Corps de l’article

Introduction

Vouloir, à l’occasion de ce numéro thématique, faire l’état de la recherche en pédagogie universitaire en France s’avère d’emblée une entreprise enthousiasmante pour qui s’intéresse aux activités d’enseignement dans l’enseignement supérieur. Cependant, alors que doit concrètement s’engager le travail, l’aventure révèle sans attendre ses difficultés. Ainsi, dès qu’il s’agit de circonscrire le champ d’investigation, apparaissent les allant de soi qui ne vont justement plus d’eux-mêmes. S’impose alors la nécessité d’une définition claire, qui indiquerait précisément l’étendue du champ, et bénéficierait d’un minimum d’autorité. En définitive qu’est-ce que la pédagogie universitaire ? Et surtout, qu’est-ce que la recherche en pédagogie universitaire ?

Se pose également la question des sources d’information susceptibles de rendre compte de l’activité de recherche dans ce champ. En 2001, Prost et son groupe de travail se sont intéressés à l’état de la recherche en éducation. À propos de la recension des écrits de recherche, ces derniers déclaraient que la base de données Francisserait de beaucoup la meilleure source pour connaître l’état de la recherche (p. 11). Il nous a semblé intéressant de voir ce à quoi permettait d’aboutir une telle base de données dans le cadre plus restreint et spécifique de la recherche en pédagogie universitaire.

L’objet du travail ayant conduit à cet article a donc été de suivre cette piste : réaliser une recension des publications à partir de la base de données Francis pour présenter et aider à comprendre la recherche en pédagogie universitaire en France. En faisant apparaître des références en définitive peu nombreuses et plutôt anciennes, les résultats obtenus se sont avérés à la fois intéressants et insuffisants. Intéressants, en ce qu’ils véhiculent l’image certainement juste d’une recherche peu développée en pédagogie universitaire, mais aussi insuffisants, en ce sens qu’ils ne permettent pas d’appréhender certains lieux de recherche dans le domaine.

Cet article comporte onze points dont la logique de présentation est la suivante : d’abord, mieux cerner l’émergence et la définition de ce champ de la recherche en pédagogie universitaire (point 1) ; puis, décrire la méthodologie qui a conduit au recensement sur la base de données Francis (point 2) ; ensuite, présenter les références retenues en centrant l’attention sur les enseignants, puis sur les étudiants, et, enfin, sur l’évaluation : d’une part, celle des enseignements des premiers et, d’autre part, celle des apprentissages des seconds (points 4 à 11).

Vers l’émergence d’un champ de recherche ?

La question de la définition de la pédagogie universitaire et celle de savoir ce que recouvre la recherche dans ce domaine n’ont, à notre connaissance, jamais été clairement posées dans le cadre hexagonal. Cela constitue-t-il un enjeu ? Probablement, oui. En effet, se posent des questions de visibilité et de lisibilité de ce champ de recherche, qui en limitent probablement la portée.

L’usage de l’expression pédagogie universitaire est très peu développé. D’aucuns pourraient y voir un simple décalage dans le temps, consécutif à l’émergence et à l’affirmation, plus tardive ici, d’un champ qui serait déjà bien développé au Canada, en Belgique et en Suisse (pour comparer avec des pays de l’espace francophone). Pour autant, cela ne doit pas masquer une situation marquée par une certaine ambiguïté dans son rapport à la notion de pédagogie.

Parler de pédagogie, dans le contexte français, ne va pas forcément de soi (Soëtard, 2001). Traditionnellement, le reproche fait à la pédagogie est son manque de scientificité conduisant, selon ses détracteurs, à un discours pédant qui confine à l’idéologie, appelé pédagogisme (Avanzini, 1997). C’est à la lumière de cette critique qu’il convient certainement d’analyser l’essor et la prévalence de la didactique (Develay, 2001).

Dans l’espace institutionnel de la recherche universitaire, officiellement défini par les sections disciplinaires du Conseil national des universités (CNU), la pédagogie universitaire n’existe pas. D’une manière générale, elle se fait dans le cadre des sciences de l’éducation et des disciplines dont les enseignants-chercheurs prennent l’éducation comme objet d’étude (philosophie, psychologie, sociologie, économie, etc.).

En conséquence, les recherches en pédagogie universitaire se présentent rarement comme telles. Ce qui ne va pas sans poser une difficulté pour qui souhaiterait réaliser une recension des écrits de recherche dans le domaine. D’où la nécessité d’établir une définition claire de la recherche en pédagogie universitaire. Néanmoins, une évolution sensible pourrait se produire si venaient à se confirmer l’ancrage et le développement d’un certain nombre d’événements et d’initiatives (présentés plus bas).

En 2004, des enseignants-chercheurs et des chercheurs ont présenté leurs travaux dans le cadre d’un ouvrage qui avait pour objectif, pour la première fois en France, de réaliser une synthèse de la réflexion sur la pédagogie universitaire. Sans qu’une définition soit explicitement proposée, le titre de cet ouvrage, Pratiques pédagogiques dans l’enseignement supérieur : enseigner, apprendre, évaluer (Annoot et Fave-Bonnet, 2004), suggère ce que des auteurs, connus en France dans le domaine des sciences de l’éducation, entendent par pédagogie universitaire. Il s’agirait de s’intéresser aux pratiques d’enseignement, d’apprentissage et d’évaluation et, par là, à la recherche en la matière.

Selon ces auteurs, ce champ de recherche est en émergence depuis une dizaine d’années. Pour eux, deux types d’événements marquent plus particulièrement sa structuration. D’une part, les deux appels d’offres du Comité national de coordination de la recherche en éducation (CNCRE) et, d’autre part, deux colloques en particulier.

En 1997, le CNCRE a lancé un premier appel d’offres sur le thème Hétérogénéité des élèves et des étudiants – Unité et diversité de l’école à l’université. Cet appel d’offres s’articulait autour de deux axes thématiques : le premier, Apprentissages, pratiques pédagogiques et modes de socialisation et le second, Politiques éducatives, programmes et dispositifs. En 1998, un second appel d’offres Questions d’éducation, comme son nom l’indique, posait un certain nombre de questions comme : Que sait-on des pratiques et dispositifs pédagogiques mis en oeuvre par les établissements, en direction des élèves ou étudiants en difficulté ?, Comment les technologies de l’information et de la communication sont-elles utilisées dans le système éducatif ? ou encore, Dans le cadre de l’enseignement à distance, les technologies de l’information et de la communication constituent-elles un facteur d’amélioration de l’efficacité pédagogique ?

En ce qui concerne les colloques, il s’agissait, en 2000, du Congrès international francophone Apprendre et enseigner dans l’enseignement supérieur, organisé conjointement par l’Association pour le développement des méthodes de formation dans l’enseignement supérieur (admes) et l’Association internationale de pédagogie universitaire (AIPU), en partenariat avec l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO). Toujours la même année, le colloque international de l’Association des enseignants chercheurs en sciences de l’éducation (AECSE) a porté sur les pratiques dans l’enseignement supérieur.

Il conviendrait également de signaler les colloques biennaux Questions de pédagogie dans l’enseignement supérieur, initiés en 2001 par deux écoles d’ingénieurs de Brest, l’École nationale supérieure des télécommunications (ENST Bretagne) et l’École nationale supérieure des ingénieurs des études et techniques d’armement (ENSIETA).

L’année 2005 a été marquée par plusieurs initiatives. Fave-Bonnet (Université de Paris X, Nanterre) et Paivandi (Université de Paris VIII, Saint-Denis) ont proposé à toutes les personnes intéressées par la recherche en pédagogie universitaire d’échanger dans le cadre du Réseau de recherche en pédagogie universitaire (REPU). S’est également créé un réseau de Services universitaires de pédagogie, afin de mutualiser les expériences et dans le cadre duquel les questions de recherche en pédagogie universitaire sont également présentes. Par ailleurs, la section française de l’AIPU voit le jour, à l’initiative de l’Association pour le développement de l’enseignement supérieur Languedoc-Catalogne (ADMES-L-C).

En dehors de ces événements et initiatives, les lieux d’expression de la recherche en pédagogie universitaire en France sont plus généralement ceux des sciences de l’éducation et concernent principalement deux grandes réunions : les Biennales de l’éducation, organisées par l’Association pour la promotion des recherches et des innovations en éducation et en formation (APRIEF), et l’Institut national de recherche pédagogique (INRP), et le Congrès international d’actualité de la recherche en éducation et en formation, organisé par l’AECSE.

Dans ces réunions, la part des communications portant sur les pratiques enseignantes dans le supérieur ou sur les apprentissages des étudiants est extrêmement faible. Il faut le resituer dans un cadre plus général dans lequel, en France, la recherche en éducation au niveau du supérieur est très minoritaire comparée à celle qui porte sur le niveau primaire ou secondaire (Plaisance et Vergnaud, 2005). Concrètement, cela se traduit par l’absence de centres de recherche en éducation exclusivement consacrés à l’enseignement supérieur, même si l’INRP répertorie actuellement 72 centres de recherche en éducation en France (http://www.inrp.fr/vst/Sitesweb/ListeLabosF.php). Selon leurs thématiques de recherche, les centres de recherche en éducation et, par là, les enseignants-chercheurs, peuvent accorder une place plus ou moins importante à l’enseignement supérieur. Enfin, signalons, en 2001, la création du Réseau d’étude sur l’enseignement supérieur (RÉSUP), qui a pour vocation de fédérer et de susciter la recherche en sociologie, sciences politiques, sciences de l’éducation et économie, en enseignement supérieur.

La recension des publications à partir de la base Francis

Réaliser la recension des publications à partir de la base Francis a nécessité de répondre concrètement à deux questions. Qu’est-ce que la pédagogie universitaire ? Qu’est-ce qu’une recherche en pédagogie universitaire ?

Sans pour autant méconnaître certaines définitions apportées dans l’espace francophone (Chaire Unesco de pédagogie universitaire de l’Université catholique de Louvain-la-Neuve en Belgique ; Donnay et Romainville, 1996), il nous a semblé pertinent de nous inscrire ici en cohérence avec le cadre proposé dans l’ouvrage coordonné par Annoot et Fave-Bonnet (2004). Ainsi, nous avons considéré que la pédagogie universitaire s’intéresse, dans une perspective d’amélioration, aux pratiques d’enseignement dispensé dans l’enseignement supérieur, aux apprentissages des étudiants ainsi qu’à l’évaluation des deux.

Le besoin d’attribuer aux publications l’appellation de recherche en pédagogie universitaire a débouché sur un vieux débat plus général, animé et toujours pas dépassé : Que signifie recherche en pédagogie ? et Qui est le plus qualifié pour la mener ? (Develay, 2001 ; Donnay et Bru, 2002 ; Legrand, 1997 ; Plaisance et Vergnaud, 2005). Ce débat tourne essentiellement autour de la présence ou de l’absence de cadres de références et de la validité de ces derniers. Déjà en 2001, à propos de la recherche en éducation, Prost et son groupe de travail avaient souligné la difficulté de catégoriser un certain nombre de recherches ; soit qu’elles se recommandent d’une pluri, multi, trans-disciplinarité, soit qu’elles se présentent comme des études, des évaluations, des enquêtes, des rapports, au statut épistémologique incertain (p. 12). Dans la recension effectuée ici, nous n’avons pas accordé une importance particulière au statut épistémologique des références. Ont été privilégiées les publications qui apportaient des résultats, des pistes de recherche ou des éléments de réflexion.

Des séries de requêtes ont été effectuées sur la base Francis en utilisant les expressions suivantes : pratique enseignante, pratique pédagogique, méthode pédagogique, innovation pédagogique, apprentissage, technologie de l’éducation et évaluation. Les requêtes incluaient également et systématiquement les termes université ou enseignement supérieur. Les limites d’interrogation ont d’abord été fixées à la période 1991-2005 et aux seules publications en langue française. Au fur et à mesure des requêtes, nous n’avons pas pris en considération que les publications centrées sur la France et sur les universités. Ainsi s’est constitué un premier corpus étendu, au sens où il intégrait des publications qui, de manière plus ou moins directe, apportaient des connaissances sur la pédagogie universitaire. Ce corpus rassemblait 66 publications d’abord classées en 11 thèmes. Puis un recentrage, qui ne retenait que les publications postérieures à 1998, a été effectué sur quatre domaines : 1) pratiques d’enseignement et formation à l’enseignement ; 2) technologies de l’information et de la communication pour l’enseignement (TICE), dispositifs d’aide aux étudiants, didactique ; 3) apprentissages des étudiants ; et 4) évaluation des enseignements/évaluation des apprentissages des étudiants. Ces quatre domaines se retrouvent dans un corpus de 42 références. Le choix a été fait de ne développer que quelques-unes d’entres elles afin de mettre en lumière certains axes d’activité ou résultats.

Les résultats de la recension dans Francis se sont avérés limités, dans le sens où ils ne permettent pas d’appréhender certains lieux de publication des recherches dans le domaine de la pédagogie universitaire. Dès lors, nous avons jugé opportun d’ajouter un certain nombre de travaux supplémentaires. Ces derniers sont essentiellement issus de communications aux colloques (2003 et 2004) de l’Association internationale de pédagogie universitaire (AIPU), qui semblent marqués par une participation française croissante. Ainsi, en 2002, au colloque AIPU à Louvain-la-Neuve (Belgique), cinq communications françaises ont été présentées sur un total d’environ 90. À titre d’exemples, six communications provenaient de l’Espagne ; deux de la Suisse ; 26 du Canada et 64 de la Belgique. En 2003, au colloque de l’AIPU à Sherbrooke (Québec, Canada), on dénombrait 19 communications françaises sur un total d’environ 170, et en 2004, à Marrakech (Maroc), on en comptait 40, sur un total d’environ 180. Même s’il convient de rester réservé en attendant de voir les taux ultérieurs, cette participation croissante à de tels colloques clairement identifiés en pédagogie universitaire semble exprimer plus fortement la préoccupation des universitaires français pour leur enseignement et leur investissement dans celui-ci.

Les pratiques d’enseignement

Le corpus retenu fait ressortir deux références sur les pratiques d’enseignement. Cela semble bien refléter une tendance générale en France, selon laquelle il existe peu de recherches sur les pratiques d’enseignement, et, de manière plus générale, sur le rapport des enseignants universitaires à l’enseignement et aux étudiants. La première référence renvoie à une recherche menée dans le cadre de l’appel d’offres du Comité national de coordination de la recherche en éducation (CNCRE) sur l’hétérogénéité des élèves et des étudiants (1997). Trois laboratoires de recherche en éducation (le Centre de recherche en éducation formation insertion [CREFI], Université de Toulouse le Mirail ; le Centre de recherche en éducation de Nantes [CREN], Université de Nantes ; et l’Institut de recherche en éducation, économie et sociologie de l’éducation [IREDU], Université de Bourgogne) se sont associés pour étudier l’hétérogénéité et les conditions de la réussite en premier cycle universitaire selon trois filières d’études (Administration économique et sociale [AES], Psychologie, ainsi que Sciences de la vie et de la terre [SVT]), dans trois universités (Toulouse, Nantes, Dijon). Hétérogénéité et réussite dans le premier cycle universitaire : conditions perçues et effectives des pratiques d’études et d’enseignement renvoie à un des trois rapports réalisés dans le cadre de cette recherche (chercheurs du CREFI, associés à des chercheurs du Laboratoire d’étude sur les méthodes modernes d’enseignement [LEMME], Université Toulouse III). La recherche, conduite à partir de déclarations recueillies par questionnaires, entrevues et observations de situations, présente l’hétérogénéité des attentes et des représentations des étudiants et des enseignants. Elle met en lumière un certain nombre de malentendus pédagogiques. Alors que les étudiants s’attendent à un meilleur encadrement, celui-ci semble bien convenir pour les enseignants. Alors que, selon les enseignants, les étudiants ne sont pas conformes aux attentes universitaires (manque de travail, de motivation, d’aptitudes), les étudiants s’estiment en phase avec celles-ci (Trinquier, Alava et Clanet, 1999, p. 5). Alors que les enseignants pensent clarifier lors des cours leurs critères d’évaluation, leurs objectifs, les étudiants ne perçoivent pas cette clarification. Alors qu’un pourcentage important des enseignants se perçoivent comme des facilitateurs de l’apprentissage, les étudiants disent côtoyer des « transmetteurs de savoirs » (quand un tiers des enseignants se définissent ainsi) (Trinquier et collab., 1999, p. 5). Pour les auteurs, de telles divergences en termes de représentations n’aident pas les étudiants dont le rapport aux études est le plus fragile.

Dans la seconde référence, basée sur cette même recherche, Clanet (2001, p. 327) tente d’avancer dans la connaissance des pratiques des enseignants du supérieur [...] à partir de leurs déclarations, mais également à partir des descriptions de situations pédagogiques. Derrière une importante hétérogénéité des pratiques enseignantes, il repère une certaine stabilité principalement attribuable au type de discipline enseignée, mais aussi à la structuration de l’enseignement qui est déclinée en cours magistraux, travaux dirigés et travaux pratiques. Néanmoins, il met en avant une prédominance de l’exposé oral qui peut même se retrouver dans le cadre de travaux dirigés.

La base Francis ne fait pas apparaître certains travaux connus par ailleurs. Ainsi, dans le cadre d’une journée d’étude du Réseau d’étude sur l’enseignement supérieur (RÉSUP), sur le thème : Les enseignants-chercheurs et les mutations de l’Université, Boyer et Coridian (2003), de l’Institut national de recherche pédagogique (INRP), ont présenté une communication intitulée : Enseigner l’histoire, enseigner la sociologie, deux manières de faire cours. Cette dernière est issue d’une recherche intitulée : Pratiques enseignantes et pratiques étudiantes du cours magistral en premier cycle universitaire : une comparaison entre l’histoire et la sociologie (Boyer, Coridian, Fijalkow, Erlich, Primon et Soulié, 2002). Les auteurs ont observé 44 séances de cours magistral dans 13 disciplines différentes (six en histoire et sept en sociologie). Particulièrement intéressés par la première séance de cours, ils ont réalisé un certain nombre de constats. Ainsi, il apparaît que le titre ou thème du cours n’est quasiment jamais justifié. Il apparaît aussi que la conférence-monologue est la forme d’exposé la plus usitée et que très peu utilisent d’autres supports, par exemple des transparents, pour appuyer leur discours. En termes d’interactions, les auteurs soulignent également le fait que certains enseignants interpellent les étudiants sur leur compréhension de l’exposé, mais que cela est rarement relevé par ces derniers qui, généralement, n’interviennent que pour demander au professeur d’aller moins vite ou de répéter la phrase.

La formation des enseignants

De tels résultats suscitent des interrogations sur l’efficacité des pratiques enseignantes et davantage de recherches seraient souhaitables pour une meilleure connaissance sur le sujet. Immanquablement se pose également la question de la formation des enseignants du supérieur. La base Francis ne fait ressortir aucune référence sur le sujet. Depuis les années 1980, l’importance de cette question est régulièrement soulevée et soumise aux pouvoirs exécutif et législatif (Bireaud, 1990 et 1996 ; Dejean, 2002 ; Fave-Bonnet, 1992 ; Petit, 2002 ; Porchet, 2004 ; Romainville, 2002). Jusqu’à aujourd’hui, il n’existe pas, au niveau légal, d’organisation systématique de la formation professionnelle, et donc pédagogique, des enseignants du supérieur. C’est pourquoi il n’existe quasiment pas, en France, de recherche sur ce sujet. Néanmoins, des types de formation continue et de formation initiale ont vu le jour en France. La première a pris le trait des structures universitaires de pédagogie et la seconde, celui des Centres d’initiation à l’enseignement supérieur (CIES). Au début des années 1990, 14 Centres d’initiation à l’enseignement supérieur ont été créés par décret. Couvrant l’ensemble des universités françaises, ils ont comme objectif d’initier, via des stages de formation, des doctorants aux activités d’enseignement. Ces derniers doivent par ailleurs enseigner 64 heures par an (normalement au premier cycle universitaire et en travaux dirigés). Appelés moniteurs et sélectionnés parmi les allocataires de recherche, ils représentent un doctorant sur dix. En 2004, 51 % des maîtres de conférences recrutés ont été moniteurs (Direction des personnels enseignants, 2005). Cependant, il ne semble pas exister aujourd’hui de recherche sur la nature, l’organisation et la qualité des stages de formation dispensés dans les CIES et cela, malgré l’appel fait en ce sens dans le Rapport Dejean.

Les structures universitaires de pédagogie (SUP) (ou centres de soutien à l’enseignement)

Beney et Pentecouteau, de l’Unité de recherche-action en formation de formateurs (URAFF) de l’Université de Bretagne occidentale, ont tenté de lier la question de l’amélioration des pratiques enseignantes et celle de la formation des enseignants. Ils l’ont fait dans le cadre d’une recherche-action qui visait la mise en place d’une offre adaptée de formations pédagogiques destinées aux enseignants de leur université (2004a). Leur recherche les a d’abord conduits à s’interroger sur le contexte actuel d’enseignement des enseignants universitaires et à identifier certains facteurs externes susceptibles de favoriser un changement des pratiques. Les facteurs externes renvoient notamment à trois constats : la baisse des effectifs étudiants qui préoccupe les départements de Sciences et Techniques ; l’obligation, normale, de procéder à l’évaluation des enseignements dans une perspective pédagogique (depuis 1997) et, enfin, l’absence de formation professionnelle des enseignants du supérieur, contrairement au niveau de l’enseignement primaire et secondaire.

L’expérience de l’Unité de recherche action en formation de formateurs URAFF est intéressante à relater à plus d’un titre : en tant que centre de soutien à l’enseignement et en tant que centre de soutien à l’enseignement faisant de la recherche et organisant des activités de recherche. Créée en France, en 2001, l’URAFF fait partie des quelques centres de ce genre.

Dans un recensement réalisé via internet, il appert que de tels centres existent dans 18 universités sur 88 (soit 20 %). À l’instar de l’URAFF, leurs activités vont du simple soutien à l’usage des TICE (technologies de l’information et de la communication pour l’enseignement), jusqu’à une offre de formation étendue (Adangnikou et Paul, 2008). Si l’on considère cette dernière catégorie, le nombre de centres en activité descend à huit et, pour la plupart, ils ont été créés au début des années 2000.

En 2005, sept d’entre eux se sont regroupés au sein du Réseau des structures universitaires de pédagogie, afin de mutualiser leurs expériences et de peser dans le développement de la pédagogie universitaire en France (Réseau des structures universitaires de pédagogie, 2006). Il s’agit des centres suivants : Cellule universitaire de pédagogie, Université Jean-Monnet ; Centre d’innovation pédagogique et d’évaluation, Université de Bourgogne ; Service d’accompagnement pédagogique et de l’évaluation, Université d’Angers ; Service universitaire de pédagogie, Université Lyon 1 ; Structure universitaire de pédagogie, Université Toulouse 3 ; Unité de recherche action en formation de formateurs, Université de Bretagne occidentale. À l’instar de leurs homologues canadiens, belges ou suisses, la plupart de ces centres offrent des formations à destination des enseignants, font du conseil individuel ou collectif et visent à promouvoir l’innovation pédagogique. Certains intègrent également les TICE dans leurs activités ou l’organisation de l’évaluation des enseignements par les étudiants ; ces deux dernières activités apparaissent comme une bonne occasion de s’orienter, avec les enseignants, vers la réflexion, la formation et l’innovation pédagogiques.

À ce jour, seulement deux centres sont consacrés à la recherche : le Centre de recherches appliquées en méthodes éducatives (CRAME) de l’Université Victor-Ségalen (Bordeaux 2) et l’Unité de recherche action en formation de formateurs. Dans le cadre de recherches-action, on y invite les enseignants à répondre à des questions de pédagogie. Si le mouvement de création de centres de soutien à l’enseignement se confirme et que l’évolution française connaît la même orientation qu’au Canada, qu’en Belgique ou en Suisse, la recherche en pédagogie universitaire pourrait ici s’enrichir de l’apport de nouveaux acteurs, les conseillers pédagogiques.

Même si elles ont pu naître, pour certaines, avec le soutien financier du ministère de l’Éducation nationale, l’émergence des structures universitaires de pédagogie en France est d’abord liée à des volontés individuelles et à des mobilisations locales dans les universités. Autrement dit, leur pérennité n’est pas assurée. À cet égard, le passé en témoigne. Des expériences extrêmement intéressantes et riches ont failli constituer un socle fort pour le développement de la pédagogie universitaire en France. Ainsi en va-t-il de l’Association pour le développement des méthodes de formation dans l’enseignement supérieur (ADMES) qui a été très prolifique durant les années 1990 en termes de recherches, de réunions et de réflexion. Ainsi en va-t-il également du réseau de Coopération interuniversitaire pour les méthodes d’évaluation (CIMÉ) créé à la fin des années 1990 et qui aurait pu constituer la base de lancement et de développement de centres de soutien à l’enseignement dans les universités françaises. Fondées à l’origine sur des bonnes volontés individuelles, ces expériences ont montré les limites d’actions relevant presque du militantisme mais qui allaient s’épuiser si elles ne recevaient pas un soutien institutionnel fort (qu’il vienne de l’Université ou du ministère).

Les technologies de l’information et de la communication pour l’enseignement (TICE)

Dix-sept références issues de la base Francis ont été répertoriées. Ces dernières renvoient principalement à deux sources. Il s’agit d’abord d’un Cahier de l’Association pour le développement des méthodes de formation dans l’enseignement supérieur (ADMES), consacré aux TICE (1999). Ensuite, a lieu, en 2000, le colloque intitulé : Technologies de l’information et de la communication dans les enseignements d’ingénieurs et dans l’industrie, à l’Université technologique de Troyes. Dans le cadre d’un regroupement des universités technologiques et des instituts nationaux des sciences appliquées (INSA), cet événement s’inscrit dans une série de colloques TICE du même nom, organisés à l’INSA de Rouen en 1998, à l’INSA de Lyon en 2002 et à l’Université de Technologie de Compiègne en 2004. Ce dernier colloque est d’ailleurs diffusé sur Canal-U : TICE 2004 (Technologies de l’information et de la connaissance dans l’enseignement supérieur et l’industrie). Son objectif est de faire le point sur ces questions, d’apporter des éclairages et des solutions innovantes, de confronter les points de vue à travers des expériences diverses, développées ces dernières années en France, en Europe et ailleurs.

De manière relative, c’est dans cette partie du corpus que se situe le plus grand nombre de références. Ce qui laisserait supposer une plus grande activité lorsqu’il est question de pratiques enseignantes médiatisées et de recherche en la matière. Une communication de Jaillet, au colloque de l’AIPU en 2004, permet de comprendre en partie ce phénomène. Sa présentation des différentes politiques qui visaient à la promotion des TICE dans l’enseignement supérieur, donnée par le ministère de l’Éducation nationale, révèle l’importance de l’impulsion ainsi que des investissements financiers consentis. Cependant, si l’on s’intéresse à la diffusion en termes de pratiques enseignantes, les résultats semblent décevants eu égard aux objectifs et aux importants investissements financiers. Comme le rappellent les membres du Réseau des structures universitaires de pédagogie (2006), cela tient probablement au fait que ces différentes tentatives d’introduction des TICE dans l’enseignement ont été abordées essentiellement sous l’angle technique, tandis que les utilisateurs, enseignants comme étudiants, étaient souvent oubliés.

Un numéro des Cahiers de l’Association des professeurs de langues en institut universitaire de technologie (APLIUT), de février 2005, est consacré à un bilan-perspective à propos de l’apport des TICE dans l’enseignement / apprentissage des langues étrangères. À travers différents articles, on y met de l’avant que le développement fulgurant du web et du multimédia ne s’accompagne pas d’une approche didactique adaptée à la diversité des médiums et qu’il en résulte souvent un défaut de maîtrise de l’enseignant et une perte de repères chez les apprenants. Ce Cahier rappelle l’importance de trouver des solutions pour que progrès technologique rime avec progrès en didactique. Il ne semble pas déraisonnable de penser que de tels constats peuvent certainement s’appliquer à bien d’autres disciplines universitaires.

Dispositifs de formation et d’aide aux étudiants

À l’interface enseignement / apprentissage, se situent les recherches sur les dispositifs de formation et d’aide aux étudiants. Il s’agit ici de deux types de dispositifs : la formation des étudiants à la recherche documentaire ainsi que le tutorat.

En ce qui concerne la formation des étudiants à la recherche documentaire, signalons les articles de Noël (1999), Les formations à l’information en bibliothèque universitaire, et d’Alava (1999), Médiation(s) et métier d’étudiant.

Le premier présente un état des lieux de la formation à l’information, dans le cadre des bibliothèques universitaires en France. Selon Noël, former à l’information est une préoccupation pour les bibliothèques, dont les actions entreprises en la matière restent peu visibles, tant au niveau des bibliothèques elles-mêmes qu’au niveau des universités. Son objectif est de dresser un panorama, le plus complet possible, des actions existantes. L’enquête nationale évoquée révèle que les formations à l’information dispensées dans les bibliothèques universitaires utilisent davantage les documents d’information qui deviennent des supports de formation, sans qu’il semble y avoir de réflexion spécifique sur la pédagogie. Dans le détail, les formations sont souvent très brèves (moins de 5 heures dans 69 % des cas) et souvent dispensées sous forme de travaux pratiques en bibliothèque universitaire (p. 32). De plus, seules 23 % des formations donnent lieu à une évaluation. L’auteur déplore, d’une part, l’absence de réflexion, sauf quelques rares cas, sur une formation offerte de manière progressive sur l’ensemble du cycle universitaire qui permettrait d’approfondir les connaissances (p. 32) et, d’autre part, le manque de collaboration avec les enseignants pour former les étudiants à la maîtrise de l’information. À noter, l’existence du Groupe de réflexion sur l’enseignement des méthodologies de l’information (GRÉMI), fondé à la suite des travaux de Coulon (1999) sur la relation entre la formation à la recherche documentaire et la réussite universitaire des étudiants (http://www.ext.upmc.fr/urfist/gremi1.htm). Les chercheurs du GRÉMI réfléchissent sur le sens et les modalités des enseignements documentaires, sur la place des méthodes et outils informationnels dans le travail intellectuel, sur la fonction sociale et culturelle de la maîtrise des systèmes documentaires. Accueilli par l’Unité régionale de formation à l’information scientifique et technique (UFRIST) de Paris, il organise régulièrement des séminaires (http://www.ext.upmc.fr/urfist/etude.htm). Cette question de la formation à la recherche documentaire revient également dans les colloques de l’AIPU (2003 et 2004), à travers des communications de Candalot-Casaurang sur les conditions d’efficacité d’une telle formation.

Quant à Alava (1999), de manière plus générale, il établit des liens entre la formation à la recherche documentaire et la maîtrise de la méthodologie du travail universitaire. Dans son article, il aborde le problème des échecs massifs à l’Université. Comme d’autres (Coulon, 1997), Alava propose de voir les pratiques d’étude et la réussite dans le supérieur comme l’acquisition, la réalisation et la maîtrise du métier d’étudiant qui comporte de multiples facettes. Ainsi, l’article repose, d’une part, sur le constat d’un paradoxe selon lequel il existe de nombreuses recherches qui confirment la spécificité méthodologique, sociale et cognitive de l’apprentissage universitaire, mais il n’existe que peu d’actions de médiations pour former à ces « méthodes » (1999, p. 3). D’autre part, en s’appuyant sur des recherches menées à l’Université de Toulouse Le Mirail, Alava décrit le rôle de la maîtrise de ces façons d’apprendre dans l’insertion et la réussite universitaires. Il envisage ensuite des stratégies de mise en place de médiations diversifiées qui permettent à chaque étudiant de développer ses capacités d’autoapprentissage, facteurs de maîtrise du métier d’étudiant.

Quant aux dispositifs d’aide, six références ont été classées, qui renvoient principalement au tutorat. Ce dispositif a été mis en place dans les universités françaises afin d’aider leurs étudiants qui éprouvent certaines à réussir. Les travaux d’Annoot (2001, 2003), d’Alava (2000a) et de Danner (2000) ont permis d’apprendre que si les tuteurs, acteurs principaux du dispositif, peuvent apparaître comme des médiateurs facilitant l’accès des étudiants aux connaissances universitaires, l’effet positif du dispositif reste à nuancer, puisque les plus concernés par ces actions de soutien ne sont cependant pas les plus présents ni les plus assidus. Dès lors, il faut trouver des pistes pour que ce dispositif toujours en vigueur fonctionne bien en relation avec ces objectifs.

La didactique

Nous avons retenu cinq références qui renvoyaient à des travaux en didactique. À travers celles-ci, il est question de deux domaines disciplinaires : celui des mathématiques et celui du français. Un article de Masseron (2004) et un article de Pollet (2004) s’inscrivent dans un numéro de la revue Pratiques, publiée par le Collectif de recherche et d’expérimentation sur l’enseignement du français (CRESEF). Dans ce numéro, paru en 2004, les coordonnateurs, Boch, Laborde-Milaa et Reuter, proposent un ensemble de contributions sur les normes et pratiques de l’écrit dans le supérieur. En introduction, ils brossent un portrait des différents colloques et publications à la suite desquels s’inscrit leur numéro, tout en présentant des équipes de recherche dans le domaine : réseau didactique, théories didactiques des interactions lecture-écriture (THÉODILÉ), de l’Université de Lille 3 ; Laboratoire de linguistique et didactique des langues étrangères et maternelles (LIDILÉM), de l’Université Stendhal, Grenoble 3. Précisons que ces équipes ne s’intéressent pas spécifiquement à l’enseignement supérieur.

Selon Boch, Laborde-Milaa et Reuter (2004), ce champ de recherche en didactique du français dans l’enseignement supérieur a maintenant une dizaine d’années. Il s’agit de mieux appréhender le rapport des étudiants aux textes qu’ils ont à lire, à analyser ou à produire, leurs modes d’apprentissage des savoirs universitaires, leurs pratiques scripturales, les compétences qu’ils mobilisent ou non dans diverses tâches, et tout cela pour diagnostiquer et traiter les difficultés en la matière. L’objectif semble être ici de voir comment et dans quelle mesure rendre les étudiants conscients de leurs pratiques, de leur donner la capacité de se relire avec un certain recul et de les amener à développer des stratégies efficaces. Les contributions de ce numéro mettent en relief la relation entre difficultés de lecture-écriture et réussite, et montrent aussi l’apport de la linguistique comme une discipline contributoire privilégiée, fournissant des outils pour établir un diagnostic (2004, p. 4).

Dans le cadre du colloque 2004 de l’AIPU, Boch présente une communication intitulée : Prise de notes et apprentissage, bilan des recherches. L’auteure souligne la complexité de l’activité de prise de notes et le rôle central qu’elle joue dans l’apprentissage des savoirs, tout en déplorant qu’elle soit trop rarement objet d’apprentissage. Elle formule l’hypothèse que la prise de notes est peu enseignée en raison d’une mise en compétition de deux niveaux d’apprentissage incompatibles : d’une part, l’orthographe par rapport aux techniques d’abréviation qui défigurent les mots et, d’autre part, le déploiement syntaxique des idées par rapport au style télégraphique.

Les apprentissages des étudiants

Le domaine intitulé Apprentissages des étudiants regroupe cinq références. Parmi elles, se trouvent un article d’Alava (2000b) et un autre de Trinquier et Clanet (2001). Dans Les profils d’autodirection et les pratiques d’études des étudiants en première année d’université, Alava (2000b) part du travail et des résultats obtenus lors de la recherche, déjà citée, réalisée pour le Comité national de coordination de la recherche en éducation (CNCRE). Il centre son analyse sur l’étude des stratégies d’auto-apprentissage des étudiants, sur les pratiques autonomes d’études au-delà du cours qui semblent apparaître comme un élément discriminant dans les conduites des étudiants et les parcours de réussite. Il met de l’avant l’existence de pratiques d’études formelles et informelles, dont il tente de décrire et d’expliquer l’hétérogénéité ; il montre aussi que ceux qui réussissent le mieux sont ceux qui ont les pratiques d’études les plus scolaires. Dans leur article intitulé Pratiques d’études et représentations de la formation chez les étudiants de première année : quelles limites à l’hétérogénéité ? Trinquier et Clanet (2001) centrent leur approche sur le lien entre les différentes typologies qu’ils ont pu dégager, au sujet des représentations, des pratiques des étudiants, et de leur réussite universitaire. Cet article s’inscrit dans le cadre d’un dossier de la Revue française de pédagogie (RFP) intitulé Entrer, étudier, réussir à l’Université.

Dans ce même numéro de la RFP, se trouve une note de synthèse d’Alava et Romainville (2001) : Les pratiques d’étude, entre socialisation et cognition. Les auteurs font le point le plus exhaustif possible sur les travaux qui cherchent à mieux comprendre l’activité de l’étudiant et son expérience concrète de l’Université et de son enseignement (p. 160). Ils décrivent deux approches de la question. La première, d’origine anglo-saxonne, s’est développée à partir de la psychologie cognitive et porte, pour l’essentiel, sur les stratégies d’apprentissage des étudiants. La seconde, d’origine francophone, s’est principalement développée à partir de la sociologie et porte sur les expériences des étudiants ainsi que sur la fonction de sélection de l’enseignement supérieur. La partie traitant de l’approche francophone présente non seulement l’état des lieux en matière de travaux de recherche sur les étudiants et leurs pratiques, mais propose en plus une grille d’analyse permettant de situer ces travaux les uns par rapport aux autres, en même temps qu’elle présente les temps forts de l’évolution récente de l’enseignement supérieur français. À ce jour, il s’agit là du premier, et du seul travail de synthèse sur la question.

L’étude des stratégies d’apprentissage des étudiants a été abordée dans le cadre des plus récents colloques de l’AIPU. Deux séries d’auteurs apparaissent plus particulièrement, et les uns comme les autres se réfèrent aux stratégies d’apprentissage comme les ont présentées Boulet, Savoie-Zajc et Chevrier (1996).

D’un côté, Quinton, Bahougne, D’affreville, Daviaud, Ludovic, Luaces et Racine (2004) s’intéressent aux stratégies d’apprentissage des étudiants qui ont réussi le concours très sélectif de première année de médecine à l’Université de Bordeaux 2. In fine, l’objet est ici d’aider, dans le cadre d’un tutorat, les étudiants, surtout ceux qui n’ont pas les moyens financiers d’accéder aux préparations privées, à se préparer à ce concours en développant des stratégies d’apprentissage efficaces. Après la rédaction de deux mémoires sur le sujet, deux enquêtes complémentaires par questionnaire ont été menées auprès d’étudiants de deuxième et troisième année de médecine.

D’un autre côté, Adangnikou et Murdoch (2003 et 2004) s’intéressent aux stratégies d’apprentissage d’étudiants issus des quatre principales filières d’entrée dans l’enseignement supérieur : les sections de techniciens supérieurs, les instituts universitaires de technologie, le premier cycle universitaire général et les classes préparatoires scientifiques. Les étudiants ont ensuite intégré des écoles d’ingénieurs. L’objectif est de tester l’efficacité du modèle pédagogique des classes préparatoires à travers, notamment, l’hypothèse selon laquelle les élèves issus de ces formations auraient développé des stratégies d’apprentissage et des compétences qui les distingueraient des autres, tant dans la poursuite des études qu’au niveau professionnel (comme une meilleure capacité d’organisation, une meilleure capacité d’apprentissage ainsi qu’une capacité à travailler plus rapidement). Or, les résultats obtenus ne vont pas dans ce sens : les élèves issus des classes préparatoires ne se distinguent pas significativement des autres étudiants aux niveaux attendus.

L’évaluation des enseignements et des apprentissages des étudiants

L’évaluation des enseignements

En France, l’évaluation des enseignements est obligatoire depuis un arrêté ministériel de 1997. À la suite du Rapport Dejean (2002), commandité par le Haut Conseil de l’évaluation de l’école (HCÉÉ), il apparaît que l’évaluation des enseignements à l’université est rare. Dans la plupart des universités, des expériences d’évaluation ont été initiées mais sont souvent très vite tombées en désuétude. L’auteur du rapport pointe les insuffisances de l’institutionnalisation de l’évaluation des enseignements en France. D’une part, il n’y pas eu de décret d’application de la part du ministre de l’Éducation nationale, ce qui aurait permis d’orienter concrètement les modalités d’organisation des universitaires. D’autre part, il y aurait fallu prévoir des modalités d’accompagnement des enseignants dans une perspective de remédiation pédagogique et, par là, des possibilités de formation pédagogique. La base Francis ne révèle aucune recherche sur l’évaluation des enseignements et, d’une manière générale, il n’existe pas ou extrêmement peu de travaux de recherche sur le sujet.

L’évaluation des apprentissages des étudiants

À la demande du HCÉÉ, un rapport concernant l’évaluation des acquis des étudiants a également été produit (Romainville, 2002). Son auteur met en avant le fait qu’il existe très peu de travaux en la matière et donc que l’on en sait peu sur les acquis des étudiants. Par contre, selon lui, un écart apparaît entre, d’une part, ce que mesurent les examens et ce que les étudiants semblent avoir acquis et, d’autre part, avec ce qu’attendent les employeurs. De même, les formations ne sont pas définies par rapport à des objectifs, mais par rapport à des contenus. Ainsi, se développe une évaluation normative qui vise davantage à classer les étudiants les uns par rapport aux autres plutôt qu’à mesurer les compétences acquises. Les travaux de Beney et Guinard (2000 et 2003), présentés aux colloques de l’AIPU, abordent la question de l’évaluation des méthodes d’enseignement. Prenant l’exemple concret du mode d’organisation des travaux pratiques en sciences et techniques, ils montrent le cheminement à suivre pour tester sérieusement l’efficacité d’une méthode d’enseignement, sous l’angle des apprentissages réalisés par les étudiants.

Conclusion

Un certain nombre d’éléments se dégagent de notre objectif de faire le point sur la recherche en pédagogie universitaire à partir d’une recension de publications à partir dans la base de données Francis.

Au regard de la période considérée (1999-2005), il semble que peu de recherches existent dans les domaines qui concernent la pédagogie universitaire. De plus, la recherche existante ne se fait que très rarement au nom de la pédagogie universitaire, mais davantage dans le cadre de disciplines reconnues, comme les sciences de l’éducation ou leurs disciplines contributives. Néanmoins, la situation pourrait évoluer si venaient à se confirmer un certain nombre d’événements au rang desquels le développement des structures universitaires de pédagogie (SUP) pourrait occuper une place particulière.

Par ailleurs, il est apparu qu’un tel exercice se heurtait très rapidement à deux difficultés majeures : l’absence de définition claire et reconnue, d’une part, de la pédagogie universitaire et, d’autre part, de la recherche en pédagogie universitaire. À ce sujet, la pédagogie universitaire apparaît en France comme un champ émergent et en pleine construction. Par conséquent, il est difficile de construire un corps de connaissances éprouvées, et par là, plus difficile encore, d’en faire l’état des lieux. Le manque de visibilité et de lisibilité de ce champ de recherche en France en limite probablement la portée.

Un tel constat peut offrir l’occasion aux membres de la communauté de recherche en pédagogie universitaire, de jeter un regard critique sur le développement de leur communauté et de son activité. Cela s’avère d’autant plus important que des changements majeurs, actuellement en cours, vont très certainement conduire les universités françaises à porter un regard nouveau sur les activités d’enseignement. Il s’agit principalement de la mise en place du Processus de Bologne, à travers le LMD (Licence, Master, Doctorat) et de l’application de la Loi d’organisation de la loi de finance (LOLF).

En visant l’augmentation de la mobilité internationale des étudiants par l’harmonisation des structures européennes d’enseignement supérieur, le Processus de Bologne va certainement accroître un phénomène de concurrence entre les universités françaises. Au niveau national, le LMD est censé donner plus de liberté aux étudiants pour construire leur parcours de formation en leur offrant notamment le choix de matières majeures et de matières mineures (dans une autre discipline). Cela rend et rendra plus complexe encore la situation d’enseignement des enseignants qui vont devoir gérer une hétérogénéité accrue de leur public étudiant, alors qu’ils percevaient déjà cette hétérogénéité comme un problème important dans les premiers cycles universitaires (Altet, 2001 et 2004 ; Bireaud, 1996 ; Rey, 2005 ; Romainville, 2000). Dans le cadre du Processus de Bologne, la France s’est par ailleurs engagée à ce que ses universités délivrent l’annexe descriptive au diplôme, document destiné aux étudiants et présentant les compétences qu’ils auront développées durant leur parcours universitaire. Aujourd’hui, dans la plupart des universités, les enseignants n’ont pas été préparés à une telle tâche, qui suppose a minima une réelle approche de l’enseignement en termes d’objectifs et de compétences et non plus seulement en termes de contenus (Romainville, 2002).

Enfin, la mise en place de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) marque une profonde évolution du financement public, qui dépend désormais de l’atteinte de résultats. À ce titre, les universités vont devoir produire des indicateurs de qualité dans leurs différents domaines d’activité, ce qui les conduira à mettre en oeuvre des stratégies pour parvenir à une qualité optimale. Au niveau des activités d’enseignement, cela pourrait se traduire par des orientations comme le renforcement du tutorat des étudiants en difficulté. Cependant, nous pouvons formuler l’hypothèse que le renforcement des compétences pédagogiques des enseignants constituera probablement une autre orientation forte.