Corps de l’article

1. Introduction et problématique

Cet article vise à répondre à deux séries de questions ; est-il possible d’identifier des dimensions invariantes du développement professionnel des maîtres, sortes d’étapes ou de seuils qui permettraient aux formateurs de repérer les développements professionnels en cours ? Actuellement ces étapes demeurent assez floues ; on ne connaît pas bien les mécanismes à l’origine de nouveaux apprentissages chez les stagiaires. Or, cette question est centrale dans la formation des maîtres. Il s’agit d’identifier précisément la nature des savoirs mobilisés en situation de stage professionnel, de façon à déterminer si ce type de savoirs permet de décrire fidèlement le développement observé chez les enseignants en formation. Il est en effet impératif de mieux connaître les étapes, les obstacles didactiques et pédagogiques du processus de professionnalisation des maîtres, pour proposer aux stagiaires une ingénierie de formation adaptée à un parcours professionnalisant. Cette ingénierie ne peut se mettre en place qu’en allant au-delà du travail prescrit. La seconde question concerne le processus de développement professionnel lui-même : comment repérer s’il y a ou pas développement, autrement dit intégration dans le temps de gestes professionnels efficaces chez le formé ?

L’objet de notre étude est donc de mieux repérer et de mieux saisir les mécanismes sur lesquels s’appuie le développement professionnel et identitaire des maîtres en formation initiale. Ainsi, derrière l’idée de professionnalisation du métier, il y a l’idée de définir, de nommer, de rendre plus explicites des arts de faire, des gestes professionnels, des manières de répondre à des problèmes et à des situations de plus en plus complexes et imprévisibles. Pour répondre à des mutations sociales, techniques et culturelles profondes, l’enseignant aujourd’hui doit penser son action et l’ajuster à des contextes différents, à des publics d’origines diverses, à des objets du savoir nouveaux ainsi qu’à des discours prescriptifs instables. Derrière la nécessité d’une professionnalisation plus grande des enseignants se trouve nécessairement posée la question des dispositifs de formation.

Nous cherchons à décrire un développement professionnel en contexte de formation initiale. Celle-ci, comme la plupart des formations professionnelles, intègre des dispositifs de situation de travail où alternent conseils des tuteurs de stage et moments de cadrage théoriques, didactiques et pédagogiques. Le dispositif de recherche s’appuie sur le Stage en Responsabilité Filé ; ce stage pratique, qui existe depuis la rentrée 2007 en France, permet à une professeure stagiaire en seconde année de prendre la responsabilité d’une même classe en école primaire un jour par semaine, tout au long de l’année scolaire. L’enjeu de notre travail est de comprendre comment la stagiaire intègre ou non, conjugue ou pas des apports très différents tels que les conseils d’experts, les modélisations didactiques et les approches théoriques dans sa pratique pour agir et penser sa pratique ; à quel type de savoirs professionnels recourt-elle dans son cheminement et dans son tâtonnement personnel lorsqu’elle se trouve en situation de travail ?

Nous proposons d’appeler ces savoirs professionnels en contexte des savoirs professionnels intermédiaires. Nos deux séries de questions se rejoignent alors : Peut-on identifier des savoirs professionnels intermédiaires qui seraient caractéristiques d’un développement professionnel en cours ?

Nous proposons ici un état des lieux sur la question en présentant les travaux de référence qui traitent du développement professionnel, tout en respectant leur apparition chronologique, puis nous situons nos propres perspectives. Nous présentons ensuite des hypothèses de recherche et un cadre méthodologique préalables à l’interprétation de notre étude. Nous livrons enfin les premiers résultats de notre recherche, les considérant comme susceptibles d’éclairer de façon plus pertinente la question. Enfin, nous mettrons ces résultats en débat, sous réserve qu’ils fassent l’objet d’études comparatives ultérieures de notre part.

Quelle est donc la nature de savoirs intermédiaires construits et progressivement réactualisés par l’enseignante stagiaire en prise avec sa propre activité de classe ?

2. Contexte théorique

2.1 Que recouvre la notion d’apprentissage professionnel ?

Depuis pratiquement deux décennies, en matière d’apprentissage professionnel, l’approche anthropologique de Lave et Wenger (1991) fait état d’une participation du sujet à sa communauté de pratiques, participation qui évolue de la périphérie vers le centre, les tâches lui étant progressivement dévolues vers le coeur du métier.

Dans les dispositifs actuels de formations professionnelles supérieures, on intègre de plus en plus de situations de travail. Les lieux de formation diffèrent, les périodes de stage s’allongent, les tuteurs de stage ont un rôle accru ; bref, la formation en alternance (travail-étude) devient une nécessité.

Dans la formation en alternance, c’est la relation entre connaissances didactiques indispensables à l’exercice du métier et savoir-faire en situation de classe qui s’avère déterminante, pourvu qu’elle soit intégratrice des différentes compétences travaillées. Mais comment identifier et former à ces savoirs professionnels, alors que l’actuel socle de compétences français en rend à peine compte ? Aujourd’hui la question est cruciale ; on ne peut se satisfaire du seul référentiel de compétences des maîtres, dès lors qu’il s’agit de dépasser le travail prescrit pour se saisir de la relation travail-formation et d’aller voir au plus près en situation de classe ce qui se passe.

La pratique fort répandue de compagnonnage, et les conceptions de l’apprentissage qu’elle sous-tend, est appliquée à de nombreux milieux professionnels. Pour autant, elle semble impossible à réaliser dans le cas du métier enseignant, où le professeur-stagiaire est d’emblée confronté en classe à la complexité du système. De fait, le processus et la nature du développement professionnel sont difficiles à identifier chez les enseignants.

À l’heure actuelle, nous savons peu ce qui déclenche de nouveaux savoirs, savoir-faire, savoir-être chez les enseignants stagiaires. Or, la formation des maîtres prend appui sur ces mécanismes-là, encore assez mal connus. La notion d’apprentissage professionnel est floue, imprécise dans le domaine de l’enseignement, car la nature de cette professionnalité est plurielle, touchant simultanément plusieurs domaines différents : didactique, éducatif, ergonomique, langagier.

2. 2 Les théories qui traitent du développement professionnel : une polyphonie d’approches

Différents champs disciplinaires se sont emparés de la question de la professionnalité et finissent par en dessiner des contours complémentaires et féconds. Ces différents courants de pensée sont abordés de façon chronologique dans l’article, de manière à aider à repérer leurs apports propres. Ils représentent aujourd’hui un écheveau imbriqué et complémentaire. À l’heure actuelle, pour comprendre le développement professionnel, on peut difficilement dissocier les champs qui relèvent globalement de l’interactionnisme et de la sociologie, et les travaux fondateurs de la psychologie sociale et cognitive. Tentons à présent de défaire cet écheveau.

Sous l’influence du modèle du praticien réflexif de Schön (1993), on passe d’un paradigme opposant pratique et théorie, action et réflexion à un paradigme où la pratique réflexive devient objet de recherche. Cette attitude de réflexion sur l’action est alors considérée comme une clef de la professionnalisation du monde enseignant.

Cependant, c’est avec le regard des ethnométhodologues Goffman (1974) et Garfinkel (1986) que les esprits se préparent le mieux à ce changement de paradigme. Depuis, l’épistémologie de l’agir des acteurs sociaux peut s’exprimer à partir d’un monde propre, dans une sphère nécessairement transdisciplinaire et élargie de savoirs systémiques, complexes et dialectiques, qui concerne autant la compréhension que la transformation de ces mêmes acteurs. Nous voyons dans cette approche la capacité de rendre compte des prémisses d’accomplissements personnels et professionnels actualisant des modes de faire, de dire et de réfléchir particulièrement novateurs.

Dès lors, il devient nécessaire d’alterner des situations d’action avec des situations de réflexion et de les conjuguer à des situations problématisant les relations entre les deux niveaux pour appréhender au mieux un processus complexe et encore largement inexploré à l’heure actuelle.

Pour comprendre le développement cognitif et professionnel, il nous paraît utile de mettre en perspective les différentes théories psychologiques, car elles ont entre elles des filiations indéniables.

2.3 Le développement professionnel vu sous l’angle cognitif du sujet apprenant

Piaget (1974) a posé les jalons de la conceptualisation dans l’action. Il distingue une forme d’activité réflexive, qu’il nomme abstraction empirique, d’une autre forme d’activité réflexive plus élaborée, qu’il nomme abstraction réfléchissante. Selon lui, l’abstraction empirique est la réflexion du sujet portant sur des faits directement observables de son environnement. Ce type de réflexion est différent de l’abstraction réfléchissante qui porte, elle, sur le processus de réflexion du sujet en prise avec son environnement, que ce processus soit conscient ou pas. C’est ainsi qu’il convient de nommer abstraction réfléchie le résultat du processus de réflexion conscientisé par le sujet en prise avec son environnement. C’est par ailleurs à ce niveau-là que nous situons notre recherche-action-formation, reconnaissant ainsi les apports incontestables de cette activité réflexive conscientisée pour le sujet en formation.

En isolant, en abstrayant et en intégrant des éléments privilégiés dans l’environnement ou l’organisme, la réflexion permet d’opérer des prises de conscience qui, à leur tour, produisent de nouvelles mises en forme et mises en sens. Autrement dit, en reprenant les concepts de Varela (1989), on peut dire que la réflexion produit des unités spécifiques par couplage approprié. C’est alors poser, pour tout système vivant, l’importance de sa propre activité.

L’enjeu du stage filé dans la formation des maîtres est bien de permettre ces différentes formes de conceptualisation et de prise de conscience qui dynamisent et transforment l’agir de l’enseignant.

2.4 Le développement professionnel considéré sous l’angle du contexte singulier du sujet apprenant

En 1989, Varela montre comment la pratique réflexive est le déploiement de la boucle autopoiétique ou formatrice de tous les systèmes vivants. Varela réinterprète la production des différentes formes de vie (biologique, psychique, cognitive, sociale) par cette boucle autoformatrice qui prend différentes formes (immunologique, réflexe, réflexive) à ses différents niveaux de vie. Il s’agit de boucles à la fois de différenciation et d’articulation à l’environnement. Ces boucles constituent le couplage dynamique structurel que l’individu établit avec son environnement. En effet, le paradigme de l’énaction voit l’évolution du vivant comme un processus autoproducteur, dont le but est de maintenir l’équilibre entre une structure et l’organisation de cette même structure, définie par les relations entretenues entre ces composantes. Ces relations créent de la résistance à un changement trop brutal par exemple (rupture d’équilibre). À la différence de ce qu’exposait Piaget (1974), la cognition est considérée non plus comme une représentation mais comme une action incarnée. À notre avis, les travaux de Varela (1989) apportent une plus-value aux travaux de Piaget. C’est bien le point de vue de l’acteur introduit par Varela qui permet ainsi d’approcher le processus de cognition propre à chaque individu. C’est le point de vue singulier du sujet apprenant qui nous nous intéresse ici.

Expliquons un peu : les travaux réalisés sur l’action ou la cognition située font état d’apprentissages situés en contexte, où l’activité n’est accessible qu’à partir du point de vue intrinsèque de l’auteur. Le contexte donne donc une coloration particulière et singulière à l’activité de l’acteur en situation. Pour agir, l’acteur utilise sa propre perception du monde et non un modèle du monde objectif. L’action n’est interprétée que par rapport aux données de la situation et des possibilités d’action du sujet. Cette nouvelle conception a pour mérite de restituer au sujet un rôle central dans l’élaboration de ses acquisitions et de ses décisions.

2.5 L’implication des acteurs dans le travail réel

Avec le courant représenté par Clot (1999), le modèle de l’acteur invité à commenter son action a posteriori, et non à la justifier, est désormais admis. La description est considérée comme explicitation des solutions du sujet à l’enquêteur et l’interprétation est considérée comme la remontée des problèmes. En effet, selon Clot (1999), cette double indexation de la pratique, passée et présente, constitue une pratique seconde non réductible à la première. Cette prise en compte de l’acteur engagé dans sa propre activité constitue la base d’une nouvelle logique de recherche-action-formation. Elle ouvre considérablement les possibles et redistribue les cartes d’un jeu où l’agir propre de l’enseignant était ignoré jusqu’alors, les bonnes pratiques normatives du travail prescrit ayant été la règle.

Désormais, le changement de paradigme amorcé implique et exige de se situer du côté de ceux qui travaillent. D’autres aspects du travail enseignant, c’est-à-dire son activité pratique autant que réflexive, deviennent objets d’étude et de formation à part entière.

2.6 L’idée de la double conceptualisation dans le développement professionnel

Pour Pastré (2008), le développement professionnel du sujet serait double. Il serait simultanément d’ordre conceptuel et d’ordre pragmatique.

Ainsi, l’approche par l’analyse de l’activité implique que l’on cherche à comprendre le travail de l’intérieur. La didactique professionnelle de Pastré (2008) est née d’un renversement des relations entre activité et savoirs, avec la volonté de rompre avec les traditionnelles didactiques disciplinaires subordonnant le savoir, objet d’apprentissage, à l’action, moyen d’acquérir ce savoir. En effet, dans la pratique scolaire, l’action est subordonnée à la transmission du savoir. Il importe donc de rétablir une relation trop longtemps pensée et vécue comme inféodée, alors même que les organisateurs de l’activité sont principalement de nature conceptuelle. Il s’agirait, d’après Pastré (2008), de concepts en acte, qui servent à orienter et à guider l’action. Ainsi, plutôt que de continuer à se centrer sur les savoirs que l’enseignant doit transmettre, ce courant de pensée s’intéresse aussi et enfin à la pratique professionnelle afin de révéler la dimension constructive et créatrice de l’activité, même si certains aspects en demeurent encore énigmatiques.

Sur la question spécifique du travail enseignant, activité que Pastré (2008) considère comme complexe, il existerait deux sortes de concepts organisateurs : 1) ceux qui permettent de comprendre l’organisation de l’activité dans le cadre du couple schème-situation. Ce sont des concepts pragmatiques : la situation est appréhendée comme une entité globale, plus ou moins dynamique. Il existerait aussi 2) ce que Pastré appelle des concepts transitionnels, permettant d’appréhender l’activité sur et avec d’autres humains. Ces concepts transitionnels permettraient d’interroger la co-activité en jeu dans les apprentissages scolaires. Ainsi, pour comprendre l’activité d’un enseignant en situation de faire classe, il s’agit de repérer les organisateurs de son action. Ces derniers permettent à l’acteur, enseignant en situation de faire classe, d’établir un diagnostic de la situation, le modèle opératif du sujet étant construit à partir du but de son action. Il s’agit ensuite de relier ce modèle opératif au modèle cognitif lui correspondant. Notons que le modèle opératif déforme la réalité dans la mesure où l’acteur rodé à l’activité possède un modèle opératif relativement fidèle à la structure conceptuelle de la situation, contrairement au novice construisant le sien. Enfin, dans le cadre d’un travail interactif comme celui de l’enseignant, il devient nécessaire d’analyser conjointement activité du maître et activité des élèves, puisque la situation englobe les deux acteurs.

Ainsi considérées, des convergences certaines éclairent notre propre perspective tant en matière de conception des apprentissages qu’en matière de procédures méthodologiques, eu égard au type de situation d’apprentissage dont relève un métier reposant fortement sur l’interactivité des sujets.

2.7 Le rôle central du langage dans le développement

Nous défendons l’idée d’une réflexivité professionnelle soutenue par le langage sur et dans l’action. En effet, le langage nous paraît être à la fois l’instrument principal de travail pour la conduite de l’action dans la classe et une fenêtre sur le développement professionnel.

Nous soutenons l’idée d’une relation de réciprocité entre l’activité du maître et celle des élèves. La notion de co-ajustement restitue la nature de la relation qui existe entre les deux. L’étude des différentes postures, celles des maîtres et des élèves en situation d’interaction en classe, en rend compte.

Il existe également, selon nous, un lien très fort entre le développement professionnel des maîtres et l’accompagnement de ce processus. Les conditions favorisant cette professionnalisation sont, d’après nous, déterminantes. Elles se jouent dans la co-activité entre le maître et ses élèves d’une part, dans la co-activité entre le formé et son formateur d’autre part, au sein du principe de l’alternance de discours multiples en formation. Cette co-activité se construit donc et se joue entre les différents acteurs, enseignant et élèves, en grande partie à travers le langage. Soulignons que les discours des formateurs de terrain ne sont pas exactement les mêmes que ceux des formateurs du centre, qui livrent un discours plus didactique que pratique. Cette alternance de discours peut générer de l’inquiétude chez les formés, dans la mesure où le manque de pratique ne les autorise pas à faire des liens rapides entre théorie et pratique.

Notre ambition est de mettre l’accent sur le rôle intégrateur du langage dans la classe, et ce, en restituant au langage la place qui lui revient dans un premier travail ergonomique de description à grain fin des activités scolaires réelles et dans un second travail d’analyse visant à repérer les marqueurs verbaux et extra-verbaux du maître et des élèves. L’ergonomie du travail enseignant passe ici d’abord par la transcription des discours en situation de classe. La première étape est de recueillir les verbatims qui retracent les interactions entre les acteurs. La suivante est l’analyse des verbatims en vue de repérer ce qui se joue entre les acteurs. C’est principalement à travers le langage que s’effectuent des transactions, des négociations ou que se créent des malentendus sur l’objet du savoir travaillé. Nos recherches sur le langage en tant que fenêtre sur la co-activité des acteurs portent donc sur le développement du langage partagé entre l’enseignant et les élèves, sachant que ce dernier est le vecteur privilégié du développement culturel, social, identitaire, cognitif et affectif des acteurs impliqués. Loin d’être transparent, le langage est à la fois le milieu dans lequel les individus s’organisent sur le plan cognitif et le milieu dans lequel se négocient des significations au cours d’activités langagières réflexives. Il est en même temps instrument de ce travail de secondarisation. Bautier (2004) utilise ce terme pour rendre compte des difficultés d’appropriation de l’univers « second » des savoirs et du langage pour l’élève.

Nous faisons l’hypothèse d’un développement conjoint et partagé entre l’enseignant novice et ses élèves. Il y a en effet fort à parier que ces premiers moments d’ajustement langagier entre le stagiaire et ses élèves produisent des représentations plus ou moins consensuelles entre les acteurs, et que c’est sur cette heuristique commune que se joue et se construit probablement la dévolution de problèmes didactiques sensibles. Ce concept de Brousseau (1998) désigne l’acte par lequel l’enseignant fait accepter à l’élève la responsabilité d’un problème à résoudre.

2.8 Hypothèses de recherche de notre étude

Notre dispositif s’est appuyé sur quatre hypothèses de recherche correspondant à quatre registres ; le niveau praxéologique, le niveau conceptuel, le niveau symbolique et le niveau langagier précédemment évoqués. Selon ces hypothèses :

  • la temporalité joue un rôle déterminant dans l’évolution des postures de la stagiaire durant son stage. La durée autorise la re-prescription du travail par la stagiaire sur la semaine suivante. D’écart en écart, avec l’effet de modalisations en cascade, il se produit un certain développement ;

  • la compréhension de la complexité de ce qui se joue en matière didactique se fait progressivement. Les gestes d’ajustement répondent à ces nouveaux problèmes ;

  • la résolution de conflits d’identité s’amorce avec la représentation de soi agissant. Il existe des états d’instabilité identitaire précédant la réflexivité du sujet en formation ;

  • l’analyse du langage permet d’appréhender les savoirs qui se construisent chez la stagiaire dans leur nature émergente et intermédiaire.

Ces hypothèses restent à valider ou à infirmer par les résultats de notre étude.

3. Méthodologie

3.1 Sujets

Examinons préalablement le contexte et faisons, dans un premier temps, l’analyse didactique de la tâche de l’enseignante stagiaire dans un atelier d’écriture en classe de Cours préparatoire en Zone d’Éducation Prioritaire (ZEP), de mars à juin 2008, afin de mesurer le chemin parcouru par la stagiaire dans le dispositif. La classe de Cours préparatoire se situe en seconde année de cycle 2, le cycle des apprentissages fondamentaux. Elle correspond à la première année de scolarité à l’école élémentaire française. Il s’agit de faire vivre une première expérience d’écriture à des élèves âgés de six ans qui entrent tout juste dans l’écrit. L’objet enseigné en atelier d’écriture porte donc sur un entrelacs de contenus didactiques complexes ! En effet, pour écrire, il faut résoudre des tâches multiples et complexes, comme par exemple faire correspondre une lettre à un son, où encore segmenter correctement les mots de la phrase.

L’objectif est d’initier les élèves aux codes culturels de la langue écrite. Il s’agit de codes scolaires autant que sociaux, de savoirs épistémiques et, enfin, de savoirs techniques d’ordres textuel, graphique, syntaxique et phonique. En bref, la tâche de l’enseignant est de faire identifier aux élèves les composants phonologiques d’un mot, de les leur faire fusionner en vue de reconstituer l’unité mot et ainsi de développer leur capacité à segmenter la chaîne orale pour passer à la langue écrite. Sa tâche consiste également à mettre en réseau le niveau lexical (identifier des phonèmes correspondant aux graphèmes), le niveau syntagmatique (le mot, la phrase, le texte) et le niveau sémantique (découpage en unités de sens), nécessaires à l’apprentissage du lire-écrire pour les élèves.

En outre, ce type de dispositif, contraignant quant aux gestes de pilotage, de tissage et d’étayage, nous semble générateur et accélérateur de compétences pour le maître ainsi confronté à des noeuds didactiques de toute première importance.

En effet, le dispositif Atelier dirigé d’écriture a été proposé à 25 stagiaires professeurs des écoles, en deuxième année du cycle 2, au cours de l’année scolaire 2007-2008, à l’Institut Universitaire de Formation des Maîtres de Montpellier. Seuls deux stagiaires sur les 25 (qui ont réalisé des ateliers dirigés d’écriture dans le cadre du dispositif de formation) ont été filmés et autoconfrontés à leur activité de classe durant leur stage dans le cadre de nos travaux de recherche et faisant l’objet d’une thèse. Le dispositif Atelier dirigé d’écriture a été suivi par l’équipe de recherche du Laboratoire Interdisciplinaire de Recherche en Développement en Éducation et en Formation, dans le cadre d’un contexte expérimental d’un projet intégrateur visant à articuler didactique et pédagogie. Notre étude longitudinale a donc été réalisée sur quatre mois dans un contexte particulier, celui d’une Zone d’Éducation Prioritaire à partir d’un dispositif également particulier, l’atelier d’écriture. Avec la dixième compétence énoncée dans le Référentiel français (2007), commun à tous les enseignants, de la maternelle au lycée, qui est Se former et innover, l’enjeu est de se former avec mais aussi contre son milieu, milieu où l’écriture est généralement peu développée en classe de Cours Préparatoire. Sans compter que le geste articulatoire, et donc la relation phonie-graphie, est plus difficile à appréhender chez des enfants issus de l’immigration.

L’hypothèse de départ sur la chronogénèse du développement professionnel est que cette maturation ne peut être mesurée que sur une amplitude suffisamment importante, ici en fin de seconde année de formation sur quatre mois plein. Également selon cette hypothèse, le développement en question peut être accéléré sous certaines conditions, comme ici la conduite d’un dispositif particulier. En effet, les savoirs d’ordres scolaire et épistémologique ont été travaillés en amont chez les stagiaires en première année pour la préparation au concours. En seconde année, les savoirs d’ordres didactique, pédagogique et ergonomique travaillés en centre de formation s’appuient sur l’expérience pratique de la classe accumulée lors du stage pratique filé en responsabilité, notamment lors des analyses de pratiques régulièrement effectuées au centre. Aussi l’étude intervient-elle en aval lorsqu’il est vraisemblable que tous ces intervalles de temps aient joué leur rôle, à un moment précédant la titularisation des stagiaires, avant l’obtention de la certification préalable à la nomination en poste de titulaire première année.

L’expérience s’est déroulée sur dix ateliers d’écriture, vidéoscopés et auto- confrontés à chaud, c’est à dire immédiatement après la séance, par la même stagiaire, dans une classe de 21 élèves entrant à l’école primaire dans la banlieue de Montpellier. Le stage vise à entraîner les enseignants à la pratique de la classe et à les mettre en situation réelle. En outre, la durée hebdomadaire autorise le stagiaire à mûrir cette expérience professionnelle renouvelée et à alimenter sa réflexivité dès l’entrée dans le métier. Dans le cadre de l’étude, soulignons que la stagiaire en question s’est retrouvée dans un contexte professionnel relativement problématique, avec une classe d’élèves de faible niveau scolaire, dont une élève jamais scolarisée et nécessitant un très fort engagement professionnel de sa part.

3.2 Instrumentation

La méthodologie utilisée est celle de l’analyse clinique qui s’intéresse à un seul cas. Nous disposons des enregistrements vidéo des séances-classe animées par la stagiaire sur un cycle complet de 10 ateliers d’écriture et de leur retranscription intégrale sur des séances hebdomadaires d’une trentaine de minutes. Ces verbatims ont fait l’objet d’un premier travail de repérage des gestes professionnels de l’enseignant, selon les cinq catégories retenues par l’équipe de recherche dirigée par Bucheton (2009) à propos des préoccupations de l’enseignant. Enseigné aux stagiaires en seconde année de formation, ce cadre théorique vise à expliciter les différents gestes professionnels de l’enseignant et à rendre compte des différents niveaux d’imbrication de son activité de classe. Cette modélisation de l’agir enseignant autorise l’initiation puis l’entraînement des stagiaires à l’analyse de pratiques d’enseignants experts ou novices, dont l’activité de classe a été filmée. Le fait de disposer de concepts communs, enseignés et partagés au centre par la communauté éducative, doit faciliter la mobilisation de notions et concepts théoriques en situation de classe par les stagiaires. Cet outil théorique destiné à éclairer la pratique se révèlera précieux dans la conceptualisation des situations de travail par la stagiaire suivie.

D’autre part, selon la méthode préconisée par Clot (1999), des entretiens d’autoconfrontation du sujet, à la suite de son activité, ont été réalisés sur des extraits de chaque séance. Les entretiens ont pu porter sur différents moments de classe, sélectionnés par la stagiaire en fonction de ses préoccupations, le but étant de recueillir une première interprétation des évènements qui lui paraissaient significatifs. Ces entretiens ont ensuite fait l’objet d’une analyse verbale. À cette fin, nous avons utilisé les marqueurs verbaux retenus par Kerbat-Orecchioni (2002) et Sarfati (1997). Notre travail d’analyse a consisté à repérer des thèmes centraux, c’est-à-dire récurrents pour les locuteurs, puis à les mettre en relation, afin de faire apparaître des occurrences significatives en termes de changement de « posture » professionnelle chez les enseignants formés. Concrètement, il s’agissait d’enregistrer des indicateurs susceptibles de formaliser une nouvelle pensée, qu’on appelle ici des savoirs intermédiaires. Ainsi, nous avons pu enregistrer des glissements de discours au sujet d’indicateurs forts tels que l’objet lire-écrire, en relevant toutes les modifications de représentations de la stagiaire à ce sujet, ou encore d’indicateurs comme la prise en compte du sujet apprenant, en relevant les propos qui concernaient les aménagements pédagogiques réalisés par la stagiaire. Nous avons repéré les marques de subjectivité et de transformation du discours dans le temps avec l’intention de mettre à jour les propres règles d’action de la stagiaire. Ces règles se sont construites de façon progressive dans chaque situation de classe. La mise en relation de propos réitérés dans le temps, avec leur ancrage axiologique, nous a permis d’établir des sortes de seuils caractéristiques d’une première évolution professionnelle chez la stagiaire observée. Tout au long des entretiens, nous avons porté notre attention sur le codage des thèmes centraux, répertorié les énoncés à partir des verbes modaux, repéré les substantifs et adjectifs subjectifs ainsi que les adverbes modalisateurs d’énoncé. En ce sens, notre analyse du langage à partir de la classification préconisée par Kerbrat-Orecchioni (2002) nous a permis de mieux appréhender des savoirs intermédiaires révélateurs d’un savoir-analyser fondamental à effectuer lors de premiers pas dans l’interactivité du métier enseignant. Les règles personnelles d’actions se font jour (par exemple, accompagner tous les élèves, y compris ceux qui se montrent les moins disponibles), les gestes et postures sont nommés, portés à la conscience de l’auteur, enfin mis à jour et homologués sur la scène scolaire institutionnelle.

L’intérêt de cette méthodologie de recherche et de formation, qui conçoit l’apprentissage selon un mode collaboratif où le formé en verbalisant devient co-constructeur de sens, est double ; elle offre au formé la perspective d’inscrire un premier répertoire de gestes dans un dispositif collaboratif où sa relation à la pratique est médiatisée par un pair ; ensuite, elle lui permet de remonter du niveau des solutions à celui des problèmes, et donc de dépasser le stade de la prescription pour passer au stade de la réflexion. Ainsi, l’entretien suivi d’effets sur la pratique autorise le sujet à prendre conscience des problèmes qui organisent l’activité, le plus souvent à son insu. Enfin, du point de vue de la recherche, la méthodologie s’appuie sur des données in  vivo, ré-exploitables à souhait.

Nos hypothèses de départ concernant la temporalité et le langage vecteurs de développement prennent ici toute leur signification.

3.3 Déroulement

Globalement, Les premiers résultats issus du travail d’analyse verbale et comportementale font apparaître des évolutions qui concernent les représentations du savoir à enseigner, les postures adoptées par la stagiaire, la vision des apprenants et, enfin, et de façon corrélative, des évolutions en termes de développement identitaire propre à la stagiaire. Pour les besoins de la recherche, nous avons retenu des catégories particulièrement saillantes dans le champ de la professionnalité enseignante.

On peut dire que le processus de (re)construction s’est déployé sur la durée de l’année de formation, dans une mouvance d’allers-retours entre grilles de lecture théorique d’action que s’approprie le sujet en formation d’une part, conceptualisation de règles d’action propres d’autre part et concepts pragmatiques. La grille de lecture théorique d’action concerne le métier pensé (comme lorsque l’on fait travailler les stagiaires sur des fiches de préparation) et qui est à opposer au métier réel (avec la gestion des imprévus qui est à intégrer au cours d’action). En effet, le sujet utilise des cadres conceptuels pour interpréter le cours d’action. C’est, par exemple, le cas du cadre conceptuel du multi-agenda, où différents concepts, tels que le pilotage ou l’atmosphère de la classe, lui permettent d’interpréter ce qui se joue dans une vidéo de classe faisant intervenir un pair.

Quant aux concepts pragmatiques, ils comprennent les gestes et postures adoptés par la maîtresse en formation, c’est à dire la stagiaire, en situation de classe, en cours d’année. Ce type de concepts fait explicitement référence au principe de la double conceptualisation dans l’action, confirmée ici. On peut schématiquement traduire le développement identitaire et professionnel de la stagiaire en boucles d’autoprescription de l’activité, activité revisitée ou prescrite de nouveau par la stagiaire en entretien d’autoconfrontation A1, A2… jusqu’en A10. Notre recherche s’appuie nécessairement sur le point de vue de l’actrice concernée ; en effet, la stagiaire étant la seule à pouvoir mettre à jour ses propres logiques d’action, ses intentions, ses préoccupations et émotions, c’est elle qui prendra précisément l’initiative de les transformer dans le temps… Ainsi, les dilemmes, réussites et empêchements rencontrés lors du stage l’ont amenée en cours de dispositif à reconsidérer simultanément plusieurs plans imbriqués de son activité.

3.4 Considérations éthiques

Soulignons que notre protocole de recherche repose sur la libre participation du sujet. Les modalités du dispositif ont fait l’objet d’un accord oral avec la stagiaire, d’un accord écrit avec les élèves en ce qui concerne le droit à l’image. À tout moment, ces accords garantissent l’arrêt de l’observation quelle que soit la raison invoquée, ainsi que la restitution intégrale des images filmées et l’ensemble des données de premier et de second rang issues du travail de la recherche. L’anonymat des participants ainsi que la transmission de l’information sur les résultats de la recherche leur ont été garantis. En outre, avec l’accord de la chercheuse principale, un certain nombre de verbatims ont été utilisés par le second stagiaire suivi dans le cadre de son mémoire professionnel de fin d’année.

Enfin, un entretien semi-directif a été réalisé avec l’enseignante stagiaire dans le but de mieux appréhender les tenants et les aboutissants d’une expérimentation reposant sur l’adhésion et l’engagement du sujet. Mentionnons que l’entretien semi-directif s’oppose à l’entretien d’autoconfrontation, qui laisse une grande latitude au sujet. Rendu anonyme, l’entretien semi-directif avait ainsi pour but de s’assurer que le dispositif d’étude longitudinale (étude de cas particulier) à l’oeuvre soit performant. Il a permis de poser les intérêts et limites du dispositif envisagé dans le cadre de la recherche. Notre contribution s’est volontairement limitée au rôle de l’enquêtrice dans l’accompagnement de ce dispositif, sans autre statut qui aurait pu modifier les activités et les propos des sujets.

3.5 Méthode d’analyse des données

Comme il s’agit d’une méthode d’analyse qualitative, reprenons nos hypothèses de recherche pour configurer les étapes du processus de développement étudié : premièrement, la chronogénèse joue un rôle essentiel dans l’évolution des postures de l’enseignante novice durant son stage ; deuxièmement, la compréhension de la complexité de ce qui se joue en matière didactique se fait progressivement ; troisièmement, la résolution de conflits d’identité s’amorce avec la représentation du sujet agissant, et quatrièmement, l’analyse du langage permet d’appréhender les savoirs qui se construisent chez la stagiaire, dans leur nature émergente et intermédiaire. Cette dernière hypothèse, abordée sous l’angle de l’analyse énonciative, nous autorise à considérer l’atelier d’écriture comme un format de communication particulier, remettant en cause la position dominante de l’enseignant. Empruntée à la linguistique, la notion d’énonciation rend compte d’un acte individuel de production d’énoncé, adressé dans certaines circonstances à un destinataire. Moins matérielle que l’énoncé, l’énonciation est plus difficile à cerner que celui-ci. C’est l’idée de complexité qui gagne à être reconnue ici grâce à ce terme qui intègre les conditions de production d’un énoncé, jamais neutres, ni objectives…

Au sein de l’atelier, la règle de sur-énonciation (Rabatel, 2007) n’étant plus de rigueur, elle laisse place à d’autres rapports de domination et d’autres types de discours. Le constat de sur-énonciation a été fait par l’auteur, pour lequel la parole de l’élève en situation de classe est traditionnellement peu prise en compte, voire confisquée par un maître sur-énonciateur. Différentes postures énonciatives sont développées par Rabatel (2007), qui s’intéresse à la notion de point de vue des interlocuteurs. Notons que nous avons fait porter nos analyses sur des moments particulièrement stratégiques, comme l’ouverture de l’atelier où l’intention de communication est forte, de façon à observer l’évolution de l’enseignante sur les dix ateliers. Par exemple, lors des séances, il s’agissait pour nous de repérer l’injonction vas-y énoncée par Isabelle autorisant l’élève à entrer dans la tâche préalablement définie.

4. Résultats

4.1 Modification des représentations ; de la confusion à la conception des obstacles

En tout début de dispositif, la représentation initiale du lire-écrire est confuse chez la stagiaire. Ces savoirs ont pourtant été travaillés en première année de formation, mais ils n’ont visiblement pas encore été mobilisés. Il en ressort un sentiment d’insatisfaction de sa part. Le travail engagé avec les élèves dans le premier atelier d’écriture sur les relations grapho-phonologiques lui paraît dominant, au mépris d’autres aspects plus intégrateurs du savoir travaillé. Son discours l’illustre lors du premier entretien d’autoconfrontation aux énoncés 148 et 150 : … il ne faut pas confondre l’atelier d’écriture et la syllabique, mais voilà, moi où sont mes limites… donc là, je suis un peu à côté. La stagiaire a conscience d’une dissonance entre des savoirs théoriques et le savoir opératif interrogé en situation de classe.

Au cours des ateliers et entretiens suivants, la stagiaire construit ou reconstruit des concepts organisateurs de l’action. Progressivement, des morceaux de cet objet du savoir lire-écrire émergent. Dans le second atelier d’autoconfrontation, elle expliquera :

Juste pour dire par rapport à la dernière fois où j’ai pas assez insisté sur le destinataire justement de l’écrit et sur ce que ça allait devenir… je m’étais pas rendu compte…donc là voilà… j’ai pris quelques secondes quelques minutes de plus pour bien expliquer que c’était leur livre, pour emmener chez eux.

énoncés 1 et 3

La spécificité de la lecture-écriture apparaît. Sa représentation mue ensuite en cours de dispositif pour se transformer en une vision plus contrastée du lire-écrire, avec une conscience de rythmes différents pour chaque apprenant. En fin de dispositif, elle aura construit une conception développementale du savoir chez les élèves, où les obstacles singuliers de chacun sont à fédérer dans un réseau de co-construction collective de sens. Pour illustrer ce déclic, elle exprimera dans le sixième entretien :

… quand je lui ai dit maintenant on passe à la phrase… ça ça… ça m’avait pas interpellée les fois précédentes… ça, ça m’a interpellée, je me suis dit ah ! D’accord … y’a ce travail-là à faire pour arriver à la phrase ! À l’oral !

énoncés 23 et 27

La stagiaire perçoit des obstacles didactiques majeurs au projet d’écriture d’une phrase ; se pose à elle la question cruciale de la construction d’une structure syntaxique approximative ou normée, d’une construction personnelle ou imposée, d’une mise en lien effective des différents niveaux des éléments composant l’unité phrase (lexical, syntagmatique et sémantique). La dimension syntaxique et méta-langagière apparaît.

Il faut ainsi plusieurs mois de pratique pour reconstruire quelques savoirs didactiques nécessaires à la conduite de l’atelier d’écriture, avec cette redécouverte d’un noeud didactique crucial pour l’élève qui doit passer d’une syntaxe orale à la syntaxe très spécifique de l’écrit. La situation d’écriture accompagnée est par ailleurs celle où les enfants apprennent le plus sur l’écrit, ainsi que l’affirme Brigaudiot (2006).

4.2 Convocation d’une panoplie de postures d’étayage : du contrôle à l’ouverture

En cours de dispositif, on constate également un cheminement dans l’installation de postures professionnelles. Le terme postures a été défini par Bucheton (2002) ; il s’applique aux élèves et aux maîtres qui convoquent, dans le cours d’action, des postures d’étayage différentes en fonction des possibles de la situation. En début de dispositif, la posture convoquée est une posture de contrôle, habituelle chez les novices. C’est une configuration surplombante de gestes professionnels visant à contrôler l’avancée didactique de la situation. Dès le début du dispositif, s’amorce un conflit intérieur où surgissent doutes et interrogations sur les gestes d’ajustement nécessaires au pilotage du groupe, conflit dont témoigne la retranscription du second entretien.

Mais je pense que j’ai osé être un peu plus directive.

énoncé 56

La dernière fois, voilà, j’osais pas trop (geste des mains)… enfin bon voilà, c’est toujours pareil… se positionner… est-ce qu’on les bride pas trop ? Est-ce que… bon là, j’ai fait ce choix-là en me disant je les pénalise un peu plus, et puis je sais que c’est un groupe qui est… qui a priori… et je pense en plus que c’est une erreur… mais qui fonctionne un peu moins bien… donc je m’étais dit je vais un peu plus les guider… mais bon.

énoncé 60

Brider, guider, contrôler, des dilemmes sont là.

S’ensuivent des gestes d’étayage de plus en plus nombreux et ajustés à la Zone de proche développement. Établi par Vygotski (1934/1997), ce concept sert à rendre compte d’une zone d’apprentissage idéale chez l’apprenant et susceptible d’être étayée par l’adulte médiateur de connaissances. L’enseignante novice explore alors la posture d’accompagnement en classe à mi parcours du dispositif. La posture d’accompagnement est une configuration de gestes professionnels visant à étayer la tâche de l’élève, au sens de Bruner (1998), en laissant à l’élève le temps de l’essai, du tâtonnement et de la réflexion Les retranscriptions du cinquième entretien rendent compte de cette ouverture. Les difficultés des élèves en ce qui concerne les relations grapho-phonologiques sont prises en compte. Ce type d’obstacle est perçu comme un élément à considérer : Et ça, moi je l’ai découvert en ZEP, je pense ! (énoncé 10).

Les relations lettres-sons sont abordées à la façon de situations-problèmes à résoudre pour les apprenants. Les gestes d’étayage de l’enseignante-stagiaire visent à faire apporter une réponse singulière autant que collective. Il s’agit pour elle de faire dire (énoncé 2) : … je voulais que ça vienne d’eux … ; de faire voir (énoncé 7) : tout le monde n’a pas vu où c’était écrit le mot gomme …donc voilà je propose à Jason de montrer … ; de faire entendre (énoncé 8) : Donc là j’insiste hein ! Comme … comme … enfin plusieurs fois pour que … (main portée à l’oreille) ; de faire écrire (énoncé 57) : donc là voilà pareil hein ! Je m’arrête sur le mot fait F… A… I… T, qui avait été écrit phonétiquement ; de faire corriger (énoncé 68), en insistant sur les points de grammaire comme le A phonétiquement, c’est le A tout seul… le A avec accent, ils connaissent… ils ont déjà vu … ; de faire réfléchir les élèves à l’énoncé de leur production écrite (énoncé 81) : Alors je demande à Jawad hein de … ce qu’il a écrit, c’est très phonétique, et parfois avec des erreurs, mais de retranscription et je lui demande donc de relire ce qu’il a écrit pour voir s’il arrive à se rendre compte de ses erreurs ; et ainsi travailler le lien oral-écrit avec la question du sens, de la recevabilité de ce qui est énoncé.

En fin de dispositif, la stagiaire convoquera plusieurs postures ; elle passera de la posture d’accompagnement à la posture d’enseignement avec l’intention de rendre explicite à l’élève l’objet du savoir travaillé, ici essentiellement les choix grapho-phonologiques, de façon à faire mémoriser des règles et à faciliter des opérations de transfert. La posture d’enseignement est une configuration de gestes professionnels visant à apporter des réponses didactiques précises aux élèves. L’énoncé 114 du sixième entretien confirme cette posture ouverte :

Dans la mesure, voilà, où elle s’est posé des questions pour écrire elle… et qu’elle a fait des choix à un moment donné… voilà, je lui explique voilà, maintenant la norme, comment ça doit être. Toi, tu as fait ce choix-là, qui est des fois justifié, qui est des fois bien, mais en fait ça s’écrit comme ça, et je lui explique, oui pour telle et telle raison, en me disant ben peut-être de cette façon, elle le fixera bien… quand je donne des explications ou…

4.3 Une acuité qui s’aiguise : d’une vision floue du groupe classe à une vision singulière des élèves

En cours de dispositif, la vision que l’enseignante novice a des apprenants se modifie. Elle passe d’un collectif indissocié d’élèves au premier entretien : Oui, mon souci, c’est toujours d’avoir toujours l’adhésion de tout le monde (énoncé 47) ; pour voir un collectif plus hétérogène au troisième entretien, … bon, les trois groupes sont passés… ils ont fait leur phrase…c’est le seul groupe qui a émis la volonté de faire sa phrase. J’ai pas le souvenir que les deux autres m’aient dit : « On va faire notre phrase » (énoncé 123) ; pour se pencher enfin sur des sujets singuliers, comme on observe au sixième entretien :

… alors voilà donc, puisqu’elle a bien avancé, je vais lui faire le modèle, et ben comme la semaine dernière, pour qu’elle en tire quelque chose pour… d’aller au-delà de (geste) recopier une phrase, donc là, je lui demande comment une phrase commence… comment ça se termine, voilà, pour intégrer ces éléments-là.

énoncé 106

Elle médiatise le rapport au savoir de l’apprenant. En fin de parcours, au septième entretien, elle est capable de distinguer des sujets avec des obstacles cognitifs particuliers, et de percevoir les représentations-écrans faisant obstacle à leur apprentissage :

En fait, je sais pas, mais je me pose toujours beaucoup de questions avec Angel… pour justement aller bien dans la tâche, pour… parce que je pense qu’il est capable en plus, hein…

énoncé 145

Voir la singularité des élèves est un enjeu majeur pour la professionnalité enseignante et marque bien une étape dans le parcours professionnel de la stagiaire.

4.4 Une métamorphose identitaire et professionnelle : de la souffrance à la conscience

Le développement identitaire qui accompagne les différents plans de cette transformation professionnelle est parfaitement conscientisé. Le registre axiologique de cette actrice en devenir nous renseigne sur les différents stades rencontrés. Chaque stade se rapproche du concept développé par Bandura (2003), quand il évoque le sentiment d’efficacité personnelle. L’actrice exprime son sentiment d’échec dans un discours très dévalorisé en début d’entretien :

Non. Dans ma tête, c’est il faut que je les ramène dans la tâche. Euh… Comment faire ? Bon, Angel, de toute façon, c’est un élève très agité, enfin, c’est un élève qui bouge, voilà… Voilà. Alors peut-être que trop de temps s’est écoulé, je sais pas. Bon, je revois encore le film et j’ai pas de, enfin… pas de solutions.

énoncé 95

Elle passe rapidement à une capacité plus éprouvée sur certains points didactiques, dès le second entretien :

Ben voilà, ça, ça fait partie des questions que je me suis posées. Alors, autant c’est important qu’ils écrivent… enfin qu’ils apprennent à écrire, donc ils écrivent comme ils le pensent, autant certaines choses qu’ils ne peuvent pas écrire… alors ça, c’est des questions : Est-ce qu’il faut dire ou pas ? Est-ce que ? Et finalement, oui, parce qu’il y a quand même des règles orthographiques, des règles de grammaire… C’est une question que je m’étais posée et puis, en échangeant avec des maîtres-formateurs à l’IUFM, ben oui j’en suis arrivée que, finalement, peut-être que c’est bien de leur dire de temps en temps, ben voilà.

énoncés 101 et 105

En milieu de dispositif, la stagiaire est à même de se décentrer, de s’observer agissant avec la vision d’un tiers, comme on peut le relever dans le quatrième entretien :

Bon, quand j’y étais sur le moment… bon, je trouvais que c’était un peu dur à les entraîner… (geste de la main) pas… j’ai pas le même ressenti… enfin là, je trouve que c’est encore plus dur de le voir ! Enfin plus dur dans le sens… enfin ça piétine quoi…

énoncé 97

En fin de dispositif, elle entre de plain-pied dans la complexité d’un système d’interactions verbales, ce qui l’amène à s’interroger sur la nature et le rôle du langage en tant que vecteur ou obstacle aux apprentissages scolaires. L’actrice descend alors à un grain plus fin de problématisation et découvre des noeuds didactiques fondamentaux du savoir lire-écrire. Elle prend conscience, dans le septième entretien, du fait qu’ils en sont pas au même niveau, ils ont pas les mêmes difficultés, pas les mêmes obstacles, pas les mêmes … (énoncé 21).

Elle éprouve la complexité d’un système où les différents niveaux de sémiotisation sont imbriqués, avec ce qu’on peut relever dans le neuvième entretien :

Le concept de mot n’est pas clair pour elle (en parlant de Rose-Marie, élève en difficulté) et puis moi, en même temps, je me dis mince, c’est peut-être moi qui ai trop segmenté en faisant (signe des mains visant à séparer les deux syllabes) pa… rents, donc là, voilà à ce moment-là, je me dis … je suis un peu embêtée parce que …

énoncé 15

On voit ici l’intérêt de traces énonciatives repérées dans son discours ; on peut à la fois suivre la conceptualisation de problèmes qu’elle a repérés et relever les traces des instruments théoriques dont elle dispose, et qui sont incorporés en situation de classe.

5. Discussion des résultats

Les résultats de l’étude mettent en évidence des indicateurs pertinents du point de vue de la professionnalité enseignante ; ce sont en effet des savoirs professionnels intermédiaires qui sont ici les vecteurs d’un processus décomposé et analysé pour les besoins de la recherche en seuils, en étapes plus ou moins durables d’une maturation qui met souvent des années à se peaufiner en termes d’expertise professionnelle. Ainsi ces savoirs pour agir et penser sa pratique sont-ils révélateurs de stades identifiables pour le formateur averti. Quant au travail engagé sur l’analyse énonciative, il nous semble prématuré de tirer des occurrences encore trop partiellement significatives dans une étude inachevée et qui nécessiterait une analyse comparative.

Rappelons que nous défendons l’idée d’une construction sociale et singulière accompagnée dans la formation. Les premiers résultats laissent apparaître une mobilité d’énonciation qui s’élargit en cours de formation, passant de la posture du je au nous partagé par une communauté de praticiens. L’entrée dans le métier semble passer par des étapes constitutives d’un long processus. Il s’agit d’un processus d’appropriation et d’intégration de savoirs communs à la profession.

Le processus de développement observé ici et accompagné par le groupe de formateurs est le fruit d’une culture commune. L’activité de l’apprentie enseignante est représentée par le pluri-agenda du maître, système rendant compte de l’enchâssement de préoccupations multiples, hiérarchisées et modulaires. L’utilisation de cet outil laisse des traces conceptuelles facilitatrices chez les formés. En effet, l’utilisation d’une terminologie commune autorise l’utilisation plus claire de certains concepts clés dans la partie entretiens d’autoconfrontation. Ces concepts clés constituent le socle commun de connaissances didactiques travaillées tout au long de la formation des maîtres. Nous en avons de multiples traces dans les entretiens. Notons qu’ici ce développement est également accompagné par le chercheur. La question d’apprentissage professionnel soulevée en début d’article semble bien s’appuyer sur l’intégration progressive de connaissances didactiques (le savoir quoi enseigner) à des savoirs pragmatiques s’appuyant sur l’expérience de la classe (le savoir comment enseigner), par le biais de savoirs particuliers mis en mots, vecteurs d’une intégration réussie (le savoir-analyser).

S’agissant d’un cas d’étude clinique et de ses limites, l’hypothèse selon laquelle le processus doit être accompagné par des discours croisés est vérifiée. Le double processus de développement évoqué par Pastré (2008) est également vérifié. Il permet à la stagiaire d’adopter des postures plus diversifiées. La distance réflexive entre le sujet en formation et son activité professionnelle se lit dans sa capacité à faire parler le métier avec des concepts précis. Disposer de concepts pour analyser son travail autorise la stagiaire à conceptualiser des situations de travail. Par opposition à une relation (uniquement) pensée à son travail, cette dernière est ainsi passée d’une relation agie à son travail, avec des compétences incorporées, à une conceptualisation de son action. Il s’agit bien de compétences totalement incorporées, dans la mesure où c’est le corps agissant de la stagiaire qui lui fournit des indications sur son activité en classe, et non plus ses seules représentations de la situation de classe. Cette étape est nécessaire pour se comprendre, soi et son agir. La question du temps est également posée dans ce type de dispositif en tant que vecteur de transformation identitaire.

Il semble que le dispositif de l’atelier, avec le rôle de la mini-classe, allège le travail de la stagiaire, un travail au centre et non à la périphérie, comme nous l’avons identifié en début d’article. Il facilite l’entrée dans le métier en même temps qu’il interroge les résistances identitaires.

Par ailleurs, le rôle du contexte apparaissant comme un obstacle a priori devient ici, en situation, un enjeu social stimulant au regard de l’engagement de la stagiaire. Son développement professionnel est bien situé dans un environnement teinté de fortes contraintes socioculturelles. Son expérience s’inscrit et se construit dans des cadres personnels et professionnels multiples, selon la terminologie empruntée à Goffman (1974).

Le débat sur un véritable développement professionnel des maîtres peut s’amorcer sérieusement dès lors qu’il est fonction de véritables conditions d’intégration d’une expérience pleinement réfléchie par le stagiaire. Corroborée par Tochon (1996), notre méthodologie du rappel simulé (prise de conscience du sujet revenant sur son activité) présente l’avantage d’une cognition et métacognition en action, autorisant l’avancement des connaissances en éducation sur la question précise du développement professionnel.

6. Conclusion

En analysant la pratique d’une enseignante stagiaire, notre objectif était de repérer et de mesurer la nature de son développement. Notre méthodologie s’est appuyée sur l’analyse clinique. Elle s’est accompagnée de l’analyse des contenus verbaux et comportementaux des entretiens dans le but de faire émerger des catégories. Nous avons pu montrer que le développement était conjoint et s’établissait dans quatre registres ; les représentations de l’objet à enseigner, ici le lire-écrire, la vision des élèves, les postures et le sentiment d’efficacité personnelle de l’enseignante stagiaire. Nous avons pu également établir que le couplage fréquent des concepts travaillés en formation et évolutifs dans le temps entraînait des modifications de pratique. Notre première hypothèse (la durée joue bien un rôle crucial dans l’évolution constatée) portant sur le vecteur temps se voit confirmée.

Pour conclure sur les premiers résultats de notre étude, nous nous devons d’insister sur l’hypothèse selon laquelle il existe une forte corrélation entre le développement professionnel et l’accompagnement des conditions de ce développement. Parce que le facteur temps est en lien direct avec la réflexivité du sujet et parce que cette réflexivité ne peut s’amorcer qu’avec la représentation de sujet agissant et devenant de plus en plus performant, notre troisième hypothèse portant sur la réflexivité du sujet en formation se trouve vérifiée. La construction complexe de savoirs professionnels construits en centre de formation ou en situation de classe constitue la base de l’activité des professeurs stagiaires. Cette construction se trouve validée ou infirmée par ce qui se joue dans la pratique, de façon progressive, à partir d’une succession de situations professionnelles enregistrées ici dans des dispositifs de type atelier dirigé d’écriture. Notre seconde hypothèse portant sur la compréhension du lien pédagogie-didactique se trouve confirmée. Nous avons pu montrer en effet qu’il existe une forte corrélation entre le développement professionnel et l’accompagnement des conditions de ce développement. Cette corrélation se lit notamment par la mobilisation dans les discours réflexifs de concepts partagés et enseignés. Notre quatrième hypothèse portant sur le vecteur langage est bien accréditée.

Force est de constater que le dire est central dans le développement professionnel. La situation d’interlocution est le lieu d’actes de langage qui permettent au sujet décrivant sa propre activité professionnelle de former des représentations qui, d’intérieures, se transforment en représentations extérieures. Le dire permet en effet d’objectiver et de transformer son agir. La verbalisation, l’accès à la conscience préréflexive du sujet en formation modifie alors les actes langagiers dans la classe.

La dynamique de transformation se dévoile en partie dans l’analyse de pratiques, rendant moins opaque une activité enseignante complexe, à forte interactivité langagière, souvent imprévisible et toujours singulière. À partir de l’étude en cours, les savoirs professionnels intermédiaires mobilisés en situation de stage semblent raisonnablement stabilisés pour appréhender la professionnalité des maîtres comme un système organisé et structuré faisant sens, suffisamment pour chercher à vérifier qu’il y a bien une corrélation entre le support conceptuel de l’enseignant en formation initiale et l’ajustement d’une panoplie de gestes professionnels émergents. Ces premiers résultats sont à considérer avec précaution, dans la mesure où ils font actuellement l’objet d’une étude comparative ayant pour objectif de les corroborer ou pas. Nous reprenons cette catégorisation avec Mickael, second stagiaire, suivi pour les besoins de l’analyse comparative au cours de l’année 2008-09. Dans le prolongement de notre étude, nous cherchons à identifier et à mettre en réseau des indicateurs de professionnalité, susceptibles de faire évoluer favorablement les premiers gestes et postures professionnelles du stagiaire. Notre recherche se prolonge en s’appuyant sur la méthodologie de l’analyse clinique, suivie d’entretiens d’autoconfrontation du sujet (Clot, 1999). Nous poursuivons notre travail d’analyse énonciative en repérant des thèmes récurrents pour le locuteur, que nous mettons en relation pour faire apparaître des occurrences significatives. Notre prochain objectif de recherche est d’approfondir la question de l’émergence d’un premier répertoire de gestes professionnels chez l’enseignant stagiaire, en lien avec son sentiment d’efficacité professionnelle.