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Introduction

Les changements relevés dans le système éducatif postsecondaire de la Colombie-Britannique depuis le début des années 1970 sont les signes d’une révolution sociale. Le changement majeur a été l’accès accru, à travers la transformation d’un système éducatif d’« élite », à un système « de masse » puis en un système « universel » (Trow, 1973 ; Clark, 1983 ; Scott, 1995). L’éducation postsecondaire, à l’instar de l’aide sociale et, avant elle, des soins de santé, est maintenant considérée comme un droit plutôt qu’un privilège. Les systèmes d’éducation postsecondaire de masse sont l’une des institutions les plus typiques et les plus performantes de la société contemporaine. Toutefois, inévitablement, l’expansion entraîne plus d’éclatement, plus de différenciation et, habituellement, plus de stratification.

La définition de l’« université » et de ce qui constitue la « formation universitaire » s’est relativement maintenue jusqu’à la fin des années 1970. Depuis lors, le système a fait face à une série de défis qui ont changé le sens du terme « université ». Le premier défi a été la création de l’Open Learning Institute et d’une université privée, l’Université Trinity Western. Un autre défi, dont la réponse a nécessité plus de concertation, est apparu à la fin des années 1980 et s’est poursuivi pendant les années 1990 avec l’établissement de collèges universitaires, l’attribution du droit de conférer des grades à une série d’autres collèges spécialisés et la création d’universités « à créneaux » à l’image de la Royal Road. Nous sommes maintenant au début de la plus importante série de changements, eu égard au privilège de conférer des grades de premier cycle et de cycles supérieurs, que la législation gouvernementale étend davantage aux institutions du secteur public, tout en fournissant également une place légale pour un système privé d’universités en Colombie-Britannique. Deux tendances majeures marquent l’environnement des politiques durant cette période. Il y a d’abord la tendance continue d’une « dérive académique » en dépit des efforts des gouvernements successifs à rendre le système plus utilitaire et plus professionnel. A suivi le remplacement progressif d’un impératif social par un impératif économique.

Sous-jacente à ces deux tendances, il existe une tension entre, notamment, l’égalité des chances et le bien commun, la réponse aux demandes du marché et le développement économique, et entre l’« accessibilité » et la professionnalisation.

Le présent article [1] vise quatre objectifs distincts faisant chacun l’objet d’une section. Le premier est de retracer le développement du système postsecondaire de la Colombie-Britannique avec une insistance particulière sur la formation universitaire. Nous y décrivons et analysons les périodes majeures d’expansion à partir des années 1970 jusqu’aux années 1990. Le deuxième objectif est de présenter les changements dans le financement universitaire, en particulier pendant les années 1990. Ces changements préparent la transformation majeure présentement en cours. Le troisième objectif consiste à faire l’examen de la nouvelle ère de la politique de la Colombie-Britannique depuis qu’un gouvernement libéral a pris le pouvoir en juin 2001. Le dernier objectif consiste à tirer certaines conclusions sur les relations entre le cadre des politiques publiques, la transformation de l’université et de la formation universitaire en Colombie-Britannique.

Contexte historique

Après la fondation de l’Université de Colombie-Britannique en 1908 et jusqu’au début des années 1960, l’attitude du gouvernement de cette province envers la formation postsecondaire peut être qualifiée de quelque peu négligente. L’éducation postsecondaire provinciale financée par le secteur public comprenait l’Université de Colombie-Britannique à Vancouver, le Collège Victoria (Victoria College) qui lui est affilié, l’Institut professionnel de Vancouver (Vancouver vocational Institute) et d’autres établissements non habilités à conférer des grades. Tous les établissements avaient une orientation plus ou moins professionnelle. L’Université de Colombie-Britannique avait été fondée dans la tradition des universités américaines issues de dons fonciers et, en plus des programmes d’arts et de sciences, elle dispensait, dès ses débuts, des programmes professionnels en sciences appliquées et en agriculture.

Jusqu’aux années 1960, les priorités politiques de la province étaient généralement de permettre aux entreprises étrangères, ou venant de l’extérieur, de développer les richesses naturelles de la province. Au cours des premières années de l’administration du Crédit social de W.A.C. Bennet, cette priorité avait pris forme par la construction d’une infrastructure de lignes maritimes, de chemins de fer, d’autoroutes et de puissance hydroélectrique pour faciliter l’extraction et l’exportation de ressources premières du nord et du centre de la province (Barman, 1996, p. 355; Resnick, 1985, p. 8). Le gouvernement Bennet, comme l’administration des conservateurs et celle des libéraux qui l’avaient précédé, avait un intérêt minimal à investir dans une infrastructure éducative pendant que l’économie semblait exiger le développement d’industries de matières premières.

Cette perspective n’était cependant pas partagée par un nombre croissant de citoyens de la Colombie-Britannique. Des inscriptions massives dans tous les établissements avaient usé les équipements jusqu’à leurs limites : à l’Université de Colombie-Britannique, l’inscription avait doublé entre 1955 et 1962 (de 6 403 à 12 950) ; elle avait quadruplé au Collège Victoria durant la même période (de 397 à 1 739) (Jeffels, 1972, p. 1 ; McDonald, 1962, p. 8, 14). Les classes étaient surchargées ; les laboratoires manquaient d’équipements ; les bibliothèques devenaient peu adéquates. Il était de plus en plus difficile de recruter des enseignants, en raison de la compétition avec d’autres institutions d’Amérique du Nord qui répondaient à des exigences grandissantes.

Le Rapport MacDonald

L’événement le plus déterminant dans le développement de la formation postsecondaire en Colombie-Britannique a peut-être été la publication du Rapport MacDonald (1962). Du fait que ce rapport n’était pas financé par le gouvernement, mais qu’il émanait de l’initiative d’un président nouvellement affecté à l’Université de Colombie-Britannique, son impact sur le développement ultérieur a été significatif. John B. MacDonald a été nommé président de l’Université de Colombie- Britannique en 1962. Au début de son mandat, avec le soutien de la Commission des études de l’université (unique institution provinciale habilitée à conférer des grades), il a instauré une enquête auprès des citoyens de la province et découvert que la population était profondément intéressée à suivre une formation postsecondaire et qu’elle éprouvait une profonde insatisfaction devant tous les équipements localisés dans la partie sud-ouest de la province. Le rapport Éducation supérieure en Colombie-Britannique : plan pour l’avenir (Higher education in British Columbia : A plan for the future), publié en décembre 1962, a ouvert le chemin à un développement sans précédent dans l’éducation postsecondaire en Colombie-Britannique.

Le plan a mis surtout l’accent sur l’excellence. Selon MacDonald et son équipe, « l’excellence » en éducation n’était réalisable qu’à travers des institutions autonomes et autogérées disposant de divers mandats pour satisfaire les besoins de populations différentes. Il a suggéré que deux nouveaux collèges, dispensant une formation de quatre ans, soient fondés ainsi qu’un réseau de collèges offrant une série de programmes techniques et de programmes de deux ans axés sur les professions, en plus de cours qui permettraient le transfert de crédits universitaires [2]. Toutes les institutions ravitailleraient en étudiants l’Université de Colombie-Britannique.

MacDonald a couvert tous les angles en élaborant la défense de son projet. Il a expliqué que l’éducation postsecondaire financée publiquement était essentielle pour créer la « masse critique » nécessaire à la transformation de la province en une économie industrielle. L’éducation permanente devait être une composante fondamentale de toutes les institutions. Pour MacDonald, la formation permanente devenait une voie de survie économique. Ces idées étaient formulées en termes de libre entreprise, ce qui ne pouvait que séduire le gouvernement de l’époque. Le rapport soutenait aussi que les industries seraient attirées vers la Colombie-Britannique avec un bassin de main-d’oeuvre plus développé (MacDonald, 1962).

En réponse au rapport, le gouvernement a adopté la Loi sur les universités (Universities Act,1963) qui définissait les pouvoirs, les responsabilités et les structures dirigeantes internes des universités dans la province. Le statut du Collège Victoria fut changé pour devenir l’Université de Victoria (University of Victoria) et l’Université Simon Fraser (Simon Fraser University), un nouvel établissement, a commencé à fonctionner en 1965. La Loi ne limita pas les responsabilités des nouvelles universités à n’être que des institutions « de quatre ans » qui servent de réservoirs d’étudiants, comme le proposait MacDonald, mais en a fait des universités indépendantes, légalement égales à l’Université de Colombie-Britannique (Cameron, 1991, p. 113). Par conséquent, les deux nouvelles universités ont mis en oeuvre des programmes professionnels et des programmes de deuxième cycle pour se doter d’un corps professoral hautement qualifié, du financement et du statut d’institution de recherche sur le plan fédéral.

À l’inverse, le développement des collèges va suivre un processus plus lent. Le Vancouver City College a été le premier en 1965 à apparaître. Vers 1975, 20 collèges existaient dans les circonscriptions scolaires de la province et, à l’exception de l’École professionnelle de Burnaby (BC vocation school of Burnaby), tous les instituts professionnels avaient été intégrés dans ces collèges. Après plus d’une décennie d’expansion, les gouvernements pouvaient clairement se féliciter d’avoir considérablement accru l’accès à la formation postsecondaire. Là encore, le nouveau système éducatif « binaire » divisait géographiquement la province, car les résidents de la basse région avaient un accès direct à une université publique, pendant que ceux d’ailleurs n’avaient qu’un accès indirect à travers les collèges. Dès le début, les collèges avaient dans leurs fonctions primordiales le transfert des crédits aux universités. La réussite de deux années de cours transférables à l’université est devenue le modèle type suivi par la majorité des étudiants des collèges.

Dans la courte période au cours de laquelle le Nouveau Parti démocratique (New democratic party) était au pouvoir (1972-1975) entre les administrations du Crédit social, la ministre de l’Éducation, Eileen Dailly, a pu effectuer des changements significatifs dans les secteurs des universités et des instituts. Sur les conseils d’un comité oeuvrant sous la direction de Walter Young, professeur de sciences politiques à l’Université de Victoria, le Conseil des universités a été créé. Le Conseil était une tentative de concilier l’autonomie universitaire et la responsabilité publique. Constitué de membres académiques universitaires et de membres extérieurs désignés par le Ministère, il fournissait aux universités publiques un moyen de distribuer les subventions entre provinces et de coordonner la planification de nouveaux programmes habilités à conférer des grades et à recruter de nouveaux enseignants [3]. Le jeune Conseil recommandait que des représentants du personnel de soutien et des étudiants soient inclus dans les comités de direction des universités. Cela est entré en vigueur avec la Loi sur les universités (Universities Act) de 1974. La même année, l’Institut de technologie de Colombie-Britannique (British Columbia Institute of Technology) a été doté d’une semblable structure dirigeante par la Loi sur l’Institut de technologie (Institute of Technology Act). La Loi attribuait à l’Institut de technologie de Colombie-Britannique le statut de corporation, ce qui lui a permis d’élaborer des programmes et une culture qui le distinguaient des universités et des collèges.

Le gouvernement du Crédit social a pris le pouvoir pendant une période économique prospère et s’est mis à investir massivement en éducation durant son premier mandat, en partie, grâce à la nomination au poste de ministre de l’Éducation, du Dr Patrick McGeer, professeur à l’Université de Colombie-Britannique. Ce membre du Parti libéral avait changé de parti afin d’avoir plus d’influence ; McGeer était déterminé à changer la relation entre l’économie et le système éducatif postsecondaire en Colombie-Britannique. Il a développé des institutions liées à leur environnement et censées jeter les bases d’une économie de savoirs menée par des entrepreneurs hautement qualifiés dans les domaines de la science et de la technologie. Dans le secteur universitaire, son insistance à développer des relations conviviales avec l’industrie a amené la création de plusieurs institutions hybrides aux frontières des secteurs public et privé : le Conseil des sciences de Colombie-Britannique (Science Council of British Columbia, 1978), la Fondation pour la découverte (Discovery Foundation, 1980) et le Centre de recherche biomédical de l’Université de Colombie-Britannique (UBC’s Biomedical Research Centre, 1988). Dès le début, chacune de ces institutions était guidée par l’objectif de développement économique local, l’accroissement d’une masse critique de compétences en recherche et le développement dans des domaines réputés pour leur valeur commerciale. Toutes préconisaient la collaboration université-industrie et la recherche interdisciplinaire. Pour McGeer, la richesse et les emplois étaient directement liés à la performance d’une société en matière de science et de technologie.

L’ouvrage Politics in paradise (Politique au paradis) de McGeer (1972) propose une analyse de l’éducation postsecondaire en Colombie-Britannique et les actions nécessaires pour « ouvrir » le système (p. 19-41). Il tenait surtout à offrir aux étudiants un accès équitable à l’éducation à travers la province et à accueillir correctement les apprenants adultes ; pour atteindre ces objectifs, il a recommandé la mise en place de la télévision éducative. À cette fin, en mai 1976, il a établi la Commission sur les programmes universitaires en zones non métropolitaines (Commission on university programs in non-metropolitan areas), dirigée par William Winegard. Le rapport a suggéré que les régions à l’extérieur de la partie continentale basse soient desservies par une université à plusieurs campus utilisant des méthodes traditionnelles basées sur la salle de classe, les télécommunications et autres techniques de formation à distance, semblables aux médias de l’Université ouverte britannique (British Open University). Par la suite, le Comité sur l’éducation permanente et communautaire (Committee on continuing and community education), dirigé par Ron Faris, a suggéré un « collège ouvert » utilisant des méthodes audiovisuelles, des méthodes de formation à distance ainsi que des cours présentiels pour aider à réduire les barrières géographiques, sociales et économiques.

En décembre 1977, McGeer a proposé au Cabinet que soit créé un Institut d’apprentissage ouvert de Colombie-Britannique (British Columbia Open Learning Institute) en vertu de la Loi sur les collèges (Colleges Act). Les critiques du milieu des instituts et universités ont été vives, en partie parce que McGeer a suggéré d’adapter les documents de l’Université ouverte britannique. En dépit de l’opposition, l’Institut d’apprentissage ouvert a été créé en juin 1978. Le mois suivant, la Loi sur les universités a été amendée en vue d’autoriser l’Institut d’apprentissage ouvert à conférer des grades. En novembre 1979, le premier ministre Bennet a restructuré le Cabinet, en nommant McGeer à un nouveau ministère des Universités, des Sciences et des Communications, et l’avocat Brian Smith au ministère de l’Éducation. En tant qu’institution hybride répondant à la fois aux deux ministères, la quantité de « paperasse » bureaucratique que l’Institut d’apprentissage ouvert devait traiter a doublé en peu de temps.

L’Institut d’apprentissage ouvert représente le premier des trois développements remarquables en infrastructures institutionnelles qui ont eu lieu à la fin des années 1970. Ensuite est venue la décision de créer le Centre de recherche David Thompson en 1977 sur le site de l’ancienne Université Notre-Dame (Notre-Dame University). Ce centre était administré par l’Université de Victoria. L’Université Notre-Dame avait été l’unique établissement provincial confessionnel habilité à conférer des grades, desservant la région de Kootanay. Durant l’administration du Nouveau Parti démocratique, une Commission royale sur l’éducation postsecondaire dans la région de Kootenay (Royal Commission on Post Secondary Education in the Kootanay Region) a été instituée en 1973 sous Ian McTaggart-Cowan. Elle recommandait la création d’un institut hybride à plusieurs campus incluant l’Université Notre-Dame et le collège Selkirk (Selkirk College). Aucune réaction n’a été remarquée. Lorsque, plus tard, l’Université Notre-Dame s’est trouvée en difficulté financière, elle a exigé que le gouvernement prenne en charge l’institution. McGeer a réagi en créant le Centre universitaire David Thompson (David Thompson University Centre), mais l’a fermé sept ans plus tard, en 1984, quand le gouvernement a lui-même fait face à des difficultés financières.

Le troisième développement a été la fondation de la première université privée de Colombie-Britannique. Fondée à l’origine en 1962, en tant que collège chrétien d’arts libéraux, la Trinity Western est devenue une université en vertu d’une loi sur les personnes privées en 1979. Au-delà de la reconnaissance d’un établissement privé, la Trinity Western élargit aussi la conception de l’université en Colombie-Britannique.

Politique de crise des années 1980

Les années 1960 et 1970 ont été la période prospère de l’éducation postsecondaire en Colombie-Britannique. Cette période a connu une fin brusque au début des années 1980 sous l’effet d’une sévère récession mondiale, qui a frappé la Colombie-Britannique plus rudement que toute autre province du Canada (Barman, 1996, p. 327). La demande internationale de produits forestiers et de métaux a chuté fortement, et le nombre de chômeurs de la province a doublé, passant de 88 000 en 1980 à 166 000 en 1982, pour atteindre 192 000 en 1983, c’est-à-dire de 6,8 % à 12,1 % puis à 13,8 % de la main-d’oeuvre (Schworm 1984, p. 4, dans Moran, 1991, p. 117). À la suite d’une campagne électorale marquée par la pression gouvernementale, le parti du Crédit social a été réélu en mai 1983. En juillet, le gouvernement a introduit son « infâme » budget de crise avec 34 alinéas de législation conçus pour déréglementer les fonctions gouvernementales ; réduire la taille du secteur public de 25 % par des licenciements, des privatisations et des réorganisations ; réduire le pouvoir syndical ; éliminer plusieurs dispositions de l’aide sociale et centraliser le contrôle sur les budgets des écoles et des collèges (Moran, 1991, p. 118). Le plus controversé de ces alinéas a été le troisième projet de loi, la Loi sur la restriction du secteur public, permettant de licencier des travailleurs sans motif. Malgré des protestations et des arrêts de travail généralisés, le gouvernement a adopté la plupart des projets de lois sans aucune retouche pendant les années 1983 et 1984.

Ce budget de crise a forcé le secteur de l’éducation postsecondaire à adopter une position de survie. D’importantes compressions budgétaires ont été effectuées avec peu de préavis. En plein milieu de l’année universitaire 1982-1983, le gouvernement a retiré 12 millions de dollars des subventions annoncées pour les trois universités, et 8,5 millions des budgets des collèges (Cameron, 1991, p. 254). Au cours de ces deux années, les budgets universitaires ont été réduits de 5 % par an. À cette époque, l’inflation était de 17 % et les inscriptions ont augmenté de 11,4 % (Moran, 1991, p. 120). Les universités ont réagi en imposant des quotas d’inscription, en augmentant les frais de scolarité, en supprimant des programmes et en licenciant des membres du personnel administratif et du corps enseignant (Dennison, 1987 ; Fisher et Gilgoff, 1987). Les étudiants payaient plus pour moins de services et les subventions provinciales ont été remplacées par des prêts aux étudiants, ce qui a placé la Colombie-Britannique au dixième rang parmi les provinces en matière de dépenses par inscription à plein temps (Orum, 1992, p. 8). L’économie a amorcé une remontée en 1985, mais les subventions de fonctionnement de base ne se sont pas améliorées avant 1987-1988 (Moran, 1991, p. 122).

Accès pour tous : deuxième période d’expansion majeure

La pression publique pour accroître l’accessibilité poussera le gouvernement à mettre sur pied un Comité provincial d’accès (Provincial Access Committee), dirigé par Les Bullen, pour coordonner les activités (Dennison, 1995b, p. 15). Le rapport du comité a montré que, relativement à sa population, la Colombie-Britannique occupait le neuvième rang parmi les provinces en ce qui concerne le nombre de premiers grades décernés, et le septième quant à l’inscription des étudiants de 18 à 24 ans au postsecondaire à plein temps (Province of British Columbia, 1988, p. 4). Le rapport a fait une foule de suggestions pour améliorer l’égalité d’accès pour tous. Certaines suggestions s’adressaient aux institutions, comme celle accordant la priorité aux systèmes d’apprentissage ouvert pour élargir l’accès ; d’où la création, par la Loi sur l’apprentissage ouvert (Open Learning Act), d’une banque de crédits où les étudiants pouvaient accumuler des crédits obtenus ailleurs, une initiative qui a été la première en Colombie-Britannique à reconnaître l’apprentissage antérieur (Dennison, 1995b, p. 17). En outre, le comité va suggérer la création de « collèges universitaires » pour étendre les programmes habilités à conférer des grades à des régions densément peuplées, mais mal desservies par les universités, pour explorer l’idée de créer une Université du Nord.

Le rapport a obtenu un soutien immédiat et élargi dans tout le système, et a constitué le fondement de la seconde période d’expansion majeure de l’éducation universitaire. Parce que le rapport dénotait un effort d’établissement des relations entre la communauté universitaire et d’autres communautés désireuses d’établir une société plus démocratique, la plupart des recommandations des comités provinciaux d’accès ont été mises en oeuvre par le projet « Accès pour tous » du parti du Crédit social. Lancé en mars 1988, le programme « Accès pour tous » a inspiré la création de cinq collèges universitaires, de trois nouvelles universités et l’habilitation à conférer des grades pour deux institutions non universitaires. Les décisions ont remodelé et accru la différenciation au sein du système éducatif.

La première de ces décisions a été prise en 1989 lorsque le gouvernement a qualifié trois collèges universitaires, Cariboo College à Kamloops, Malaspina à Nanaimo et Okanagan à Kelowna, qui, en partenariat avec une université, pouvaient dispenser des études de baccalauréat pour lesquelles l’université partenaire conférerait un grade. Hagen a annoncé que les collèges universitaires allaient offrir des programmes de quatre ans à compter de septembre 1990. Ce type de fusion institutionnelle était radical et n’avait d’équivalent nulle part au Canada (Dennison, 1995b, p. 16).

Outre ces préoccupations au sujet de l’accès, le gouvernement était aussi résolu à accroître la contribution professionnelle et économique de toutes les institutions postsecondaires. La théorie des ressources humaines avait émergé à cette époque comme solution de rechange à la théorie du capital humain. Le gouvernement a augmenté le nombre de collèges universitaires à cinq, en y ajoutant Fraser Valley (1991) et Kwantlen College (1995). Les collèges universitaires ont commencé par supprimer les programmes de partenariat, en développant leurs propres programmes et en conférant leurs propres grades. Les changements de législation ont permis également à l’Institut de technologie de Colombie-Britannique et à l’Institut Emily Carr d’art et de design (Emily Carr Institute of Art and Design) d’offrir des programmes de baccalauréat.

Le Nouveau Parti démocratique a été porté au pouvoir en octobre 1991. Le nouveau gouvernement était favorable à la poursuite des objectifs professionnels de la précédente administration, mais ne voulait pas être assimilé au Projet de développement des ressources humaines du Crédit social (Social Credit Human Resources Development Project) (Lackie, 1999, p. 3-4). Le premier ministre Harcourt a organisé deux sommets d’envergure en 1992 et 1993 : l’un sur les débouchés commerciaux et économiques et l’autre sur le développement technique et la formation [4]. Il a restructuré ensuite son gouvernement en créant le ministère des Compétences, de la Formation et du Travail, signifiant clairement par là que l’éducation serait considérée comme étroitement liée aux grandes préoccupations qui touchent la société, l’économie et le travail. Le projet du gouvernement de créer le programme « Techniques en avant » a émergé en tant que priorité gouvernementale au cours des deux années suivantes. Ce projet a reçu une somme de 200 millions de dollars de 1994 à 1996 pour le développement et le soutien de programmes de formation au secondaire, pour l’infrastructure et les services des collèges et des universités, pour la mise en oeuvre de programmes d’apprentissage assistés par ordinateur et pour la conception de services individuels aux bénéficiaires de l’aide sociale. Le nombre d’établissements dans le secteur des collèges, des instituts et des universités a triplé, passant de 2 700 en 1993 à 8 100 en 1994, portant le nombre des inscriptions à plus de 180 000. Les programmes d’apprentissage s’étendaient et la formation dépendait de plus en plus des ordinateurs et des télécommunications. Le gouvernement a établi un fonds de défis de 12 millions pour permettre aux collèges et aux universités de trouver des moyens novateurs et rentables pour former plus d’étudiants (Ministry of Skills, Training and Labour, 1995, p. 4). Au même moment, il créait six nouveaux programmes dans les domaines des technologies avancées. Six millions de dollars étaient consacrés à l’achat de nouveaux équipements à condition que ces derniers soient adaptés au secteur privé.

La troisième série de décisions a été, de 1990 à 1997, de créer trois universités. L’Université du Nord de la Colombie-Britannique (University of Northern British Columbia) (UNBC, 1990) à Prince George, l’Université Royal Roads (Royal Roads University) (1995) à Sooke, Victoria, et l’Université technique de Colombie-Britannique (Technical University of BC) (1997) à Surrey, furent fondées avec des mandats uniques et spécialisés. Ces initiatives marquent un développement significatif dans le secteur universitaire parce que leurs programmes devaient avoir un objectif centré sur le marché du travail. L’aspect le plus controversé de la législation de ces nouvelles institutions a été l’absence d’un sénat universitaire à l’Université technique. Cette omission, faite au nom de la flexibilité et de l’adaptation à l’industrie, a préoccupé les associations de professeurs à l’échelle locale et nationale.

L’histoire de l’Université du Nord de la Colombie-Britannique a débuté réellement avec la création de la Société universitaire intérieure (Interior University Society) en 1987. Encouragée par le gouvernement, la société a eu les moyens de commander l’étude « Bâtir un avenir d’excellence : une université du Nord de la Colombie-Britannique » (Building a future of excellence : A University of Northern BC, The Dahloff Report), qui montrait la crédibilité et la faisabilité de la création d’une université complète. Le gouvernement a soutenu rapidement le principe et a réservé 750 000 $ pour le Groupe de planification de l’implantation des projets (Implementation Planning Group), qui, aux dires de Hagen, a fixé la base d’une institution indépendante habilitée à conférer des grades en Colombie-Britannique (Ministry of Advanced Education and Job Training, 1989, p. 9).

L’Université Royal Roads résulte de l’accent mis à la fois sur le marché et sur le professionnalisme qui caractérisa la politique du gouvernement de la Colombie-Britannique au milieu des années 1990. Toutefois, le facteur qui a précipité sa création a été la décision du gouvernement fédéral de fermer les portes du Collège militaire Royal Roads (Royal Roads Military College) en 1994. Suivant les orientations du gouvernement, un comité a proposé que l’Université se spécialise dans des programmes modulaires et interdisciplinaires en sciences appliquées et en technologie dont le but était de développer des compétences de travail en équipe, d’entreprenariat et de relations internationales. La « flexibilité » est devenue le principe directeur. Étaient aussi proposé un modèle corporatif de direction, un corps enseignant recruté sur des contrats à termes et des programmes organisés autour de thèmes plutôt que de disciplines, etc. Une grande part de l’esprit et du contenu de ce rapport était reprise dans la Loi sur l’Université Royal Roads de 1995, le gouvernement s’est écarté du modèle corporatif de direction et a proposé des statuts convenant aux besoins des enseignants, du personnel et de la représentation des étudiants.

L’Université technique de Colombie-Britannique a émergé, comme il a été souligné plus haut, de l’initiative du programme « Accès pour tous » au moment où les gouvernements essayaient d’anticiper les changements démographiques auxquels était confrontée la Vallée Fraser. Cette région avait été reconnue pour avoir la croissance démographique la plus rapide de Colombie-Britannique et comme susceptible de faire face à une crise quant à l’accès aux études. Deux comités indépendants (Schroeder, 1991 ; Neylan, 1993) ont conclu que la population de la Vallée Fraser allait doubler, passant de 606 000 habitants en 1991 à 1 383 000 en 2021, et que, en plus d’un nombre croissant d’étudiants ayant commencé les études en retard et d’une mixité ethnique à la hausse, la Vallée Fraser pouvait prévoir une croissance de la population des 18 à 24 ans qui excéderait celle attendue partout ailleurs dans la province. En 1996, Berhard Sheehan, recruté comme président de l’Université technique de Colombie-Britannique, a reçu le mandat d’agir à la place du Comité des gouverneurs jusqu’à la promulgation par le sénat de la Loi sur les universités techniques. Après beaucoup de débats et d’ajournements, la Loi sur l’Université technique de Colombie-Britannique, projet 20, a été adoptée en décembre 1997. La nouvelle université a commencé à fonctionner à l’automne 1999. Par mesure de protection contre une virulente opposition de la communauté universitaire, le nouvel établissement avait, dès sa création, un modèle corporatif de direction qui est devenu la référence pour les amendements de la Loi sur l’Université Royal Roads.

Situation financière

L’éducation postsecondaire canadienne connaît un déclin majeur durant les années 1990 en raison notamment de la diminution du soutien financier provenant du gouvernement fédéral. Sous l’effet de fortes compressions effectuées, en 1995 et 1996, par Santé et Transfert social Canada (Canada Health and Social Transfer), l’éducation postsecondaire devient moins prioritaire dans les budgets des provinces qui avaient à répondre aux défis sociaux et économiques de l’heure (Association des universités et des collèges du Canada, 1999).

Comme l’indique le tableau 1, les dépenses totales au profit des universités canadiennes ont été en constante augmentation, pour un taux d’augmentation de 6,9 %, entre 1989 et 1999. À l’exception d’une légère baisse en 1994, la croissance a été stable de 1989 à 1995. Par la suite, le budget accordé à l’éducation postsecondaire chute avec des dépenses totales qui reviennent à celles octroyées en 1990 et en 1991. Les différents paliers gouvernementaux de la Colombie-Britannique se sont davantage engagés dans l’éducation postsecondaire que ceux des autres provinces. La Colombie-Britannique, avec 30,5 % de son budget investi en éducation, affiche en effet la plus forte croissance parmi les provinces en ce qui a trait aux dépenses totales allouées à l’éducation, alors que l’Alberta, à l’autre extrémité du continuum, montre un déclin d’environ 9 %. La province la plus près quant à la croissance des dépenses allouées à l’éducation est la Saskatchewan avec 16 %.

Tableau 1

Dépenses globales des universités du Canada et des provinces, en millions de dollars constants (base = 1998), et pourcentage des différences 1989-1999

Dépenses globales des universités du Canada et des provinces, en millions de dollars constants (base = 1998), et pourcentage des différences 1989-1999

Les dépenses globales incluent les dépenses d’opération, de capital et de recherche commanditée de toutes les institutions habilitées à conférer des grades et leurs institutions affiliées, ainsi que les dépenses gouvernementales pour les programmes d’aide aux étudiants et pour d’autres programmes administratifs départementaux.

Source : Adapté de Statistique Canada et du Conseil des ministres de l’Éducation, Canada (2000). Indicateurs d’éducation au Canada : Programme pancanadien des indicateurs d’éducation de 1999, Tableau 3.22.

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Le projet « Accès pour tous » de 1989 a certainement été, pour les dix années qui ont suivi, la politique d’orientation la plus stimulante pour le système éducatif postsecondaire en Colombie-Britannique. Durant cette période, l’engagement exprimé par le gouvernement provincial pour un accès accru des étudiants aux études postsecondaires s’est traduit par une augmentation impressionnante du taux d’inscriptions. Un examen des changements dans les inscriptions à temps plein et à temps partiel par province, pour la décennie 1987-1988 à 1997-1998, fournit une preuve remarquable de cet engagement (tableau 2). Les inscriptions à temps partiel dans l’ensemble du Canada ont connu une diminution de 19,4 %, à l’exception de l’Alberta (état stable) et de la Colombie-Britannique qui enregistre au contraire une croissance de 25 %. L’inscription à temps plein a augmenté dans toutes les provinces au cours de la décennie pour une moyenne de 16,2 % pour l’ensemble du Canada. La Colombie-Britannique a affiché la plus forte croissance avec 35,6 %, suivie par le Nouveau-Brunswick (21,5 %), l’Ontario (16,6 %), l’Alberta (12,5 %) et le Québec (9,7 %).

Tableau 2

Inscriptions au bachelor par province de 1987-1988 à 1997-1998 *

Inscriptions au bachelor par province de 1987-1988 à 1997-1998 *

*Arrondis au 100 000e près ; ** T/C = temps complet ; *** T/P = temps partiel.

Source : Adapté de Statistique Canada et du Conseil des ministres de l’Éducation, Canada (2000). Indicateurs d’éducation au Canada : Programme pancanadien des indicateurs d’éducation de 1999, Tableau 3.18.

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Cependant, comme le notent Schuetze et Day (2001), cette expansion a été réalisée au moyen d’une stratégie « d’augmentation de l’efficacité », qui, à son tour, a créé une crise majeure de financement. Cela devient apparent lorsque nous examinons les subventions provinciales d’opération par ÉTCP (équivalent temps complet pondéré) pour les universités et par ÉTC (équivalent temps complet) pour les collèges et les instituts. Les subventions provinciales d’opération pour les universités de la Colombie-Britannique ($ constants 1999) se sont accrues d’une somme relativement petite, passant de 540,4 millions en 1991-1992 à 556,1 millions en 1999-2000 (2,9 %) (tableau 3). Pendant la même période, les subventions d’opération par ÉTCP ont chuté dramatiquement (cumulativement : - 17,48 %) passant de 5 252 $ à 4 334 $.

Tableau 3

Subventions d’opération (subventions générales totales en $ constants) par ÉTCP (équivalent temps complet pondéré) pour les universités de la Colombie-Britannique de 1991/1992 à 1999/2000 (base = 1999)

Subventions d’opération (subventions générales totales en $ constants) par ÉTCP (équivalent temps complet pondéré) pour les universités de la Colombie-Britannique de 1991/1992 à 1999/2000 (base = 1999)
Source : MAETT et CUFA/BC (Canadian University, Faculty Association of British Columbia).

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La tension sur le système s’est accrue par le gel gouvernemental des frais de scolarité en 1995-1996. De 1990-1991 à 1999-2000, le coût moyen des frais de scolarité au bachelor s’est accru de 46 % en Colombie-Britannique, ce qui est de loin inférieur au coût noté dans toute autre province. En comparaison, les frais en Alberta, qui enregistrèrent la plus forte croissance, augmentèrent de 209 % pendant qu’en Ontario, ils s’élevèrent de 140 % (Doherty-Delorme et Shaker, 2001). Par conséquent, les institutions postsecondaires de Colombie-Britannique n’ont pas pu freiner la baisse des subventions par ÉTCP par une augmentation des frais de scolarité. Au même moment, il y a eu pression gouvernementale sur l’accessibilité et des préoccupations grandissantes sur la capacité des institutions à fournir une éducation de qualité à un nombre croissant d’étudiants.

L’accès aux études devenait une situation intenable pour les familles démunies vers la fin des années 1990. Le déclin continuel des transferts fédéraux et le combat inégal face aux exigences du secteur de la santé ont mis une tension grandissante sur le secteur universitaire. La recherche de nouvelles sources de financement, des fondations et des étudiants devinrent une nouvelle priorité. La pression pour déréglementer les frais d’inscription s’est accrue en 1997 lorsque le gouvernement ontarien est devenu le premier gouvernement provincial à prendre cette initiative.

Une ère nouvelle dans la politique de la Colombie-Britannique

Après une défaite écrasante ne laissant que deux membres du dernier gouvernement du Nouveau Parti démocratique à l’assemblée législative, une administration libérale est entrée en fonction le 5 juin 2001, avec le premier ministre Gordon Campbell. La campagne des Libéraux était vague, promettant de bâtir une nouvelle ère d’espoir et de prospérité grâce à la baisse des impôts et des tracasseries administratives, et à la revitalisation de l’investissement et de la création d’emplois. Le budget du gouvernement, dévoilé le 18 février 2002, a affiché un déficit de 3,4 milliards de dollars et 4,4 milliards pour l’année financière 2003, mais le gouvernement promit d’équilibrer le budget vers 2004-2005. Le moyen pour le faire entraînerait la privatisation et la déréglementation.

La politique et l’action gouvernementales peuvent se répartir en trois parties principales : les modifications du financement, l’élimination des institutions et les changements législatifs.

  • Le plan triennal de dépenses du ministère de l’Éducation (budget de février 2002) indique que le financement institutionnel restera relativement stable, mais que le nombre de places pour les étudiants s’accroîtra de 2500 en 2002-2003, de 2500 en 2003-2004 et de 3500 en 2004-2005. Il peut en découler une baisse de la qualité, même si les institutions utilisent probablement les hausses de frais de scolarité pour couvrir les déficits à partir de février 2002 : le gouvernement a levé le gel des frais de scolarité imposé par la précédente administration et donné aux institutions postsecondaires le droit d’établir les seuils de leurs propres frais de scolarité.

    L’accent va aux programmes de financement ciblés et adaptés, la préférence étant accordée aux programmes de sciences informatiques, de génie informatique, de médecine et des domaines reliés à la santé. Ainsi, le Fonds pour la promotion de la technologie de pointe (Leading Edge Endowment Fund) est une convention de partage des coûts avec le secteur privé qui a été lancée en avril 2002. L’objectif est d’ajouter 45 millions de dollars à la recherche postsecondaire et au développement de compétences dans les hautes technologies, et d’établir 20 chaires permanentes de recherche dans les domaines médical, social, environnemental et technologique (la première chaire a été établie pour la recherche sur la colonne vertébrale). En outre, les budgets de plusieurs programmes soutenus antérieurement par le gouvernement ont été entièrement éliminés, ce qui laisse entendre que les institutions postsecondaires auront besoin de trouver des façons de les autofinancer. Par exemple, le financement gouvernemental des programmes d’éducation coopérative, d’étude du travail et de soutien universitaire du deuxième cycle a été réduit, et ces programmes doivent maintenant s’appuyer sur des fonds institutionnels ou sur des partenariats.

  • Durant l’année 2002, le gouvernement a éliminé quatre établissements publics. En mai, la Loi sur l’amendement des codes de l’éducation avancée (Advanced Education Statutes Amendment Act) (Projet 50) a été adoptée pour changer la Loi sur l’Université technique de Colombie-Britannique et sa réglementation. Cela a permis au gouvernement de désigner un « administrateur transitoire » afin de mettre un terme au fonctionnement de l’université, puis de transférer ses compétences à l’Université Simon Fraser, ses responsabilités au gouvernement, d’abroger la Loi sur l’Université technique de Colombie-Britannique, et de mettre en pratique la décision de laisser l’Université Simon Fraser continuer à offrir les programmes de TechBC et à intégrer ceux-ci dans un programme de Simon Fraser menant à des diplômes. En octobre, le Ministère a annoncé la création de Campus, un réseau de formation à distance regroupant les collèges, les collèges universitaires, les universités et les instituts supérieurs de la province, ce qui allait réduire la coûteuse duplication au sein du système et améliorer l’efficacité au profit des étudiants. L’agence d’apprentissage ouvert cessera de fonctionner comme université provinciale d’apprentissage à distance.

  • L’un des premiers changements structuraux a eu lieu dans le voisinage même du Ministère, avec l’élimination de la Commission de l’industrie, du commerce et de la formation en mai, et, dans la même foulée, la mise à pied des 115 membres du personnel des 16 bureaux régionaux. Vers la fin de l’année, la responsabilité de la gestion des étudiants en formation est transférée aux industries et aux collèges impliqués, même si le gouvernement continue d’établir les standards et de décerner les certificats. Enfin, en octobre, la Commission pour l’éducation postsecondaire privée (Private Postsecondary Education Commission) a été aussi éliminée. Cette commission de réglementation avait été établie en 1992 pour fournir la protection due aux étudiants fréquentant le nombre croissant des institutions privées de formation dans la province : au dernier recensement, on comptait quelque 1 112 institutions privées en Colombie-Britannique. Une nouvelle structure qui devrait s’appeler la Commission des carrières de formation privée (Private Training Career Board), remplacera cette commission. Les membres de la commission seront recrutés surtout dans l’industrie, et les référentiels seront probablement plus restreints que ceux de la commission pour l’éducation postsecondaire privée. À travers ces ajustements du climat des réglementations, l’intention du gouvernement est d’encourager les institutions du secteur privé à fournir des solutions viables et ainsi à entrer en compétition avec le secteur public.

Au-delà de la législation sus-mentionnée, deux projets de loi sont particulièrement pertinents à notre discussion : la Loi sur l’habilitation à attribuer des grades (Degree Authorization Act) (Projet 15), et le projet de loi privé 402 (Private member’s bill 402), la Loi sur l’Université de la mer au ciel (Sea to Sky University Act). La Loi sur l’habilitation à émettre des diplômes a été adoptée en avril 2002. En dépeignant la loi comme une étape progressive qui amènerait les étudiants à des choix et à des offres accrus, Shirley Bond, la ministre de l’Éducation, dit que son intention est d’établir un processus clair et transparent pour les institutions privées et publiques d’autres juridictions afin qu’elles obtiennent le droit d’offrir des programmes et de conférer des grades en Colombie-Britannique. En outre, elle permettrait d’offrir des diplômes de maîtrise appliquée (Hansard, 2002).

La Loi sur l’Université de la mer au ciel est une conséquence directe des efforts de David Strangeway, ex-président de l’Université de Colombie-Britannique, pour établir une université privée en instaurant le bachelor à Squammish. Cette université recevra essentiellement les étudiants étrangers en provenance d’Asie.

Conclusion

À cette étape de son développement, la province compte 26 établissements publics répondant aux besoins des habitants de la province – 6 universités habilitées à conférer des grades du baccalauréat au doctorat ; des collèges universitaires, l’Institut Emily Carr et l’Institut de technologie de Colombie-Britannique habilités à conférer des grades de baccalauréat et des grades de maîtrise appliquée ; 10 collèges, eux aussi habilités à conférer des grades de baccalauréat et des grades associés et une suite de certificats et de diplômes dans une large gamme de programmes. Quatre instituts provinciaux offrant des certificats et des diplômes complètent le portrait de la situation. Le système a aussi connu une expansion massive du nombre et de la variété des institutions offrant des qualifications postsecondaires aux habitants de la Colombie-Britannique. À la suite de l’Université Trinity Western, le terrain est déjà préparé pour l’addition d’un certain nombre d’universités privées.

En examinant les deux périodes de changements importants, les années 1960 et les années 1990, nous pouvons identifier quatre tendances à long terme. Il y a d’abord eu l’expansion du système à la fois quant au nombre d’étudiants et d’établissements. Ensuite, il y a eu la diversification du système, d’un modèle dominé par l’université en passant par une plateforme binaire pour aboutir à l’actuel système diversifié ou stratifié. Puis, il y a eu la vogue de l’« universitarisation ». Cela a débuté avec la création des collèges, qui ont incorporé les écoles professionnelles actuelles, mais qui ont également joué, dès le début, un rôle de transfert. Plus récemment, nous avons vu émerger une nouvelle université de recherche et se transformer cinq des collèges en collèges universitaires : ils visent clairement à devenir des universités de recherche. En outre, la plupart des autres établissements ont convoité et obtenu l’habilitation à décerner des diplômes. Enfin, et parallèlement à la « vogue universitaire », nous avons mis continuellement l’accent sur la relation formation-emploi. Cela pouvait particulièrement s’observer dans les années 1990 à travers l’expansion du secteur privé, et nous avons assisté à la création de deux universités privilégiées. À coup sûr, ces tendances reflètent une suite de principes sous-jacents et ont été guidées par eux.

L’équilibre entre égalité des chances, adaptabilité au marché du travail et développement économique a été modifié à partir de la Seconde Guerre mondiale. Les principes utilitaires et sociaux ont été efficaces pendant cette période, mais l’accent mis sur ces priorités a changé. Au temps du Rapport MacDonald, un large consensus a soutenu l’expansion des places à réserver aux étudiants. La réponse à l’exigence économique ou la création d’une structure d’offre de formation plus accessible a occasionné peu ou pas de conflits. L’accent le plus fort sur le « bien commun » s’observe dans les politiques développées sous Eileen Dailly, alors ministre de l’Éducation au premier gouvernement du Nouveau Parti démocratique. Dans les années 1970, la théorie du capital humain a subi des critiques acerbes dans la plupart des pays de l’Organisation pour la coopération et le développement économique (OCDE) : l’accent était mis sur les catégories sociales ne profitant pas de l’expansion rapide de l’éducation postsecondaire des années 1960.

Avec le Rapport MacDonald, les politiques ont commencé à exprimer le besoin de tenir compte des barrières géographiques, sociales et économiques à l’expansion. Pendant que MacDonald mettait l’accent sur l’accès à travers la mise en oeuvre de plus de structures physiques, les avantages bénéfiques de la formation à distance, des technologies de communication et de l’apprentissage assisté par ordinateur étaient reconnus dans l’ère post-McGeer. À la suite de l’établissement des instituts d’apprentissage en 1978, l’élaboration du soutien technologique et institutionnel pour l’apprentissage multimédia à travers la province a été un long processus. Depuis la publication du plan ministériel de 1996, Charting a New Course (Établir un nouveau parcours) (Ministry of Education, Skills and Training, 1996), un financement ciblé a été mis à la disposition des institutions pour participer au développement d’un réseau électronique.

Depuis le milieu des années 1980, le rôle de l’éducation dans la production des ressources en est venu à dominer les discussions sur l’éducation. La théorie du capital humain, qui est entrée en vigueur au début des années 1960 et a alimenté l’expansion rapide de l’éducation postsecondaire, est revenue sous la forme du développement des ressources humaines. Dans la plupart des pays, les milieux politiques, des affaires, de l’emploi et les représentants du monde universitaire ont avancé le même argument : avec l’émergence de ce qui a été analysé comme économie fondée sur les savoirs, les liens entre l’éducation et l’économie ont pris la forme d’un nouvel impératif. La thèse générale est que plus l’économie est avancée, plus sont rentables les investissements en éducation (Marginson, 1997, p. 110). L’éducation améliore la capacité d’adaptation et d’ajustement aux nouvelles technologies, qui débouche sur plus de productivité, de flexibilité et d’efficacité. Les travailleurs plus formés sont estimés plus aptes à s’ajuster aux changements rapides et à vivre avec l’incertitude accrue entourant le monde du travail. Les nouvelles technologies sont censées faciliter la production basée sur une compétence enrichie, en rehaussant le niveau de compétition universelle et en forçant l’ajustement des services, du « plancher de la boutique » au marché du travail, et ce, à une échelle sans précédent parmi les pays industrialisés.

La collectivité a été un principe sous-jacent aux débats sur la différenciation, la coordination et la centralisation qui ont eu cours pendant près de quarante ans, depuis le début des années 1960. MacDonald projetait un système stratifié avec des institutions ayant différents objectifs, mais intégrées dans un plan commun. McGeer préférait un système centralisé et coordonné. En Colombie-Britannique, un système binaire de collèges et d’universités a émergé au départ, mais avec la création des collèges universitaires de quatre ans et l’extension de l’habilitation à décerner des diplômes à presque toutes les institutions publiques, les lignes de démarcation ont été brouillées. Le pouvoir écrasant de l’engouement pour « l’universitarisation » fait que le système universitaire est réparti en quatre couches séparées par le niveau et le type du diplôme : les universités complètes (toute la gamme de diplômes); les collèges universitaires ; l’Institut de technologie de Colombie-Britannique (toute la gamme à l’exception des diplômes de maîtrise non appliquée) ; et les instituts provinciaux (pas de diplômes). Cela ne prend pas en compte les institutions privées qui confèrent des diplômes et d’autres qualifications acquises, soit en mode « présentiel », soit à distance. Ce groupe occupe clairement une cinquième couche et une nouvelle ligne de faille entre la disposition publique et la disposition privée. Ce processus découle de décisions politiques prises principalement en réponse aux nécessités d’un accès accru.

Parallèlement au mouvement de décentralisation, on note un accent accru mis sur l’imputabilité. Le gouvernement tente d’étendre l’imputabilité au moyen de techniques comme les indicateurs de performance et le financement basé sur la performance dans le domaine de l’autonomie personnelle. L’imputabilité en est ainsi venue à équivaloir à la reconnaissance de la domination de l’idéologie de marché. Dans le passé, la tradition universitaire, qui met l’accent sur l’autonomie et l’indépendance, protégeait les universités et les académies de l’interférence explicite des forces extérieures. Les gouvernements ont forcé les universités à être plus attentives à l’économie et à créer des alliances avec le secteur privé. Les modèles d’imputabilité sont imbriqués dans des mécanismes idéologiques plus élargis, diversement caractérisés comme la réforme du secteur public, la nouvelle gestion publique et l’état évaluatif, qui ont accompagné la transition politico-économique de l’État providence à l’économie globale (Fisher et Rubenson, 1998). Les chercheurs travaillent seuls ; et les universités le tolèrent dans la perspective d’une augmentation de fonds de recherche.

Cependant, l’environnement politique établi par les gouvernements provinciaux successifs a été jusqu’à récemment étonnamment stable. Les administrations successives du Crédit social et du Nouveau Parti démocratique ont travaillé pour l’accession au postsecondaire et pour la professionnalisation. La pression pour la scolarisation est venue du coeur du système et de communautés qui ont voulu des accès aux programmes habilités à conférer des grades, à Vancouver et à Victoria. Récemment, le fonctionnement de cette idéologie peut être perçu dans le contraste entre le gel par le Nouveau Parti démocratique des frais de scolarité et le programme de nouvelles réglementations des Libéraux. Alors que tous les gouvernements depuis le milieu des années 1980 n’ont pas pu rester insensibles à l’importance du marché, l’actuel gouvernement libéral est le premier à soutenir avec enthousiasme cette approche. La définition de ce qui constitue une université s’est transformée au cours de la dernière décennie avec la création des collèges universitaires. Plus encore, la Colombie-Britannique paraît être à la veille de changements plus draconiens de son système d’enseignement postsecondaire.