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D’entrée de jeu, le titre de cet ouvrage soulève des questionnements : qui sont ces poqués dont il est fait mention ? Existerait-il une pédagogie différente pour eux ? Conscient des interrogations possibles du lecteur, l’auteur présente une définition de la personne dite poquée avant même d’amorcer son texte. Il s’agit de l’élève en difficultés (il insiste sur le pluriel de ce mot) ou exclus de l’école ou de la société. Plus spécifiquement, ces poqués sont les élèves qui fréquentent les Centre de formation en entreprise et récupération (CFER). Les CFER, qui s’adressent à des élèves de 16 ans et plus en sérieuses difficultés d’apprentissage, sont des entreprises intégrées aux écoles qui permettent aux élèves de recevoir une formation préparatoire à des fonctions de travail de faible niveau de qualification.
Cet ouvrage, de la collection Éducation-Intervention, s’adresse à un public élargi, notamment aux intervenants des milieux de pratique, et est divisé en deux parties. Dans la première partie, l’auteur présente d’abord ses intérêts et son parcours de chercheur ainsi que les raisons qui l’ont amené à accepter ce mandat de recherche, qui était de dégager le modèle pédagogique de base des CFER. Ensuite, il décrit et analyse les caractéristiques organisationnelles (tâche des enseignants, grille-matière, etc.) et pédagogiques (outils, stratégies d’intervention, etc.) des CFER. L’auteur montre alors l’impact positif, sur les élèves, de la formation céférienne, tout en mettant en évidence un paradoxe : celui d’arriver à maintenir un niveau de motivation élevé des élèves, malgré un discours réaliste quant à leurs limites et à leurs opportunités d’emplois. Enfin, il termine par la présentation de l’esquisse d’une théorie sociologique de l’adaptation scolaire et d’une théorie sociologique de l’innovation pédagogique durable. Dans la deuxième partie, l’auteur fait le point sur la rigueur scientifique et la fiabilité de sa recherche, en apportant quelques précisions méthodologiques, ainsi que sur la non-orthodoxie de la méthode, en présentant un petit plaidoyer pour une révolution épistémologique qu’il adresse plus spécifiquement aux collègues chercheurs.
La transparence de l’auteur et le partage de son plaisir à découvrir les subtilités pédagogiques et organisationnelles des CFER donnent un ton intimiste à cet ouvrage. Cependant, certains lecteurs seront peut-être agacés par les deux niveaux de discours qui s’entrecroisent, celui sur l’objectivité et la rigueur scientifique de la recherche et celui sur la subjectivité liée à l’implication personnelle du chercheur.
Enfin, cet ouvrage nous interpelle et nous amène à repenser la pédagogie dans les classes dites régulières. N’y aurait-il pas quelque chose à faire avant que les élèves en difficulté se retrouvent au CFER ? Les élèves doivent-ils en arriver à une étape de rupture pédagogique pour que la pédagogie du CFER soit réellement efficace ? Bien que l’auteur affirme clairement que l’école doit s’adapter à l’élève, une question demeure cruciale quant au transfert des habiletés développées au CFER : est-ce que les milieux de travail doivent également s’adapter aux élèves ou est-ce que ces derniers sont à même de le faire au terme de leur formation ? La poursuite des recherches dans ce domaine apportera sûrement des éléments de réponses à ces questions.