettent de soutenir l’élève, faible lecteur : cyberportfolio, carnet de notes, dictionnaire, stratégies d’apprentissage et d’autorégulation sous forme de bédé ou d’animation, messagerie et forum de discussion.

2.2 Outils d’accompagnement

Ils se divisent en trois catégories : les interfaces, les outils d’apprentissage et les outils d’enseignement.

Les interfaces • Trois interfaces ont été mises à la disposition des utilisateurs. La première interface, réservée à l’enseignant, inclut le dossier des élèves, la planification pédagogique (parcours d’apprentissage, guide d’accompagnement et carnet de notes) ; des outils de communication avec messagerie et forums et une section Aide incluant le fonctionnement du site avec possibilité d’envoyer un message au webmestre.

L’interface Élève regroupe les projets de classe ; le cyberportfolio (travaux réalisés, dictionnaire personnel et carnet de notes) ; les outils de communication, une section Publication et Aide pour dépanner sur le fonctionnement du site, pour donner des stratégies et des conseils.

Quant à l’interface Administrateur, elle contient les demandes d’inscription ; les outils de communication, la création et la gestion des comptes d’accès et un questionnaire d’évaluation (voir Annexe 2) servant d’outil de suivi.

Les outils d’apprentissage • Chaque élève possède sa page d’accueil personnalisée. Le portfolio d’apprentissage inclut les travaux terminés, un carnet de notes en ligne et un dictionnaire personnel géré par l’élève. Au cours des étapes d’un projet, l’élève qui recherche une définition peut cliquer sur des mots du vocabulaire courant ou sur ceux qui sont liés au monde du travail. Il peut ainsi réaliser son dictionnaire personnalisé en choisissant d’y inclure ces mots. Deux moyens de communication sont proposés à l’élève : une messagerie interne, qui le met en contact avec tous les élèves et les enseignants de sa classe inscrits au site, et un forum de discussion réservé à l’école, qui permet des échanges enrichissants entre les élèves et les enseignants. Afin de valoriser les efforts des jeunes, un espace géré par l’enseignant permet la publication de certains travaux. Avec l’approbation du jeune ou à sa demande, l’enseignant peut décider de rendre publics certains travaux qui servent d’exemples aux autres, tant par la qualité du contenu ou de la présentation que par l’effort fourni par l’élève.

Enfin, dans la section Aide, l’élève trouvera du soutien sur le fonctionnement du site. Dans une banque, il pourra également puiser des stratégies, par exemple en lecture et écriture, et des conseils qui lui seront utiles au cours de la réalisation des projets.

Les outils d’enseignement • Finalement, des outils de soutien sont proposés aux enseignants pour faciliter la gestion des dossiers des élèves et le suivi de leur cheminement dans le site. Une section facilitant sa planification pédagogique inclut le guide d’accompagnement, le carnet de notes et l’accès aux activités d’apprentissage comme elles sont présentées à l’élève. Quant aux espaces de communication, un forum réunit tous les enseignants inscrits au site, un autre est réservé à l’école où l’enseignant peut animer des discussions avec ses élèves ainsi qu’une messagerie privée. Des outils d’assistance, tels que le fonctionnement du site, le soutien pédagogique et le support technique offert par le webmestre sont prévus.

Avec ce tour d’horizon des différentes composantes de l’outil pédagogique en ligne, nous espérons faire ressortir que Clicfrançais a été conçu non seulement pour répondre aux besoins des élèves sur le plan du soutien à l’apprentissage, mais aussi comme aide aux enseignants, novices avec les TIC dans certains cas, ou à court de matériel.

Comme les réalisations sont soumises à une évaluation périodique par le Centre de transfert pour la réussite éducative du Québec, nous rapportons dans la prochaine section les résultats d’une évaluation de l’outil pédagogique, effectuée au cours des premiers mois de sa mise en ligne.

3. Résultats

L’évaluation de Clicfrançais réalisée auprès de ses utilisateurs, élèves et enseignants, vise à mesurer l’efficacité de l’outil, le niveau de satisfaction des utilisateurs et son impact. Deux questionnaires d’évaluation (version enseignant/élève) ont été utilisés pour la collecte des données.

Rappelons que les projets du Centre de transfert pour la réussite éducative du Québec visent à favoriser la réussite éducative et à lutter contre l’échec et l’abandon scolaires. Pour ce faire, les réalisations financées doivent s’inscrire dans les objectifs visés, être adaptées aux clientèles ciblées, servir effectivement à celles-ci, répondre aux besoins des utilisateurs et avoir un impact réel sur eux. Quant à ses outils, le Centre de transfert pour la réussite éducative du Québec s’est doté d’un cadre d’évaluation guidé et orienté par huit critères, regroupés en trois catégories (Landry, 2005, p. 10) (Annexe) dont les questionnaires sont inspirés. Ceux-ci restent disponibles en tout temps sur le site.

Le questionnaire d’évaluation destiné aux enseignants comporte 21 énoncés répartis dans les catégories : 1) atteinte des objectifs, 2) niveau de satisfaction et 3) impact de l’outil. Une échelle de réponse de type Likert à six gradations allant de Totalement en accord à Totalement en désaccord est utilisée. Sept enseignants de sept écoles secondaires y ont répondu. Pour la version élève, 21 énoncés sont également présentés avec une échelle de Likert à quatre gradations allant de Totalement d’accord à Totalement en désaccord. Vingt-six élèves (17 garçons et neuf filles) de neuf écoles secondaires y ont participé.

Dans les deux cas, seuls les 17 premiers énoncés ont été analysés, les quatre autres concernant l’utilisation des TIC et non le contenu de Clicfrançais.

3.1 Efficacité

Tableau 1

Atteinte des objectifs selon les enseignants (n = 7)

Atteinte des objectifs selon les enseignants (n = 7)

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L’évaluation de l’efficacité permet de vérifier dans quelle mesure le produit a atteint ses objectifs. Une évaluation du produit permettra de juger de son contenu, de sa forme, de sa qualité et de sa diffusion, entre autres par la mesure de la satisfaction de la clientèle (Landry, 2005, p. 9).

3.1.1 Atteinte des objectifs

Les réponses indiquent que les enseignants sont totalement d’accord (4) ou assez d’accord (3) avec l’énoncé 1 : Le site répond à un besoin en matériel pédagogique adapté aux caractéristiques des élèves. Questionnés sur le dynamisme, l’interactivité et l’attrait du site et de son contenu pédagogique (énoncé 2), les enseignants se disent totalement d’accord (3) ou assez d’accord (4). À l’énoncé 4, Le site développe des habiletés de préparation et d’intégration au marché du travail chez les élèves, six enseignants sur sept sont totalement d’accord ou assez d’accord, un seul étant un peu d’accord. Nous croyons avoir là un appui à une de nos visées premières, l’intégration des compétences de préparation au monde du travail dans les matières de base. Enfin, à des degrés divers, les enseignants sont d’accord pour dire que le site contribue à motiver les élèves à l’apprentissage du français (énoncé 3) : deux enseignants sont totalement d’accord, un est assez d’accord et quatre sont un peu d’accord. Toutefois, dans les commentaires transmis par les enseignants qui se sont prononcés comme un peu d’accord, on lit : Jusqu’à maintenant, les commentaires des élèves sont très positifs […] Un bon degré de compréhension en lecture est nécessaire pour une bonne motivation. Certains élèves ayant de plus grandes difficultés se découragent plus rapidement. Ces commentaires nous font penser que le degré de difficulté reliée à la lisibilité de certaines consignes ou de certains textes fait obstacle à la motivation.

Tableau 2

Atteinte des objectifs selon les élèves (n = 26)

Atteinte des objectifs selon les élèves (n = 26)

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Quant aux élèves, à l’énoncé 1 Les activités proposées dans Clicfrançais me plaisent, elles sont dynamiques et interactives, 9/26 (30 %) se disent totalement d’accord ou 15/26 (55 %), assez d’accord ; deux d’entre eux ne semblent pas d’accord avec l’énoncé. À l’énoncé 4 visant à vérifier la prise de conscience de l’utilité des apprentissages scolaires pour mieux se préparer à leur futur emploi, réalisés dans Clicfrançais, 13/26 (50 %) sont totalement d’accord ou 11/26 (40 %), assez d’accord. Deux n’y ont toutefois pas trouvé d’intérêt. Sachant que les jeunes de cet âge, particulièrement la population de ces programmes, ont de la difficulté à se dessiner un projet d’avenir, il se pourrait que le choix d’un futur emploi ne soit pas encore arrêté. Les activités de découverte (mieux se connaître, explorer des métiers, etc.) proposées dans Clicfrançais cherchent précisément à aider les élèves dans cette démarche. Lorsqu’il est question d’aimer réaliser des projets à l’ordinateur (énoncé 2), 21/26 (77 %) se prononcent totalement d’accord ou 4/26 (11 %), assez d’accord. Enfin, la moitié (13/26) se disent totalement d’accord et 7/26 (26 %), assez d’accord avec l’énoncé 3 : Je me sens plus motivé(e) à apprendre quand j’utilise Clicfrançais. Par contre, six élèves ne semblent pas plus motivés. Cette réponse rejoint celle des enseignants sur le même objet. Plusieurs explications peuvent être évoquées, soit le degré de difficulté trop élevé des tâches demandées, soit le sentiment de faible compétence ou le manque d’intérêt, voire l’absence d’engagement, de l’élève dans son apprentissage.

3.1.2 Niveau de satisfaction

Six enseignants sur sept sont totalement d’accord ou assez d’accord pour affirmer que le contenu du site est bien adapté aux élèves (énoncé 5). Les enseignants se déclarent totalement d’accord (1) ou assez d’accord (6) sur le fait que les contenus d’apprentissage proposés sont pertinents et de qualité et que le guide d’accompagnement appuie adéquatement (2/7, totalement d’accord ; 5/7, assez d’accord) les activités du site et la démarche pédagogique proposée (énoncés 6 et 7).

Tableau 3

Niveau de satisfaction selon les enseignants (n = 7)

Niveau de satisfaction selon les enseignants (n = 7)

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Par contre, en ce qui concerne l’énoncé 8, même si quatre enseignants sont totalement d’accord (2) ou assez d’accord (2) avec l’énoncé, trois des sept enseignants se disent un peu d’accord avec le fait que les projets s’insèrent bien dans le contexte de la classe, dans le respect des objectifs du ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport, et du temps accordé pour atteindre les compétences visées. Le temps d’adaptation qu’exige tout nouvel outil ainsi qu’une familiarisation avec son contenu et son utilisation pour une meilleure intégration dans les projets de classe habituels ne seraient-ils pas une explication plausible à la réponse mitigée de ces derniers ?

Les enseignants se disent satisfaits de l’ergonomie et de la convivialité du site. À l’énoncé 10, Il est facile de naviguer dans le site, un enseignant indique qu’il est totalement d’accord ; les six autres sont assez d’accord. De plus, lorsqu’on leur demande de se prononcer sur la simplicité d’utilisation des multiples fonctionnalités du site (messagerie, forums, carnet de notes, révision et publication des travaux, etc.) (énoncé 9), deux enseignants se déclarent totalement d’accord ; deux, assez d’accord ; deux, un peu d’accord et un, un peu en désaccord. Ces réponses dépendent, à notre avis, en partie, du degré de familiarité des utilisateurs avec les technologies.

La qualité visuelle du site (attrayant, agréable et harmonieux) est appréciée par les sept enseignants (énoncé 11) : quatre sont totalement d’accord et trois assez d’accord.

Dans son ensemble, le site est apprécié par les enseignants (énoncé 13) : six enseignants sur sept affirment être satisfaits totalement (2), ou assez (4) de l’intérêt, de l’utilité et de l’originalité du site ; un seul ne semble pas de cet avis, mais nous n’avons recueilli aucun commentaire. Ils illustrent leur appréciation générale du site par un pourcentage allant de 75 % à 90 %, avec une moyenne générale de 81 %.

Quant à l’énoncé 12, il n’est pas commenté parce qu’il ne concerne pas spécifiquement l’outil pédagogique.

Tableau 4

Niveau de satisfaction selon les élèves (n = 26)

Niveau de satisfaction selon les élèves (n = 26)

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Dix-sept des 26 sujets sont totalement d’accord et neuf (34,6 %), assez d’accord avec l’énoncé 5 : le choix des projets semble donc adéquat et correspondre à leurs intérêts. Ces résultats sont appuyés par les réponses à l’énoncé 6, puisque 11 des 26 élèves se disent totalement d’accord et 12, assez d’accord, pour croire que les deux projets sont utiles. Rappelons que, pour Viau (1994), la perception positive de la valeur d’une tâche peut contribuer à la motivation à apprendre. Par contre, il ne faut pas négliger les trois répondants qui ne s’intéressent pas ou peu aux deux projets. S’agit-il d’un manque d’intérêt général ou plutôt spécifique aux deux thèmes suggérés ? Dans une prochaine évaluation, il nous faudra donc ajouter une question pour connaître les raisons de ce manque d’intérêt.

Les élèves partagent l’avis des enseignants sur l’ergonomie et la convivialité du site (énoncé 9) : 21 sont totalement d’accord et quatre, assez d’accord. Aussi, ont-ils de la facilité à utiliser les fonctionnalités du site (messagerie, forum, dictionnaire personnel, etc.) (énoncé 11). Pas étonnant, si l’on se fie à une enquête menée par le Centre francophone d’informatisation des organisations (2004), qui rapporte que 88 % des adolescents de 12 à 17 ans sont des fervents du Net et qu’ils y consacrent environ huit heures/semaine. Pour leur part, 18 élèves sont totalement d’accord et huit, assez d’accord, avec l’énoncé 10 : Les textes sont faciles à lire et je les comprends bien.

Chez les élèves, 13 se disent totalement d’accord et 11 (42 %), assez d’accord avec l’énoncé 7 : J’ai trouvé les étapes du projet faciles à réaliser. Toutefois, deux d’entre eux ne sont pas de cet avis : la réalisation ne leur semble donc pas si évidente. Ne s’agirait-il pas de mettre ces réponses en relation avec l’énoncé précédent ?

Douze élèves sont totalement d’accord et 12, assez d’accord, pour apprécier les couleurs du site et les illustrations. Rappelons que les couleurs du site et le concept des personnages (illustrations) (énoncé 8) ont été choisis par une classe d’élèves en insertion sociale et professionnelle des jeunes.

Enfin, 25 des 26 élèves sont totalement d’accord (10) ou assez d’accord (15) pour dire que, de façon générale (énoncé 12), ils aiment Clicfrançais.

3.2 Impact de l’outil

L’impact se mesure par son effet sur la clientèle visée (Landry, 2005, p. 9). Il peut être de deux ordres : direct ou hors cibles. Les réponses des enseignants et des élèves ne concernent pas les effets hors cibles.

À l’énoncé 14, Le site est un apport significatif à l’amélioration ou au renouvellement des pratiques d’enseignement en ISPJ, les avis sont favorables, avec quatre enseignants totalement d’accord et trois assez d’accord. À l’énoncé 15, L’utilisation de cet outil pour l’enseignement du français a fait hausser le taux de motivation pour son apprentissage chez vos élèves, un enseignant s’est déclaré totalement d’accord ; trois enseignants, assez d’accord et trois enseignants, un peu d’accord. Cette dernière donnée confirme que l’intégration des TIC ne suffit pas à augmenter la motivation (Karsenti, 2003 : voir Pellerin, 2005, p. 70 ; Viau, 1999) et que d’autres facteurs personnels liés aux perceptions de soi et de la compétence, de la valeur de la tâche et aux échecs antérieurs peuvent influencer. Par contre, les points de vue de six enseignants sont positifs (deux, totalement d’accord ; quatre, assez d’accord) quant à l’intérêt suscité chez les élèves.

Tableau 5

Impacts de l’outil selon les enseignants (n = 7)

Impacts de l’outil selon les enseignants (n = 7)

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Tableau 6

Impacts de l’outil selon les élèves (n = 26)

Impacts de l’outil selon les élèves (n = 26)

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Parmi les 26 élèves, la moitié se sont prononcés comme totalement d’accord et 10 (37 %), assez d’accord avec l’énoncé 13 : Depuis que je participe à Clicfrançais, j’ai amélioré mes connaissances et mes habiletés en français. Même si nous ne pouvons localiser cette amélioration, nous croyons qu’une telle prise de conscience peut susciter une perception positive et favoriser l’apprentissage. À l’énoncé 14, Depuis que je participe à Clicfrançais, j’ai augmenté mes connaissances sur le monde du travail (ses exigences, ses possibilités…), 11 sujets se disent totalement d’accord et 12, assez d’accord, contre deux, totalement en désaccord, et qui n’en auraient donc pas tiré profit. Rappelons que ces deux énoncés concernent les deux cibles prioritaires à l’origine de l’élaboration de l’outil didactique, qui résultent des données de recherche.

Quant à l’énoncé 15, Depuis que je participe à Clicfrançais, je me connais mieux (mes intérêts, mes compétences, mes habiletés d’employabilité…), huit répondants se disent totalement d’accord et 13, assez d’accord. Par contre, cinq d’entre eux ne semblent pas avoir trouvé satisfaction par rapport à cet aspect.

À l’énoncé 16, J’ai le goût de faire des activités en français dans Clicfrançais, 10 sont totalement d’accord et 13, assez d’accord. Quatre sujets ne semblent pas trouver le goût de faire les activités (assez en désaccord). Ces réponses terminent l’analyse des données.

4. Discussion

En ce qui concerne l’atteinte des objectifs, enseignants et élèves ont généralement répondu favorablement. Il appert que cet outil didactique en ligne répond à un besoin, problème traité au début de l’article. Le contenu semble correspondre aux intérêts des jeunes auxquels il est destiné. Lors d’une première pré-expérimentation en 2003 sur les contenus pédagogiques du projet Recherche d’emploi, les commentaires de cinq enseignants en Insertion sociale et professionnelle des jeunes faisaient déjà état de la pertinence des projets et de leur intérêt à utiliser ce produit. À titre complémentaire, ces opinions sont appuyées par des commentaires d’autres enseignants qui ont visité et utilisé le site durant la même période sans avoir rempli le questionnaire :

  • J’ai eu l’occasion de parcourir l’ensemble pédagogique Clicfrançais, à l’intention des étudiants du secondaire, notamment ceux inscrits en ISPJ. Je suis épatée, non seulement par la pertinence des scénarios et activités, mais également par leur richesse et leur rigueur. (H. B., orthopédagogue)

  • Enfin, un nouvel outil pour soutenir l’intérêt des jeunes ! (J. S., enseignante en ISPJ)

  • Merci pour ce site qui a capté l’intérêt des élèves en début d’année et qui montre le sérieux du marché du travail […] Au plaisir de continuer l’année 2005-2006 ! (P. L., enseignant en ISPJ)

Par contre, en ce qui concerne la motivation pour apprendre le français, la partie n’est pas gagnée, même si les commentaires de la plupart des élèves sont favorables. En effet, 23 % des élèves (tous des garçons) ne le sont pas davantage. Rappelons que nous avons effectué l’évaluation avant qu’un projet complet ne soit réalisé. Toutefois, nous sommes conscientes que l’effet peut jouer dans l’autre sens : la nouveauté de l’outil, en ligne par surcroît, peut avoir suscité un enthousiasme qui risque de se perdre à l’usage.

Quant au degré de satisfaction, l’ensemble des réponses reliées au contenu et à la forme est positif. Comme nous l’avons rapporté plus tôt, le choix des contenus et celui de leur organisation ont été guidés par nos recherches antérieures, par une évaluation de la part des enseignants ainsi que par des critères pédagogiques s’inscrivant dans les orientations ministérielles. Lors de la modélisation des activités, dans la mesure du possible, nous avons tenté de respecter les caractéristiques citées par Viau (1999, p. 19) pour créer des activités motivantes (signifiantes, diversifiées, intégrées dans un projet global, représentant un défi, responsabilisant l’élève, exigeantes sur le plan cognitif, collaboratives, et dotées de consignes claires). Enfin, la qualité visuelle a été assurée par une firme informatique spécialisée.

Quant à l’impact, les avis des élèves et des enseignants convergent pour ce qui est de l’amélioration des habiletés de préparation au travail. Nous faisons l’hypothèse qu’il reste à tisser un lien entre les observations des enseignants sur l’intérêt chez les élèves et ces derniers qui se disent assez d’accord que leurs connaissances en français et sur le monde du travail se sont améliorées. N’aurait-on pas là atteint un des objectifs premiers du programme d’insertion socioprofessionnelle ?

5. Conclusion

À la suite d’un travail intensif en partenariat, soutenu par une équipe dynamique et engagée pour la réussite des jeunes à risque d’échec scolaire et social, nous osons croire que l’outil pédagogique Clicfrançais contribue, à sa manière et modestement, à la réussite de certains élèves, de par la réponse qu’il a pu offrir jusque-là à certains besoins concernant les connaissances du monde du travail et les apprentissages de base, ainsi qu’à ceux de leurs enseignants en matière de support pédagogique. Issue d’un transfert de résultats de recherches, cette réalisation constitue un exemple de rapprochement possible entre le monde universitaire et le milieu scolaire, auquel les élèves ont collaboré grâce à la validation de certaines activités, à leur participation au choix des couleurs, des personnages et du nom du site.

Selon les statistiques relevées entre avril 2004 et novembre 2006, 1 061 enseignants et 2 502 élèves ont été inscrits sur le site. Certains d’entre eux l’exploitent intégralement, d’autres partiellement. D’ailleurs, le nombre d’inscrits dépasse largement les objectifs fixés par le Centre de transfert pour la réussite éducative du Québec, soit de rejoindre 10 % de la clientèle cible. Lors de sa conception, Clicfrançais visait les élèves âgés de 16 à 18 ans inscrits aux divers programmes adaptés (Insertion sociale et professionnelle des jeunes, Centres de formation en entreprise et récupération, Alternance études-travail). Or, depuis sa mise en ligne, la clientèle s’est élargie. En effet, Clicfrançais rejoint également les jeunes et les adultes en insertion socioprofessionnelle des Carrefours Jeunesse-emploi (CJE), des centres d’éducation des adultes (CEA) et des centres d’alphabétisation et d’insertion. Au Québec, de plus en plus d’élèves de 15 ans et moins sont inscrits au site ; en Ontario, des enseignants assurant les cours de pré-emploi dispensés aux allophones ou à des décrocheurs potentiels utilisent le site ; au Nouveau-Brunswick, ce sont les personnes chargées d’intégrer l’approche orientante qui exploitent le site avec leurs élèves des classes ordinaires.

Rappelons également que l’exploitation de Clicfrançais a eu un impact hors cible par la mise sur pied d’une communauté de pratique, le Réseau québécois de l’insertion sociale et professionnelle des jeunes, dont les échanges sont nombreux (partage d’outils, inventaire de ressources, et bulletin d’informations).

Par contre, malgré l’accroissement constant du nombre d’utilisateurs depuis le lancement du site, malgré les commentaires favorables, lors d’ateliers et de présentations, ainsi que la reconnaissance engendrée par deux mérites de 2e prix lors de concours, tant pour la qualité du contenu pédagogique que celle de l’outil technologique, il faut signaler des limites à cet outil.

La première concerne le nombre restreint d’utilisateurs qui constituent notre échantillon pour l’analyse ici rapportée et le moment auquel a été rempli le questionnaire, soit vers la fin d’un premier projet. La deuxième, dont nous avons à nous préoccuper sur le plan pédagogique, concerne le degré de difficulté soulevé quant à la lisibilité des textes ou des consignes, pour des élèves qui ont des troubles d’apprentissage. À cet égard, il faut préciser que le seuil de difficulté des textes a été fixé en considérant les capacités moyennes des élèves ciblés. Il faudra sans doute penser à différencier davantage certaines activités, à suggérer à l’enseignant d’adapter le matériel ou à offrir à l’élève des consignes et des textes en ligne sur support audio. Cependant, les nombreux outils d’aide intégrés (capsules d’aide sur les stratégies) peuvent soutenir le mauvais lecteur dans ses démarches. L’aide des pairs est aussi valorisée dans plusieurs activités pour faire progresser l’élève.

Finalement, et nous ne voulons pas considérer cela comme une limite mais davantage comme un défi, il reste à assurer une pérennité à Clicfrançais, où le dynamisme du site (ajouts de contenus, bonifications, nouveautés, support technique et pédagogique régulier, suivi et gestion, etc.) est synonyme d’intérêt, d’efficacité et de continuité. Pour garder le site en circulation, il faudra également prévoir des activités d’accompagnement dans le milieu.

Pour conclure, revenons sur l’expérience de transfert de connaissances. Celle-ci représente des contraintes, dont celles soulevées par Potvin (2005) : le cheminement de négociation pour délimiter le terrain de compétences et les rôles de chaque partie est assez long. Aussi, tout stimulant qu’il soit, le projet s’avère très coûteux en temps pour le chercheur qui n’a que peu de reconnaissance pour ce type de contribution de la part de l’institution universitaire. Tout chercheur universitaire doit savoir que le transfert est le passage du leadership dans un projet de recherche, au partage et au partenariat. Il faut accepter que la connaissance expériencielle doit être partagée avec les connaissances scientifiques et se rapprocher des besoins du milieu (Potvin, 2005).

Nous sommes d’avis que Clicfrançais, issu des recherches, apporte une contribution à l’insertion des jeunes dans la société en leur offrant des outils d’aide à l’apprentissage de base de la langue, passeport pour leur réussite.