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Cet ouvrage collectif est composé de six chapitres précédés d’une préface de Schwartz et suivis d’une courte postface de Pastré. Il porte sur un objet assez bien connu des sciences du travail : le travail réel, défini comme travail caché, opaque et inapparent aux yeux de la hiérarchie et parfois des travailleurs eux-mêmes.
L’originalité de l’ouvrage réside moins dans sa thématique que dans le projet de mettre en regard différentes manières de problématiser et de conceptualiser ce travail invisible : dimensions implicites pour Imbert et Durand, travail clandestin pour Champy-Remoussenard, travail non prescrit pour Lantheaume, agir ingénieux pour Mencacci, réponse au caractère flou du réel pour Clénet, travail insu pour Wittorski, compétence incorporée pour Pastré et activité pour Schwartz.
Cette déclinaison des dimensions inapparentes du travail est une grande qualité de l’ouvrage. On ne peut qu’être reconnaissant à Champy-Remoussenard d’avoir su rassembler ces contributions stimulantes qui donnent au livre la forme d’un kaléidoscope.
À la lecture de l’ensemble des textes, on peut néanmoins se demander si les éclairages de ce travail réalisé à l’ombre du prescrit ne renvoient pas à deux problématiques distinctes : un travail dissimulé volontairement (Champy-Remoussenard) et un travail insu (Wittorski). La question sensible de la connaissance et de la reconnaissance de ce travail ne se formule pas dans les mêmes termes : dans le premier cas, elle renvoie à la responsabilité sociale du chercheur d’exposer les travailleurs au risque que ce travail invisible révélé ne soit le prétexte d’une dénonciation et d’une fragilisation des collectifs. Les connaissances produites ne sont pas neutres : selon les contextes, elles peuvent se retourner contre les travailleurs eux-mêmes ; dans le second cas, ce sont les modalités de la reconnaissance de ce travail, contournement nécessaire du prescrit, consubstantiel à toute activité humaine comme le rappelle Schwartz dans sa préface, qui se posent en termes de connaissance et de production scientifiques. Certes, les deux problématiques sont liées, mais on aurait peut-être gagné à les distinguer plus explicitement, à l’instar de Lantheaume (p. 55-56).
On retiendra également de ce court ouvrage (126 pages en comptant la bibliographie) la richesse et la diversité des exemples mobilisés. Pour se limiter à ceux tirés de milieux éducatifs, mentionnons en particulier une analyse de l’activité dissimulée d’un élève qui se greffe sur l’activité collective, la parasitant tout en mettant en évidence un ordre social de don et contre-don qui échappe souvent à l’enseignant (Imbert et Durand) ; l’activité invisible d’une étudiante de Master qui parvient, en exploitant les interstices de l’organisation de la formation, à réussir un parcours de formation malgré les nombreuses contraintes à laquelle elle fait face (Clénet) ; les trésors d’inventivité déployés par un formateur, trésors reposant sur un jeu théâtralisé qui engage le corps et la voix pour accompagner des étudiants dans un travail de remise en question fondamentale (Mencacci). Le lecteur puisera dans ces exemples des ressources argumentatives et pédagogiques qui permettent d’ouvrir le débat du travail réel dans ses multiples dimensions.
En résumé, les différents éclairages proposés dans cet ouvrage constituent une stimulante propédeutique à l’investigation de la part d’ombre inhérente au travail (Pastré), en particulier au travail éducatif.