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Cet ouvrage, qui paraît dans la collection « Histoire et mémoire de la formation », est la publication de la thèse de doctorat soutenue par l’auteur à l’Université de Rouen en 2003. Le titre original en était : Une histoire des formes disciplinaires dans l’enseignement secondaire en France, du Moyen Âge à la fin du Second Empire. On peut regretter que ce ne soit pas celui-ci, plus fidèle au contenu de l’ouvrage, qui ait été choisi pour l’édition commerciale.
On peut diviser cet ouvrage en deux parties, bien que la table des matières ne soit pas très explicite sur ce sujet. La première est consacrée à la présentation des institutions d’enseignement secondaire du xiie au xviiie siècle. On y trouve décrit, dans des chapitres successifs, le fonctionnement de l’Université de Paris, celui des collèges confessionnels, de Port-Royal et celui des collèges universitaires. Ce détour ne vise en fait qu’à préparer la seconde partie, plus importante en nombre de pages, consacrée à la mise en place d’un enseignement secondaire d’État (p. 121) au xixe siècle, distinct de celui proposé par l’Église et les écoles laïques privées. L’alternance des régimes politiques – empires, monarchies, république – en fait un objet de débat intéressant à retracer dans ce contexte. L’auteur s’efforce donc de retrouver dans les textes prescriptifs – lois, décrets, circulaires qu’elle cite en quantité – les indices de cette prise en main de l’enseignement secondaire par l’État.
L’éducation devient ainsi au xixe siècle une affaire d’État, et l’époque napoléonienne marque en ce sens une rupture, si on fait exception de la parenthèse ouverte par la politique de Mgr Frayssinous entre 1822 et 1828. Cependant, l’auteur souligne en même temps une continuité avec l’Ancien Régime sur le plan de l’organisation de l’enseignement secondaire. On trouve ici la justification de l’un des sous-titres du livre.
L’abord de la question disciplinaire semble ensuite manqué, sans doute en raison du défaut de documentation sur les règlements intérieurs (p. 251). L’État semble, à ce titre, plus soucieux de la fidélité des fonctionnaires (un des aspects intéressants du livre) que du contrôle de la vie étudiante qui semble déjà réglée au xixe siècle.
À ce sujet, le sort subi par le concept de discipline rend l’unité de l’exposé problématique. Dans le texte, il renvoie non seulement au contrôle, au pouvoir, aux contraintes exercées sur les comportements, mais aussi aux règles qui régissent les activités scolaires et éducatives. Cette notion est ainsi posée comme synonyme de régime général, entendu comme régime intérieur, pédagogique et administratif (p.12, p. 328). Le concept de discipline désigne par conséquent la partie et le tout : à la fois le régime intérieur et le régime général, mais aussi tout type de règlement. À rendre ce terme si général et englobant, on perd ainsi l’analogie promise par le titre. On est alors enclin à lui substituer un autre titre moins stimulant : Quand l’État organise l’École.
À la fin de la lecture, on ne peut que partager avec l’auteur cette inquiétante question : En définitive, que retient-on de cette longue étude ? (p. 328). Les réponses qu’elle y apporte peuvent sembler faibles en comparaison de la masse des matériaux convoqués.
On peut par conséquent regretter que la dimension descriptive soit privilégiée à la dimension analytique. Les éléments sont pourtant disponibles pour élaborer une thèse sur le pouvoir de coercition et de sanction que l’État a exercé sur l’École dans son opposition à l’influence de l’Église et face à l’existence d’un enseignement privé dynamique et foisonnant. Cette thèse n’est qu’amorcée, mais pas véritablement explorée. La permanence de ces questions rendrait pourtant cette investigation très intéressante.
En conclusion, si ce livre ravira des historiens par la qualité et la quantité des informations qu’il présente et mobilise, il décevra les autres lecteurs qui n’y trouveront aucune analyse stimulante sur le phénomène disciplinaire en éducation.