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La massification de l’enseignement qui s’est largement répandue en France a appelé l’État à revoir l’organisation du système d’éducation. Aujourd’hui, le baccalauréat (clôturant le secondaire et précédant l’Université) ne constitue plus l’exception, mais plus souvent la norme pour six jeunes sur dix. Des inégalités persistent néanmoins, et c’est ce que Jean-Paul Larue, lui-même enseignant, nous fait découvrir dans cette version remaniée de sa thèse de doctorat.

Son objet d’étude concerne la démocratisation de l’accès aux baccalauréats (p. 17) et reprend le concept de démocratisation défini par Merle (2000, 2002) : uniforme, égalisatrice ou ségrégative. En scrutant la démocratisation scolaire (liée à l’accès aux baccalauréats) et une possible démocratisation sociale (réduction des phénomènes de reproduction sociale) (p. 19), Larue analyse l’évolution du phénomène depuis les années 1940.

Après une riche introduction, où le lecteur tire profit d’une brève histoire de l’éducation en France, la première partie analyse l’accès aux baccalauréats de 1962 à 2001 au sein des différentes filières (général, professionnel ou technique) selon la catégorie sociale, et fait ressortir un mouvement de démocratisation ségrégative qui a conduit à un renforcement de la présence des enfants de milieux favorisés au sein des filières les plus prisées (p. 63).

Vient ensuite l’analyse des années précédant le baccalauréat qui démontre comment l’école primaire divise toujours (p. 67) et le secondaire concrétise et amplifie les divisions (p. 133). On y mentionne notamment certains facteurs d’inégalités moins connus, comme l’arrivée hâtive en préélémentaire ou le choix de la langue première (autre que le français) au collège.

Le tout se termine par une analyse minutieuse des données recueillies par le biais de l’Enquête sur la formation et la qualification professionnelle 1993 (INSEE) (p. 195), avec un portrait détaillé de l’accès aux baccalauréats sur plusieurs générations. Ce suivi met en lumière la continuité frappante du cheminement scolaire en expliquant comment les choix initiaux de scolarité se répercutent sur les futurs choix universitaires et professionnels.

L’auteur de cet ouvrage a le mérite d’analyser l’accès aux baccalauréats dans une perspective scolaire et sociale élargies. La démarche est rigoureuse, recourt à une solide documentation et s’enrichit des théories et concepts de plusieurs auteurs (dont Merle, Duru-Bellat et Bourdieu). Aussi, s’inscrivant dans le cadre théorique de la reproduction, Larue ne verse aucunement dans le déterminisme à tous crins, mais nuance plutôt son propos en mentionnant, par exemple, que l’école peut être capable de réduire les inégalités sociales de réussite scolaire, comme le montre la réduction des écarts constatée au sein des filières scientifiques (p. 287).

On déplore cependant que le style souvent télégraphique de la seconde partie égare le lecteur avec des suites ininterrompues de statistiques qui auraient eu avantage à être mieux présentées. De plus, les fréquentes erreurs linguistiques et une ponctuation quelque peu boiteuse portent ombrage à la qualité indéniable de la recherche.

Dans l’ensemble, ce livre est à recommander pour comprendre les subtilités de la démocratisation scolaire en France et ses timides effets sur la démocratisation sociale.