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L’ouvrage La littérature de jeunesse en question(s) résulte de communications émises lors d’un séminaire à l’université du Maine (Le Mans, France) en 2004. Chacun des six chapitres se compose du texte de la communication, d’une série de questions de l’auditoire et d’une bibliographie. Le tout est complété par un descriptif des six auteurs et un index nominal. Cette organisation souligne la dimension interactive des sujets et facilite la lecture de chaque article en regroupant l’information.

Dès l’introduction de l’ouvrage, un constat s’impose : bien qu’encore négligée par la recherche qui la juge simpliste sur le plan des valeurs véhiculées, ou jouant trop avec son support pour être vraiment littéraire, la littérature jeunesse repose sur une problématique complexe que l’ouvrage aborde selon trois axes. Tout d’abord, la question du destinataire, qui concerne aussi bien l’enfant ne sachant pas encore lire que l’adolescent. Cela implique de considérer la place de l’adulte dans le processus en tant qu’auteur, éditeur, médiateur, voire acheteur, l’existence de plusieurs niveaux de lecture à l’intérieur du récit (les contes notamment), ou l’appropriation de certains textes pour l’adulte par l’enfant et vice versa (les genres imaginaires surtout). L’oeuvre jeunesse interroge ainsi ses propres critères de classification et d’identification.

De là découle un second aspect : la grande diversité d’oeuvres manipulant, transformant leur support – le livre – jusqu’à en faire un objet, dont la portée culturelle ou artistique bouleverse les notions traditionnelles de récit et de littérarité. Dans ce cas, le livre pose la question de la narrativité et de la création artistique en intégrant l’image au texte (l’album). Également, l’influence mutuelle entre littérature et autres médias (cinéma, jeux vidéo) tend à définir une culture propre à la jeunesse avec ses codes et ses motifs, tout en défiant les critères de légitimation des oeuvres, souvent faite au détriment d’une littérature populaire riche.

Enfin, le rôle pédagogique de la littérature de jeunesse, véhicule d’un savoir ou d’un message accompagnant l’enfant dans son développement, est confronté à l’exploration de l’imaginaire et du merveilleux des genres populaires. Autrement dit, la valorisation de l’enfance se heurte à l’évolution vers l’âge adulte. Ici, la littérature jeunesse cherche surtout à représenter le jeune lecteur à divers moments, dans son rapport au monde et aux autres. Elle adapte donc ses modalités (la répétition ou l’évolution diégétique), ainsi que ses thématiques (relations parents-enfants, représentations imaginaires ou réalistes du monde, etc.).

Cet ouvrage fort intéressant se distingue par le fait que les questions traitées séparément en apparence se recoupent et permettent une vision globale de la littérature de jeunesse. Par ailleurs, l’absence de jugement qualitatif sur les oeuvres traitées souligne la valeur scientifique des propos. Enfin, les interventions de l’auditoire aux horizons multiples apportent des précisions et des ouvertures pertinentes sur les réflexions exposées. En bref, la clarté et le haut niveau des articles contribuent à faire de La littérature jeunesse en question(s) une oeuvre érudite s’adressant aux lecteurs de tous les champs d’expertise. Nul doute que cet ouvrage atteindra son objectif : inciter plus de chercheurs à se pencher sur la littérature de jeunesse et lui donner ses lettres de noblesse.