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Aron et Viala précisent que l’idée qui les a guidés est la nécessité d’enseigner la littérature, à la fois comme un facteur d’épanouissement personnel, comme un plaisir et comme un besoin, pour la société tout entière (p. 3), car, ajoutent-ils la littérature constitue un lieu où une langue se vit pleinement par ses locuteurs, un lieu où se forgent une identité culturelle et la conscience d’une appartenance historique (idem). Composé de trois chapitres, cet ouvrage de 126 pages traite des enjeux, des éléments d’histoire et des démarches de l’enseignement littéraire.

Dans le premier chapitre, les auteurs reconnaissent que la littérature recouvre divers usages sociaux selon le lieu professionnel d’appartenance (libraire, critique, etc.). Qu’est-ce que la littérature ? Est-ce ce qui s’enseigne sous ce nom ? (Barthes, 1993). Ou est-ce l’ensemble des pratiques et des institutions concernées par les oeuvres reconnues ? Sans répondre à cette question, les professeurs précisent que leur propos constitue avant tout un plaidoyer en faveur d’une certaine idée de l’enseignement public et de la diffusion d’un savoir cohérent et articulé (p. 4). Ils s’attardent à l’acception moderne de la littérature restreinte à la dimension esthétique, composée de trois constantes : un travail de la forme, une communication différée et une destination aléatoire. Ils ajoutent que l’enseignement de la langue et celui de la littérature se sont avérés complémentaires, très tôt, dans l’histoire de cette discipline. Selon les degrés d’enseignement, les objectifs poursuivis ont été de faire lire des textes, d’en faire écrire, et de donner une perspective d’ensemble au contexte des oeuvres analysées. Ils notent que la dimension patrimoniale est différemment prise en compte en Belgique, en France, au Québec et en Suisse.

Le deuxième chapitre décrit le développement de cet enseignement en France et identifie les querelles et débats qui ont surgi dans la première modernité. Dès 1802, l’État reconnaît le caractère national de l’enseignement littéraire, auquel s’ajoute la reconnaissance de l’écrivain comme personnage social, avec les lois de 1791 et 1793. Avec la scolarité obligatoire, publique et gratuite, en 1880, et l’essor de l’empire colonial, l’enseignement littéraire connaît de nouveaux développements et de très nombreuses réformes (1902), des années d’équilibre et de stabilité (1925-1960), suivies d’une crise du français (1960-2000).

Le dernier chapitre examine l’enseignement contemporain et prend en compte la langue, l’esthétique et l’histoire. Pour les auteurs, [l]’approche historique montre que la difficulté de l’étude de la langue est une constante dans l’histoire des études littéraires (p. 91). La problématique du premier axe se résume à des questions d’ordre structurel, notionnel et théorique. Ils estiment que l’enseignement de la grammaire et du vocabulaire est indissociable de l’enseignement de la langue alors que l’orthographe est davantage affaire de société. Aron et Viala insistent sur l’orthographe syntaxique parce qu’en dépend la maîtrise des catégories de construction de la phrase et, au-delà, celle de la pensée (p. 99).

Sur l’axe esthétique prennent place les jugements et les appréciations situés du côté de la réception des choses jugées. Pour les auteurs, l’histoire littéraire est une catégorie didactique utile qui vise à examiner comment se cristallisent des enjeux et des rapports sociaux (p. 114). Cette approche évite de transmettre un savoir externe aux oeuvres, tout en les ancrant dans une histoire nationale. Cependant : Quand commence une littérature nationale ? Qui en rythme le déroulement, la périodisation, et qui cartographie aussi la matière en sous-ensembles ? (p. 118). La part allouée à l’enseignement littéraire à l’extérieur de l’Hexagone est allusive et congrue, puisque l’essai présente surtout une histoire de la France des quatre derniers siècles.