Corps de l’article

L’école et la nation collige les Actes d’un séminaire en trois temps tenu en 2010 à Lyon (avril), Barcelone (octobre) et Paris (décembre). Commandité par l’Éducation nationale, il s’inscrit dans un contexte où la France avait vu son vaste Débat sur l’identité nationale, lancé en 2009 dans les centaines de préfectures du pays et sur les réseaux sociaux, se transformer rapidement en une vague de xénophobie telle que plus de 50 % des Français réclamaient l’arrêt du projet. Pour ce faire, le Premier ministre, en rappelant l’importance du rôle de l’école, de l’enseignement et du corps professoral dans la création de la nation française et dans l’éducation civique, a proposé de le remplacer par la réunion d’une quarantaine de scientifiques des cinq continents, aptes à comparer les dimensions historiques du traitement par l’école de l’idée de nation dans d’autres pays, permettant ainsi d’élargir et de relativiser le cas franco-français. Devant l’urgence de calmer le jeu, le prestigieux Institut national de recherche pédagogique (devenu Institut français de l’Éducation en 2011) a été mandaté pour rédiger, en un mois à peine, un programme conforme aux objectifs et orientations définis par le Ministre de l’Éducation nationale, avec l’ultime but de fournir des armes intellectuelles et un matériel pédagogique aux enseignants (Le Figaro, 05-02-2010).

Avec une telle intervention de l’État, on pouvait s’attendre à certaines analyses « scientifiques » complaisantes. Pas du tout et l’introduction d’Antoine Prost donne déjà le ton des Actes en annonçant, en porte-à-faux à l’opinion du commanditaire : Et d’abord, l’école n’est pour rien dans la création de la nation française (p. 17). Et les spécialistes du Québec et d’une quinzaine de pays de témoigner à leur tour de leurs travaux sur l’histoire de l’école, de son enseignement, de ses manuels et de ses pratiques pédagogiques, en acquiesçant ou non à la déclaration de Prost selon leur propre histoire, leurs traditions, leurs options politiques ou leurs positions sociales. Comme dans tous les Actes, les comptes-rendus sont assujettis au format règlementaire des 10 pages, bien que certains en demanderaient beaucoup plus, alors que d’autres atteignent la limite à coup de répétitions. Ils sont répartis dans les trois thèmes imposés par le ministère : Le roman scolaire de la nation : 2 chapitres (9 textes) dont un entièrement sur le cas français ; Diversité, pluralité identitaire et école : 3 chapitres pour 15 textes, majoritairement sur l’Espagne et ses régions ; et L’école impériale : en 3 chapitres, une douzaine de textes traitant des empires, des colonies et des contextes post-coloniaux. S’ajoute, en Contrepoint, un travail passionnant sur les sources de données dans les collections des musées européens de l’école et de l’éducation qui recense le nombre et les types de documents (manuels, programmes, politiques et directives scolaires, photos, dessins, vidéos, films, documents sonores, etc.) susceptibles d’alimenter les recherches sur école et nation.

Enfin, le séminaire disposant de moyens exceptionnels, toutes les conférences se retrouvent intégralement en enregistrement vidéo sur le site de l’Institut français de l’Éducation à l’adresse : http://ife.ens-lyon.fr/manifestations/2009-2010/ecole-et-nation, une alternative bienvenue, pour le néophyte, au livre de quelque 500 pages.