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Selon une perspective psychanalytique, l’auteure analyse le discours scolaire et sa perception par des élèves. La coconstruction du sens lors des interactions langagières dans la classe inclut des malentendus et des tensions à l’oeuvre à l’insu des enseignants et des jeunes élèves. S’appuyant sur des travaux interdisciplinaires, l’auteur examine : l’hétérogénéité du discours scolaire, qui constitue un genre de discours spécifique qui mène à la transmission du savoir ; les rôles des élèves dans les échanges langagiers en prenant en considération les rapports à l’école et au savoir qu’ils entretiennent, ainsi que les inégalités scolaires. Delarue-Breton constate que « Ce ne serait ainsi non pas tant l’hétérogénéité discursive qui ferait obstacle aux apprentissages que son caractère dissimulé ou non assumé, ce qui, à l’heure où elle envahit les pratiques langagières de la classe, est largement susceptible d’en exacerber les effets différentiateurs ».

Le livre comporte trois parties. La première, L’hétérogène et le paradoxal à l’école : à la croisée des champs disciplinaires, est consacrée à l’analyse des spécificités du discours scolaire, à l’émergence de paradoxes traitée du point de vue de la sociologie, des sciences de l’éducation et de la psychanalyse, ainsi qu’aux expériences des élèves vécues au sein de la famille et à l’école. La deuxième partie propose une réflexion autour de la notion de paradoxe et un essai de théorisation de celle-ci. L’incommensurabilité entre l’intériorité du sujet et l’extériorité du monde, d’une part, et, d’autre part, la contribution possible de l’école pour rendre le monde extérieur plus commensurable à l’homme bénéficient d’une attention particulière de la part de l’auteur. Le paradoxe est examiné à la fois en tant qu’obstacle à l’apprentissage et qu’élément déclencheur. La troisième partie du livre aborde la question de l’élaboration du sens à l’école et les écarts dans la manière dont les élèves confèrent du sens aux activités proposées dans deux matières, le français et la géographie, ainsi qu’à l’expérience culturelle et aux dispositifs scolaires qui contribuent à la communication entre l’intérieur et l’extérieur de soi.

Si le discours scolaire est traité en profondeur en tenant compte de son caractère pluridimensionnel, l’expérience culturelle et la socialisation culturelle des élèves, bien qu’elles soient souvent évoquées, sont discutables : la notion de « culturel » étant complexe, l’expérience et la socialisation culturelles, qui peuvent être définies et interprétées de multiples façons, méritent d’être explicitées davantage. De plus, la présence d’un index des auteurs et des notions traitées aurait grandement facilité le repérage dans le livre.

Par son caractère théorique, le livre s’adresse davantage aux chercheurs en sciences du langage, en éducation et en psychanalyse plutôt qu’aux non-initiés. Il s’agit d’un ouvrage réussi et agréable à lire. Bien que son titre puisse interpeller des enseignants praticiens, il ne vise pas particulièrement cette catégorie de lecteurs et n’offre pas de solutions pour intervenir dans des pratiques d’enseignement.