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Introduction

Dans les recherches relatives à l’apprentissage, les auteurs s’accordent pour reconnaître les stratégies d’apprentissage comme une composante essentielle du processus d’autorégulation (Flavell, 1981 ; Nisbet et Schucksmith, 1986), c’est-à-dire la capacité pour un sujet à prendre en charge, à contrôler et modifier, si besoin, sa propre activité cognitive (Lefebvre-Pinard et Pinard, 1985 ; Schunck et Zimmerman, 1996). Les stratégies d’apprentissage sont présentées comme un facteur de réussite en contexte scolaire (Zimmerman, 1990) ou en contexte sportif (Thill, 1999). Toutefois, les stratégies d’apprentissage sont rarement étudiées au coeur de situations scolaires, lors de tâches dont elles sont censées favoriser la réalisation. Le but de cet article est de présenter une étude visant à mettre en évidence des stratégies d’apprentissage spontanément utilisées par des élèves en cours d’éducation physique et sportive. Cette recherche est réalisée avec une double préoccupation : une préoccupation clinique visant à comprendre la cohérence de chaque apprenant (ce qui fait sens pour lui), et une préoccupation objective en confrontant la cohérence du chercheur (son interprétation) aux régularités statistiques obtenues entre différentes situations d’apprentissage. Aussi, nous présenterons une méthodologie permettant d’identifier et de catégoriser des « variables intermédiaires », qui ne sont pas directement observables, mais qui organisent l’activité de sujets, dans des situations d’apprentissage « naturelles », c’est-à-dire des situations qui ne sont pas manipulées, dénaturées à des fins de recherche (Hoc, 1996).

Approche théorique de l’objet de recherche : les stratégies d’apprentissage

Les stratégies désignent, en psychologie de l’éducation, une grande diversité de faits et de processus (Viau, 1997). Le construit de stratégie d’apprentissage repose d’une part sur les caractéristiques du concept général de stratégie, d’autre part sur la spécificité de l’expression « stratégie d’apprentissage ». Trois caractéristiques permettent de présenter le concept général de stratégie : l’orientation vers un but, la gestion de processus cognitifs, et une activation volontaire ou automatique.

Les stratégies sont orientées vers un but (Fayol et Monteil, 1994). Ce but peut être identifié comme une tâche, un processus (apprendre), ou une performance, un résultat mesuré et référé à une norme (Romainville, 1993). Une stratégie correspond à un ensemble de moyens permettant d’atteindre un but, grâce à la gestion des processus élémentaires de traitement de l’information (Weinstein et Mayer, 1986 ; Romainville, 1993). Cette gestion nécessite l’activation de processus supérieurs (Resnick, 1981) qui peuvent être assimilés à des règles de gestion de l’activité cognitive élémentaire (Georges, 1990). En cela, les stratégies sont une forme particulière de connaissance procédurale (Hoc, 1990), et sont stockées en mémoire déclarative (Richard, 1990).

Pour certains auteurs, les stratégies correspondent à des activités dans lesquelles le sujet s’engage de manière consciente ; leur sélection doit être réfléchie, intentionnelle, volontaire (Fayol et Monteil, 1994). Pour d’autres auteurs, elles peuvent être activées directement par le contexte, et être utilisées avec l’habitude, de façon relativement automatique (Davidson et Stenberg, 1985).

Actuellement, on conçoit ces deux modalités de fonctionnement comme complémentaires. En effet, on distingue deux modalités d’activation des connaissances en mémoire à long terme : un contrôle interne ou descendant (Richard, 1996) désigne la possibilité pour l’individu d’orienter volontairement son activité cognitive ; un contrôle externe ou ascendant (Richard, 1996) désigne un effet de contexte qui activerait directement des informations en mémoire à long terme. Dans cette perspective, les stratégies peuvent, comme toute autre connaissance, soit être activées volontairement, ce qui rendrait compte de ce qui est habituellement qualifié de fonctionnement « stratégique » ou autorégulé (Zimmerman, 1990 ; Thill, 1999), soit être activées automatiquement, tout en restant accessibles à la conscience, potentiellement explicitables (Romainville, 1993). Ces deux modalités d’activation des stratégies ont été mises en évidence dans le domaine du sport (Masters, 1992 ; Singer, 2000).

Les stratégies d’apprentissage se caractérisent par leur but. Elles sont utilisées pour favoriser la recherche et la mémorisation d’informations relatives à un contenu disciplinaire (Dansereau, 1985 ; Nisbet et Schucksmith, 1986). Parfois nommées stratégies cognitives (Weinstein et Underwood, 1985) ou stratégies primaires (Singer, 1988), elles sont, de façon consensuelle, vouées à l’acquisition d’une connaissance disciplinaire.

On cherche, dans cette étude, à identifier des stratégies mobilisées pour acquérir une habileté sportive. Deux démarches ont principalement été utilisées jusqu’à présent pour décrire des stratégies d’apprentissage. Une démarche « descendante » conduit à l’élaboration de typologies théoriques à partir de modèles issus de la psychologie de l’apprentissage. Une démarche « ascendante », qualifiée d’empirique, vise à regrouper des données jugées représentatives de stratégies mobilisées dans un contexte particulier.

Les typologies théoriques de stratégies d’apprentissage

Élaborées à partir de modèles théoriques cognitivistes, différentes typologies de stratégies d’apprentissage peuvent être recensées en sciences de l’éducation ou en psychologie du sport. Celle de Weinstein et Mayer (1986), la plus fréquemment citée, propose trois catégories : les stratégies de répétition, les stratégies d’élaboration et les stratégies d’organisation.

En psychologie du sport, à partir de modèles théoriques relatifs à l’apprentissage et à la performance motrice, Singer et Cauraugh (1985) présentent quatre stratégies d’apprentissage à mobiliser en vue d’acquérir une nouvelle habileté sportive : stratégies de sélection des informations ou de focalisation de l’attention sur un point particulier, stratégies d’élaboration de la solution au problème, stratégies d’imagerie mentale, stratégies de gestion de la récupération de l’information.

Les typologies élaborées à partir de modèles théoriques peuvent être considérées comme réductrices. Prendre uniquement en compte des variables en cohérence avec la théorie peut conduire le chercheur à ignorer certaines données ou à identifier uniquement des catégories générales de stratégies d’apprentissage. Pour décrire des moyens précis spontanément utilisés par des sujets pour apprendre dans des contextes singuliers, certains auteurs ont privilégié des approches empiriques.

Les études empiriques de stratégies d’apprentissage

L’approche empirique des stratégies d’apprentissage consiste à partir de données comportementales ou verbales recueillies en situation, pour inférer l’existence et la mobilisation de différentes stratégies d’apprentissage.

Certains protocoles sont entièrement verbaux. Il s’agit d’entretenir ou de questionner les sujets sur leurs « moyens d’apprendre ». De nombreux auteurs soulèvent dans ce cas le problème de la fiabilité des verbalisations (Hoc, 1984 ; Caverni, 1988 ; Richard, 1990). Les questionnaires décontextualisés mettraient en évidence les représentations des élèves relatives à leurs stratégies, des « stratégies d’apprentissage déclarées » (Wolfs, 1998), ou les métaconnaissances relatives aux stratégies, un « savoir métacognitif relatif aux stratégies » (Romainville, 1993).

Le protocole élaboré par Zimmerman et Martinez-Pons (1986, 1988) cherche à résoudre ce problème de l’accès aux stratégies effectivement mobilisées en situation scolaire. Leur entretien structuré met en exergue la nécessité de contextualiser les verbalisations des sujets. Ils présentent aux élèves (15 ans de moyenne d’âge) six exemples précis de situations d’apprentissage, et ils les interrogent sur leur activité. De plus, ils s’assurent d’une corrélation significative entre les stratégies déclarées par les élèves et les observations des enseignants, et d’une absence de corrélation avec un test d’expression orale. Ici, la contextualisation des verbalisations est recherchée par l’évocation d’une situation scolaire réelle.

D’autres protocoles peuvent s’appuyer exclusivement sur l’observation de comportements. Dans le domaine des habiletés sensori-motrices, Bouffard et Dunn (1993) identifient les stratégies d’apprentissage de 30 enfants de 6 ou 9 ans, alors qu’il doivent effectivement mémoriser des séquences du langage des signes américain. Ils filment les comportements des sujets pendant que ceux-ci regardent la présentation des signes, ainsi qu’entre deux séquences de présentation sur écran. Pour élaborer une typologie à partir des données, ils demandent à cinq chercheurs spécialistes des apprentissages moteurs d’identifier les différentes stratégies utilisées. Les comportements repérés sont regroupés en catégories de stratégies d’apprentissage : observer, mimer, répéter, revoir la séquence, demander de l’aide, évaluer sa performance, etc. Ces catégories sont construites par cinq chercheurs à partir des comportements de quelques sujets pour ensuite coder l’ensemble des données. Pour tester la validité de la typologie, les comportements de dix sujets choisis au hasard sont classés par un autre chercheur sans connaissance sur la recherche en cours ; ce classement est significativement corrélé au classement initial, ce qui confirmerait la qualité de la typologie obtenue.

L’avantage de ces données comportementales serait de permettre l’accès aux variables cognitives réellement mises en oeuvre en situation. Par contre, le chercheur dispose d’une « marge » d’interprétation importante : un même comportement peut correspondre à des stratégies différentes, en fonction des sujets et des contextes. Par exemple, un élève qui regarde fixement focalise-t-il son attention, imagine-t-il le mouvement à effectuer, ou réfléchit-il aux causes de son échec ? Les données comportementales seraient insuffisantes à elles seules pour différencier et classer les stratégies d’apprentissage (Romainville, 1993).

Enfin, des protocoles « mixtes » (Richard, 1990) exploitent des données verbales et des données comportementales. Recueillies pendant ou après la situation, les verbalisations ne sont considérées comme significatives de l’activité du sujet que si elles sont compatibles avec des comportements effectivement observés. Dans cette perspective, lors d’un entretien d’explicitation, des verbalisations consécutives assistées (Hoc, 1984) peuvent être obtenues en faisant décrire au sujet le film de son activité dans la situation précédemment vécue. Dans le domaine du sport, Weiss et Klint (1987) semblent avoir été les premiers à avoir utilisé ce protocole pour rechercher les stratégies d’apprentissage spontanément utilisées par des enfants en gymnastique. Ils aboutissent à une typologie de quatre catégories : répéter le mouvement ; dénommer le mouvement ; imiter le mouvement ; vérifier ses progrès.

L’entretien d’explicitation cherche à rendre explicites des connaissances parfois mobilisées implicitement dans la situation (Vermersch, 1990), ce qui semble intéressant pour étudier les stratégies d’apprentissage spontanément utilisées lors de situations habituelles d’éducation physique et sportive.

Vers une méthode qualitative-quantitative pour catégoriser des données

Cette rapide présentation de quelques recherches antérieures met en évidence deux démarches, l’une descendante ou théorique, l’autre ascendante ou empirique. Les typologies théoriques peuvent être utilisées pour interpréter a posteriori des comportements ou des discours de sujets mais peuvent conduire le chercheur à ignorer une partie des données empiriques pourtant caractéristiques de l’activité de l’apprenant.

Pour élaborer une typologie empirique, on part des comportements et/ou des verbalisations recueillies dans une situation d’apprentissage. Lors de recherches qualitatives, les données sont ensuite regroupées par une analyse de contenu, qualifiée de catégorisation empirique (Bardin, 1998). Lors de recherches quantitatives, le chercheur peut mettre en évidence comment se structurent les façons d’apprendre à l’aide d’analyses factorielles (Wolfs, 1998). Complémentairement, on peut confronter les catégories ou les regroupements obtenus à des données extérieures telles que les performances des sujets (Romainville, 1993) ou leurs parcours scolaire (Alava, 2000). On vérifie ainsi la validité externe (ou validité concomitante) de la typologie empirique.

Il est moins fréquent de chercher à établir la validité interne d’une typologie empirique. En cela, notre étude est originale : nous montrerons, à l’aide d’une démarche ascendante, comment on peut aboutir à une typologie empirique de stratégies d’apprentissage dont la validité interne sera vérifiée sur le plan statistique. Cette nécessité de mettre en évidence des régularités statistiques (Richard, 1990), et la volonté d’étudier des sujets dans une situation naturelle nous poussent alors à compléter l’analyse qualitative de contenu par une analyse quantitative.

Méthodologie

Population et contexte de recherche

L’étude se déroule au sein de quatre classes de troisième et de quatrième, dans quatre collèges semi-urbains de l’Académie de Bretagne (France). Les sujets de cette population (n = 93) ont tous 14 ou 15 ans. En effet, à cet âge, on peut considérer que les sujets sont relativement matures du point de vue du développement métacognitif (Melot, 1991). Ils sont volontaires et ont obtenu une autorisation parentale. Deux critères sont utilisés successivement pour sélectionner les participants à l’étude. Les sujets choisis doivent réaliser effectivement la tâche prescrite par l’enseignant. Ensuite, pour disposer « d’une variété des façons d’apprendre » en éducation physique et sportive (EPS), nous avons recueillies les notes d’EPS des quatre classes pendant six mois. En effet, de nombreuses études établissent des relations entre les stratégies d’apprentissage mobilisées et les performances scolaires (Zimmerman, 1990 ; Viau, 1997). Cela nous a conduits à sélectionner 24 élèves. L’un d’entre eux ayant renoncé au moment de l’entretien avec le chercheur, c’est finalement, 23 élèves qui ont participé à l’étude : sept élèves sont en forte réussite en EPS (notes supérieures à 14/20) ; neuf élèves réussissent correctement (notes entre 13 et 11/20) ; sept élèves sont peu en réussite en EPS (notes inférieures à 11/20).

Quatre enseignants d’EPS expérimentés participent à la recherche. Ils ont été informés de son objectif et de son déroulement : « il s’agit d’étudier différentes façons d’apprendre en EPS ; les élèves seront filmés pendant une situation ; à la fin du cours certains d’entre eux seront invités à participer à un entretien. Des activités sportives différentes sont utilisées pour les cours d’EPS : volley-ball, tennis de table, gymnastique et badminton. En collaboration avec les enseignants une habileté sportive non maîtrisée par les élèves est choisie et enseignée : réceptionner un service en volley-ball (trajectoire parabolique) pour le renvoyer vers un passeur en avant et à droite ; réaliser des balancers à la barre fixe en gymnastique ; varier la direction, les effets et la force des services pour attaquer en tennis de table ; varier les trajectoires (direction et force) pour déplacer son adversaire en badminton. Dans chaque classe une situation d’apprentissage inédite est proposée. Située au coeur de la leçon, elle dure environ vingt minutes. La présentation orale de la tâche par l’enseignant s’accompagne d’une présentation écrite (fiche, tableau) et d’une démonstration. Les élèves sont invités à prendre leurs responsabilités pour apprendre, les enseignants restant à leur disposition pour d’éventuelles explications complémentaires ainsi que pour adapter le niveau de difficulté des tâches aux élèves. Les enseignants doivent prévoir des groupes de travail de 4 à 5 élèves, mixtes et hétérogènes du point de vue des performances en EPS.

Recueil des données comportementales

Les données comportementales sont enregistrées au moyen d’une caméra VHS, placée sur pied à distance des groupes d’élèves. Un plan fixe rapproché permet d’avoir une vue d’ensemble sur l’espace de travail des sujets tout en nous permettant de distinguer des comportements précis (orientation de la tête, ferme les yeux...). Si un sujet sort de cet espace restreint de travail (se déplace pour demander de l’aide au professeur), son comportement en dehors du champ de la caméra est relevé par écrit. À la suite de la situation filmée, les bandes vidéos sont préparées pour l’entretien d’explicitation qui se déroule à la fin de la séance.

Recueil des verbalisations

Les données verbales sont recueillies lors de l’entretien d’explicitation et sont enregistrées à l’aide d’un magnétophone. Les entretiens sont individuels. L’élève et le chercheur peuvent arrêter la bande vidéo pour évoquer durablement un moment, un événement, une procédure. L’entretien est standardisé du point de vue des incitations du chercheur.

Lors d’un entretien d’explicitation, on provoque les verbalisations en rapprochant le plus possible le contexte de l’activité réelle et le contexte de l’entretien. Le lieu et le moment choisis pour l’entretien (dans le gymnase, juste après le cours) favorisent l’évocation des stratégies d’apprentissage mobilisées dans la situation. L’utilisation de la vidéo permet de rappeler des événements, des sentiments, des comportements ou des connaissances précédemment activés. Dès l’accueil à l’entretien, les sujets sont invités à se resituer dans le cadre de la leçon vécue. L’entretien est présenté comme une description de ce qu’ils font pour apprendre dans une des situations vécues. On leur demande avec insistance de ne dire que ce qu’ils font réellement (comportements) et de décrire ce qu’ils pensent à ce même moment (activité cognitive).

Pour décrire l’activité en situation, il est nécessaire « de faire référence à une occurrence particulière » (Vermersch, 1990, p. 230) de la situation. On questionne l’activité au présent, au moment vécu : ici que fais-tu ? Et maintenant que ressens-tu ? que penses-tu ? Que regardes-tu ? Au contraire, des expressions comme « je fais toujours comme ça, en général j’essaie de, le plus souvent je choisis de... » traduiraient que le sujet est en train de considérer non pas son action singulière mais une classe d’actions en référence à une classe de tâches. Le sujet n’évoque plus ce qu’il fait, ce qu’il pense à cet instant de la situation, mais ce qu’il fait habituellement, ou ce qu’il aurait dû faire. Il porte un jugement, ou il justifie son activité, mais il ne la décrit pas. Vermersch (1990) souligne les risques de rationalisation du discours du sujet lors d’un entretien : ce dernier exprime alors des théories naïves, ses opinions, des connaissances facilement verbalisables qui ne sont pas prédictives des connaissances procédurales effectivement mises en oeuvre dans l’action. On exclut donc lors de l’entretien toute question se rapportant à des causes, à des justifications, à des interprétations.

Préparation des données

Pour chaque sujet, les données comportementales et verbales sont organisées selon la chronologie de la situation étudiée dans un tableau en trois colonnes.

Dans une première colonne, on décrit la situation, on signale les événements tels que les changements de rôles (observateur, arbitre, pareur, serveur...). Dans une deuxième colonne, les comportements sont listés en visionnant attentivement les films des situations étudiées. On s’intéresse exclusivement aux comportements des sujets participant à la recherche. À l’aide d’un verbe d’action éventuellement suivi d’un complément (regarde vers un autre élève, sautille...), en évitant toute interprétation (écoute attentivement l’enseignant), on relève chronologiquement tout comportement qui rend compte de l’activité d’apprentissage du sujet. Les verbalisations sont retranscrites dans une troisième colonne, en écoutant les enregistrements des entretiens. Elles sont placées en vis-à-vis des comportements observés au même moment. Cet aspect de la méthode se rapproche de la méthodologie du cours d’action (Theureau, 1992), actuellement utilisée dans de nombreuses recherches dans le domaine de l’enseignement et du sport (Durand, Ria et Flavier, 2002).

L’analyse qualitative par l’analyse de contenu

L’analyse des données comportementales et verbales utilise successivement deux techniques d’analyse de contenu : l’analyse thématique, puis la catégorisation empirique (Dumas, 2000).

L’analyse thématique permet le découpage du texte brut en unités significatives, c’est-à-dire certains mots ou passages du texte qui évoque le thème étudié. Le thème est « une unité de signification qui se dégage naturellement d’un texte analysé selon certains critères relatifs à la théorie qui guide la lecture » (Bardin, 1998, p. 136). Concrètement, on sélectionne des portions de texte (mot, phrase ou thème) dont le fond correspond au concept de stratégie d’apprentissage.

La catégorisation empirique consiste à partir des données pour remonter aux concepts (ibid.). On procède à des regroupements d’unités d’analyse, par approximations successives à partir de similitudes sémantiques : « je ne pense qu’à la balle, je fais seulement attention au balancer du bras droit... je me concentre sur mon bras... ». S’agissant de « faire émerger la théorie à partir des données » (Dumas, 2000, p. 366), le titre conceptuel de chaque nouvelle catégorie n’est défini qu’en fin d’analyse (Bardin, 1998).

Sur le plan méthodologique, cette approche qualitative d’un phénomène suppose de respecter plusieurs principes (Bardin, 1998 ; Dumas, 2000). Toutes les unités significatives sont classées dans une catégorie (principe d’exhaustivité). De plus, les unités significatives n’appartiennent qu’à une seule catégorie à la fois (principe d’exclusivité ou d’exclusion mutuelle). Le classement est univoque (principe de fidélité) : il est confirmé par un autre chercheur avant de réaliser l’analyse quantitative statistique. À partir du moment où les données issues de l’observation de nouveaux sujets peuvent être assimilées, associées à des données analysées précédemment, sans nécessiter la création d’une nouvelle catégorie au sein du modèle, alors on considère que le modèle élaboré traduit bien la diversité du phénomène.

L’analyse quantitative par l’analyse discriminante

D’une manière générale, l’analyse discriminante permet de déterminer des variables qui discriminent deux ou plusieurs groupes (Laforge, 1981).

Quand on dispose de plusieurs groupes, comme c’est le cas ici, on effectue une analyse canonique qui détermine les fonctions discriminantes (ou canoniques) successives et leur valeur propre respective. Complémentairement, et plus particulièrement ici, l’analyse discriminante permet de tester la validité interne d’une classification a priori d’observations. L’analyse discriminante calcule automatiquement les fonctions de classification qui ne doivent pas être confondues avec les fonctions discriminantes, et qui sont utilisées pour déterminer à quel groupe chaque observation a le plus de chance d’appartenir.

On peut qualifier cette méthode de recherche de « méthode qualitative – quantitative », dans la mesure où elle consiste à classer des données à l’aide d’une analyse qualitative de contenu, puis à vérifier la validité interne de la typologie obtenue à l’aide d’une analyse quantitative statistique. L’analyse quantitative n’a pas ici pour but de permettre une généralisation des résultats (la taille de l’échantillon est insuffisante), mais on cherche à mettre à l’épreuve à l’aide d’une classification objective les catégories obtenues par l’analyse de contenu.

Résultats

Pour les 23 participants, on dispose des comportements observés dans la situation d’apprentissage et des verbalisations recueillies lors des entretiens d’explicitation. Ces données sont placées en vis-à-vis dans des tableaux en fonction de leur contexte d’apparition. L’analyse des données peut donc débuter par la sélection de toutes les unités significatives relatives au thème des stratégies d’apprentissage.

Sélection des unités significatives et catégorisation empirique

Tout d’abord, un critère syntaxique est utilisé pour repérer les portions de discours relatives aux stratégies d’apprentissage utilisées par les sujets. On retient les verbalisations du type « je... suivi d’un verbe » décrivant une activité réelle en relation avec la situation d’apprentissage vécue. La verbalisation doit être compatible avec le comportement observé. Par exemple, on ne peut conserver comme unité significative « là je me concentre sur la trajectoire... » alors que l’image vidéo révélerait un comportement de type « joue, rit, chahute... ». Les verbalisations doivent révéler un effort de traitement d’une information particulière véhiculée par la situation, en relation avec la compétence sportive visée (« je pense à la balle..., je fais attention à mon bras... je me concentre sur la trajectoire... ») ou avec la tâche prescrite (« je me rappelle les consignes »). On recueille alors sept comportements et 76 portions de discours qui renvoient au thème des stratégies d’apprentissage. Toutes ces données sont réunies dans un tableau à double entrée (unités significatives/participants) où le codage des unités significative se poursuit en utilisant une règle d’énumération (Bardin, 1998), c’est-à-dire la manière de comptabiliser les comportements et verbalisations retenus. Pour chaque participant, chaque unité significative évoquée est codée 1, chaque unité non utilisée est codée 0.

On poursuit l’analyse en réunissant dans la même catégorie les unités significatives considérées comme synonymes (je regarde, j’observe) ou désignant un même moyen utilisé par les sujets pour apprendre (je focalise mon attention sur la balle, la trajectoire, le volant...). Ces regroupements sont réalisés uniquement s’il n’existe aucune ambiguïté quant à l’interprétation d’un comportement ou quant au sens d’une verbalisation. Les regroupements effectués sont soumis au jugement d’un autre chercheur, spécialisé en psychologie de l’apprentissage. Ils permettent d’obtenir une valeur quantitative (une fréquence) pour coder chaque catégorie pour chaque sujet. On obtient ainsi 26 moyens d’apprendre (7 comportements et 19 ver--balisations) qui décrivent l’activité d’apprentissage des 23 sujets en EPS (Tableau 1).

Tableau 1

Six stratégies d’apprentissage : analyse de contenu et analyse canonique

Six stratégies d’apprentissage : analyse de contenu et analyse canonique

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Élaboration d’une typologie empirique de stratégies d’apprentissage en EPS

Si on définit une stratégie comme l’articulation d’un but et de plusieurs moyens, on peut poursuivre l’analyse en regroupant des moyens qui poursuivent un même but, dans une perspective d’apprentissage. On obtient six catégories de stratégies d’apprentissage. La catégorie 1 comprend six moyens d’apprendre qui traduisent un effort de la part du sujet pour utiliser les consignes de l’enseignant : écouter les consignes (us 1, 4), se faire répéter les consignes (us 3, 5), comprendre les consignes (us 2, 4), penser aux consignes pendant la tâche (us 6). La catégorie 2 regroupe trois moyens relatifs à un effort de réflexion pour réussir (us 7), d’analyse de ses erreurs (us 8), ou de mise en relation (us 9) entre un but et une procédure (position, mouvement, geste) : ces moyens sont cohérents pour comprendre la tâche et planifier l’action. La catégorie 3 réunit cinq moyens : ils désignent un effort particulier d’observation et d’imitation, réalisé soit à partir d’une démonstration de l’enseignant (us 11, 13), soit à partir de l’activité d’autres sujets (us 10, 12, 14). La quatrième catégorie comprend six moyens qui révèlent une volonté d’imager ou de visualiser l’action ou la tâche, en simulant avant d’agir (us 15, 16, 17), en utilisant l’imagerie mentale (us 18, 20) ou en anticipant la tâche (us 19). Dans la cinquième catégorie, les deux moyens réunis correspondent à un but de focalisation de l’attention sur une information particulière au sein de la situation (focalisation externe, us 21) ou sur une position, un mouvement, une partie du corps (focalisation interne, us 22). Enfin, les quatre moyens de la sixième catégorie renvoient à un but de répétition quantitative : effort de répétition (us 23, 26), effectué jusqu’à la réussite de la tâche (us 25) ou prolongé pour renforcer la réussite (us 24).

Confirmation statistique des catégories de stratégies d’apprentissage en EPS

Dans une analyse discriminante classique, les observations correspondent à des sujets, et les variables à des caractéristiques de ces sujets. Il s’agit alors d’étudier dans quelle mesure les variables retenues permettent de prédire une classification des sujets. Ici, on inverse la matrice et on cherche à déterminer si les sujets retenus peuvent permettre de classer les variables, ici les moyens d’apprendre obtenus par l’analyse de contenu, comme prévu a priori (voir la typologie précédente).

On dispose de la description de l’activité de 23 sujets dans une situation d’apprentissage à l’aide de 26 observations considérées comme des variables indépendantes (les moyens utilisés pour apprendre) codées quantitativement pour chaque sujet, en fonction de la fréquence d’évocation de chaque moyen pour chaque sujet. On dispose pour chacune de ces observations d’un classement a priori, selon la typologie définie par l’analyse de contenu. Les catégories de 1 à 6 constituent la variable à expliquer ou variable dépendante.

L’analyse discriminante recherche les combinaisons linéaires qui séparent le mieux les catégories les unes des autres. Le lambda de Wilks est calculé pour évaluer la puissance discriminatoire du modèle (valeur de 1, aucune discrimination, à 0, parfaite discrimination). Les six catégories de stratégies permettent de bien discriminer les données [Lambda de Wilks = 0,000046 ; avec Χ2 (75) = 144,75, p<0,01]. L’analyse montre aussi que les deux premières fonctions discriminantes sont statistiquement significatives [F1(11,56) = 20, p<0,01 ; F2(11,39) = 6, p<0,05]. Pour chaque fonction, les variables (moyens d’apprendre) sont situées selon leur coefficients β. Plus le coefficient standardisé est fort, plus la contribution de la variable à la discrimination entre les catégories est forte (Tableau 1). Selon le facteur 1, les moyens regroupés dans la catégorie répéter s’opposent aux moyens regroupés dans la catégorie focaliser son attention ; selon le facteur 2, les observations regroupées dans la catégorie réfléchir s’opposent aux observations regroupées dans la catégorie focaliser son attention.

L’affectation précise des observations à une des six catégories est liée au calcul des fonctions de classification et des distances de Mahalonobis. Pour chaque groupe de notre typologie, nous pouvons déterminer la position d’un point représentant les moyennes de toutes les variables observées et classées a priori dans ce groupe. Ces points sont appelés centroïdes ou centres de gravité. Pour chaque observation, on calcule les distances dites de Mahalanobis à chacun des centres de gravité. On classe chaque observation dans le groupe dont elle est le plus proche, c’est-à-dire avec la distance de Mahalanobis la plus faible. La probabilité qu’une observation appartienne à un groupe particulier est inversement proportionnelle à sa distance (de Mahalanobis) du centre de gravité de ce groupe.

Tableau 2

Six stratégies d’apprentissage : distances de Mahanalobis au carré, F (dl 15,6) et p-value associées

Six stratégies d’apprentissage : distances de Mahanalobis au carré, F (dl 15,6) et p-value associées

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Ici, le groupe d’appartenance estimé statistiquement est identique au groupe d’appartenance initial pour les 26 unités significatives, ce qui confère à notre typologie une bonne validité interne.

Enfin, on calcule les distances de Mahalanobis entre les centres de gravité de chaque groupe pour évaluer dans quelle mesure les six catégories de stratégies d’apprentissage se différencient entre elles. À partir des carrés des distances de Mahalanobis, on peut obtenir une valeur F standard, et calculer les niveaux de p cor--respondants (tableau 2).

On observe que certains groupes (stratégies) sont significativement distants : la stratégie focaliser son attention (vs toutes les stratégies, avec p<0,05) ; la stratégie répéter (vs focaliser, réfléchir, observer, avec p<0,05) et la stratégie réfléchir (vs focaliser, répéter, utiliser les consignes, avec p<0,05). Les autres catégories de stratégies sont statistiquement proches, c’est-à-dire qu’elles peuvent être utilisées ensemble par un même sujet.

Discussion

Le but de cet article était de montrer d’une part comment on peut décrire l’activité cognitive de sujets en situation naturelle, ici des stratégies d’apprentissage spontanément utilisées en EPS, à partir d’un double recueil de données (comportements et verbalisations), d’autre part comment on peut catégoriser les données obtenues à partir d’une analyse qualitative du contenu, soumise à la validation d’une analyse statistique.

Vingt-trois sujets ont été filmés lors d’une situation d’apprentissage en EPS et ont participé à un entretien d’explicitation. Les unités significatives (7 comportements et 76 verbalisations) sélectionnées ont été traitées à l’aide d’une analyse de contenu. On a regroupé les données pour obtenir 26 moyens utilisés par les sujets pour apprendre. En poursuivant l’analyse, on identifie 6 catégories qui regroupent divers moyens autour d’un même but : utiliser les consignes ; réfléchir et comprendre ; observer-imiter ; simuler-imager ; focaliser son attention ; répéter. Une analyse discriminante a confirmé l’intérêt de cette typologie de stratégies pour étudier l’activité d’apprentissage en EPS.

Après avoir rappelé l’intérêt de la méthode utilisée, les résultats seront analysés pour montrer leur contribution à la construction du concept stratégie d’apprentissage, notamment en EPS.

La méthode qualitative–quantitative

La confrontation d’une approche qualitative à une analyse statistique est un outil pour confirmer les résultats obtenus par une analyse de contenu ; elle peut compléter par exemple les validations de type comité.

L’intérêt de cette méthode qualitative-quantitative est donc bien de confronter la cohérence du chercheur, nourrie de modèles théoriques, à des régularités statistiques, calculées à partir de données objectives qui décrivent l’activité de sujets en situation naturelle.

EPS et stratégies d’apprentissage

Cette démarche a permis de décrire des moyens spontanément utilisés pour apprendre en EPS. Ces moyens ont été regroupés en fonction de leur but, en six catégories empiriques de stratégies. Ils précisent et concrétisent des catégories générales de stratégies d’apprentissage habituellement identifiées dans des typologies théoriques.

La stratégie utiliser les consignes opérationnalise, dans une situation d’apprentissage en EPS, la stratégie de la récupération de l’information dans la typologie de Singer et Cauraugh (1985). Cette récupération des informations contextuelles (regarde le prof et le tableau) peut être doublée d’un effort pour les maintenir en mémoire de travail (« j’essaie de bien appliquer les consignes »).

La stratégie réfléchir et comprendre peut préciser la stratégie d’élaboration d’ une solution (ibid.). Cette stratégie consiste à rechercher des composants déclaratifs (règles d’action) permettant de guider et de contrôler l’action. Il s’agit de comprendre comment faire en établissant des liens entre informations : buts, procédures et résultats (« j’essaie… une position, un mouvement… pour… »). Cette catégorie rejoint la stratégie de monitorage (Brunel et Thill, 1993), la stratégie de verbalisation de règles (Fleurance et Kermarrec, 1998), les stratégies de planification et de contrôle de l’action (Marteniuck, 1986), ou les stratégies d’élaboration (Weinstein et Mayer, 1986).

La stratégie observer-imiter rejoint la stratégies mise en évidence par Winnykamen (1990) ou Kitsantkas, Zimmerman et Cleary (2000). On montre ici que, dans la classe en EPS, l’imitation s’appuie autant sur les réalisations des autres élèves que sur la démonstration de l’enseignant.

La simulation du geste par imagerie mentale est une stratégie souvent recensée en psychologie du sport (Singer et Cauraugh, 1985). Elle prend ici la forme d’une simulation gestuelle (« simule avec le bras »), d’une visualisation des mouvements (« je fais une image dans ma tête ») ou d’une anticipation de la tâche à réaliser (« je vois dans ma tête ce qu’elle explique »).

La stratégie focaliser son attention sur une information se retrouve également chez Singer et Cauraugh (1985) et correspond à un effort pour organiser l’information chez Weinstein et Mayer (1986). Les sujets montrent ici qu’ils se focalisent sur un objet extérieur (« effet sur la balle », « trajectoire du volant ») ou sur soi (« position », « mouvement »).

L’utilisation de stratégies de répétition ou d’entraînement (Weinstein et Mayer, 1986 ; Viau, 1997) se traduit en EPS par un effort pour augmenter la quantité de travail, avant ou après la réussite de la tâche (« je me dis qu’il faut réussir plusieurs fois »). La répétition constitue un facteur essentiel de l’apprentissage moteur (Bertsch et Le Scanff, 1995).

Les résultats de cette étude sont cohérents par rapport aux recherches existantes qui mettaient en évidence des catégories générales de stratégies d’apprentissage. Ils précisent les moyens utilisés dans un contexte particulier comme celui d’une leçon d’EPS et permettent d’opérationnaliser le concept de stratégie d’apprentissage.

Les caractéristiques générales du construit de stratégie sont confirmées. Les stratégies dirigent l’activité des élèves en EPS. Elles se manifestent par des moyens qui ont été identifiés par des comportements et des verbalisations. Ces moyens d’apprendre sont directement utilisables pour agir et restent accessibles, verbalisables. Les résultats statistiques mettent aussi en avant que seulement certaines catégories de stratégies sont « significativement distantes ». L’intérêt de la méthode qualitative-quantitative est ici de montrer que les stratégies peuvent être utilisées par les sujets soit de façon exclusive (focaliser son attention), soit ensemble (répéter et utiliser les consignes et imager ; réfléchir et observer et imager). On peut alors faire l’hypothèse d’une organisation séquentielle (Fayol et Monteil, 1994) de plusieurs stratégies disponibles chez un sujet. Certains auteurs utilisent le concept de méta-stratégie (Singer, 1988) pour désigner cette articulation de plusieurs stratégies, mobilisées successivement pour atteindre un objectif dans une situation particulière. Il serait intéressant, dans de futures recherches, d’identifier des regroupements de moyens utilisés pour apprendre, non à partir de leur proximité sémantique, mais à partir de leur proximité temporelle dans la situation étudiée. On peut en effet faire l’hypothèse que certains élèves organisent de façon temporelle et stratégique les moyens d’apprendre : par exemple, ici, utiliser les consignes pour se représenter la tâche, puis imager pour planifier l’action, et enfin répéter pour procéduraliser (Anderson, 1983) et ajuster son action en fonction des résultats obtenus.

Enfin, cette étude ne peut garantir avoir mis en évidence tous les moyens mobilisés pour apprendre : certains d’entre eux, particulièrement procéduralisés, peuvent avoir résisté au protocole d’explicitation. Dans ce cas, selon Fayol et Monteil (1994), on n’utilise plus le concept de stratégie, mais on utilise celui de procédure.

Un des enjeux des stratégies d’apprentissage en contexte scolaire réside dans la possibilité de les réutiliser dans différentes situations (Fayol et Monteil, 1994). On peut alors se demander si la possibilité de réinvestir la stratégie ne serait pas liée à la possibilité de passer de l’énoncé d’une procédure contextualisée (ici et maintenant, « je regarde la démonstration du prof »), à un énoncé qui dépasse la situation particulière (observer – imiter pour apprendre en EPS). Cet effort de généralisation conditionnerait un véritable apprentissage stratégique.

Sélectionner lors de l’analyse de contenu des verbalisations particulières, c’est privilégier l’aspect instrumental et comportemental des stratégies. C’est aussi un peu négliger leur caractère réinvestissable qui nécessiterait une mise à distance, un contrôle de l’activité d’apprentissage. Sur un plan théorique, il semble que ce développement d’une compétence à apprendre dans divers contextes repose sur l’articulation de différents composants de l’autorégulation : la disponibilité de moyens pour apprendre, des connaissances de ses propres stratégies, mettant en relation des buts et des moyens, mais encore des connaissances relatives aux situations d’apprentissage ou aux autres personnes du contexte d’apprentissage (Weinstein et Hume, 2001). De futures études sur l’autorégulation de l’appren-tissage pourraient chercher à mieux identifier les conditions du transfert des stratégies d’apprentissage en mettant en évidence non seulement les stratégies mobilisées, mais encore des connaissances plus générales relatives aux contextes d’apprentissage.