Résumés
Résumé
Nous décrivons l’activité mathématique par la manipulation des objets pratiques (ou ostensifs) et cognitifs (ou non ostensifs). Cela nous permet de montrer comment l’étude et l’enseignement des mathématiques induisent et présupposent des phénomènes mémoriels spécifiques. À partir d’observations des classes ou des élèves, nous relevons des oublis, réminiscences et anticipations, liés à l’utilisation des outils du travail mathématique. Mais étant donné que les savoirs professionnels des enseignants restent à construire et que la mémoire n’apparaît plus seulement comme une propriété des personnes, nous tentons de montrer alors comment le travail de l’enseignant peut s’appuyer sur des pratiques mathématiques réglées ainsi que sur des effets mémoriels identifiés pour instaurer des conditions didactiques originales et durables.
Abstract
This article describes mathematical activity that uses manipulation of concrete objects and cognitive ones. This process allows the authors to show how the study of mathematics teaching leads to and presupposes specific «memorial phenomena». Based on observations of classes and students, the authors found the presence of forgetfulness, memories, and predictions related to the use of mathematical work tools. While teachers’ professional knowledge is still being constructed and considering that memory does not appear as only the property of individuals, the authors attempt to show how teachers’ work can be based on accepted mathematic practices as well as on identified «memorial effects» in order to implement original and durable didactic conditions.
Resumen
Describimos la actividad matemática mediante la manipulación de objetos prácticos (o ostensivos) y cognitivos (o no ostensivos). Nos lleva a demostrar cómo el estudio y la enseñanza de las matemáticas inducen y presuponen fenómenos memoriales específicos. A partir de observaciones de situaciones de clases o de alumnos, distinguimos olvidos, reminiscencias y anticipaciones ligados a la utilización de las herramientas del trabajo matemático. Considerando que los saberes profesionales de los docentes quedan por construirse y que la memoria ya no aparece más como siendo una propiedad de las personas, intentamos entonces demostrar cómo el trabajo docente se puede fundamentar en prácticas matemáticas reguladas así como en efectos memoriales identificados para instaurar condiciones didácticas originales y duraderas.
Zusammenfassung
Wir beschreiben die mathematische Praxis als Manipulation praktischer (bzw. greifbarer) und kognitiver (bzw. nicht greifbarer) Objekte. Auf diese Weise lässt sich zeigen, dass Studium und Lehre der Mathematik spezifische Gedächtnisphänomene voraussetzen und verwenden. Ausgehend von Klassen- bzw. Schülerbeobachtung haben wir Phänomene wie Vergessen, Wiedererinnern und Antizipation studiert, wie sie bei Verwendung mathematischer Arbeitsgänge auftreten. Da jedoch das Fachwissen der Lehrkräfte immer wieder neu aufgebaut werden muss und das Gedächtnis nicht nur als persönlicher Besitz verstanden werden kann, haben wir versucht zu zeigen, wie sich die Lehrerarbeit auf eine geregelte mathematische Praxis sowie auf identifizierte Gedächtniselemente stützt, um originelle und dauerhafte didaktische Bedingungen zu schaffen.
Corps de l’article
Introduction
Dans le cadre de cet article, nous ne traiterons pas de rapports entre notre approche et les autres théories relatives à la question des signes (Vergnaud, 1990), des notations (Duval, 1996) et des gestes ou mots grâce auxquels l’activité mathématique se déploie. En un mot, nous ne traitons pas les mathématiques comme un langage relatif à une activité inaccessible, mais comme une pratique observable par les objets matériels qu’elle manipule. Le lecteur qui souhaiterait un débat argumenté avec et sur cette question pourra se reporter à Chevallard (1991b) pour les liens entre sémioticité [1] et instrumentalité [2] des notations mathématiques, à Bosch et Chevallard (1999) pour une description de l’activité mathématique [3], à Mercier (1998) pour l’observation des élèves en classe et à Matheron (2002) pour un modèle des mémoires pratique [4], publique et collective [5] dans l’étude des mathématiques.
Nous décrivons les systèmes d’objets sur lesquels porte l’activité mathématique parce que l’étude de cette matière engage en effet un travail avec des objets, ainsi qu’un discours sur ce travail qui, nous semble-t-il, appartiennent en propre aux mathématiques. Les mathématiciens savent que les objets du travail arithmétique ou algébrique ne sont pas des signes linguistiques ; par exemple, pour le mathématicien, « 27 » n’est pas l’adjectif numéral « vingt-sept ». Ce ne sont pas non plus des symboles et « 12 » n’est pas un objet représentant l’idée de la quantité d’oeufs que contient une douzaine d’oeufs. Les mathématiciens considèrent plutôt, avec Lebesgue (1975), 27 et 12 comme « les comptes-rendus complets des opérations matérielles de mesure qui les ont produits », ce qui permet de connaître la mesure de la collection obtenue par réunion de deux collections disjointes de mesures respectives, 27 et 12, par le moyen d’une opération sur ces objets mathématiques : l’addition. Faute de disposer d’une théorie générale des fonctions de ces objets, les mathématiciens les appellent des notations. Cela n’interdit pas de mesurer leur efficacité, de la décrire (Freudenthal, 1968) et de l’utiliser systématiquement depuis que les écritures algébriques proposent un système de notations capable de modéliser le travail logique, aussi bien que le raisonnement arithmétique [6]. C’est ce type particulier de pratique, à la fois intellectuelle et matérielle, que les mathématiciens nomment calcul. C’est ainsi que Freudenthal décrit les systèmes de notations comme des outils qui sont parfois, selon son expression à propos de la notation f(x) pour les fonctions, « impraticables ».
Bosch et Chevallard (1999) proposent donc de classer les objets engagés dans une activité mathématique en objets ostensifs et non ostensifs :
On appelle ostensifs les objets qui ont pour nous une forme matérielle, sensible, au demeurant quelconque. Un objet matériel (un stylo, un compas, etc.) est un ostensif. Mais il en va de même :
des gestes : nous parlerons d’ostensifs gestuels ;
des mots et, plus généralement, du discours : nous parlerons ici d’ostensifs discursifs (ou langagiers) ;
des schémas, dessins, graphismes : on parlera, dans ce cas, d’ostensifs graphiques ;
des écritures et formalismes : nous parlerons alors d’ostensifs scripturaux.
Le propre des ostensifs, c’est de pouvoir être manipulés, ce mot étant entendu en un sens large : manipulation au sens strict (celle du compas ou du stylo, par exemple), mais aussi par la voix, le regard, etc.
Chevallard, 1994, p. 69
De plus, si les objets ostensifs enrichissent le travail mathématique dans lequel ils sont engagés (c’est leur valence instrumentale), ils permettent aussi d’en contrôler la pertinence et d’en anticiper la poursuite parce qu’ils montrent le travail en train de se faire (c’est leur valence sémiotique). La valence sémiotique des ostensifs consiste en l’évocation d’objets mathématiques qui ne sont pas manipulés : les notions et concepts, les idées. Nous les nommons non-ostensifs parce qu’ils ne sont pas porteurs d’une pratique qui donne à voir. Dans ce qui suit, nous tenterons de tirer les conséquences de cette description de l’activité mathématique sur les phénomènes de mémoire liés à l’étude des mathématiques.
Pratique des ostensifs, sens et oubli : deux exemples
L’organisation traditionnelle de l’enseignement du calcul algébrique, dans le système scolaire français, suit une progression au cours de laquelle les élèves apprennent tout d’abord à ajouter et à soustraire des relatifs écrits à l’intérieur de parenthèses (par exemple, -4). Le programme de la classe de cinquième (les élèves de 12-13 ans) indique des compétences exigibles : « effectuer la somme de deux relatifs […]. Transformer une soustraction en une addition, comme dans l’exemple : -3,7-(-4,3) = -3,7+4,3 = 0,6. » (Gouvernement de France, 1996, p. 24). Nous observons ici le double sens de « + » et « - » : ce sont « les signes » de nombres relatifs [comme dans -3,7 et dans (-4,3)], ou « les symboles » d’opérations (comme dans 4,3- 3,7). L’usage de parenthèses permet d’éviter la succession de deux signes de nature différente (+ +, + -, - + ou - -) lorsque nous ajoutons ou soustrayons ces nombres, comme nous le voyons avec (-4,3), mais n’est pas nécessaire pour -3,7. Cependant, il arrive un moment où il faut orienter les élèves vers une pratique qui s’avèrera plus économique bien que de plus faible sémioticité, puisqu’elle n’indiquera plus les soustractions de négatifs. Nous en proposons deux observations dans l’enseignement français actuel.
De quels « signes + et - » s’agit-il ?
Nous reproduisons ci-dessous l’extrait d’un manuel de 1997, Nouveau Transmath (Antibi, Malaval, Denux, Moreau, Lampin et Mattiussi, 1997).
Pour écrire plus simplement la somme ou la différence de deux nombres relatifs, on convient tout d’abord de ne plus mettre les parenthèses entourant les nombres relatifs et de ne plus écrire le signe + devant le premier terme s’il est positif.
p. 70
Voici d’autres conventions afin d’éviter que deux signes se suivent :
La pratique indiquée est pour ce manuel une simple convention : de ce fait, le travail sur les ostensifs ne sera pas conduit sous le contrôle de notions mathématiques déclarées publiquement, connues, objets éventuels d’un débat. De tels objets, qui ne se manipulent pas, mais accompagnent toute pratique mathématique réglée et qui brillent ici par leur absence, sont des non-ostensifs.
Pour bien des élèves soumis à un enseignement de ce type, la réduction de l’écriture d’une somme algébrique devient un jeu mystérieux, relevant d’une alchimie où certains, plus que d’autres, parviennent à transmuter « selon les règles » les signes de nombres relatifs en symboles opératoires, et réciproquement. Mercier (1995a) a montré, à propos de la simplification des fractions, que si les « raisons d’être » mathématiques sont absentes, les élèves ne peuvent guère apprendre que des « savoir-faire » fragiles et de peu de portée.
Un autre exemple provenant d’une observation en classe de quatrième (élèves de 13-14 ans), montre comment un professeur traite la suppression de parenthèses dans une somme algébrique. Il le fait dans le cadre du paragraphe « Règles » d’un chapitre nommé « Organisation des calculs ». Après avoir rappelé les priorités des calculs entre parenthèses et les priorités des opérations les unes par rapport aux autres, il écrit au tableau (en gras dans le texte) et commente :
Apparemment, pour le professeur, il s’agit d’installer l’usage de règles connues des élèves. Reprenons cependant la chronologie du calcul. Dans l’écriture initiale (3+4-5)-(3+5+4)+(4-2-5) tout d’abord, les signes peuvent être vus comme « symboles des opérations addition et soustraction ». Mais dans l’application de la règle 3 (suppression des parenthèses), ils doivent être vus comme « signes des nombres qui étaient à l’intérieur », comme le fait écrire le professeur. La simplification des opposés dans 3+4-5-3-5-4+4-2-5, suggérée par le professeur, doit en revanche s’interpréter en termes de soustractions : ce non-ostensif est nécessairement mobilisé dans toute interprétation de l’écriture globale, qui se montre comme suite d’opérations. Les signes - sont donc des notations mathématiques indiquant aussi bien des opérations que des opposés. Ainsi, dans le mouvement même de simplification qui fait remplacer 4+(-2) par 4-2, le non-ostensif de référence doit être conservé : 4-2 montre aussi une addition de relatifs comme si la notation d’origine 4+(-2) était conservée. L’élève interrogé évite donc de nommer les non-ostensifs associés aux ostensifs qu’il manipule : nous pouvons comprendre pourquoi la simplification est silencieuse et, même s’il ne simplifie pas de sa propre initiative 5 et -5, cet élève ne commet pas d’erreurs et fournit le résultat exact : -13.
La dimension mathématique de l’activité observée est masquée aux yeux de ses auteurs et il faut en avoir une description théorique pour la retrouver. Nous pourrions l’indiquer rapidement ainsi : « + désigne une loi de composition interne dans Z, commutative, pour laquelle tout entier relatif x admet un opposé noté -x ; ce qui permet de définir une deuxième loi interne notée -, non commutative, définie par : (y ; x)→ y+(-x) = y-x. » Le problème d’enseignement que nous avons identifié tient donc au fait que le professeur ne dispose pas des moyens de décrire aux élèves le travail attendu : les règles proposées sont impraticables.
Un cas d’oubli, nécessaire à l’engagement de l’élève dans la pratique enseignée
L’absence de non-ostensifs spécifiques permettant de régler la pratique nouvelle force donc à une pratique silencieuse. Mais il y a plus : cette absence nécessite que les élèves oublient le recours aux parenthèses pour différencier les signes d’opération des notations algébriques qui leur a été enseigné jusqu’à ce jour, tout en mobilisant de manière pertinente les non-ostensifs qui leur correspondent.
Ainsi, le jeu avec les ostensifs +, (), -, considérés comme signes d’opérations et signes algébriques, induit un double jeu de mémoire tandis que, pour le professeur comme pour l’élève, les discours qui pourraient justifier la confusion nécessaire des symboles d’opérations et des signes de relatifs sont inaccessibles. Contre l’évidence ostensive, les écritures manipulées sont d’abord pensées comme sommes de relatifs avant que, à la fin de l’opération, le souvenir des pratiques de soustraction et d’addition reprenne la main pour indiquer le calcul produisant la réponse.
Deux types de rapports antérieurs aux pratiques de simplification peuvent alors mettre les élèves en difficulté. Dans le premier cas, les élèves ne savent pas de quel type de signe il s’agit, faute d’avoir réalisé en temps utile l’apprentissage des additions et soustractions de relatifs. Dans le second, au contraire, ils ont réalisé cet apprentissage et peuvent chercher à discriminer la signification des + et des - rencontrés lors du calcul. Un élève dans la première situation peut tenter d’apprendre l’usage des règles données dans ce cours, mais elles sont impraticables tant qu’il n’interprète pas l’écriture comme addition de relatifs. Cependant, un élève qui reviendrait aux savoirs antérieurement enseignés et qui chercherait systématiquement ce qu’est le « + » ou le « - » avec lequel il doit faire serait handicapé dans la mise en oeuvre des règles nouvelles. Oublier ce qu’il a su est donc pour lui une nécessité fonctionnelle, tandis qu’ignorer n’est pas un handicap insurmontable pour le premier. Ces deux types d’élèves peuvent se trouver capables d’utiliser localement les techniques indiquées et de mener correctement les calculs demandés s’ils ne mobilisent pas leurs apprentissages antérieurs ! L’énoncé de règles à suivre ne suffit pas à satisfaire le besoin pratique de qui étudie ; la règle doit être accompagnée de non-ostensifs efficaces.
Un cas où l’oubli du non-ostensif suppose l’interdiction d’un ostensif
L’observation de l’hésitation d’un élève va nous permettre d’aller plus avant. Elle est extraite du compte rendu d’une séquence de cours en seconde (élèves de 15-16 ans). Les lettres K et D désignent des élèves et P, le professeur.
Pour éclairer l’apparition, à deux reprises, de l’ostensif d(a ; b) désignant la distance de a à b dans la résolution de cette équation, il faut se reporter au programme officiel (Gouvernement de France, 1999, p. 9) et à ses commentaires pour la partie I.c) valeur absolue, intervalles, approximations.
Les instructions officielles ont été suivies par le professeur qui peut les justifier après la séance : « Cette définition permet que les élèves écrivent par eux-mêmes d(3; 5)=5-3=2 ou d(7; 4)=7-4=3 et qu’ils comprennent que d(a ; b)=b-a si b≥a et a-b si a≥b. » Mais il faut qu’aux nombres a et b, les ostensifs manipulés, soient associés des non-ostensifs : les abscisses de points sur une droite graduée. Cette définition associe donc le non-ostensif « distance » à l’ostensif « valeur absolue » : ces deux barres à l’intérieur desquelles se trouve une somme ou une différence notent la distance de deux abscisses sur une droite graduée. C’est un phénomène de transposition didactique tout à fait remarquable, si l’on se souvient de l’article fondateur de Chevallard et Johsua (1982). Le problème dans cette équation est qu’un ostensif parasite est apparu : d(a ; b) qui encombre le fonctionnement de l’idée de distance qui aurait dû rester métaphorique. Car dans le cas où nous notons la valeur absolue d’autre chose qu’une différence de relatifs, le non-ostensif « distance » est disqualifié. L’observation montre comment l’ostensif associé empêche l’engagement d’un élève dans la technique efficace. Lorsque le professeur désigne les objets sur lesquels la pratique attendue peut s’engager, cela doit conduire l’élève à oublier le système ostensif/non-ostensif initialement enseigné. Pour bien le montrer à tous, le professeur produit en public l’effacement de la mémoire privée de l’élève dont il dirige l’action.
Ce que devient la mémoire pratique de la personne dans le processus de l’étude
Tel est le fonctionnement de la mémoire pratique de la personne qui étudie : l’oubli du « sens » de l’usage ancien d’un ostensif est parfois nécessaire à la pratique d’écritures ostensives nouvelles. Cette propriété des notations mathématiques est tout à fait remarquable : leur définition (les non-ostensifs qu’elles évoquent) est locale, tandis que les pratiques de calcul qu’elles engagent obéissent à des structures d’action dont la validité est plus large.
Pour autant, nous observons chaque jour que les mathématiques ne peuvent s’étudier uniquement comme un ensemble de pratiques sans autre signification que le système de structures qui les décrit. C’est ce que nous indiquons en disant que la mémoire pratique engagée dans une activité mathématique est formée de praxèmes [7]. Ce terme nous permet de nommer et de décrire la valeur mathématique d’usage d’un ostensif, étant donné le système dans lequel il est pris et les non-ostensifs qui lui sont associés. Nous avions identifié ce phénomène sous un autre de ses aspects : un élève doit « former un rapport idoine » aux objets pertinents pour l’étude qu’il mène (Mercier, 1995b). Nous savons aujourd’hui, avec les notions de mémoire pratique et de praxème, décrire l’idoinéité du rapport à un objet en le décomposant en praxèmes que l’on décrit dans leur double dimension de pratiques ostensives et de mobilisation de non-ostensifs.
Praxèmes et formes de mémoire
Comment le professeur mobilise-t-il la partie utile dans un contexte donné de la mémoire pratique des élèves ?
L’observation se déroule dans une classe de terminale scientifique (élèves de 17-18 ans). Elle a lieu en janvier 1997, alors que les élèves ont à résoudre en classe des « équations logarithmiques ».
La recherche de ces exercices constitue la première rencontre des élèves avec des équations logarithmiques. C’est plutôt, en fait, leur première rencontre avec le type de problèmes que posent ces équations : la mise en oeuvre des techniques connues échoue et aucune technique n’a été montrée dans le cours pour combler ce manque. Mais la consigne est accompagnée du rappel que les élèves sont « censés connaître le cours ». Ce rappel garantit aux élèves, en principe, la possibilité d’entrer dans le travail demandé par l’activation d’éléments appropriés de leur mémoire pratique, spécifiques des équations, des praxèmes comme transposer un terme d’un membre à l’autre, utiliser des propriétés algébriques et la formation de praxèmes nouveaux décrits dans le cours.
Cependant, leur connaissance du cours est loin de garantir aux élèves la possibilité de venir à bout de la tâche. Ainsi, à ce niveau de l’étude du logarithme népérien, résoudre l’équation (lnx)2+3lnx-4=0 demande la mise en oeuvre des praxèmes traditionnellement attachés à la résolution des équations, mais se heurte à l’indisponibilité des techniques permettant de ramener l’équation avec logarithme à une équation algébrique d’un type connu (par exemple, par changement de variable, impensable tant que l’on ne sait pas résoudre lnx=n). Or, le cours contient une définition de e en tant qu’unique solution de l’équation lnx=1, mais rien de ce qui peut en être fait : le nombre e est encore un ostensif à valeur praxématique très faible. Cette situation donne l’occasion au professeur de montrer que le cours permet de fabriquer des outils, de telle sorte qu’a posteriori il fonde une technique. Le professeur montre alors à la classe ce qu’elle ne pouvait trouver d’elle-même : la technique de résolution d’une équation lnx=n.
La classe peut se lancer dans la résolution des équations. C’est cependant un « redoublant » qui passe au tableau pour résoudre la première équation. Il utilise, sans problème, un changement de variable qui produit « lnx = 1 ou lnx = -4 », ce qui le conduit à la réponse. Mais cet exercice est le seul de son type : il s’agissait donc seulement pour le professeur d’introduire x = en comme solution de lnx = n.
Sans changement de variable, le deuxième exercice, ln(x2) + ln ex - 4 = 0, donne 2lnx + lnx -3 = 0 soit lnx = 1, x = e. Le troisième, ln(x4) + ln(x2) = 0, conduit à 3ln(x2) = 0, ln(x2) = 0, x2 = e0, x2=1, x=1 ou x= -1, mais aussi bien à 4lnx + 2lnx = 0, 6lnx = 0, lnx = 0, x= e0=1. Le professeur commente tout en venant écrire au tableau. Il désigne alors du doigt les écritures qu’il nomme.
Le professeur ne dispose pas de mots pour décrire le problème qui se pose ici. Il manque d’un non-ostensif (la notion d’homomorphisme) et d’un système d’ostensifs associé. Aussi fait-il appel à un souvenir qu’il évoque et tente de constituer en praxème pour que sa mobilisation joue la même fonction de contrôle de la pratique que la dialectique ostensif/non-ostensif, en l’installant dans une fonction métaphorique.
Nous interprétons cette observation en la situant dans un espace de deux éventualités. Soit le rapport personnel des élèves au logarithme est suffisamment riche pour qu’un rapport à la bijection ait été travaillé. Dans ce cas, l’évocation du non-ostensif logarithme convoque dans le milieu (Brousseau, 1990) les praxèmes associés à la bijection. Le logarithme sert alors d’indice de rappel d’un écosystème d’objets qui permet à la technique montrée par le professeur de faire sens. Soit ce n’est pas encore le cas, comme observé ici. C’est alors que le professeur doit se charger de construire cet écosystème et d’en faire dévolution à la classe. Il s’agit pour lui, en passant par le discours, l’écriture, les gestes et les effets de contrat, de reconstruire une mémoire suffisamment partagée par ses élèves pour que son projet d’enseignement puisse se réaliser. Cette mémoire est une « mémoire publique » qui constitue les objets du milieu dans un enseignement que nous pouvons qualifier par les techniques d’ostension que le professeur met en oeuvre.
Anticipation, mémoire publique et mémoire du savoir
Nous avons montré comment la construction d’une mémoire publique pouvait passer par l’activation de souvenirs relatifs à différentes couches de la pratique antérieurement mise en oeuvre par les élèves, sous l’impulsion du professeur. Le moyen en est l’ostension, qui s’appuie sur la mise en texte du savoir enseigné (Chevallard, 1991a ; Chevallard et Mercier, 1987) et sur le contrat didactique qui stipule que les élèves connaissent le savoir passé. La production de mémoire publique est un processus de reconstruction de l’histoire, dirigé vers la classe, sous la direction du professeur en collaboration avec certains élèves. C’est un processus de sélection des pratiques du savoir pertinentes pour l’étude actuelle. Face à ce procédé d’enseignement, les élèves sont actifs de diverses manières.
Un cas d’anticipation : observation et analyse
Un dispositif d’observation est mis en place, en 1999, durant la période où sont enseignés, en terminale scientifique, les chapitres relatifs au logarithme népérien et à l’exponentielle. Il s’agit de filmer les séances de cours et de procéder à des entretiens enregistrés ante et post séances, avec deux binômes d’élèves (un faible et un fort). Nous interprétons ici des extraits des entretiens ante pour le cours du 22 février et post pour les cours des 2 et 3 mars. Le 22 février a eu lieu le premier entretien. Afin d’en préciser les modalités, les quatre élèves sont réunis simultanément. Après un moment de familiarisation avec l’enquêteur, la discussion s’engage.
À cette date, le cours sur le logarithme n’est pas encore terminé. La séance du 23 février sera en fait structurée en deux parties. La première consiste en la correction des exercices au tableau par un élève (le devoir pour demain dont parle Aurélie) : des équations du type ln(x +3) + ln(x +2)=ln(x +11). La deuxième partie est consacrée au cours : limites en +∞ et en 0 de fonctions utilisant le logarithme, position de la courbe par rapport à ses tangentes. Trois exercices pour le lendemain, recherche de limites. L’enquêteur, qui cherche à mesurer les moyens d’anticipation des élèves, entretient la conversation sur e. Dans l’extrait suivant, bien que la question porte sur son avenir, trois des élèves paraissent s’accorder explicitement sur la fonctionnalité présente de e.
Aurélie s’est fait couper la parole par Alexandre, qui se souvenait de la valeur numérique de e et qui s’aligne sur Aurélie en évoquant la résolution des équations. Ludivine et Sarah restent silencieuses. Il est remarquable qu’Aurélie ait nommé e non pas pour la résolution des équations, mais pour répondre à une question portant sur « les propriétés calculatoires du logarithme », question qui aurait pu entraîner une réponse évoquant seulement ses propriétés d’homomorphisme. La reprise de la question des équations par Alexandre ne suscite, chez elle, qu’une discrète approbation et lorsque l’occasion de développer sa pensée se présente, elle répond.
Pour Aurélie, qui se souvenait des bijections, il est remarquable de pouvoir exprimer un nombre comme logarithme. Alors e sert à « faire le contraire de ln ». Les idées qu’elle développe sont le produit de l’interaction avec l’enquêteur, mais si celui-ci permet ce progrès, il ne l’oriente pas ; la suite va le montrer. On pourrait être tenté d’interpréter ce passage en disant qu’Aurélie décrit l’usage de e « pour résoudre des équations », ce sur quoi ses camarades s’accordent, comme en atteste cet échange entre Sarah et Alexandre :
Mais les propos qu’Aurélie tient ensuite montrent qu’elle se trouve dans « une logique fonctionnelle », par opposition à ses camarades qui en restent à « la logique algébrique » du calcul qu’ils viennent de décrire. Elle peut ainsi anticiper la suite de la progression didactique :
Nous pourrions penser qu’Aurélie, bonne élève, a pris un peu d’avance sur ses camarades en regardant la suite du cours dans le livre. Cette hypothèse ne peut être totalement exclue. Cependant, voici ce qu’Aurélie déclare, dix jours plus tard.
Enfin, le cours du 3 mars s’intitule « Fonction exponentielle », noté en titre au tableau, et porte sur un premier paragraphe « 1 ». Fonctions réciproques », dans lequel est donnée la définition et traité l’exemple de la réciproque sur R+ de la fonction carrée. Dans l’entretien post, Ludivine et Sarah ont su décrire le cours, mais à la question « Quel rapport avec l’exponentielle ? Est-ce que vous voyez la filiation ? » Sarah a répondu : « Ah ! bonne question ! (rires) Bien là, franchement… Aucune idée… », tandis que Ludivine renchérissait : « Peut-être ça sert à rien quoi ! (rires). C’est peut-être le point d’intersection des courbes… » L’entretien se poursuit avec Aurélie et Alexandre qui arrivent en ordre dispersé dans la salle où sont restées Sarah et Ludivine :
Pour Alexandre, les choses sont aussi obscures que pour Ludivine. Il possède tous les éléments : fonction logarithme, fonction réciproque et e, mais n’est pas capable de tisser le lien convenable entre eux, comme le montre l’extrait suivant.
De cet épisode, nous retenons que l’étude, ou tout au moins un certain type d’étude qui reste à définir, permet à certains élèves d’anticiper sur le temps didactique ; c’est ici le cas seulement pour Aurélie. La pratique de l’ostensif e lui permet d’anticiper, mais c’est l’usage du non-ostensif fonction, le raisonnement fonctionnel sur e provenant d’une conception fonctionnelle du logarithme, qui fait, semble-t-il, la différence. Pour elle, lorsqu’on est confronté à ce qui paraît être une impasse dans une équation du type « lnx=n », l’utilisation de e qui permet d’en sortir peut être vue comme une pratique « contraire » de celles qui sont autorisées par le logarithme. Cette intuition lui ouvre le champ de l’étude de ces pratiques « contraires » l’une de l’autre, permettant de passer de l’écriture ostensive avec ln à une autre avec e, et réciproquement.
Effets de l’extension des pratiques ostensives
Nous avons ici la confirmation du fait que certains élèves se posent, de façon personnelle et privée, des questions auxquelles va répondre l’avancée du temps didactique. Pour eux, ces questions sont issues de l’utilisation des ostensifs, mais elles ne se posent qu’en relation avec un champ de non-ostensifs. C’est ce que montrent les trois élèves qui ne peuvent même pas bénéficier des idées d’Aurélie. Ils en restent à la pratique qui leur est proposée à l’intérieur d’un territoire qu’ils n’envisagent pas d’élargir en produisant des praxèmes nouveaux. L’injonction « de faire les exercices » et « d’apprendre le cours » ne les engage pas au-delà dans l’étude. Ces anciens bons élèves, arrivés en classe scientifique, se comportent comme s’il leur était interdit d’envisager quels non-ostensifs engloberont les pratiques ostensives inédites qui leur sont proposées. Le professeur aura beau déclarer à plusieurs reprises, comme ce fut le cas dans la séance du 3 mars que nous avons par ailleurs enregistrée, que « l’exponentielle est la réciproque du logarithme », cela ne fera pas sens pour eux.
Cette observation nous permet d’entrevoir une attaque didactique des phénomènes liés aux rapports au savoir différenciés, mis en évidence par Bautier et Rochex (1998) afin d’expliquer l’échec de certains lycéens. Mais nous voudrions d’abord en tirer toutes les conséquences didactiques en montrant son apport théorique. En effet, la question de la différence entre le système d’interprétations que mobilise Aurélie et ceux des trois autres élèves observés peut se poser en termes d’« idonéité » du rapport des élèves au logarithme : fonction ou opérateur numérique ? Le système des non-ostensifs associés aux ostensifs manipulés semble essentiel. Cependant, nous ne voudrions pas en tirer de conclusions sur les (bonnes) manières d’enseigner les mathématiques : d’autres observations nous conduisent à une grande prudence. En effet, il arrive que des élèves qui étudient efficacement travaillent tout simplement en faisant confiance au système d’ostensifs proposé et à sa productivité propre, en attendant parfois longtemps que les manipulations dans lesquelles ils s’engagent évoquent des non-ostensifs mathématiquement remarquables. Comme le montre l’épisode que nous allons étudier maintenant, nous avons identifié deux temps distincts du travail mathématisant sans que l’un ne soit exclusif de l’autre.
Cet épisode est observé dans la même classe de mathématiques (terminale S), l’année précédente. Cette fois, deux élèves sont confrontés à l’enregistrement d’une séance de leur classe.
Frédérique et Ghislain visionnent cette séquence le 25 mars, soit cinquante jours plus tard, alors que l’enseignement s’est poursuivi. Ils réinterprètent l’observation.
C’est la suite « normale » de 3lnx = 2 pour qui a une idée de la conclusion parce qu’il dispose de la fonction exponentielle, comme c’est le cas de ces élèves à ce moment de l’année.
Cette justification étonne l’enquêteur puisque, comme le dit explicitement le professeur P de la classe, « C’est vrai qu’on n’a pas vu encore les puissances fractionnaires » (P s’étonne de l’apparition du symbole de racine carrée et ne voit pas l’erreur que sa manipulation produit). L’enquêteur relance les élèves, qui ne vont pas réussir, comme Aurélie, à reconnaître les conditions de l’ancienne pratique.
Ces élèves ont perdu le souvenir précis des non-ostensifs qu’ils ont mobilisés et, par conséquent, de ce qu’ils ont écrit. Ghislain tente une justification :
En effet, ces deux bons élèves savent qu’ils ne peuvent évoquer le non-ostensif « exponentielle » pour rendre compte de ce qu’ils ont écrit alors et ils n’imaginent plus autre chose qu’un exposant fractionnaire. Mais Ghislain ne doute pas que la manipulation convenable de l’ostensif puisse suffire à emporter son adhésion pour l’écriture contestée. Il rappelle alors l’attitude de son professeur de l’année précédente qui, comme nous l’avons vu dans la première partie de cet article, pousse à l’extension formelle d’une pratique localement efficace, mais pour laquelle on ne dispose pas des non-ostensifs adéquats.
Il y a ainsi une véritable puissance de la manipulation ostensive qui tient à son efficacité. Oublieux des techniques anciennes au profit de manipulations d’une plus grande portée, Ghislain sait, de manière inconsciente dans une large mesure, qu’il peut s’engager avec des chances de succès dans les pratiques que l’enseignement désigne. Même si leur sens possible ne tiendrait, au moment de leur première rencontre, qu’à leur forme pratique connue et à son efficacité. Le praxème viendra après.
Conclusion
Ces deux moments du travail, l’extension des pratiques sous le contrôle d’un non-ostensif général et l’extension ostensive formelle produisant le besoin de nouveaux non-ostensifs, peuvent être observés dans l’histoire (Matheron, 2000, 2002) comme les moyens de production mathématique selon un procédé que nous avons appelé la production d’une mémoire du savoir. Nos observations montrent comment l’enseignement peut jouer sur ce double mouvement sans que les enjeux des situations correspondantes ne soient déclarés. Dans de telles conditions, la responsabilité propre des élèves est énorme et leur aptitude à anticiper avec souplesse en se fondant sur leur confiance a priori dans le contrat didactique est essentielle. C’est ainsi, sans doute, que l’enseignement peut produire si rapidement des discriminations importantes entre des élèves qui, jusque-là, se trouvaient fort à l’aise dans l’étude des mathématiques.
Savoir distinguer les moments de la reprise d’une pratique fondée sur un système d’ostensifs de ceux du travail des non-ostensifs associés à un champ de problèmes semble donc nécessaire à un enseignement plus convivial et moins naturellement sélectif. Mais les conditions de la gestion didactique de tels moments relèvent de savoirs professionnels des enseignants qui restent à construire. Sortir de l’ensemble des techniques de production d’une mémoire collective qui désigne le savoir à étudier dans ses dimensions pratiques (par les ostensifs) et cognitives (par les non-ostensifs associés) selon le procédé didactique de l’ostension (Berthelot et Salin, 1992 ; Salin, 1999 ; Matheron et Salin, 2002), suppose non seulement d’imaginer des écosystèmes didactiques originaux, mais aussi de connaître leurs lois de fonctionnement et d’apprendre à les réguler pour les faire vivre à long terme. La grande complexité des phénomènes que nous observons dans l’enseignement par ostension directe ou déguisée des classes ordinaires nous engage à la prudence.
Parties annexes
Notes
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[1]
La sémioticité d’un objet, d’un comportement ou d’une situation est ce qu’il donne à voir : si j’ai en main un marteau et que je fais face à un tas de bardeaux, pour un observateur participant de ma culture, je vais refaire le toit de ma maison.
-
[2]
L’instrumentalité de cet objet ou de ce comportement est ce qu’il réalise : le toit de ma maison. En considérant les notations mathématiques comme des outils, nous distinguons ce qu’elles permettent de faire de ce qu’elles donnent à voir.
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[3]
Pour signifier que le travail mathématique s’appuie sur la sémioticité des objets et notations, Bosch (1994) les nomme « outils ostensifs » ou ostensifs.
-
[4]
La mémoire pratique est relative à la mise en pratique d’un système d’outils permettant de réaliser une tâche identifiée.
-
[5]
La mémoire publique peut être montrée au sein d’un groupe au travail. Le professeur organise la mémoire publique de la classe. La mémoire collective est indépendante du groupe et appartient à une culture : dans notre cas, la mémoire collective est le savoir mathématique.
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[6]
Ainsi, l’exercice « Dites un nombre qu’on diminue de 35 en le divisant par 6 » se résout arithmétiquement par le raisonnement : « Le quotient du nombre inconnu par 6 est le sixième de ce nombre ; par suite, ce quotient est le nombre diminué des cinq sixièmes de ce nombre. Ces cinq sixièmes valent 35 ; le nombre cherché est donc les six cinquièmes de 35, c’est-à-dire 42. » Il se résout algébriquement par le travail : « x-35=x/6 ; x-x/6=35 ; 5x/6=35 ; x=6*35/5=42 » (Chenevier, 1926). C’est en ce sens que nous avions entrepris, à l’IREM d’Aix-Marseille, l’étude de l’usage d’un autre système d’objets (graphiques, ceux-ci) et de leur fonctionnement comme notations : les figures et schémas, en géométrie (Chevallard et Jullien, 1991 ; Mercier et Tonnelle, 1992, 1993).
-
[7]
Ce terme provient d’un courant linguistique, la praxématique. Lafont (1978) en donne la définition suivante : « […] le praxème n’est pas exactement le monème ou morphème. Ou il ne l’est, si l’on veut, que comme unité formelle. On comprend, d’après ce que nous avons dit de la praxis linguistique liée aux autres praxis, qu’il demeure instrument. Il n’est pas « doué d’un sens ». Il est l’unité pratique de production du sens, ce qui est fort différent ; comme l’acte produit par l’outil, lui-même produit par le travail, ne se confond pas avec l’outil, même si la forme de l’outil lui donne déjà une forme. » (p. 29) Avec Chevallard (1991b), Lerouxel (1994) et Matheron (2000), nous reprenons ce terme pour désigner « l’instrument constitué d’un ostensif et de son usage », soit une « unité pratique de production mathématique » qui fait sens, mais n’est pas pour autant « douée d’un sens mathématique » comme objet isolé.
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