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La comparaison de l’effet de la mondialisation sur l’unification de l’espace économique et, à l’opposé, sur la diversité de l’espace culturel, sert de prémisse à une réflexion sur la nature actuelle de la francophonie. La question que pose Jean-Louis Roy dans cet ouvrage est avant tout celle de l’avenir de la communauté francophone institutionnalisée par l’organisation internationale de la francophonie. L’approche géolinguistique et géoculturelle privilégiée pour définir l’espace francophone mondial permet de cerner un certain nombre d’enjeux cruciaux pour l’avenir de cette communauté. Par exemple, la concurrence économique, culturelle et linguistique avec d’autres communautés en développement comme la Chine, la Russie et l’Inde, ambitieuses d’occuper un espace plus large sur l’échiquier mondial grâce à une économie montante et une diaspora profitable, constitue un des enjeux majeurs quant à la place qu’occupera l’espace francophone dans l’avenir. Or, le nombre croissant de ces communautés aux alliances multiples (fondées sur l’économie, la défense, la coopération, la langue…) complexifie l’exercice de définir l’entité francophone à travers un tel paradigme. Un rappel historique de la transformation progressive de l’Organisation internationale de la Francophonie nous permet toutefois de mieux cerner son évolution géographique et démographique et ainsi de mieux comprendre le rôle de certains espaces francophones : l’Afrique n’est pas un fragment parmi tant d’autres, elle est constitutive.

Cet essai ne pose toutefois pas clairement la question de l’évolution de la langue sur les plans strictement linguistique et culturel et des moyens à mettre en place sur le terrain pour favoriser son approfondissement plutôt que son expansion territoriale. Alors que, d’emblée, l’auteur rappelle que la question essentielle de la communauté n’est plus celle des domaines de ses interventions mais de la méthode et du niveau de ses interventions et définit la francophonie comme un vaste chantier éducatif, il néglige le rôle de l’éducation dans la sauvegarde et le progrès du français. Il aurait fallu alors aborder la question de l’avenir de la francophonie non pas uniquement du point de vue de la conquête géopolitique, mais plutôt de l’expansion sociolinguistique. Lorsqu’il annonce que l’un des quatre objectifs fondamentaux de la communauté francophone est l’appui à l’éducation, à la formation, à l’enseignement supérieur et à la recherche, l’auteur soulève l’importance des médiations du mondial vers le local. Il cite deux opérateurs principaux – l’Agence universitaire de la Francophonie et l’Université Senghor d’Alexandrie – sans faire allusion à des associations plus présentes sur le terrain telle la Fédération internationale des professeurs de français. L’un des constats du dernier congrès mondial de cette fédération, qui a eu lieu à Québec en 2008, était que la francophonie institutionnelle ne semble pas s’intéresser aux mondes de l’enseignement du français langue maternelle, du français langue seconde et du français langue étrangère, et que l’éducation constitue le maillon faible de l’Organisation internationale de la Francophonie. De plus, les enseignants demeurent les parents pauvres des politiques institutionnelles tout en étant les véritables figures clés du français dans le monde et des passeurs de civilisation.

Cet ouvrage est d’un grand intérêt pour mieux comprendre le rôle de la francophonie, la nature et l’évolution de sa communauté, de ses institutions. Le portrait actualisé de la francophonie que propose Jean-Louis Roy est celui d’un vaste espace, plurilingue, branché technologiquement, un pont entre les cultures, les traditions, les ambitions les plus diverses, menacé par un monde de concurrence culturelle et linguistique. Cette mise en garde nécessaire annonce les grands défis de demain !