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Disons-le d’emblée, ce livre est provocateur et dérangera les routines des salles de classe. Comme s’il s’agissait d’un leitmotiv, Royer reprendra dans presque chacun des chapitres deux idées clés : la première est la référence à la sagesse conventionnelle et la seconde, est le décalage entre les recherches sur la connaissance des phénomènes d’inadaptation et les pratiques pédagogiques auprès des jeunes en peine de réussites.

L’expression la sagesse conventionnelle appartient à l’économiste Galbraith qui l’a proposée dans les années 1950. Elle englobe tous les énoncés qui guident des pratiques et que l’on considère comme vrais sans les passer au crible de la réalité d’aujourd’hui.

Quant à ce décalage entre la recherche et la pratique, l’auteur soutient qu’il est le fossé qui empêche les enseignants de prendre du recul dans leurs interventions d’agir, une action qui est trop souvent uniquement réactive, immédiate plutôt que proactive, orientée vers le futur.

Et que vient faire Galilée dans cette histoire d’éducation ? L’astronome a osé affirmer que la Terre n’est pas le centre de l’Univers et qu’elle tourne autour du Soleil ; malgré sa condamnation, il aurait murmuré à son voisin : Et pourtant, elle se meut… Royer, lui, se permet de murmurer à tous ses voisins enseignants que certaines des croyances et des idées reçues en éducation contribuent directement à l’échec scolaire des jeunes qui manifestent des comportements difficiles.

L’ouvrage est divisé en 20 chapitres qui regroupent trois thèmes.

  1. L’impact négatif des idées toutes faites ou collectivement acceptables sur l’efficacité des interventions auprès des jeunes en difficultés. L’auteur apporte de nombreux exemples éloquents, dont celui du redoublement. Il questionne avec pertinence le bien-fondé de cette sagesse conventionnelle face à l’épuisement, et le décrochage professionnel, face à l’échec scolaire.

  2. La réussite à l’école. L’auteur reconnaît que nous pouvons constater des progrès majeurs dans la volonté d’aider des enfants et adolescents à réussir à l’école, mais que nous n’avons pas pour autant le droit d’être satisfaits. Aujourd’hui, tous les enfants ont accès à l’école ; par contre, cette école aide-t-elle réellement à favoriser des réussites chez ces jeunes ? Royer est presque cynique dans sa réponse quand il intitule ses chapitres Réussir à échouer ou Lorsque intervenir peut nuire.

  3. La troisième partie commence par le chapitre intitulé Théories, modèles et urticaire et se termine par celui titré Savoir et pouvoir. L’auteur questionne la formation – et l’absence de formation – des enseignants, qu’elle soit initiale ou continue, sur la réalité des jeunes en difficulté d’apprendre. Il met en évidence l’écart qui existe entre les croyances et les faits, mais il propose aussi des réflexions pour instaurer un savoir-faire fondé sur des modèles de références, sur des pratiques exemplaires, sur un cadre sécurisant qui contribue à diminuer l’anxiété des jeunes et des enseignants.

La richesse des exemples, les nombreuses interrogations de l’auteur sur la pertinence des pratiques d’enseignement, des modes, l’abondante bibliographie et la lisibilité claire m’incitent à recommander cet ouvrage à toute personne, en formation ou sur le terrain de l’enseignement, prête à se questionner sur le confort de cette sagesse conventionnelle. Le murmure de Royer mérite qu’on y tende l’oreille…