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L’ouvrage d’Anne Besson présente une revue des diverses problématiques entourant le genre imaginaire fantasy, dans une série de cinquante questions regroupées en trois grands ensembles. Pour commencer, l’auteure se penche sur la terminologie anglophone qui, conservée internationalement, complique l’harmonisation du discours théorique, la définition du genre et sa détermination culturelle. L’analyse de ces aspects offre l’occasion d’une discussion sur la distance entre la théorie, qui cherche à dresser dans le paysage littéraire imaginaire des barrières génériques, et la pratique qui veut que la fantasy se joue des frontières narratives comme géographiques. Dans sa seconde partie, l’auteur examine le phénomène Tolkien sur trois plans : la double naissance de la fantasy en sols américains et britanniques, la position de Tolkien face aux sources multiples du genre (mythes, contes, littérature médiévale) et le milieu littéraire dans lequel il a évolué, comparant son influence à celle de ses confrères. En exposant les aspects positifs et négatifs de cette influence, Besson montre dans quelle mesure les réflexions littéraires et critiques suscitées par le travail de Tolkien ont fait évoluer le genre. Enfin, l’auteur se questionne sur l’exploitation que font les auteurs de fantasy de la structure narrative du mythe comme exploration de l’imaginaire. À partir d’une revue des sphères artistiques et médiatiques où la fantasy s’exprime (films, jeux de rôle, etc.), elle précise la dimension intertextuelle du genre, essentiellement basée sur les techniques de création de mondes secondaires initiées par Tolkien (cartes et annexes notamment). Le mythe apparaît alors indissociable de visions syncrétiques et de valeurs idéologiques que Besson met en perspective en insistant sur le côté fantasmatique du genre.
En ce qui concerne l’aspect technique de l’ouvrage, il est à noter que l’argumentation est présentée de façon dispersée, avec un style répétitif et de nombreux renvois à des sections ultérieures. Si la réflexion générale s’en trouve plus achevée, grâce à de multiples liens, la lecture en est parfois fastidieuse. Par ailleurs, la formulation des questions ne correspond pas toujours aux réponses, ce qui tend à déprécier l’argumentation (par exemple, un pourquoi auquel l’auteur n’apporte pas d’explications). Sur le plan théorique, Besson définit la fantasy comme une littérature d’évasion, décrivant un passé héroïque fantasmatique, qui prolonge dans l’âge adulte l’émerveillement de l’enfance. L’argument, pris comme élément structurant du genre tout entier, met sur le même plan l’attitude de lecture accompagnant la réceptivité et la démarche créative, au sens d’intention, de contenu et de techniques. Cette définition a ses limites, visiblement, puisque des commentaires obscurs, voire des contradictions, apparaissent dans l’analyse, en particulier dans la dernière partie du livre. Néanmoins, cela illustre bien la difficulté à laquelle est confronté tout chercheur dans ce domaine, à savoir déterminer l’approche adaptée. Fort bien documenté et offrant des pistes de réflexion très intéressantes, l’ouvrage constitue un excellent outil bibliographique et méthodologique pour le spécialiste comme pour l’amateur de fantasy.