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Un titre qui interpelle, un livre sur la réforme, à lire ! Livre de 86 pages ; rédigé par trois universitaires reconnus, grâce à une subvention du Fonds québécois de la recherche sur la société et la culture (FQRSC).

Sur le plan de la forme, le texte est clair et bien présenté, de la bonne vulgarisation scientifique. Cependant, on s’inquiète du mauvais procès fait ici aux travaux francophones (p. 16). Les recherches en lecture au Québec sont rigoureuses et les auteurs reconnus internationalement (Gagné, 1990 ; Van Grunderbeeck, 2004 ; Cartier, 2002 ; Groupe LIRE, 1994, 2003). Nous ne pouvons y souscrire. C’est malheureusement un lieu commun chez certains chercheurs qui ne respirent que par les travaux américains en langue anglaise.

La réforme de l’éducation (Québec) propose un changement de paradigme ; maintenant, c’est l’apprentissage qui prend le pas sur l’enseignement. La Suisse, pays phare de la rénovation, retire sa réforme par suite des résultats désastreux des élèves, révélés par l’étude internationale PISA. C’est aussi un signal fort pour les universitaires peu prolixes. Des équipes de recherche ont déjà émis des réserves à l’encontre de l’apprentissage par compétences, de l’enseignant qui devient un « guide », et de l’élève qui construit seul ses connaissances (Boutin, 2000, Groupe LIRE, 2002, 2003).

À juste titre, les auteurs rejettent le déterminisme-fatalisme à l’endroit des élèves de milieux défavorisés : l’enseignant cohérent et qui enseigne obtient de bons résultats en collaboration avec l’orthopédagogue, indispensable cheville ouvrière.

Cette revalorisation du rôle de l’enseignant, appuyée par des travaux, remet les pendules à l’heure et illustre à quel point la réforme actuelle propose une centration excessive sur l’élève. La réussite scolaire, la classification des recherches constituent les points forts de ce livre. L’effet enseignant et les pratiques pédagogiques montrent que l’origine socio-économique n’est pas une fatalité si l’école et les enseignants sont efficaces. Cependant, nous sommes en droit de nous inquiéter de cette centration aussi excessive sur l’enseignant, qui occulte la famille et l’élève qui apprend. C’est le retour du balancier, dont se plaignent les auteurs.

L’enseignement explicite, l’efficacité, la priorité scolaire : le savoir lire… Les auteurs soutiennent qu’ils s’appuient, pour leur démonstration, sur des travaux publiés dans des revues scientifiques ; or, ce n’est pas toujours le cas. En ce concerne Fuchs et Fuchs (2001), la seule référence que nous trouvons traite des pratiques pédagogiques en mathématiques pour lesquelles on ne peut donner l’imprimatur.

Le savoir lire, considéré comme exemplaire, est la priorité scolaire, plus que toute autre matière ; il s’enseigne dans une interaction maître-élève-parents, où les pratiques proposées influencent durablement les bons et les mauvais lecteurs. Comme se demande Giasson (1995) à propos de l’enseignement explicite des stratégies de lecture qui conduit à l’acquisition du savoir lire, comment faire de l’enseignement explicite intensif à l’école, des interventions de quatre à cinq fois par semaine, pour une durée variant de 30 minutes à deux heures par jour ? Est-ce souhaitable et réaliste pour des élèves en difficulté et dévalorisés ? Ces périodes intensives de lecture ont-elles un effet durable sur le bon lecteur ?

Il ne faudrait pas en revenir à des approches comportementalistes en lecture. La segmentation, l’atomisation des pratiques conduisent-elles à un savoir lire, instrument de communication et d’acquisition de connaissance ? Ces élèves en enseignement intensif ont-ils lu des textes à caractère informatif, incitatif et narratif et leur évaluation a-t-elle été précédée d’une intention de lecture claire et précise, comme le préconisent le programme québécois (1979-1993) et Giasson (1995) ? Les bons résultats aux épreuves internationales (PISA) des élèves québécois valident ces modes d’évaluation et aussi l’ancien programme. On en est encore à se questionner pour trouver des solutions.