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Contexte

À la suite de la Commission des États généraux sur l’éducation amorcée en 1996, le ministère de l’Éducation du Québec (MEQ) a mis de l’avant une importante réforme qui engendre de nombreux changements à tous les paliers d’enseignement. Cette réforme de l’éducation québécoise touche tout aussi bien les programmes universitaires en enseignement que le curriculum scolaire.

Le curriculum scolaire

Les programmes de formation de l’école québécoise en enseignement préscolaire et primaire ainsi qu’au premier cycle du secondaire (MEQ, 2001a, 2003a) découlent des récents travaux ministériels. Visant le développement global de l’élève, ces programmes rendent compte des compétences disciplinaires ainsi que des compétences transversales qui transcendent les disciplines. Pour leur part, les domaines généraux de formation permettent d’appuyer le processus de développement des compétences ; développement où s’articulent les intentions éducatives des enseignants.

Outre ces éléments nouveaux constituant le curriculum scolaire, l’éducation des jeunes repose dorénavant sur une responsabilité partagée. En effet, les établissements scolaires et la société sont invités à se concerter, tout particulièrement l’école, la famille et la communauté. Cette nouvelle collaboration, visant la réussite éducative et le développement des compétences des élèves québécois, est clairement mise en évidence ; elle doit permettre aux jeunes de vivre leur présent et de construire leur avenir (MEQ, 2003b).

Problématique

Les valeurs au centre du débat

C’est dans ce contexte de grandes mutations en éducation que la présente étude s’inscrit. Bien que l’étude ne soit pas conduite dans une perspective d’analyse curriculaire, il n’en demeure pas moins que la concordance des valeurs d’un programme formel avec celles de ses utilisateurs influence l’efficacité de son implantation (Chen et Ennis, 1996). De plus, la complexité du projet de changements en éducation est associée au niveau d’adhésion – au sens de l’acceptation des changements proposés – des acteurs impliqués. Selon Paquette (2002), il y a deux types de changements. Le premier changement rénovateur implique de nouvelles actions sans toutefois tout remettre en question. Le second changement innovateur fait référence à « des transformations profondes pour vivre d’autres projets, d’autres finalités, d’autres valeurs » (Paquette, 2002, p. 29). Ce second type de changement innovateur semble davantage correspondre aux transformations majeures engendrées par les nouvelles orientations ministérielles ainsi qu’à la complexité de sa mise en oeuvre.

En effet, la représentation des valeurs est intimement liée au renouveau pédagogique parce que le processus de développement des compétences transversales y est étroitement associé. Ces compétences sont constituées d’un ensemble de repères permettant de mieux cerner des dimensions importantes de l’apprentissage qui ne doivent pas faire l’objet d’un travail en soi, en dehors de tout contenu de formation, mais être sollicitées et travaillées tant dans les domaines disciplinaires que dans les domaines généraux de formation. Elles relèvent donc d’une responsabilité partagée et exigent un effort de concertation et de collaboration entre les divers intervenants qui en sont collectivement responsables (MEQ, 2003a). Plusieurs valeurs prennent précisément ancrage dans les comportements et les attitudes des compétences transversales d’ordre personnel et social. Ainsi, deux compétences transversales peuvent y être associées. La première, Actualiser son potentiel, fait explicitement appel aux valeurs puisque l’élève est amené à prendre conscience de ses valeurs et de l’influence de celles-ci sur son parcours scolaire et professionnel. La seconde compétence, Coopérer, amène l’élève à coopérer et à affirmer ses valeurs dans le respect des autres.

La présence de valeurs dans le processus de développement des compétences transversales des adolescents n’est probablement pas étrangère à cette période proprement dite de la vie. Les valeurs des jeunes sont déterminantes de leurs choix et structurent leurs comportements (Charbonneau, 2004 ; Rokeach, 1972). Or l’adolescence correspond à une période pendant laquelle les comportements sont très changeants. Les adolescents sont sensibles aux modifications des modes de vie de la société ; leur recherche de modèles et de valeurs, en dehors du cercle familial, les rend très réceptifs aux choix valorisés par les pairs, les adultes, les médias (Cloutier, 2006). De plus, la violence scolaire, le décrochage et l’image parfois stéréotypée de l’adolescence déstabilisée contribuent à alimenter un discours autour de la perte des valeurs des jeunes (Buidin, Petit, Galand, Philippot et Born, 2000).

La nouvelle mission de l’école secondaire

Les jeunes en quête de sens vivent aujourd’hui dans un monde de transformations qui nécessite une formation plus spécifique et plus intégrée. « Marquée par des transformations déstabilisantes, l’adolescence provoque chez le jeune d’importantes remises en question de ses idées, de ses croyances et de ses valeurs » (MEQ, 2003a, p. 3). À l’instar de ces évidences, de grands défis s’imposent aujourd’hui à l’école secondaire. « L’école a la responsabilité d’assurer une cohérence entre les valeurs qu’elle vise à promouvoir et celles qu’elle incarne, tant par son organisation que par ses pratiques » (MEQ, 2003a, p. 22). Pour leur part, Vincet, Horner et Sugai (2002) soulignent que l’école a un rôle à jouer en matière de promotion de valeurs partagées par tous les membres qui y interviennent, mais doit aussi véhiculer les comportements qui y correspondent. En d’autres mots, l’école québécoise renouvelée joue un rôle d’agent de cohésion en mettant en relief des valeurs de nature démocratique et tous les enseignants sont interpellés à jouer un rôle majeur dans ce processus. Selon Lagarrigue (2001), les enseignants ont une mission axiologique à assumer ; celle-ci est d’ailleurs énoncée dans le référentiel québécois des compétences professionnelles (MEQ, 2001b). Une des composantes liées au développement de la compétence professionnelle des enseignants – soit Agir de façon éthique et responsable dans l’exercice de ses fonctions – fait explicitement appel aux valeurs Discerner les valeurs en jeu dans ses interventions (MEQ, 2001b, p. 159). Jeffrey (2005) estime pour sa part que les enseignants « sont pourvoyeurs de valeurs et d’idéaux moraux qui doivent susciter chez l’élève le désir de devenir humain » (p. 379). A priori, « les enseignants de toutes les disciplines doivent également être conscients des valeurs qu’ils véhiculent et de l’influence déterminante que celles-ci peuvent exercer sur l’orientation scolaire et professionnelle des jeunes » (MEQ, 2003a, p. 48).

Ces préoccupations axiologiques dépassent les frontières québécoises puisque les adolescents d’autres pays occidentaux tels que la Belgique ou la France vivent également cette période de leur vie avec beaucoup de questionnements et d’incertitude et l’école est un joueur clé dans leur développement. « Cela revient à dire que le système éducatif doit former à l’autonomie du jugement moral qui suppose des compétences cognitives pour pouvoir adopter ce point de vue général ou universel ; à la coopération sociale pour pouvoir se décentrer et s’ouvrir aux autres ; et à la participation publique pour être capable, comme citoyen, de s’engager dans la vie publique et faire valoir ou contribuer à légitimer les normes juridiques » (Leleux, 2000, p. 20-22). Parmi les nombreux défis liés à l’éducation axiologique, l’école est amenée à composer avec plusieurs valeurs qui non seulement sont contradictoires, mais qui, bien souvent, vont à l’encontre des valeurs privilégiées par le milieu d’origine de l’adolescent (Grand’Maison, 2002 ; Proulx, 2005). Des chercheurs estiment même qu’il y a un manque de cohésion entre les professionnels oeuvrant auprès des jeunes. À cet égard, Mangez (2002) a aussi observé des décalages entre les acteurs de l’école et les parents. La problématique d’un dénominateur commun à l’ensemble des partenaires au sein de l’école, incluant les élèves, et auquel s’ajoutent les parents et les membres de la communauté, reste entière. Pour sa part, Maulini (1997) soutient que des ambiguïtés subsistent quant aux responsabilités de chacun des partenaires. Il semble même que la concertation souhaitée entre les acteurs crée des tensions et pose plusieurs défis (MEQ, 2003b), particulièrement celui d’apprendre à travailler ensemble à l’intérieur d’une structure peu favorable à la concertation, notamment au secondaire, et d’un historique scolaire où l’individualisme a longtemps été le modèle dominant (Gather Thurler, 1994). Ce problème prend d’autant plus d’ampleur si on considère que « les élèves du secondaire sont particulièrement sensibles aux incohérences qu’ils perçoivent entre les comportements que l’on attend d’eux et ceux qu’ils observent chez certains adultes » (MEQ, 2003a, p. 50).

L’originalité de l’étude

La littérature abonde de travaux portant sur la représentation des valeurs selon les populations à l’étude. Cependant, les études et les enquêtes menées à ce jour sur le terrain n’ont pas pris en compte la représentation des valeurs de l’ensemble des groupes d’acteurs gravitant autour de la formation des jeunes (Bréchon, 2000 ; Buidin et al., 2000 ; Pronovost et Royer, 2003 ; Royer, Pronovost et Charbonneau, 2004). De plus, bien que les valeurs se situent au coeur de la réforme québécoise, à l’heure actuelle, aucune étude ne s’est penchée sur l’identification des valeurs dans la perspective de développement des compétences transversales.

L’originalité de notre programme de recherche repose justement sur la prise en compte à la fois des élèves, des enseignants, des parents et des membres de la communauté afin de mieux comprendre le processus lié au développement des compétences transversales chez les élèves. En temps de réforme curriculaire au Québec et tenant compte de cette mission d’éducation dorénavant partagée (Deslandes, 2006 ; Deslandes et Bertrand, 2001 ; Henderson et Mapp, 2002 ; Paquette, 2002), l’identification du système des valeurs portée par les acteurs internes de l’école (élèves et enseignants) et les partenaires externes de l’école (parents et membres de la communauté) s’avère déterminante dans la quête de cohésion pour la formation des jeunes. Situer les valeurs de ces différents groupes d’acteurs et rechercher un modèle permettant de définir et de formuler les concepts de base et la reconnaissance de liens entre eux est nécessaire. La mise à contribution du développement des compétences transversales d’ordre personnel et social, Actualiser son potentiel et Coopérer, est une toute nouvelle perspective de recherche associée à la représentation des valeurs. C’est du moins une voie d’entrée novatrice pour mieux comprendre le processus de développement de ces compétences transversales et ainsi apporter un éclairage actualisé d’un champ d’étude peu exploré en recherche. Dans le cadre du présent article, nous avons choisi de présenter les valeurs des adolescents, celles qu’ils priorisent et celles qu’ils jugent moins importantes. Des articles ultérieurs traiteront des valeurs privilégiées par les autres agents de socialisation, soit les parents, les enseignants et les membres de la communauté.

Recension des écrits

Comme la littérature sur les valeurs est particulièrement abondante, seuls la nature des valeurs et les résultats de recherches récentes menées auprès d’adolescents seront discutés.

La nature des valeurs

Au cours des dernières décennies, une multitude d’écrits portant sur les valeurs des individus ont été publiés à travers le monde (Bréchon, 2000 ; Buidin et al., 2000 ; Gecas 2000 ; Hitlin et Piliavin, 2004 ; Kasser et Ryan, 1996 ; Knafo et Schwartz, 2004). Dans ce sens, plusieurs définitions des valeurs ont été énoncées. À titre d’exemple, Bréchon (2000) estime que « les valeurs sont des orientations profondes qui structurent dans la durée les représentations et les actions des individus » (p. 2). Selon Raynal et Rieunier (1997), les valeurs sont « les principes à partir desquels la société ou les individus procèdent à des choix » (p. 375). Pour Valade (1990), « les valeurs sont l’expression de principes généraux, d’orientations fondamentales et d’abord de préférences et de croyances collectives » (p. 203). De toute évidence, l’ensemble des travaux portant sur les valeurs sont étroitement liés aux valeurs universelles de l’UNESCO (Tillman et Hsu, 2000), telles que amitié, amour, bonheur, coopération, égalité, famille, honnêteté, intégration, justice, liberté, paix, persévérance, respect, responsabilité, réussite, santé et solidarité ; celles-ci sont abondamment référées comme toile de fond en formation et en recherche. Pour notre part, nous privilégions la définition de Rocher, cité par Pronovost et Royer (2003) : « la valeur est une manière d’être ou d’agir qu’une personne ou une collectivité reconnaissent comme idéale et qui rend désirables ou estimables les êtres ou les conduites auxquels elle est attribuée » (p. 146).

Les recherches sur les valeurs des adolescents

Deux études récentes menées spécifiquement auprès d’adolescents retiennent particulièrement notre attention. Dans la première, Buidin et ses collègues (2000) se sont adressés à plus de 5000 élèves de tous les niveaux du secondaire en communauté française. Ils ont regroupé les 20 valeurs sélectionnées dans la littérature (Schwartz, 1992 ; Kasser et Ryan, 1996) en trois catégories : a) les valeurs d’intimité mettant l’accent sur la proximité émotionnelle avec soi et autrui (exemples d’énoncés : Avoir de bon(ne)s ami(e)s avec qui je peux parler de choses personnelles et Apprendre à mieux me connaître et à m’accepter tel(le) que je suis) ; b) les valeurs matérialistes mettant en avant la réussite professionnelle et l’image sociale (exemples d’énoncés : Être à la mode, dans le vent et Être célèbre) ; et c) les valeurs prosociales centrées sur l’altruisme et la contribution à la société (exemples d’énoncés : Aider les gens dans le besoin et Combattre l’injustice). Les répondants ont dit qu’ils accordaient beaucoup d’importance aux valeurs d’intimité, un peu moins aux valeurs prosociales et beaucoup moins aux valeurs matérialistes. Les caractéristiques sociodémographiques des élèves n’ont pas semblé être liées aux valeurs priorisées. Toutefois, des différences, faibles mais significatives, ont été observées entre les garçons et les filles ; ces dernières préférant les valeurs d’intimité et celles qui s’insèrent sous l’appellation des valeurs prosociales. De plus, les adolescents manifestant une plus forte motivation pour l’apprentissage adoptaient davantage les valeurs d’intimité et prosociales tandis que les adolescents fortement motivés par la compétition préféraient les valeurs matérialistes.

Par la suite, une deuxième étude fut réalisée par Royer, Pronovost et Charbonneau (2004) auprès de 34 jeunes québécois âgés de 14 à 19 ans. Les entretiens visaient à vérifier le système de valeurs des jeunes. À la suite de l’analyse des propos, six groupes de valeurs ont été constitués : 1) la famille, les amis et la vie amoureuse ; 2) les études, le travail ; 3) le respect et l’entraide ; 4) le bonheur et le bien-être ; 5) le sport et certaines autres passions et activités de loisir ; et 6) certaines croyances religieuses. À la suite de leur recherche, les auteurs ont suggéré la présence potentielle d’une relation hiérarchique entre ces groupes de valeurs. Autrement dit, les auteurs ont relaté que certaines valeurs peuvent être plus importantes que d’autres aux yeux des acteurs interviewés.

À la lumière des résultats de ces deux études, il apparaît tout à fait pertinent de poursuivre la recherche auprès d’un plus grand nombre d’adolescents afin d’approfondir davantage le système de valeurs des jeunes Québécois et de vérifier dans quelle mesure ce dernier varie en fonction de certaines caractéristiques sociodémographiques. La manière dont les jeunes se représentent les valeurs, qu’ils adoptent ou qu’ils rejettent, constitue un des paramètres pour mieux saisir le processus de développement des compétences transversales d’ordre personnel et social. L’idée n’est pas de se positionner par rapport à la réforme et ses valeurs, mais plutôt de décrire les valeurs des adolescents dans le cadre du renouveau pédagogique. Ce nouvel éclairage aidera à mieux cerner les diverses composantes qui interviennent dans le développement de ces compétences et, incidemment, les dispositifs et les démarches susceptibles de permettre aux enseignants de développer celles-ci.

Questions de recherche

Les questions qui orientent notre démarche se formulent de la façon suivante :1) Quelles sont les valeurs les plus importantes et les moins importantes des adolescents ? 2) Dans quelle mesure l’importance accordée à certaines valeurs varie-t-elle en fonction du sexe de l’adolescent, de son rendement scolaire, de sa structure familiale et de la scolarité de sa mère et de son père ?

Méthode

Les participants

L’échantillon est composé de 573 adolescents dont 349 filles (60,9 %) et 224 garçons (38,1 %) fréquentant deux écoles secondaires des régions de la Mauricie et Centre du Québec. Le mode d’échantillonnage et le nombre de participants assurent la présomption de la représentativité de notre échantillon. Au-delà de 26 % des adolescents interrogés considèrent très bien réussir à l’école, 41 % disent bien réussir, 31 % avouent connaître quelques petites difficultés et 2 % déclarent vivre des difficultés importantes. De plus, 80 % des répondants proviennent de familles traditionnelles (deux parents biologiques) tandis que 20 % sont issus de familles non traditionnelles. Presque 11 % des mères et 13 % des pères n’ont pas complété leurs études secondaires tandis que 35 % des mères et des pères ont terminé leurs études secondaires ou professionnelles. Finalement, 54 % des mères et 52 % des pères ont fait des études collégiales ou universitaires (voir Tableau 1).

Tableau 1

Caractéristiques des participants

Caractéristiques des participants

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L’instrument

Un questionnaire de type Q-Sort a été administré aux participants. Le choix de cet instrument repose sur sa grande valeur psychométrique et ses nombreux avantages en recherche (DePerretti, 1998). En effet, cet outil a l’avantage d’amener la personne interrogée à assigner un poids aux énoncés proposés, et ce, selon son propre cadre de référence ; ce choix forcé permet de décrire les représentations au sein d’un groupe cible et « d’éliminer les points d’ancrage subjectifs dans les réponses du sujet » (Lacharité, LaFrenière et Bigras, 1991, p. 159). Dans le cadre de notre étude, le Q-Sort est constitué de différentes sections et comporte des données quantitatives et qualitatives.

Questionnaire sur les valeurs

L’instrument est constitué de 20 énoncés basés sur une adaptation de Buidin et son équipe (2000) qui, pour leur part, s’étaient inspirés de Schwartz (1992) et de Kasser et Ryan (1996). Chaque énoncé est associé à une des valeurs suivantes : paix, solidarité, liberté, persévérance, responsabilité, santé, réussite, sécurité, prestige, amitié, amour, famille, plaisir, tolérance, estime de soi, apparence et justice. L’ensemble des énoncés apparaît au Tableau 2. Les répondants étaient invités à ordonner systématiquement, par ordre d’importance, les 20 énoncés proposés. Ce classement, qui génère des données de type quantitatif, se fait à l’aide d’une échelle à cinq positions et s’opère de la façon suivante : 1) les deux énoncés fortement en accord ; 2) les quatre énoncés en accord ; 3) les huit énoncés neutre ; 4) les quatre énoncés en désaccord ; et 5) les deux énoncés fortement en désaccord.

Des données de type qualitatif ont été colligées puisqu’une question ouverte invitait les participants à indiquer en quelques mots les raisons pour lesquelles ils avaient choisi les deux premières valeurs et les deux dernières valeurs.

Profil sociodémographique

  • Sexe de l’élève. L’élève devait cocher une case correspondant à son sexe, soit masculin ou féminin.

  • Réussite scolaire. L’élève devait cocher un choix de réponses formulées de la façon suivante : à l’école, a) j’éprouve des difficultés importantes ; b) je réussis, mais j’éprouve quelques petites difficultés ; c) je réussis bien ; d) je réussis très bien. Dans le cadre des analyses, deux catégories ont été formées : 1) difficultés petites et importantes ; et 2) réussis bien et très bien.

  • Structure familiale. L’élève devait indiquer si sa famille est : 1) traditionnelle (deux parents biologiques) ; ou 2) non traditionnelle (autres).

  • Scolarité des parents. Les participants ont indiqué le plus haut niveau d’études complétées de leur mère et de leur père en choisissant parmi les possibilités suivantes : 1) études primaires ; 2) quelques années du secondaire ; 3) études secondaires au complet ; 4) études professionnelles au secondaire ou 5) études collégiales ou universitaires. Pour des fins d’analyses, les données ont été recodées de façon à obtenir 3 catégories, regroupant 1 et 2, et 3 et 4.

Les procédures et la cueillette des données

Les questionnaires ont été administrés par deux auxiliaires de recherche ayant reçu une formation au préalable et ils étaient assistés par les enseignantes oeuvrant dans les groupes-classes de 3e et 4e secondaires. La durée de passation était d’environ 20 minutes. Les données ont été recueillies au cours des mois de mars et avril 2005. Les 573 élèves ont tous participé sur une base volontaire et ils ont montré une très grande minutie dans leurs réponses.

Les analyses

Les données quantitatives ont été recodées et analysées selon la technique du Q-sort (De Peretti, 1998 ; Roger, 1995). Une valeur variant de –2 à +2 a été accordée à chacun des choix (par exemple, +2 = fortement en accord ; +1 = en accord ; 0 = neutre ; –1 = en désaccord ; –2 = fortement en désaccord). Pour les fins d’analyse, ces valeurs ont été recodées de 0 (minimum : fortement en désaccord) à 4 (maximum : fortement en accord). L’analyse des données est en grande partie de type descriptif. Cependant, des analyses univariées ont aussi été réalisées pour identifier les différences entre les groupes, et ce, pour chacun des énoncés représentant une valeur. Les tests Scheffee ont été utilisés comme tests post-hoc.

L’analyse des données qualitatives est inspirée de l’analyse de contenu mixte de L’Écuyer (1990) qui consiste à faire appel à des catégories prédéterminées dans la littérature, mais une place est laissée à l’apparition de nouvelles catégories. L’utilisation du logiciel Atlas-ti (version 4.2) a permis de travailler au découpage, au codage et au regroupement des unités de sens, à l’émergence de typologies et à l’analyse des similitudes et des divergences entre les propos des différents informateurs de l’étude. Des analyses statistiques simples, comme les moyennes, les fréquences et les indices de cooccurrence, ont permis de compléter la lecture interprétative des données qualitatives.

Résultats

Les valeurs les plus importantes

Les résultats montrent que les adolescents âgés entre 14 et 16 ans considèrent, en très grande majorité (80 % d’entre eux), que l’amitié est la valeur avec laquelle ils sont fortement en accord ou en accord avec un score moyen de 3,23 (écart-type = 0,87) (voir Tableau 2). L’énoncé associé à l’amitié correspondait à : Avoir des ami(e)s sur lesquels je peux compter. Les analyses qualitatives révèlent aussi que les adolescents estiment qu’il est vraiment important d’avoir des amis de confiance pour les écouter et sur lesquels ils peuvent compter. Ils expriment leurs propos comme suit : « Parce que j’ai besoin d’être avec le monde, être entouré d’amis, et savoir que je peux compter sur eux » (1 :80, 137-138). « Il est très important d’avoir des amis de confiance à qui tu peux te référer en cas de besoin ou de soutien moral » (1 :304, 747-749). Certains font même allusion au fait que leur vraie famille serait en fait leurs amis : « Parce que ma vraie famille, ce sont mes amis » (1 :1677, 4597-4599).

Tableau 2

Importance accordée aux énoncés selon les adolescents (n = 573)

Importance accordée aux énoncés selon les adolescents (n = 573)

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Les deuxième et troisième valeurs se situent à toutes fins utiles au même niveau dans l’ordre d’importance accordée. En se basant sur le score moyen, la deuxième valeur en importance évoquée par les adolescents est alors l’amour (score moyen : 2,77 ; écart-type = 0,94), avec 60 % d’entre eux qui sont fortement en accord ou en accord. L’énoncé correspondait à : Partager ma vie avec quelqu’un que j’aime. Interrogés sur les raisons de leurs choix, les adolescents disent : « […] pour réussir, il faut quelqu’un qui t’encourage et qui t’aime » (1 :1802, 4911-4913) et « […] une vie sans amour, c’est passer à côté de la plus belle chose qui existe » (1 :1250, 3376-3378), ou encore « […] nous ne pouvons penser à vivre toute une vie seul » (1 :258, 641-642).

La réussite dans les études apparaît comme troisième valeur en importance chez les adolescents puisque 66 % d’entre eux se sont dit en accord ou fortement en accord, affichant ainsi un score moyen de 2,74 (écart-type = 0,88). L’énoncé qui y est associé est Réussir dans mes études. Des propos déclaratifs liés à cette valeur sont : « Je veux réussir mes études pour faire un métier que j’aime » (1 :277, 678-679) ; « C’est important pour moi réussir mes études pour faire quelque chose plus tard » (1 :157, 360-361) ; « C’est ce qui peut permettre à quelqu’un de progresser comme il le désire » (1 :603, 1518-1519) ; ou « Je veux bien réussir parce que je veux avoir une belle vie et une réussite personnelle » (1 :1395, 3780-3781).

Les valeurs les moins importantes

D’un autre côté, la valeur la moins importante (score moyen = 0,51, écart-type = 0,82) pour la plus grande majorité des adolescents (86 %) est la célébrité. L’énoncé Être célèbre est considéré comme peu important ou pas important du tout. Leurs justifications ressemblent à ceci : « Les gens célèbres ne sont pas souvent heureux. Nous ne voyons souvent que le côté positif de la célébrité, mais le côté négatif est beaucoup plus grand » (1 :331, 818-821).

Au deuxième rang des valeurs les moins importantes figure le leadership (0,86) avec lequel 78 % des participants étaient en désaccord ou fortement en désaccord (score moyen = 0,86, écart-type = 0,93). Voici quelques propos d’adolescents liés à l’énoncé Être un leader : « Je ne tiens pas à diriger le monde et à avoir l’attention de tout le monde » (1 :81, 140-141) ; « J’aime connaître les opinions des autres, quand on est leader on a moins de temps pour les écouter » (1 :164, 375-377) et « Ce n’est vraiment pas ma priorité d’être un leader, car j’ai des responsabilités et je ne veux pas m’occuper de celles des autres » (1 :434, 1116-1118). Aussi : « Être un leader est le dernier de mes soucis. Nous avons actuellement un problème avec un gros leader » (1 : 518, 1286-1288).

La troisième valeur la moins importante correspond à la lutte contre l’injustice (score moyen = 1,48 ; écart-type = 0,93). Près de 51 % des adolescents étaient en désaccord ou fortement en désaccord avec cette valeur. Selon ceux-ci, combattre l’injustice est au-dessus de leurs moyens : « Je ne sais pas comment je pourrais combattre l’injustice » (1 :184, 431-432) ; « Je ne suis pas Wonderwoman pour vouloir combattre l’injustice » (1 :1679, 4601-4603) et « L’injustice, même si on se bat contre, il va toujours y en avoir » (1 :788, 2017-2018). Certains soulèvent que combattre l’injustice n’est pas une priorité dans leur vie : « Faut d’abord penser à soi, après on peut aider les autres » (1 :184, 431-432).

Les différences entre les valeurs selon les caractéristiques sociodémographiques

Sexe de l’adolescent

Pour vérifier les différences dans l’importance accordée aux valeurs selon le sexe de l’adolescent, nous avons effectué des comparaisons de moyennes (test-t de Student) des scores moyens des filles et des garçons. Compte tenu du grand nombre de comparaisons effectuées, une correction Bonferroni a été appliquée afin d’éviter l’erreur de premier type. Nous avons donc commencé à considérer les résultats lorsque les niveaux de signification étaient inférieurs à 0,01. Il ressort une différence significative entre les filles et les garçons relativement à six énoncés (voir Tableau 3). Ainsi, les filles et les garçons diffèrent quant à l’importance accordée à la réussite financière, à être un leader, à être célèbre, à avoir une relation harmonieuse avec sa famille, à aider les gens dans le besoin et à accepter les autres avec leurs différences. Comparées aux garçons, les filles évaluent qu’il est plus important d’avoir une relation harmonieuse avec sa famille, d’aider les gens dans le besoin et d’accepter les autres avec leurs différences. Par contre, les garçons, par rapport aux filles, considèrent plus important de réussir financièrement, d’être un leader et d’être célèbre.

Tableau 3

Moyennes, écarts-types et comparaison de moyennes des scores sur les énoncés selon les filles (n = 349) et les garçons (n = 224)

Moyennes, écarts-types et comparaison de moyennes des scores sur les énoncés selon les filles (n = 349) et les garçons (n = 224)

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Rendement scolaire

Les analyses indiquent des différences significatives entre les adolescents qui connaissent des difficultés et ceux qui réussissent par rapport aux énoncés siuvants : Agir, communiquer et réfléchir sans contrainte, Réussir dans mes études et Être célèbre. Les adolescents qui réussissent bien ou très bien jugent qu’avoir des occasions pour agir, communiquer et réfléchir ainsi que réussir dans ses études est plus important que leurs pairs ayant des difficultés scolaires. Par contre, la situation est inversée pour l’énoncé Être célèbre (voir Tableau 4).

Tableau 4

Moyennes, écarts-types et comparaison de moyennes des scores sur les énoncés selon le rendement scolaire

Moyennes, écarts-types et comparaison de moyennes des scores sur les énoncés selon le rendement scolaire

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Structure familiale

Aucune différence significative sur l’importance accordée aux valeurs n’a été observée selon la structure familiale.

Scolarité de la mère

À la suite des analyses de type Anova suivies de tests Post hoc de type Scheffee, les différences observées en fonction de la scolarité de la mère sont en lien avec l’importance de vivre dans un environnement sécuritaire (F [2, 533] = 4,294 , p = 0,014), de réussir financièrement (F [2, 542] = 4,083 , p = 0,017), d’être un leader (F [2, 538] = 3,229 , p = 0,04) et d’avoir une relation harmonieuse avec sa famille (F [2, 538] = 3,279 , p = 0,04). Selon les résultats aux tests Post hoc de type Scheffee, les adolescents dont les mères n’ont pas complété leur secondaire comparés à ceux dont les mères ont effectué des études collégiales ou universitaires accordent plus d’importance à la valeur sécurité (p < 0,015). Par contre, ces mêmes adolescents ne considèrent pas important d’être célèbre (p < 0,04). Réussir financièrement (p < 0,022) et avoir une relation harmonieuse avec sa famille (p < 0,07 tendance seulement) sont plus importants pour les adolescents de mères ayant complété leurs études secondaires que ceux dont les mères ont fait des études collégiales ou universitaires (p < 0,022).

Scolarité du père

Les résultats aux analyses de variance des moyennes montrent des différences significatives en fonction de la scolarité du père avec la valeur correspondant à la liberté, soit l’énoncé Avoir la possibilité d’agir, de communiquer et de réfléchir (F [2, 530] = 6,738, p < 0,001) et avec la célébrité, soit l’énoncé Être célèbre (F [2, 539] = 4,295, p = 0,014) (voir Tableau 5). Ainsi, les adolescents dont les pères ont une scolarité de niveau collégial ou universitaire trouvent plus important d’avoir des occasions pour pouvoir agir, communiquer et réfléchir (p < 0,003). Par ailleurs, comparés aux adolescents dont les pères n’ont pas complété leurs études secondaires, ces mêmes adolescents ont tendance à trouver moins important d’être célèbre (p < 0,06).

Tableau 5

Moyennes, écarts-types et résultats des analyses de variances sur les énoncés selon la scolarité de la mère et du père

Moyennes, écarts-types et résultats des analyses de variances sur les énoncés selon la scolarité de la mère et du père

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Discussion

Rappelons quelques résultats obtenus à la suite de la première question de recherche : « Quelles sont les valeurs les plus importantes et les moins importantes des adolescents québécois ? » Les 573 adolescents interrogés ont priorisé selon leur ordre d’importance : l’amitié, l’amour et la réussite dans les études ; l’amitié et l’amour se situent sensiblement dans le même ordre d’importance. Quant aux valeurs les moins importantes, les adolescents ont notamment identifié la célébrité et le leadership. Ces résultats semblent indiquer un éloignement des valeurs dites matérialistes répertoriées dans d’autres études (Langlois, 1990). Peut-on émettre l’hypothèse qu’au tournant de ce millénaire, les adolescents québécois reviennent à des valeurs dites traditionnelles ? Comme l’ont déjà souligné certains auteurs, les valeurs sont généralement en déclin, en progrès ou permanentes (Buidin et al., 2000). Il semble que l’amour et l’amitié figurent au chapitre des valeurs permanentes puisqu’elles sont citées systématiquement comme étant très importantes dans plusieurs études publiées.

Nous croyons que la mise au clair du système des valeurs est un exercice préalable pour le développement des compétences transversales d’ordre personnel et social. Il y a lieu de se demander si la représentation des valeurs des adolescents est cohérente avec les valeurs inhérentes au développement des compétences transversales d’ordre personnel et social. Selon le programme de formation de l’école québécoise au premier cycle du secondaire (MEQ, 2003a), la compétence transversale Actualiser son potentiel fait appel à des composantes où l’élève est amené à identifier et à exprimer ses sentiments, ses valeurs et ses opinions dans des situations d’interaction. La compétence transversale Coopérer fait davantage appel à des composantes liées au travail coopératif et situe en amont des valeurs comme la tolérance et le respect des différences. Étonnamment, les adolescents interrogés n’ont pas placé ces valeurs dans leur priorité. Ces résultats nous interpellent pour plusieurs raisons. D’une part, les acteurs du milieu scolaire tireraient avantage à valoriser les valeurs prosociales (par exemple : aider les gens dans le besoin, être utile aux autres) pour arrimer les compétences transversales d’ordre personnel et social visées dans le programme de formation et la représentation des valeurs des adolescents. D’autre part, la pertinence de certaines visées du programme de formation est questionnée puisque les valeurs mises de l’avant pour développer ces compétences transversales s’éloignent de celles priorisées par les jeunes interrogés. De cette étude se dégage donc l’importance de mieux comprendre le processus de socialisation à l’adolescence. De plus, nous croyons qu’une explicitation plus formelle des valeurs par les différents groupes d’âge favorisera la cohérence entre celles qu’ils priorisent et celles associées explicitement au développement des compétences transversales Actualiser son potentiel et Coopérer. La représentation des valeurs est appelée à se modifier, à évoluer au cours d’une vie, plus particulièrement à la période de l’adolescence où des facteurs comme l’âge, les expériences scolaires et personnelles influencent grandement ce système.

À la deuxième question de recherche : « Dans quelle mesure le rang accordé à certaines valeurs varie-t-il en fonction du sexe de l’adolescent, de son rendement scolaire, de sa structure familiale et de la scolarité de ses parents ? », les analyses de variance révèlent certaines différences significatives entre les caractéristiques des participants et leur représentation des valeurs. Rappelons que l’amitié et l’amour constituent des valeurs communes chez les filles et les garçons. Toutefois, ces derniers ont aussi priorisé la réussite financière alors que les filles ont plutôt opté pour la famille. De façon plus spécifique, les garçons ont justifié leurs réponses quant au choix d’un futur métier. Les filles ont, quant à elles, expliqué que la famille est ce qu’il y a de plus important, car elle n’est pas éphémère.

Dans un même ordre d’idées, les valeurs jugées fortement en désaccord font ressortir quelques différences selon le sexe. La célébrité et le leadership sont des valeurs communes aux adolescents et adolescentes. Toutefois, les garçons ont identifié la justice alors que les filles ont, pour leur part, identifié l’apparence. L’explication d’une répondante résume bien l’ensemble des propos des adolescentes : « L’apparence n’est pas le plus important […] peut-être remplacé par des amis qui vous apprécient. » Cette dernière donnée est pour le moins surprenante si on considère les innombrables campagnes publicitaires et tout le battage médiatique voués au culte de la beauté et de la minceur. Nos observations chez les adolescentes apparaissent plutôt rassurantes et permettent d’espérer que les valeurs liées à l’apparence et au fait d’être à la mode puissent faire partie des valeurs en perte de popularité.

À noter que les analyses tenant compte du niveau de scolarité des parents des adolescents font ressortir des différences au niveau de certaines valeurs, jugées notamment en accord et neutre. En guise d’exemple, les valeurs liées à la réussite financière et à la sécurité apparaissent comme plus importantes pour les adolescents dont les parents sont peu scolarisés. Il serait intéressant d’investiguer davantage ce résultat afin d’établir le type de relation avec la réussite éducative et la violence à l’école. Autre fait surprenant, l’enquête menée par Buidin et ses collègues (2000) avait révélé que l’origine des valeurs était peu reliée aux caractéristiques socioéconomiques.

Les résultats de la présente étude nous amènent à tenir compte du profil sociodémographique de nos jeunes, et plus particulièrement du sexe et de la scolarité des parents, pour favoriser le développement des compétences transversales et leurs valeurs sous-jacentes. Il faut toutefois considérer les limites de cette étude. À titre d’exemple, il se peut que certaines réponses reflètent des éléments de la désirabilité sociale. Comme les valeurs évoluent, il faut comprendre que le présent profil ne correspond qu’à celui de jeunes âgés entre 14 et 16 ans. Des études ultérieures ciblant les adolescents devront nécessairement se pencher sur les changements dans l’ordre d’importance accordée à certaines valeurs en fonction de l’âge de celui-ci.

Conclusion

Dans un contexte de réforme au Québec, cette enquête apporte un éclairage actualisé sur le système de valeurs de nos jeunes âgés entre 14 et 16 ans. Selon Paquette (2002), la recherche de cohérence est une valeur qui englobe toutes les autres. L’enjeu lié à la complexité des valeurs (Boudon, 2002) semble relever de la quête de cohérence en formation. « Rarement exprimées de façon explicite, les valeurs sont pourtant omniprésentes à l’école. Nous ne pouvons connaître les valeurs véhiculées par tous ceux et celles qui interviennent auprès des élèves, car aucune recherche d’envergure n’a été menée sur le terrain » (Jeffrey, 2005). Y a-t-il concordance dans le système des valeurs des jeunes et de l’ensemble des acteurs gravitant autour de leur formation ? La prise en compte à la fois des jeunes, des enseignants, des parents et des membres de la communauté est cruciale. Les résultats qui émergeront de notre programme global de recherche contribueront indubitablement à l’identification de pistes concrètes pour mieux travailler ensemble dans le développement optimal des compétences transversales d’ordre personnel et social des jeunes (Deslandes, Rivard, Lebel et Ouellet, 2006).

Les pistes de recherche

À ce stade-ci de notre étude, de nouvelles questions sont soulevées. Quel type de relations existe-t-il entre les valeurs priorisées par les adolescents et celles qu’ils adoptent ? Selon Paquette (1982), les valeurs de préférence sont souvent de l’ordre du discours. Le problème est qu’il existe parfois une différence entre des aspirations et des valeurs qui sont ancrées dans le quotidien. Dans le même sens, la fermeté des valeurs se mesure à l’aune des actions entreprises (Howden et Kopiec, 2000). C’est pourquoi, à l’issue de cette première phase de recherche, une deuxième phase est envisagée afin de recenser les valeurs de référence des adolescents. Cette seconde phase permettrait de vérifier la concordance des discours recueillis chez les adolescents et les actions réelles en matière de valeurs.

Parmi les autres questions soulevées, « Quelles sont les valeurs enseignées ou véhiculées par les enseignants ? Par les parents ? Par les membres de la communauté ? », il serait aussi pertinent de répertorier, chez tous ces acteurs, la représentation de leurs valeurs de manière à expliciter leur savoir éthique selon la discipline enseignée ou selon les pratiques éducatives utilisées. Cette démarche pourrait être menée dans une perspective d’identification des pratiques éducatives des différents groupes d’agents de socialisation impliqués dans le développement des compétences transversales d’ordre personnel et social des élèves de niveau secondaire.

De plus, l’élaboration des principaux jalons d’un modèle d’intervention pour soutenir le développement des compétences transversales chez les adolescents est une piste à explorer afin de répondre à la question suivante : « Quels sont les dispositifs pédagogiques favorisant le développement de ces compétences transversales ? »

En temps de réforme scolaire articulée autour de compétences à développer et du très récent débat sur la réelle existence des compétences transversales (Fourez, 2005), la présente étude attire l’attention sur l’importance de traduire les valeurs des curriculums de manière à mettre au clair les intentions éducatives et de soutenir leur intégration dans les pratiques éducatives.