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Avoir des difficultés scolaires importantes à l’école, une expression toute simple mais combien préoccupante. D’une part, elle traduit une expérience scolaire difficile, qualifiée d’enfer chez certains ou qui revient à faire du temps chez d’autres (Rousseau, 2005). La nature de cette expérience amène certains jeunes à quitter l’école prématurément et d’autres à se rebeller contre eux-mêmes (détruisant au passage l’image qu’ils ont d’eux-mêmes), ou encore à se rebeller contre les autres (détruisant du même coup toutes possibilités de liens positifs et aidants dans le réseau scolaire). Le lecteur n’a qu’à penser au roman de Pennac (2007) Chagrin d’école pour en comprendre le sens et la portée. Ce roman, à saveur autobiographique par moments, se rapproche de certaines connaissances scientifiques sur l’expérience scolaire des élèves qui vivent mal l’école de par leurs difficultés à apprendre… aussi facilement que les autres. En effet, outre l’expérience scolaire négative, les élèves qui vivent des difficultés scolaires importantes sont plus nombreux que leurs pairs ordinaires à manifester une perception négative de soi (Bender, 2001 ; Maltais et Herry, 1997), un stress scolaire élevé (Geisthardt et Munsch, 1996), un degré d’anxiété élevé (Huntington et Bender, 1993), une faible estime de soi (Hall, Rouse et Bolen, 1993), et un sentiment de rejet par les pairs (Bender, 2001). De plus, ils constituent une proportion importante des jeunes en milieu carcéral (voir Brown, Fisher, Stys, Wilson et Crutcher, 2003) et sont peu nombreux à obtenir un diplôme d’études secondaires (Rousseau, Tétreault, Bergeron et Carignan, 2007).

Outre ces principales caractéristiques, les élèves qui vivent des difficultés scolaires importantes, avec ou sans diplôme, doivent s’insérer dans le marché du travail. Cette insertion est colorée tant par une immaturité vocationnelle, soit la capacité d’une personne à prendre des décisions relatives à l’emploi en tenant compte des interrelations entre ses caractéristiques personnelles, les facteurs scolaires et le monde du travail (Butler, 2004 ; Castellanos et Septeowski, 2004), que par le sentiment d’un sous-accomplissement professionnel (Caroll et Ponterotto, 1998). Notons aussi des aspirations professionnelles moins élevées, et ce, indépendamment du potentiel de réussite (Adelman et Vogel, 1998) de même qu’une insertion en emploi souvent limitée aux emplois non spécialisés (Dupont et Tardif, 1994 ; Vultur, 2003). Enfin, l’intégration au marché du travail est aussi influencée par les attitudes et comportements inappropriés, la méconnaissance du marché du travail, le manque d’expérience, le besoin de soutien, la présence d’un casier judiciaire, la présence d’une problématique mixte telle que la toxicomanie et l’alcoolisme, et l’absence prolongée du marché du travail (Emploi-Québec, 2002).

Avoir des difficultés scolaires importantes à l’école : un défi de taille qui mérite que l’on s’y attarde, et ce, sous différentes perspectives. Quelles formules pédagogiques pourraient être bénéfiques pour les élèves présentant des caractéristiques d’apprenants variées ? Que résulte-t-il de leur parcours scolaire et comment celui-ci vient-il colorer leur avenir ? Est-ce qu’un programme d’intervention axé sur l’emploi comme le Centre de formation en entreprise et récupération (CFER) peut contribuer à leur développement ?

Les dix textes présentés ici gravitent autour de ces questions et sont répartis sous deux volets : 1) De l’école au marché du travail : le cas des jeunes en difficulté ; et 2) De la lecture d’un quotidien à la tournée de la caravane : considérations sur le contenu du programme des Centres de formation en entreprise et récupération destiné aux élèves en difficulté.

Ce numéro thématique devrait contribuer à une meilleure compréhension du monde scolaire et du monde du travail chez les jeunes ayant des difficultés importantes, et ce, en faisant ressortir la nécessité d’une continuité et la complexité d’une intervention planifiée qui outrepasse le temps d’une année scolaire.