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Introduction

Au cours des dernières années, plusieurs chercheurs en motivation scolaire se sont intéressés aux buts que poursuivent les élèves en situation d’apprentissage. Les résultats de ces travaux ont mené à plusieurs formulations théoriques ayant toutes pour objectif d’identifier les orientations que prennent les élèves et d’examiner les relations entre ces orientations et l’engagement et la persévérance scolaires. Ainsi, certains auteurs ont trouvé que plusieurs élèves sont orientés vers les tâches scolaires (task involved) alors que d’autres placent leur propre personne au centre de leurs préoccupations (ego involved) (Nicholls, 1984, 1992). D’autres théoriciens, par contre, opposent orientation vers l’apprentissage et orientation vers la performance (Dweck, 1986 ; Dweck et Legett, 1988), alors que certains préfèrent parler d’élèves centrés sur la maîtrise ou centrés sur l’habileté (Ames, 1984). Cependant, les relations conceptuelles convergentes entre les concepts d’orientation vers les tâches, l’apprentissage ou la maîtrise et entre les concepts d’orientation vers l’ego, la performance ou l’habileté ont mené, au cours des années, à l’intégration des différentes perspectives (Ames, 1992 ; Ames et Archer, 1988). Maintenant, la majorité des auteurs parlent de buts de maîtrise et de buts de performance.

Le type de buts d’accomplissement poursuivis par les élèves suppose un ensemble de processus cognitifs qui ont des conséquences cognitives, affectives et comportementales. Ainsi, les élèves qui poursuivent principalement des buts de maîtrise sont orientés vers le développement de nouvelles habiletés, la compréhension des contenus abordés et l’amélioration de leur niveau de compétence (Ames, 1992). Ces élèves cherchent habituellement à atteindre un sentiment de maîtrise selon des références personnelles, comme l’atteinte d’objectifs d’apprentissage qu’ils se sont donnés, et ils éprouvent généralement un intérêt intrinsèque pour les contenus d’apprentissage. Les élèves qui poursuivent ce type de buts sont, en particulier, enclins à considérer que la réussite fluctue avec l’effort (Ames et Archer, 1988 ; Nicholls, 1992). Par contre, les élèves orientés vers des buts de performance sont surtout préoccupés par l’image sociale qu’ils projettent. Ces élèves cherchent à être jugés « capables » en performant mieux que les autres ou à réussir en investissant peu d’efforts. En conséquence, ils valorisent le rendement normatif et ont tendance à expliquer le succès ou l’échec par les aptitudes plutôt que par le travail et l’effort (Ames, 1992). Pour ces élèves à la recherche de la reconnaissance sociale, l’apprentissage n’est qu’un moyen d’atteindre le but désiré (Nicholls, 1992).

Cela dit, certains auteurs rapportent, depuis plusieurs années déjà, que l’effet des buts de performance varie selon les perceptions de soi. Ainsi, Ames (1992) soutient que les élèves qui entretiennent des perceptions négatives de compétence et de contrôle ainsi que des buts de performance élevés ont tendance à adopter des comportements d’évitement en situation d’apprentissage. Par ailleurs, Bouffard, Boisvert, Vezeau et Larouche (1995) ont montré que les buts de maîtrise et de performance ne sont pas nécessairement mutuellement exclusifs et que le désir d’atteindre un haut niveau de rendement n’est pas toujours incompatible avec la poursuite de buts de maîtrise élevés. En conséquence, certains auteurs distinguent maintenant trois types de buts scolaires : les buts de maîtrise, les buts de performance et les buts d’évitement (Bouffard, Vezeau, Romano, Chouinard, Bordeleau et Filion, 1998). Les élèves poursuivant des buts d’évitement cherchent à minimiser l’impact négatif de l’échec sur l’estime de soi. Pour ces élèves, les efforts déployés durant l’exécution d’une tâche indiquent un manque d’habileté. Ils tendent donc à travailler le moins possible, à valoriser le succès facile et à viser tout juste la note de passage (Ames, 1992 ; Bouffard et al., 1998).

Quelles que soient les catégorisations théoriques (formulations), les résultats des études empiriques sur le sujet ont maintes fois montré la pertinence heuristique du concept de buts quand il s’agit de comprendre l’engagement, la persévérance et le rendement scolaires (Ames et Archer, 1988; Bouffard, Boisvert, Vezeau et Larouche, 1995 ; Chouinard et Fournier, 2002 ; Dweck, 1986 ; Meece, Blumenfeld et Hoyle, 1988 ; Miller, Behrens, Greene et Newman, 1993). Particulièrement, les buts de maîtrise seraient associés à plusieurs variables motivationnelles médiatrices de l’apprentissage autorégulé. Ainsi, Ames et Archer (1988) rapportent que les élèves du secondaire qui accordent plus d’importance à la maîtrise des contenus recourent davantage aux stratégies d’apprentissage et préfèrent les tâches représentant un défi élevé. Pour leur part, Meece, Blumenfeld et Hoyle (1988) relèvent que les élèves du primaire qui ciblent des buts de maîtrise élevés montrent plus d’engagement cognitif que ceux qui visent en priorité la reconnaissance sociale, l’approbation de l’enseignant [1] ou l’évitement du travail. Ces élèves entretiennent des attitudes plus positives envers l’école et manifestent une conviction plus grande que le succès dépend surtout de l’effort investi (Ames, 1992). En conséquence, ces élèves n’hésitent pas à prendre des risques et ils font montre de plus d’engagement et de plus de persévérance quand ils rencontrent des difficultés en classe (Pintrich et Schrauben, 1992).

Par ailleurs, plusieurs résultats de recherche suggèrent aussi que les buts des élèves varient en fonction de l’environnement scolaire et dépendent en partie aussi de la façon dont chaque élève construit la réalité (sociale) de la classe. Ainsi, dans un environnement scolaire où l’accent est mis sur la comparaison sociale, les élèves sont portés à croire que le succès est la conséquence des aptitudes. Au contraire, lorsque l’accent est mis sur l’amélioration personnelle des compétences, les élèves croient plutôt que le succès est tributaire de l’effort et du recours aux stratégies d’apprentissage (Ames et Archer, 1988). Dans le même ordre d’idées, certaines pratiques pédagogiques auraient pour effet d’augmenter les buts de maîtrise des élèves alors que d’autres auraient plutôt pour conséquence de diminuer ce type de buts. En ce sens, Ames et Archer (1988) et Ames (1992) rapportent que les enseignants qui définissent le succès en termes de progrès personnels, qui mettent l’accent sur l’effort et le dépassement de soi, qui s’intéressent aux apprentissages des élèves et qui présentent l’erreur comme une composante normale du processus d’apprentissage influencent positivement la poursuite de buts de maîtrise chez leurs élèves. Par contre, et toujours selon les mêmes auteurs, les enseignants qui définissent essentiellement le succès par les notes, qui mettent l’accent avant tout sur le dépassement des autres, qui s’intéressent au rendement des élèves et qui présentent l’erreur comme un indicateur de difficulté nuisent au maintien de buts de maîtrise élevés chez leurs élèves et encouragent l’apparition de buts d’évitement.

Dans cette perspective, les recherches menées au cours des vingt-cinq dernières années ont montré que les élèves qui recevaient un enseignement qui leur permettait d’organiser leurs apprentissages, de gérer des processus de résolution de problèmes et d’apprendre à partir des échanges avec les autres élèves obtiennent les meilleurs résultats sur les plans de l’adaptation sociale et de la réussite scolaire (Bear, 1998 ; Cameron, 1998). De plus, il est établi depuis longtemps qu’une relation chaleureuse accroît l’influence de l’enseignant en agissant comme support et renforcement dans les buts d’apprentissage de l’élève. Parallèlement à ces recherches, d’autres études ont mis en évidence l’importance de la personnalité et de l’attitude de l’enseignant comme éléments facilitateurs des bonnes dispositions de l’élève en classe (Fallu et Janosz, sous presse ; Maertens et Bowen, 1996). Ces recherches ont montré, en outre, que l’attitude chaleureuse devait s’accompagner d’un climat où règne l’organisation et des activités orientées vers les tâches scolaires chez des enseignants qui croient qu’ils peuvent influencer favorablement le rendement de l’élève et permettre à son potentiel de s’exprimer (Brookover, Beady, Flood, Schweitzer et Wisenbaker, 1979).

Dans la même veine, les travaux de Goodenow (1993) et de Welhage et collaborateurs (Wehlage, Rutter, Smith, Lesko et Fernandez, 1989) ont montré que, lorsque les élèves se sentent soutenus par leurs pairs et les adultes dans leur milieu d’apprentissage (école) et qu’ils s’identifient (ou sentent qu’ils sont intégrés) à ce milieu, ceux-ci tendent à accorder plus de valeur aux apprentissages à réaliser (Eccles, Wigfield et Schiefele, 1998). Pour Goodenow (1993), ces éléments sont à la base de ce qu’il est convenu d’appeler le climat ou le sentiment d’appartenance à l’école. Des études récentes (Boily, 2002 ; Boily et Bowen, en préparation ; Boily, Bowen et Janosz, soumis ; Janosz, Georges et Parent, 1998) indiquent très clairement les liens entre le sentiment/climat d’appartenance et la qualité des rapports sociaux entre les pairs à l’école. Dans une visée socioconstructiviste, le climat relationnel entre les élèves, à l’instar d’une bonne relation avec l’enseignant, constituerait un élément important de l’adaptation scolaire (Berndt et Keefe, 1996; Eccles, Wigfield et Schiefele, 1998 ; Walters et Bowen, 1997 ; Wentzel et Caldwell, 1997).

Par ailleurs, les nombreuses recensions des écrits portant sur les conditions qui facilitent la gestion disciplinaire du groupe-classe et, par le fait même, les conditions d’apprentissage mettent en évidence un certain nombre de pratiques (Martineau, Gauthier et Desbiens, 1999), parmi lesquelles figurent l’organisation et l’instauration des règles de fonctionnement permettant un déroulement efficace et une attention soutenue à l’égard de la tâche (par exemple, expliquer clairement les exigences du travail ; communiquer efficacement les consignes ; présenter du matériel nouveau et intéressant ; favoriser des rétroactions efficaces ; etc.).

Nous ne pouvons, par ailleurs, passer sous silence le rôle des pratiques évaluatives sur la motivation scolaire. Ames (1992) souligne, à cet égard, le rôle tant positif que négatif que peuvent jouer les pratiques d’évaluation sur la motivation de l’élève. Dans le même ordre d’idées, d’autres auteurs (Gottfredson et Gottfredson, 1985 ; Janosz et Leclerc, 1993 ; Walker, Colvin et Ramsey, 1995) ont insisté sur l’importance pour l’élève de développer le sentiment ou la perception d’être traité équitablement par les membres du personnel de l’école lorsque ceux-ci appliquent les règles en vigueur. Si cette dimension apparaît particulièrement importante pour la gestion disciplinaire des comportements en termes de climat de justice (Janosz, Georges et Parent, 1998), nous pouvons penser qu’un tel sentiment/climat de justice se construit également en partie de la satisfaction de l’élève envers les pratiques évaluatives de ses enseignants.

L’ensemble des pratiques éducatives que nous venons de décrire repose entre autres sur une formation pertinente de l’enseignant, un soutien adéquat de son milieu professionnel, une volonté d’engagement auprès des élèves, ainsi qu’un sentiment de satisfaction globale de l’enseignant à l’égard de son travail (Fullan, 2001). L’ampleur du dynamisme d’un enseignant ou son niveau d’engagement positif à l’égard de sa tâche est un élément que les élèves, même les plus jeunes, sont capables de percevoir et de sentir. La nature précise des liens entre le niveau d’engagement de l’enseignant et les différentes dimensions de la motivation de l’élève demeure, cependant, encore peu connue. Comme nous venons de le voir, l’environnement dans lequel s’effectue l’apprentissage exerce, de multiples façons, une influence significative sur les buts de maîtrise et de performance des élèves. En fait, l’environnement pédagogique pourrait même modérer l’effet débilitant des perceptions négatives de soi et venir compenser le faible niveau d’estime de soi des élèves en difficulté (Ames, 1992). Toutefois, nos connaissances sur la portée de l’environnement scolaire sur la motivation des élèves demeurent parcellaires. En effet, plusieurs des études sur le sujet ont été menées en laboratoire et présentent une validité externe incertaine. Par ailleurs, la majorité des recherches en milieu naturel se sont intéressées à examiner l’effet des pratiques pédagogiques des enseignants sans toutefois porter une attention particulière à l’ensemble du climat scolaire. Peu de recherches à ce jour ont tenté d’explorer l’effet global de l’environnement scolaire, incluant à la fois les climats scolaires et les pratiques d’enseignement, sur la poursuite des buts d’apprentissage (Eccles, Wigfield et Schiefele, 1998). Ainsi, outre l’analyse traditionnelle des pratiques, il conviendrait de prendre en compte certaines variables comme le dynamisme (la motivation) de l’enseignant, le climat éducatif, le sentiment d’appartenance, le climat de justice, le climat relationnel ainsi que le soutien du personnel de l’école à l’endroit de l’élève.

Jusqu’à maintenant, une telle entreprise s’est butée non seulement à des problèmes d’ordre méthodologique, mais également au fait qu’une recherche empirique de ce type devait avant tout reposer sur un modèle cohérent et intégrer des liens entre les pratiques, les climats (perception de l’environnement) et les comportements de l’élève. De plus, bien qu’il puisse exister quelques rares instruments susceptibles de répondre en partie à cette demande (par exemple, Moos, 1979 ; Moos et Trickett, 1974), une certaine confusion restait jusqu’à tout récemment dans la documentation scientifique entre les notions de « climats » et de « pratiques ». La recension de Janosz et ses collaborateurs (1998) concerne les modèles et les instruments qui permettent d’évaluer l’environnement scolaire a permis de mettre en évidence un autre problème, à savoir le manque d’exhaustivité de ces instruments. À nouveau, il semblerait que cette lacune s’explique par l’absence d’un modèle global décrivant l’environnement socioéducatif (Janosz et al., 1998). Le modèle dont nous nous inspirerons sur les plans conceptuel et méthodologique a été mis au point par Janosz et ses collaborateurs (1998) et est représenté à la figure 1. Ainsi illustré, l’ensemble de pratiques (éléments sur le bord du cercle) contribue directement et substantiellement à la formation des différents climats scolaires (éducatif, de justice, relationnel, de sécurité et d’appartenance). À leur tour, ces climats influencent les comportements des élèves (et des adultes), la motivation, l’ampleur des problèmes scolaires, de discipline ou de violence, en somme, tous les éléments de l’adaptation scolaire et sociale. Bien que ce modèle postule clairement une bidirectionnalité entre les pratiques, les climats et les conduites, incluant les états internes comme la motivation, il est tout aussi évident, pour ses auteurs, que la relation de causalité serait bien plu+s forte dans le sens « pratiques “ climats ” comportements » (incluant les états internes). En effet, à la base, les pratiques et les attitudes éducatives déterminent les comportements et les climats. Un tel postulat implique que les climats scolaires « médiatisent », en tout ou en partie, l’effet des pratiques sur les conduites.

Figure 1

Le modèle de l’environnement socioéducatif de l’école (Janosz et al., 1998)

Le modèle de l’environnement socioéducatif de l’école (Janosz et al., 1998)

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Des recherches sont actuellement en cours pour valider ce modèle de l’environnement socioéducatif tant au primaire qu’au secondaire. La présente étude [2] se propose de participer à la validation d’une partie de ce modèle en l’appliquant essentiellement à la prédiction (ou l’explication) des buts de maîtrise, élément majeur de la motivation scolaire. Nous avons choisi de nous limiter aux buts de maîtrise compte tenu de la complexité et du caractère exploratoire des analyses. De plus, les données qui sont utilisées dans la présente étude ne nous permettaient pas de créer des mesures satisfaisantes des buts de performance et des buts d’évitement. La figure 2 représente une adaptation du modèle de Janosz et de ses collaborateurs (1998) en fonction de cette problématique de recherche. Il est à noter que, bien que posant comme hypothèse que les climats scolaires « médiatiseraient » une part importante des liens entre les pratiques et les buts de maîtrise, nous posons également comme hypothèse, à la lumière des recherches empiriques que nous venons de recenser, qu’une partie de ces liens est également de nature directe. Cette dernière hypothèse demeure cependant en accord avec l’esprit du modèle de l’environnement socioéducatif. Par ailleurs, nous avons ajouté un élément en amont, soit la motivation ou l’engagement affectif de l’enseignant (figure 2). Sans nier une certaine bidirectionnalité dans les liens empiriques, nous considérons que le sens des flèches exprime clairement une relation causale.

Figure 2

Modèle des effets médiateurs des pratiques et des climats scolaires entre l’engagement affectif de l’enseignant et (l’expression) des buts de maîtrise chez l’élève

Modèle des effets médiateurs des pratiques et des climats scolaires entre l’engagement affectif de l’enseignant et (l’expression) des buts de maîtrise chez l’élève

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Ainsi, prenant appui sur le modèle développé par Janosz et ses collaborateurs (1998) (figure 1), la présente étude se propose de tester un modèle (figure 2) qui décrit les liens entre l’engagement affectif/motivation de l’enseignant et la poursuite des buts de maîtrise chez des élèves de 4e et 6e années. Notre première hypothèse soutient que le lien direct entre l’engagement affectif de l’enseignant et les buts de maîtrise est très faible ou inexistant. Une deuxième hypothèse avance que ce lien (positif) serait plutôt « médiatisé » par les pratiques et les climats scolaires. Ainsi, des pratiques pédagogiques visant le développement de buts de maîtrise ainsi que l’aide que peut apporter l’enseignant à l’élève en difficultés devraient affecter positivement entre autres les climats éducatif, relationnel, de sécurité et de justice. Une troisième hypothèse prédit que les climats scolaires auront des liens directs (et positifs) plus importants avec la poursuite des buts de maîtrise de l’élève que les pratiques avec ces mêmes buts. Enfin, une quatrième hypothèse (issue de la deuxième et de la troisième) soutient qu’une partie importante des liens entre les pratiques et la poursuite des buts de maîtrise sont « médiatisés » par les climats scolaires.

Méthodologie

Participants

Les élèves faisant partie de la collecte de données de la présente recherche participaient, avec les membres du personnel de leur école, à une vaste enquête sur la violence dans les écoles québécoises primaires et secondaires (Bouthiller, Janosz, Bowen, Lacroix, Chouinard et Desbiens, 2003). Une première collecte de données a été réalisée au primaire auprès de 16 écoles durant l’année scolaire 2000- 2001. Cet échantillon initial comptait 2 902 élèves de la 4e à la 6e année du primaire provenant de 16 écoles publiques de Montréal (n = 4) et de la Rive-Sud de Montréal (n = 12). Afin de faciliter la mise en évidence des contrastes attribuables à la différence d’âge, nous avons constitué un sous-échantillon en ne retenant que les élèves de la 4e et ceux la 6e année provenant de 72 classes régulières (n = 1 904 ; 921 garçons et 979 filles). Il s’agissait d’un échantillon de convenance, c’est-à-dire qu’aucune de ces écoles n’avait été sélectionnée sur un mode d’échantillonnage aléatoire. Des données ont aussi été recueillies auprès des membres du personnel de ces écoles (n = 486), mais elles ne seront pas incluses dans la présente étude.

Instrument

Les données ont été recueillies auprès des élèves à l’aide du Questionnaire de l’environnement socioéducatif au primaire (QESp). Ce questionnaire autorévélé a été adapté substantiellement à partir d’une version initialement créée pour les élèves du secondaire (Bouthiller et al., 2003). Le QESp cherche à décrire les mêmes dimensions que celles rapportées par le QESs élaboré à partir du modèle théorique développé par Janosz et ses collaborateurs (1998). Ces dimensions concernent les climats scolaires, les problèmes de comportements et les pratiques éducatives des adultes.

Climats scolaires (perçus). Les climats éducatif, de sécurité, de justice et relationnel (entre les élèves, entre les élèves et les membres du personnel, entre ces derniers et la direction); la chaleur et le soutien de l’enseignant envers l’élève; le climat (sentiment) d’appartenance.

Problèmes de comportements (perçus, autorapportés et subis/victimisation). La violence de type verbale, relationnelle et physique, incluant le vol et le vandalisme ; les problèmes scolaires (perçus uniquement) ; niveau de motivation de l’élève (autorapporté) et de son enseignant titulaire (perçu) ; problèmes de consommation de drogues, d’alcool et de cigarettes (autorapporté) ; etc.

Pratiques éducatives des adultes (autorapportées et perçues). L’implantation et l’application des règles de vie (en classe et dans le reste de l’école) ; le degré de participation des élèves à l’élaboration de ces règles ; gestion de la classe ; surveillance ; temps consacré à l’enseignement ; les pratiques pédagogiques ; le soutien aux élèves en difficultés d’apprentissage ; l’aide aux élèves rudoyés ou menacés par des pairs ; les activités parascolaires ; la relation des parents avec l’école ; etc.

La version du QESp destinée aux élèves de la 4e à la 6e année comprenait 130 questions avec une échelle de réponse à quatre choix (tout à fait d’accord ; plutôt d’accord ; plutôt en désaccord ; tout à fait en désaccord). Le tableau 1 présente les échelles et les items du questionnaire retenus dans la présente étude.

La plupart des échelles concernant les climats et les pratiques présentent un niveau relativement bon de consistance interne ainsi qu’une bonne validité de construit (analyses factorielles exploratoires et confirmatoires – Janosz, Bouthiller, Bowen et Lacroix, données non publiées ; Bouthiller et al., 2003).

Procédure de passation des questionnaires

Les élèves ont répondu au questionnaire vers la mi-février de l’année scolaire 2000-2001. La passation s’est déroulée en classe selon une procédure clairement établie et identique pour les trois niveaux scolaires. Premièrement, en raison de la longueur du questionnaire, la passation s’est déroulée sur deux périodes durant la matinée, entrecoupées par la récréation, afin d’atténuer l’effet de la fatigue. Deuxièmement, les questions ont été lues aux élèves par un adulte autre que le titulaire de la classe mais faisant partie du personnel de l’école (enseignant titulaire d’une autre classe, directeur, etc.). Les personnes chargées de lire les questions avaient reçu au préalable des consignes très précises concernant le déroulement de la passation dont les directives à donner aux élèves. Ces derniers répondaient sur une base strictement anonyme ; aucune information nominative qui aurait permis de les identifier n’a été recueillie.

Tableau 1

Énoncés composant les échelles du questionnaire de l’environnement socio-éducatif (administré aux élèves de 4e et de 6e année) utilisées pour la recherche

Énoncés composant les échelles du questionnaire de l’environnement socio-éducatif (administré aux élèves de 4e et de 6e année) utilisées pour la recherche
a

Coefficients alpha (α) de Cronbach standardisés calculés avec l’échantillon complet (n = 2 902).

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Résultats

Analyse préliminaire des données

Le tableau 2 présente les moyennes et les écarts-types (entre parenthèses) des variables à l’étude selon la scolarité et le sexe de l’élève. Des résultats d’analyses de variances ANOVA (niveau x sexe) viennent compléter le tableau 2. Au préalable, des tests évaluant le niveau d’aplatissement et de centralité des courbes de distribution des variables avaient indiqué que des tests statistiques paramétriques pouvaient être utilisés.

Tableau 2

Analyses de variance (niveaux scolaires x sexe) des mesures autorapportées (n = 1 898)

Analyses de variance (niveaux scolaires x sexe) des mesures autorapportées (n = 1 898)
*

p < 0,05 ;

***

p < 0,001 ;

****

p < 0,0001.

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Les analyses de variance relatives à la perception de la motivation de l’enseignante par les élèves font voir que toutes les mesures varient significativement en fonction de l’âge. Le tableau 2 montre que tant pour les mesures des pratiques, des différents climats et des buts de maîtrise, les scores moyens diminuent de la 4e à la 6e année du primaire. L’amplitude de ces baisses demeure cependant assez modeste, soit de 2,5 % à 8,75 %. Les analyses de variance mettent aussi en évidence plusieurs différences statiquement significatives en fonction du sexe de l’élève. Les filles (tous niveaux scolaires confondus) ont des scores moyens plus élevés que les garçons sur les mesures qui concernent les pratiques (pouvoir compter sur l’aide d’un adulte), le sentiment d’appartenance, les climats de justice, le respect des adultes à l’endroit des élèves, la chaleur et le soutien à l’endroit des enfants, la perception de la motivation de l’enseignante de leur classe et la poursuite des buts de maîtrise. Tout comme pour les différences en fonction du niveau scolaire cependant, l’amplitude de ces dernières demeure assez modeste. Il faut noter, à cet égard, que les scores moyens entre les garçons et les filles relatifs à la variable « pratiques pédagogiques » restent presque inchangés [F(1,1903) = 0,001 ; p = 0,998 – tableau 2]. Enfin, aucun effet d’interaction (niveau scolaire x sexe) n’est ressorti significatif, sauf la variable « buts de maîtrise » [F(2,1902) = 4,75 ; p = 0,02 – tableau 2]. L’analyse des scores moyens de cette variable montre qu’entre la 4e et la 6e année, les scores des garçons connaîtraient une baisse de plus grande amplitude (deux fois plus) que les filles. L’ensemble de ces résultats suggère que le niveau scolaire et le sexe pourraient constituer des variables/dimensions intermédiaires à prendre en compte pour d’autres analyses visant à tester notre modèle.

Vérification empirique du modèle

Démarche analytique. Afin de tester empiriquement le modèle décrit à la figure 2, nous avons opté pour une série d’analyses de régressions multiples selon une démarche proposée par Baron et Kenny (1986) et Cohen et Cohen (1983). Cette démarche analytique permet d’identifier les liens directs et indirects entre les variables indépendantes, d’une part, et les variables dépendantes, d’autre part. La méthode proposée comporte deux étapes. La première consiste à établir dans quelle mesure chacune des variables, ou groupe de variables indépendantes, contribue à la part de variance expliquée pour la variable dépendante prédite par le modèle (c’est-à-dire les buts de maîtrise). Ces variables indépendantes se présentent de façon séquentielle dans le modèle : en premier lieu, la motivation de l’enseignante ; en deuxième lieu, le groupe des pratiques ; en troisième lieu, les éléments du climat scolaire (figure 2). Il s’agit donc de réaliser trois analyses de régressions pour la variable dépendante « buts de maîtrise » (tableau 3). Cette façon d’analyser les données permet de vérifier une des prédictions du modèle (troisième hypothèse), à savoir que les liens directs entre les éléments du climat scolaire et les buts de maîtrise sont plus importants que ceux entre les pratiques et les buts de maîtrise. Cette première étape permet aussi de tester une autre prédiction du modèle (première hypothèse) qui postule qu’il n’existerait pratiquement pas de lien direct entre la motivation de l’enseignant et les buts de maîtrise.

La deuxième étape (tableau 4) de l’analyse consiste à tester les autres liens directs prédits par le modèle (figure 2). Dans le cas qui nous intéresse, une première analyse de régressions portera sur la variance expliquée de la motivation de l’enseignant sur les pratiques. Une seconde analyse portera sur les pratiques prédisant, en termes de variances expliquées, les éléments du climat scolaire. Ces deux analyses de régressions permettront de tester les deux autres prédictions du modèle, à savoir a) les liens entre la motivation de l’enseignant et les buts de maîtrise sont « médiatisés » par les pratiques et les éléments du climat scolaire (deuxième hypothèse) ; b) les liens entre les pratiques et les buts de maîtrise sont partiellement « médiatisés » par les éléments du climat scolaire (quatrième hypothèse).

Malgré sa longueur et son aspect répétitif, cette procédure offre un maximum de souplesse et rend facultative la création de variables latentes, contrairement aux analyses structurelles. L’utilisation de ce dernier type de procédure exigerait plusieurs analyses préliminaires devant mener à la construction d’un modèle achevé à tester. Or, le modèle que nous nous proposons de tester ici constitue avant tout une série d’hypothèses guidées par une idée maîtresse, à savoir que les climats scolaires prédiraient autant, sinon plus, que les pratiques éducatives, la poursuite des buts de maîtrise. Il ne s’agit en somme que d’une première étape devant conduire à une validation bien plus poussée de l’ensemble du modèle théorique de Janosz et al. (1998). Par ailleurs, afin de tenir compte des interactions possibles en fonction du niveau scolaire et du sexe des élèves, comme le suggéraient les analyses préliminaires (tableau 2), une première série de régressions multiples a été réalisée en plaçant ces deux dimensions en interactions avec les variables indépendantes selon une procédure reconnue (Baron et Kenny, 1986 ; Cohen et Cohen, 1983). Étant donné qu’aucun effet d’interaction n’est ressorti comme significatif des analyses, nous ne présentons que les résultats avec les variables originales du modèle (figure 2), car ni l’âge ni le sexe des sujets ne semblent pas avoir d’effets modérateurs sur celui-ci. Enfin, des analyses complémentaires ont permis d’établir que les niveaux de colinéarité étaient de faibles à modérés.

Résultats des analyses de régressions. Le tableau 3 présente les résultats des analyses de régressions multiples constituant la première étape de mise à l’épreuve du modèle (figure 2). Ces analyses ont établi la part de variance expliquée pour chacun des trois « groupes » de variables indépendantes comme prédicteurs de la variable dépendante « buts de maîtrise ». La première analyse indique que le niveau de motivation de l’enseignant, tel qu’il est perçu par les élèves, contribue peu à la variance expliquée des buts de maîtrise autorapportés par les élèves (R2 = 0,04 ; ß = 0,19 ; p < 0,0001). La part de variance expliquée s’accroît avec le groupe des « pratiques » (R2 = 0,15 ; p < 0,0001) constitué de la perception, par les élèves, des pratiques pédagogiques de l’enseignant (ß = 0,20 ; p < 0,0001) et du fait de pouvoir compter sur l’aide d’un adulte de l’école lorsqu’on a besoin d’aide (ß = 0,27 ; p < 0,0001). Les résultats obtenus par la troisième et dernière analyse de régressions multiples indiquent que le groupe constitué des éléments du climat scolaire, perçus et autorapportés par les élèves, contribue de façon encore plus importante à la variance expliquée des buts de maîtrise poursuivis par l’élève (R2 = 0,23 ; p < 0,0001). Parmi les éléments du climat scolaire qui contribuent significativement à cette relation empirique, il y a le climat éducatif (ß = 0,24 ; p < 0,0001), le climat d’appartenance (ß = 0,14 ; p < 0,0001), le climat de justice (ß = 0,11 ; p < 0,0001) de même que le respect des adultes envers les élèves (ß = 0,10 ; p < 0,0001).

Tableau 3

Analyses de régressions multiples (première étape de mise à l’épreuve du modèle) réalisées sur les mesures autorapportées par les élèves de 4e et de 6e année (n = 1 898)

Analyses de régressions multiples (première étape de mise à l’épreuve du modèle) réalisées sur les mesures autorapportées par les élèves de 4e et de 6e année (n = 1 898)
****

p < 0,0001.

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L’ensemble de ces résultats vient, en grande partie, soutenir la première hypothèse de notre modèle en ce sens que le lien, entre le niveau de motivation de l’enseignante (perçu par l’élève) et les buts de maîtrise poursuivis par l’élève, est plutôt indirect (un faible 4 % de variance expliquée). Deux autres groupes de résultats viennent soutenir, pour leur part, le fait que ce lien soit « médiatisé » par les pratiques et les climats, ce qui constitue la deuxième hypothèse : a) la motivation de l’enseignant contribue de manière substantielle aux variances expliquées des deux types de pratiques, soit les pratiques pédagogiques (R2 = 0,31 ; ß = 0,56 ; p < 0,0001) et le fait de pouvoir compter sur l’aide d’un adulte de l’école (R2 = 0,07 ; ß = 0,26 ; p < 0,0001) ; b) les pratiques (15 % - R2 = 0,15 ) et surtout les éléments du climat scolaire (23 % - R2 = 0,23) présentent les liens directs très importants avec la poursuite des buts de maîtrise (tableau 3). Il est à noter que ces deux derniers résultats soutiennent la troisième hypothèse, à savoir que les liens directs entre les climats et les buts de maîtrise sont plus importants entre les pratiques et ces mêmes buts. Qui plus est, les résultats présentés au tableau 4 semblent appuyer la quatrième et dernière hypothèse.

Tableau 4

Autres analyses de régressions multiples (première étape de mise à l’épreuve du modèle) réalisées sur les mesures autorapportées par les élèves de 4e et de 6e année (n = 1 898)

Autres analyses de régressions multiples (première étape de mise à l’épreuve du modèle) réalisées sur les mesures autorapportées par les élèves de 4e et de 6e année (n = 1 898)

Note : Les valeurs entre parenthèses indiquent respectivement la valeur de f pour les variables indépendantes « pratiques pédagogiques » et « peut compter sur l’aide d’un adulte de l’école ».

****

= p < 0,0001 ;

*

= p < 0,1.

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En effet, les deux types des pratiques contribuent à leur tour de façon significative à la variance des différents éléments du climat scolaire : le climat éducatif (R2 = 0,32 ; ß = 0,40 et ß = 0,29 ; p < 0,0001), le climat (sentiment) d’appartenance (R2 = 0,22 ; ß = 0,24 et ß = 0,33 ; p < 0,0001), le climat de justice (R2 = 0,32 ; ß = 0,32 et ß = 0,36 ; p < 0,0001), le climat relationnel entre les élèves (R2 = 0,11 ; ß = 0,19 et ß = 0,23 ; p < 0,0001), la chaleur et le soutien de l’enseignant (R2 = 0,38 ; ß = 0,51 et ß = 0,22 ; p < 0,0001) et le respect des adultes envers les élèves (R2 = 0,32 ; ß = 0,33 et ß = 0,35 ; p < 0,0001). Associés au fait que la troisième hypothèse se trouve confirmée, ces résultats indiquent qu’une partie des liens entre les pratiques et les buts de maîtrise se trouvent « médiatisés » par les climats scolaires.

Discussion

La figure 3 présente une synthèse des résultats obtenus par les analyses de régressions. Les flèches indiquent l’ampleur des liens (représentés par les pourcentages de variances expliquées - R2) entre chacune des composantes du modèle.

Figure 3

Résumé des analyses de régressions

Résumé des analyses de régressions

Note : Valeurs des R2 (tous les bêtas étant positifs)

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Il ressort assez clairement que l’ampleur des liens entre chacune d’entre elles [ a) la motivation de l’enseignant ; b) les pratiques ; c) les éléments du climat scolaire ; d) les buts de maîtrise poursuivis par les élèves] correspond, dans l’ensemble, à ce que prédisait notre modèle de la figure 2. Les analyses ont montré, à cet égard, que le lien entre la motivation de l’enseignant et la poursuite des buts de maîtrise par l’élève est essentiellement de nature indirecte. Ce sont les pratiques mais encore plus les éléments du climat scolaire qui contribuent directement à la poursuite des buts de maîtrise chez l’élève. Il n’en demeure pas moins que le niveau de motivation, ou d’engagement affectif de l’enseignant, contribue directement, et de façon majeure (R2 = 0,31), à l’expression des pratiques pédagogiques, axées sur la poursuite des buts de maîtrise qui, en retour, sont étroitement liés à la qualité du climat scolaire. En somme, ces résultats viennent soutenir l’essentiel du modèle que nous nous proposions de tester dans le cadre de la présente étude.

Un des résultats les plus éloquents concerne les éléments du climat scolaire qui contribuent directement, et de façon encore plus importante que les pratiques, à la variance de la mesure autorapportée des buts de maîtrise chez l’élève. Ces résultats viennent appuyer la pertinence d’étudier à la fois les pratiques et les climats « d’apprentissage » qu’elles génèrent. Ces résultats viennent donc appuyer l’essence du modèle de l’environnement socioéducatif développé par Janosz et ses collaborateurs (1998). Rappelons que ce modèle met en évidence le caractère interactif et complexe des liens entre les différentes dimensions de l’environnement de l’école et de la classe. Ce principe a déjà été empiriquement confirmé avec la validation de l’ensemble du modèle appliqué aux écoles secondaires (Janosz, 2000 ; Janosz et Duval, 2001). La présente étude pour sa part constitue une première étape devant mener à la validation complète du modèle appliqué aux écoles primaires.

Il faut noter par ailleurs que les pratiques, bien qu’elles contribuent à expliquer la variance des climats scolaires, sont aussi en lien direct avec les buts de maîtrise (figure 3). En fait, les analyses confirment le rôle prépondérant (et central) qu’exerceraient plusieurs pratiques pédagogiques et de soutien dans la construction et la poursuite de ce type de buts (d’apprentissage). En ce sens, la présente étude vient confirmer les liens, déjà bien établis dans la documentation, entre ces éléments des pratiques et les buts de maîtrise. Toutefois, une partie de cette influence semblerait médiatisée par les divers climats scolaires. Les résultats rapportés au tableau 3 montrent que quatre des ces éléments (climats éducatif, d’appartenance et de justice, respect des adultes envers les élèves) contribuent significativement à la variance des buts de maîtrise. Le climat éducatif fait référence à des dimensions affectant l’état motivationnel de l’élève comme le plaisir d’apprendre, le goût de l’effort, mais aussi, à un sens donné aux activités d’apprentissage (« On sait pourquoi c’est important d’apprendre les matières »). De plus, le fait de ne pas accorder trop d’importance aux erreurs comme indicateurs de difficulté (« On a toujours l’impression que c’est grave si on fait des erreurs. » – item inversé) représente un autre élément déjà présent dans les écrits et directement issu des pratiques et de l’attitude de l’enseignant qui contribuerait à développer et à maintenir les buts de maîtrise. Les pratiques, quant à elles, contribuent à une part très importante (32 % de la variance) du climat éducatif. Climats et pratiques apparaissent donc clairement et intimement liés.

Un autre résultat intéressant concerne le sentiment, ou climat, d’appartenance à l’école. Cet élément a régulièrement été associé positivement, chez les préadolescents et les adolescents, à plusieurs dimensions de l’adaptation scolaire et sociale : le rendement scolaire (Boily, Bowen et Janosz, soumis ; Flynn, 1997 ; Goodenow, 1993 ; Hagborg, 1994 ; Roeser, Midgley et Urdan, 1996), la participation à des activités extracurriculaires (Flynn, 1997), l’assiduité à l’école (Flynn, 1997), le respect des règles de l’école (Flynn, 1997), la qualité des rapports maîtres-élèves (Boily, Bowen et Janosz, soumis ; Hagborg, 1994), une perception positive de leur avenir (Flynn, 1997 ; Hagborg, 1998 ; Israelashvili, 1997) et le niveau de motivation scolaire (Goodenow, 1993 ; Hagborg, 1994, 1998). Ces résultats apparaissent cohérents avec le reste de la documentation et viennent appuyer, outre notre modèle de base (Janosz et al., 1998), les autres modèles faisant du sentiment ou du climat d’appartenance un des éléments clés de la réussite scolaire (Finn, 1989 ; Newmann, Wehlage et Lamborn, 1992 ; Roeser, Midgley et Urdan, 1996 ; Wehlage, Rutter, Smith, Lesko et Fernandez, 1989). Toutefois, parce qu’il jumelle à la fois des éléments relationnels (élèves entre eux et maîtres-élèves) et de satisfaction à l’égard de l’ensemble du milieu scolaire, le sentiment ou le climat d’appartenance regroupe une constellation d’éléments associés à différents climats et pratiques. Une certaine prudence doit donc guider nos interprétations car, même si les interactions précises entre les déterminants du sentiment d’appartenance apparaissent essentielles dans la réussite scolaire de l’élève, les éléments associés à différents climats et pratiques restent, quant à eux, moins connus (Boily, Bowen et Janosz, à paraître ; Boily et Bowen, à paraître).

Par ailleurs, le climat de justice contribue de façon significative à la variance des buts de maîtrise (tableau 3). Ce résultat constitue un élément original dans le domaine de l’étude de l’impact des modes de gestion de classe sur les aspects de la motivation. Le climat de justice fait non seulement référence à la perception de l’équité des règles de vie dans l’école, mais aussi à leur application juste et équitable.

Il est à noter également que les hypothèses testées semblent s’appliquer autant aux filles qu’aux garçons. Rien n’indique ou ne suggère une sensibilité différentielle selon le sexe pour les pratiques comme pour les climats. Nos résultats ne suggèrent donc pas une intervention différenciée à l’égard du développement et du renforcement des buts de maîtrise. Par contre, la confirmation des hypothèses vient appuyer l’idée de Janosz et al. (1998), à l’effet que la perception positive ou négative du climat scolaire exercerait une influence déterminante sur la motivation scolaire comme sur d’autres conduites de l’élève. Des analyses sont en cours pour approfondir empiriquement une telle assertion au primaire. Quoi qu’il en soit, si l’on associe ces résultats avec ceux déjà obtenus au secondaire (Janosz, 2000 ; Janosz et Duval, 2001), nous disposons de solides évidences en faveur de la promotion d’interventions favorisant la réussite scolaire qui devraient cibler à la fois les pratiques et la qualité de tout l’environnement socioéducatif.

Par ailleurs, notre étude souligne, s’il était encore nécessaire de le démontrer, l’importance de l’engagement affectif de l’enseignant à l’égard de sa tâche sur la motivation de l’élève. Les analyses indiquent que, si ce lien est plutôt indirect, il n’en est pas moins important. L’état et la disposition d’esprit à l’égard de l’acte d’enseignement constituent, selon nous, un autre élément de la réussite scolaire.

En terminant, nous sommes bien conscients des limites de la présente étude. La plus importante consiste à demeurer prudents dans nos interprétations lorsque l’on teste des hypothèses, postulant explicitement des rapports de causalité, avec des données recueillies uniquement sur une base transversale. En l’absence de données longitudinales (qui seront bientôt disponibles), il faut naturellement nous garder de toutes généralisations hâtives. De plus, il sera également bien plus aisé d’interpréter nos données lorsque nous disposerons de résultats sur la validité de l’ensemble du modèle de Janosz et al. (1998) appliqué au primaire.

Finalement, nous sommes conscients que nos conclusions reposent sur une méthodologie unique utilisant des perceptions autorévélées recueillies auprès des élèves. Des analyses ultérieures devront être effectuées avec les données issues du questionnaire des adultes afin d’établir, notamment, le degré de concordance entre les résultats obtenus chez les élèves et la perception du personnel de l’école. Malgré tout, il convient de souligner qu’au-delà de la recherche d’une certaine convergence entre les perceptions, on ne peut nier l’importance de celles-ci sur l’expression des conduites. Par conséquent, s’il apparaît tout à fait crucial de mettre en oeuvre des pratiques d’enseignement et d’éducation favorisant la réussite scolaire, nous ne devons pas perdre de vue que les effets escomptés passent aussi par une perception juste de l’élève de ce que nous voulons cibler auprès de lui. Qui plus est, la présente recherche semble avoir montré, sur le plan méthodologique, la faisabilité d’une telle approche avec des élèves du primaire.