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Cet ouvrage présente les travaux de recherche en philosophie pour enfants (PPE) que l’auteure mène depuis une dizaine d’années avec Louise Lafortune et Richard Pallascio. Bien que le projet d’écriture ne fasse pas partie intégrante du projet initial, elle les considère comme des collaborateurs à cet ouvrage ainsi que Monique Darveau, enseignante au primaire qui a participé à l’étude. Après une brève présentation au chapitre 1 des fondements de l’approche PPE, qui origine des travaux de Matthew Lipman au début des années 1970, Marie-France Daniel illustre les trois étapes de l’apprentissage à une pensée critique : 1) la lecture d’un roman philosophique (à l’aide du matériel élaboré par son équipe ou s’inspirant des travaux de Lipman) ; cette étape vise à rendre les élèves actifs ; 2) le questionnement, qui permet aux élèves de formuler leurs propres interrogations ; 3) le dialogue, qui représente l’essence même de la PPE. La pensée critique se développe à partir d’un travail de création, d’élaboration d’idées et de relations originales. L’auteure formule une mise en garde : l’ouvrage se veut une source d’inspiration pour guider les enseignants dans une approche dynamique qui ne peut être l’application d’une recette. Les exemples et contre-exemples du rôle exercé par Monique et Pierre, ce dernier intervenait dans la classe de troisième cycle comme personne ressource en PPE, illustrent concrètement certains pièges à éviter (par exemple le glissement d’un échange centré sur l’expérience personnelle ou l’anecdotique) et les façons de guider les échanges vers une véritable discussion conceptuelle pour permettre aux élèves de développer leur pensée logique. Les extraits sélectionnés sur le questionnement et l’approche philosophique se sont avérés passionnants à lire et représentent une contribution originale de l’ouvrage. Les prénoms socratiques, attribués aux élèves pour préserver leur anonymat, ajoutent une touche philosophique et un beau clin d’oeil. À l’exception du premier et dernier chapitre (qui présente un outil pour évaluer le processus chez les élèves), tous les autres visent à rendre compte de l’apprentissage réalisé tout au long de l’année par les élèves pour ouvrir sur une véritable pensée critique. Ce choix, bien que justifié du point de vue de l’auteure par la cohérence de l’approche philosophique, demeure un aspect discutable pour permettre aux lecteurs de bien comprendre les nuances de concepts théoriques et la terminologie philosophique. Par ailleurs, les efforts à la fin de plusieurs chapitres pour faire des liens entre certaines compétences transversales du Programme de formation de l’école québécoise nous ont paru parfois un peu agaçants à lire. Certains concepts riches, dont ceux de Dewey et plusieurs principes philosophiques illustrés avec les données présentées, sont plus convaincants pour aider à comprendre la mécanique complexe de la pensée qui se développe grâce au processus de délibération et de dialogue. L’expérience avec les élèves montre que c’est lorsque la communauté de recherche travaille sur le plan philosophique que la discussion est plus riche, que les conflits cognitifs sont les plus présents, que la discussion est la plus significative pour les élèves (p. 50). L’étude, qui est relatée dans l’ouvrage, réussit le difficile équilibre entre l’intention pédagogique et le respect des intérêts des élèves, en adoptant une attitude de confiance dans leur capacité à avancer dans le doute.