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Ce petit ouvrage aborde, sous l’angle des travaux de la sociologie, la question des liens qui existent aujourd’hui entre les adolescents et l’école française. On connaît les célèbres travaux sociologiques de Bourdieu et Passeron qui, au cours des années 1960 et 1970, ont montré que le système éducatif français avait pour fonction de reproduire et de légitimer les inégalités sociales. Ces ouvrages allaient longuement alimenter la réflexion sur les fonctions de l’école en France, mais également au Québec. Le projet de l’auteure est différent ; elle examine les liens entre l’école secondaire et les adolescents contemporains, pour se poser la question suivante : L’école française se pose-t-elle contre l’adolescence ? Sa réponse est clairement oui. Même si elle reconnaît que la fonction première de l’école est d’instruire et de transmettre les savoirs, l’auteure se penche spécifiquement sur la fonction de socialisation de l’école. Elle aborde ce qu’elle nomme la pression scolaire à travers les multiples sources de contraintes et de tensions : les notes scolaires, qui font d’un grand nombre des forçats de l’école ; l’orientation scolaire, source majeure d’anxiété et surtout le jugement pesant de l’école sur les individus, auquel nul n’échappe, même si tous tentent de le contourner ou d’y échapper. Les rapports entre la famille et l’école, marqués par des confrontations ou des complicités, offrent un autre sujet de tension. Mais la principale source de décalage entre l’école et l’univers réel des adolescents provient de l’émergence d’une culture adolescente, fruit de la socialisation horizontale par les pairs, l’expansion d’une culture de l’écran favorisant des activités ludiques et communicatives largement informelles, source de formation et de modalités d’apprentissage qui dérangent l’école et échappent à la culture scolaire. Barrère dresse un tableau sombre du gâchis de l’école française qui se pose contre les forces vives de l’adolescence pour imposer des rapports de domination. Pourtant, dans une de ses phrases finales, l’auteure constate que les adolescents s’en sortent relativement bien. Comment font-ils ? Ils optent pour des sphères de socialisation extérieure à l’école qui leur offrent des lieux d’auto-éducation informelle où ils vont forger leur personnalité et développer leurs projets de vie.

Ce petit ouvrage se lit bien et plaira à tous ceux, nombreux, qui se délecteront des propos dénonçant les méfaits de l’école sur les individus en croissance. D’autres seront dérangés par un discours unilatéral et regretteront de ne pas trouver des considérations plus nuancées, alimentées par des informations sur la méthodologie des enquêtes qui sont citées. L’auteure opte plutôt pour ce qu’elle appelle des documents recueillis sur le terrain, faits de cas problèmes ou encore d’extraits de romans qui soutiennent sa démonstration. Autre constat : aucun projet de réforme de l’école afin qu’elle soit mieux en phase avec l’expérience adolescente n’est clairement formulé. Dans la quatrième de couverture, il est dit que cet ouvrage est particulièrement destiné aux enseignants, en vue de nourrir leur pratique. Il est possible que certains suivent cette voie, mais les propos de ce livre risquent plutôt de les décourager ou les amener à fuir cet univers contraignant, démodé et artificiel qu’est, selon l’auteure, l’école française aujourd’hui.