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L’architecture scolaire est un domaine de recherche peu développé ou du moins, qui commence à peine à l’être. Selon Anne-Marie Châtelet et Marc Le Coeur, directeurs de ce numéro collectif :
Si les premières histoires architecturales des collèges et des universités paraissent à la fin du xixe siècle, celles qui concernent les écoles primaires ne se développent que dans les années 1950 ; quant aux écoles secondaires, elles n’ont pas encore fait l’objet que de très rares études spécifiques.
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Et pourtant, le lieu si ce n’est la maison d’école existe depuis toujours.
Et pourtant : comme le souligne ironiquement le professeur Paul. V.Turner, auteur d’un remarquable article sur l’histoire et l’aménagement des campus américains (p. 71-86). « Il est curieux que les universitaires, habituellement avides de nouveaux sujets de recherche-au point même de dénicher souvent les plus obscurs qui soient -aient complètement négligé l’environnement dans lequel ils vivent et travaillent, et en sachent davantage sur l’architecture minoenne que sur celle des universités américaines » (p. 69)
Et pourtant, et c’est la constatation principale que nous faisons suite à la lecture du présent essai, le sujet est si riche, si polysémique qu’il ouvre de multiples voies et de nombreuses avenues pour explorer l’histoire voire l’évolution d’une société comme le démontre Romana Schneider dans son article intitulé « Tendances de l’architecture scolaire en Allemagne au xxe siècle (p.137-155).
En effet, si l’architecture scolaire peut susciter des recherches « in se » proprement architecturales, elle peut aussi intéresser des architectes chargés de l’établissement des établissements ou encore être l’objet de « …travaux de sociologies, d’urbanistes, de géographes et d’économistes qui étudient les conditions d’installation des établissements universitaires [on pourrait aussi ajouter secondaires et primaires] leur place dans la ville et leurs possibilités d’évolution afin de répondre aux besoins que génère la démocratisation de l’enseignement supérieur « (Le Coeur, p. 69). La place de l’école n’est pas neutre en soi : elle témoigne d’une organisation sociale à la fois identitaire et adaptative.
Enfin, les historiens de l’éducation y trouveront matière à réflexion sur les méthodes pédagogiques et les courants sociaux, comme le démontre si bien Dell Upton dans son article sur les « Écoles lancastériennes, citoyenneté républicaine et imagination spatiale en Amérique au début du xixe siècle » (p.87-108).
Toutefois il ne faut pas surestimer le lien entre l’architecture scolaire et la pédagogie. Cela ne signifie pas pour autant que »…l’architecture de l’école assure elle-même une fonction pédagogique. Elle ne peut combler ou compenser les déficits pédagogiques et sociaux » (p. 155)
Au Canada, comme le note Anne-Marie Châtelet dans son « Essai d’historiographie » consacré à l’architecture des écoles au xxe siècle, (pp-7-37) « une impulsion est donnée par l’Inventaire des bâtiments historiques qui lance une campagne de recherches sur les origines de l’architecture scolaire embrassant l’ensemble des écoles primaires et secondaires construites avant 1930 ». (p. 24)
Une série d’études ont été réalisées dans les provinces anglophones du pays.
Toutefois l’auteure passe sous silence l » Inventaire préliminaire des bâtiments patrimoniaux de la Commission scolaire de Montréal/auxiliaires de recherche, Isabelle Bouchard et Gabriel Malo ; directeur de recherche, Jean-Claude Marsan ; assisté de Jacques Lachapelle. 2001, 3 v. Cet inventaire accessible par Internet (http://www.csdm.qc.ca/CSDM/pdf/patrimoine/st-arsene.pdf). fournit pour une soixantaine d’écoles de Montréal des informations regroupées sous les rubriques suivantes : a.-Identification ; b.-Intérêt historique c.-Architecture ;d Environnement. On retrouve pour chaque école quelques photos. Cet inventaire a été d’une grande utilité pour l’élaboration et la réalisation d’une exposition intitulée « Les murs de l’école » présentée à L’Écomusée du fier monde (Montréal) au cours des années 2004-2005.. À cette occasion, la revue Continuité (no 102, automne 2004) a publié un dossier consacré au patrimoine scolaire, plus particulièrement à son architecture.
L’architecture scolaire aura traversé plusieurs cycles de transformation pour atteindre l’aspect qu’on lui connaît aujourd’hui. D’une maison à une seule classe, l’école est devenue plus complexe avec non seulement plusieurs salles de classe, mais aussi des salles spécialisées, tel le gymnase, la grande salle, la salle de récréation, la cafétéria, la bibliothèque, le musée, chambre d’eau, etc. Bref, ce numéro spécial consacré à l’architecture scolaire provoque des réflexions et témoigne des préoccupations architecturales, urbanistes, sociales et pédagogiques d’une époque. Souhaitons qu’il suscite d’autres études !