Recensions

Carra, C. et Faggianelli, D. (2011), Les violences à l’école. Paris, France : Presses universitaires de France (PUF)[Notice]

  • Michelle Bourassa

…plus d’informations

  • Michelle Bourassa
    Université d’Ottawa

S’adressant à tout public interpellé par la violence scolaire, l’ouvrage donne à voir les nombreuses variations que le concept connaît ainsi que leurs effets. Tout en montrant que la violence scolaire sévit à toutes les époques, le premier chapitre décrit l’importance de la variation des motifs (honneur, conflits sociaux, autoritarisme scolaire, inégalités sociales) à travers les âges. Le second chapitre examine la variation du concept en fonction des facteurs qu’il prend ou non en considération : l’intention de porter atteinte, le type d’atteinte (personne, biens, sécurité et vie privée), la gravité des blessures et quelle personne rapporte le geste violent (enseignants, élèves…). Cette variation sémantique affecte les statistiques portant sur son incidence. Le troisième chapitre souligne la variation des perceptions de la violence qui existe entre les élèves et leurs enseignants. Les élèves parlent peu de la violence de leurs enseignants, mais beaucoup de celle qu’ils subissent ou font subir lors de bagarres et de coups échangés dans la cour d’école. Bien qu’elle soit perçue négativement, ils confèrent à cette dernière un rôle de socialisation qui les aide à réguler leurs relations. Pour leur part, les maîtres dénoncent surtout l’agressivité des élèves et de leurs parents lorsque celle-ci porte atteinte à leur statut ou autorité et ils le font avec d’autant plus de vigueur qu’ils ne reçoivent aucun soutien de leur milieu. La violence qu’ils subissent les amène à sous-estimer la violence entre enfants. Bien que les milieux précarisés présentent un taux de violence plus élevé, qui souligne la dissonance normative entre l’appartenance sociale des enseignants et celle des élèves de même que le refus des élèves de subir les inégalités sociales, ce chapitre montre que, pour deux écoles de même statut, le taux de violence varie en fonction de l’existence ou non d’un projet de socialisation partagé par tous. L’absence de ce projet fédérateur a pour effet d’accroître aussi bien l’incidence de la violence que le sentiment d’impuissance des élèves et de leurs enseignants, les premiers dénonçant l’arbitraire et l’injustice de leur école, les seconds sanctionnant plus fréquemment les mauvais élèves. À l’opposé, les écoles qui se sont donné un projet de socialisation voient diminuer la violence entre élèves et entre élèves et enseignants ainsi que leur sentiment d’impuissance. Mettant en exergue ce caractère sociopolitique de la violence, le chapitre 4 présente divers exemples de solutions où les politiques et les règles scolaires en cohérence avec les normes du milieu communautaire favorisent un sentiment collectif d’appartenance tout en réduisant la victimisation et le cycle de violence réactive. Les auteurs concluent que la violence n’est pas un enjeu externe, attaché à des personnalités ou des milieux précarisés, mais interne et dépendant de l’existence ou non d’un effort de collégialité entre toutes les parties. Un seul bémol dans cet ouvrage, par ailleurs riche en retombées : l’historique (chapitre 1) et les données statistiques (chapitre 2) essentiellement eurocentristes, voire françaises (à l’exception de quelques données états-uniennes), peuvent manquer d’intérêt pour le lecteur canadien.