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1. Problématique et objectif de la recherche

1.1 Le contexte : évolution des politiques éducatives et du rôle des directions

Nous assistons depuis une quinzaine d’années à une vague de changements particulièrement importants dans le domaine éducatif, où la recherche d’une plus grande efficacité (Organisation de coopération et de développement économiques-OCDE, 2012) a conduit les politiciens à remettre en question les modalités de gouvernance (Conseil Supérieur de l’Éducation 1993; Lusignan et Pelletier 2009; Organisation de coopération et de développement économiques, 2001). C’est dans ce contexte de réformes, touchant à la fois le fonctionnement des organisations éducatives, la division du travail, les pratiques pédagogiques et l’évaluation des élèves, que les directions se voient accorder un rôle central comme les véritables promoteurs du changement et de la transformation des écoles (Barrère, 2006; Mulford, 2003; Organisation de coopération et de développement économiques, 2008; Pélage 2003).

1.2 Lacunes dans la formation des directions d’établissement

Pour faire face à ces nouveaux défis, de nombreuses formations préparatoires obligatoires, qui défendent des conceptions différentes du leadership (Huber, 2006; Orr et Orphanos, 2011), se sont mises en place ou institutionnalisées. De plus, comme pour la formation à l’enseignement (Rayou, 2008), ces formations à la gestion scolaire sont traversées par plusieurs tensions, dont trois sont reprises ici : 1) tensions entre l’inscription dans le réel qui serait la seule modalité d’apprentissage de l’agir du gestionnaire (Mintzberg, 2005) et une volonté de fonder la profession sur des connaissances académiques (Gather Thurler et Perrenoud, 2004); 2) tensions entre la volonté de respecter les cahiers des charges institutionnels et l’ambition de former des professionnels critiques et innovants; enfin, 3) tensions entre la construction de l’identité des directions et l’appartenance à la sphère éducative qui les tiraille devant la fidélité au corps professionnel dont elles sont issues, le pouvoir administratif et leur devoir de loyauté envers l’autorité. Au-delà de ces dilemmes et de ces difficultés (Levine, 2005), si ces formations préparatoires à l’exercice de la fonction ou suivies en cours d’emploi ont le mérite d’exister, la plupart ne tiennent cependant pas compte du profil de poste (Isabelle, Gélinas-Proulx et Meunier, 2014; Orr et Orphanos, 2011). Des différences existent entre le travail d’une direction et celui d’un adjoint, et il s’avère nécessaire d’en tenir compte dans la formation des directions scolaires afin de répondre aux exigences spécifiques du poste dans la perspective de relever le défi de la transformation du système qui leur incombe (Hopkins, 2008). À titre d’exemple, on retrouve une seule mention aux directions adjointes dans le référentiel de compétences du Gouvernement du Québec (ministère de l’Éducation du Loisir et du Sport -MELS, 2008) destiné à la formation des directions d’établissement : [elles] assistent la direction dans l’exercice de ses fonctions et pouvoirs et remplacent la direction en cas d’absence ou d’empêchement de cette dernière (p. 13), ce qui constitue une référence littérale à la Loi sur l’instruction publique. Au-delà du prescrit, la fonction d’adjoint scolaire représente une quasi boîte noire.

1.3 Un manque de connaissances sur la fonction de direction adjointe

Selon la Loi sur l’instruction publique du Québec, la fonction de direction d’établissement scolaire consisterait à assurer la qualité des services éducatifs dispensés à l'école, la direction pédagogique et administrative de l’école et l’application des décisions du conseil d’établissement et des autres dispositions qui régissent l’école (Loi sur l’instruction publique, (ministère de l’éducation et de l’enseignement supérieur du Québec, 2016, article 96.12). Toutefois, comme le mentionne Bernatchez (2011), la fonction se définit dans l’action plutôt que par les textes normatifs (p. 160). Dans cette perspective, bien que la recherche se soit passablement penchée sur les fonctions, rôles et responsabilités des directions afin de se rapprocher au mieux de leur travail réel (Organisation de coopération et de développement économiques, 2008), il existe néanmoins très peu de recherches portant spécifiquement sur les directions adjointes. Pour ne prendre qu’un exemple précis, l’étude pancanadienne sur les directions d’établissement scolaire (Cattonar, Lessard, Blais, Larose, Riopel, Tardif, Bourque, et Wright, 2007) ne s’intéresse qu’aux directions sans tenir compte des postes d’adjoint et de leurs fonctions particulières au sein des institutions scolaires. Oleszewski, Shoho et Barnett (2012) soulignent également l’existence de cette lacune dans les écrits de recherche scientifique et la difficulté à préciser les fonctions des directions adjointes.

Une étude réalisée au Québec sur le phénomène des tensions de rôle auprès de 32 directions adjointes d’école secondaire montre que les rôles occupés sont d’une grande diversité : jusqu’à 23, sans prendre en compte les 11 autres rôles ponctuels qui n’ont pas été catégorisés, car trop singuliers (Royal, 2007). Ces rôles ne recouvrent qu’imparfaitement le spectre des activités possibles d’une direction adjointe. Dans l’étude de Weller et Weller (2002), réalisée auprès d’une centaine de directions adjointes de niveau primaire et secondaire en milieu urbain et rural américain, la supervision des élèves a été identifiée comme la première fonction par 98 % des directions adjointes interrogées. Alors que seulement 7 % disaient s’occuper du budget de l’école et 5 % avoir des liens avec l’externe. Dans leur recherche, Brassard, Brunet, Corriveau, Pépin et Martineau (1986) montraient déjà que le rôle principalement assumé par les directions adjointes au Québec relevait de l'organisation de la vie scolaire, faisant ainsi des élèves les premiers acteurs avec lesquels les adjoints avaient des interactions.

L’activité des adjoints est donc aspirée par le quotidien, et elle permettrait à la direction de se consacrer aux dossiers plus complexes ayant trait par exemple à la gestion des ressources humaines, à l’évaluation des enseignants, au budget de l’école, à la conduite de projets et aux relations avec l’extérieur. Scott (2011) souligne que ces rôles ont très peu évolué depuis les années 1950.

Les rares études réalisées pour savoir en quoi peut consister le travail quotidien des directions adjointes (Hausman, Nebeker, McCreary et Donaldson, 2002) permettent d’établir que celles-ci sont un facteur de stabilité (Hartzell, 1993), plutôt tournées vers les élèves, souvent sur le terrain, assurant le bon fonctionnement et l’ordre au sein de l’établissement. Ainsi, malgré la diversité d’activités, inégale d’un milieu à l’autre, il existe une dominante : les activités d’un adjoint, au primaire et au secondaire, tournent autour des services à l’élève, que cela soit pour des rôles de discipline ou de soutien et d’accompagnement à l’élève (Hausman, Nebeker, McCreary et Donaldson, 2002; Marshall et Hooley, 2006; Royal, 2007) au premier plan desquels se situe la discipline (Marshall, 1992). Leur rôle est donc fondamental dans un établissement, bien que souvent sous-estimé et mal reconnu.

En parallèle, les résultats des recherches mentionnent une pénurie dans le recrutement des directions scolaires (Gronn, 2003; Organisation de coopération et de développement économiques, 2008) : les sources de stress sont multiples et intenses (Poirel et Yvon, 2011), les conditions de travail souvent déplorées comme trop exigeantes et les contraintes administratives ont tendance à se renforcer avec la nouvelle gouvernance (Kresyman, 2010). Une rémunération plus importante ne suffit pas à assurer un intérêt pour cette fonction (Nault et Boucher, 2013). Ce qui pourrait en partie expliquer pourquoi certains adjoints ne sont pas non plus attirés par des postes de direction : Il faut considérer que le nombre de directions adjointes continue d’augmenter pendant que le nombre de directions diminue et que, de toute manière, de plus en plus de directions adjointes font et feront carrière dans cette fonction (Fortin, 2006, p. 31). Sans compter que les directions scolaires sont de plus en plus jeunes à accéder à des fonctions de direction et elles peuvent rester plus ou moins longtemps dans des postes d’adjoint, comme en témoignent Oleszewski et al. (2012).

Des études montrent, en outre, que le fait d’occuper un poste d’adjoint n’est pas suffisant pour bien se préparer à assumer les responsabilités associées à la fonction de direction d’un établissement scolaire (Gibeau, 2011; Kwan, 2009; Weller et Weller, 2002). La raison est simple, nous l’avons dit : la tâche d’un adjoint étant d’assister la direction dans l’exercice de ses fonctions, il peut exister, en théorie, autant de cahiers des charges que de directions. Si les adjoints sont souvent tenus à l’écart du fonctionnement administratif et des politiques à conduire au sein de l’école (Kwan, 2009), ce constat est cependant à double tranchant : les directions adjointes, qui sont souvent d’anciens enseignants, apprécient d’être en contact fréquent avec les élèves qui étaient le coeur de leur précédent métier, mais ces rôles secondaires les éloignent en même temps des dossiers qui sont au centre de la gestion d’un établissement (l’animation du conseil d’établissement ou la préparation du budget par exemple).

Selon Oleszewski et al. (2012), la fonction d’adjoint devrait pourtant servir de tremplin à celle de direction. Si ce n’est pas toujours le cas en milieu rural, où les ressources sont plus limitées, habituellement, le premier poste, transitoire entre le départ du métier enseignant et la prise en charge d’un établissement scolaire, prend la forme de la fonction d’adjoint (Armstrong, 2009). Cette fonction constitue par conséquent le chainon intermédiaire entre un poste d’enseignant et un poste de gestionnaire dans le développement de la carrière d’une direction scolaire. Or, les programmes de formation traitent et accompagnent peu, du moins explicitement, les transitions identitaires entre enseignement et gestion, et surtout ne visent pas directement les adjoints (Oleszewski et al., 2012).

Dans cette perspective, on ne peut faire l’économie des travaux d’Armstrong (2009) qui montrent les difficultés vécues par les directions adjointes lors de leur formation et de leur transition en poste, et qui témoignent des conditions de leur travail tout comme des sources importantes de stress qui découlent de la fonction (Kresyman, 2010). Sur cette base, en considérant les sources de stress comme des révélateurs des conditions réelles de l’emploi des cadres (Trudel et Gosselin, 2010), si de nombreuses recherches ont fait état des sources de difficulté vécue au travail chez les directions d’établissement (Gmelch et Torelli, 1994; Gmelch et Swent, 1981; Poirel et Yvon, 2011; Welmers, 2006), peu se sont penchées sur les sources de stress des directions adjointes et encore moins les ont comparées avec celles des directions. À titre d’exemple, la recherche d’Armstrong (2009) sur les difficultés professionnelles de directions adjointes donne une bonne indication des sources de stress vécu au moment du passage dans la fonction, mais aucune comparaison n’est possible avec les sources de stress des directions. Dans le contexte particulier du Québec, on ne peut aussi faire l’économie de l’étude des pratiques de soutien et d’accompagnement des nouvelles directions d’établissement (ministère de l'Éducation, du Loisir et du Sport, 2006), qui montre que la gestion du stress est au deuxième rang des 23 principales préoccupations des 372 répondants, dont la grande majorité occupe un poste d’adjoint.

Il ressort donc de ce rapide état des lieux  : 1) que la fonction d’adjoint dans les établissements scolaires est mal connue et qu’il existe peu d’écrits dans les écrits scientifiques sur le sujet, 2) qu’il s’agit d’une fonction stratégique pour le bon fonctionnement d’un établissement, particulièrement concernant les services à l’élève et l’organisation de la vie scolaire, 3) qu’elle constitue souvent un passage qui permettrait d’acquérir et de peaufiner les compétences requises pour la direction principale et 4) que les sources de stress dans la fonction de direction sont multiples et intenses, mais qu’il est difficile de les différencier d’avec celles des adjoints.

1.4 Objectif de la recherche

De tels constats montrent que la fonction de direction adjointe mérite d’être mieux connue en comparaison à celle des directions afin d’offrir des programmes de formation professionnelle plus adaptés à leur besoin. C’est donc sur cette base que nous nous sommes fixé comme objectif de faire une analyse comparative des sources de stress professionnel chez les directions et les directions adjointes afin de mieux saisir les particularités du travail des directions adjointes dans une perspective d’accompagnement et de formation.

2. Cadre théorique

Le stress est un phénomène très complexe qui implique une source, des ajustements devant les difficultés et des répercussions physiques et psychologiques. En contexte de travail, les principaux modèles explicatifs du stress se sont toutefois surtout centrés sur les sources organisationnelles responsables et bon nombre de chercheurs ont étudié la problématique du stress professionnel en se penchant sur les stimuli ou sur les causes de ce phénomène (Vézina, 2002).

Il faut ainsi considérer les modifications majeures qui ont été apportées aux différentes composantes du système éducatif depuis la fin des années 1990 (Brassard et Lessard, 1998; Lessard, 2006) et qui ont eu un impact sur le rôle des directions scolaires qui a été intensifié (Inchauspé, 1998; Mulford, 2003), les exposant ainsi à des contraintes plus diversifiées et plus nombreuses et à davantage de risques pour leur santé (Poirel, 2010). Cette recherche s’inscrit donc dans un cadre de type causaliste, qui vise à identifier les sources de stress professionnel (Vézina, 2002) plutôt que les conséquences sur l’individu.

Dans cette perspective, pour faire reconnaître le stress de certaines situations de travail, il faut commencer par rassembler suffisamment de données qui permettent d’attribuer le stress à des caractéristiques organisationnelles et non seulement à des caractéristiques individuelles, comme en témoignent par exemple des recherches faites en Europe (Barrère, 2006; Pélage, 2003). En Amérique également, depuis plusieurs décennies, de nombreuses recherches ont permis d’identifier les principales sources de stress professionnel des directions d’établissement scolaire. Aux États-Unis, Gmelch et Swent (1981) ont demandé à 40 directions d’école d’indiquer dans un journal de bord, pendant une semaine, l’élément le plus stressant de la journée, ce qui a révélé l’existence de quatre sources principales de stress que subissent les directions d’école : le rôle, les tâches, les responsabilités et les relations interpersonnelles. Poursuivant ce travail en interrogeant 1156 directions d’école sur les sources de leur travail qui leur causaient le plus de stress, Gmelch et Torelli (1994) en sont venus à préciser que les responsabilités et les contraintes administratives, l’ambiguïté dans les rôles attendus, les relations interpersonnelles et les conflits à gérer sont les principales sources qui portent atteintes à la santé des directions d’établissement. Si ces résultat ont été confirmés dans d’autres recherches hors Québec (Abdul Muthalib, 2003; Welmers, 2006), il apparait toutefois que les directions adjointes sont souvent négligées dans ces études et il est impossible de rendre compte de possibles différences avec les directions principales. Au Québec, l’observation du travail auprès de six directions en situations de stress (Poirel et Yvon, 2014) et les entrevues sur l’épuisement auprès de douze directions et trois adjoints (Gravelle, 2009) ont donné accès aux sources de difficultés professionnelles (latitude décisionnelle, soutien social, reconnaissance au travail, tâche quantitative et qualitative, contraintes et responsabilités administratives, relations interpersonnelles, conflits intrapersonnelles, attentes de rôle). Si ces observations et entrevues ont aussi permis de mieux comprendre comment les directions tentent de s’ajuster devant les contraintes de leur travail (Poirel et Yvon, 2011 ; Poirel, Lapointe et Yvon, 2012), elles ne permettent cependant pas de distinguer sur cette base le travail des adjoints comparativement à celui des directions. Par exemple, si certaines tensions de rôles ont été identifiées spécifiquement chez des directions adjointes dans le contexte québécois (Royal, 2007; Royal et Brassard, 2010), elles n’ont pas été comparées à celles de directions principales. Notre intérêt est donc de faire une analyse comparative des sources de stress professionnel chez les directions et les directions adjointes. Un tel portrait nuancé nous permettra de mieux saisir les spécificités de ces deux fonctions afin de mieux saisir les particularités du travail des directions adjointes dans une perspective d’accompagnement et de formation.

3. Méthodologie

3.1 Échantillon 

Notre échantillon est composé de 238 membres de la direction, soit : 171 directions et 67 directions adjointes provenant de 169 écoles primaires et de 69 écoles secondaires à travers le Québec (Tableau 1). Huit personnes n’ayant pas répondu à la question du genre dans le questionnaire, il s’agit de 147 femmes et 83 hommes, 144 directions au primaire (60 %), 27 directions au secondaire (11 %), 25 adjoints au primaire (11 %) et 42 au secondaire (18 %). La majorité avait entre 36 et 45 ans (41 %) et entre 46 et 55 ans (39 %). Les autres se situaient sous les 35 ans (12 %) ou au-dessus de 55 ans (8 %). Selon les données obtenues, leur expérience en administration scolaire pouvait varier de 1 à 48 ans, la moyenne se situant à 11 années. Notons que l’expérience moyenne est respectivement de 7,7 ans chez les directions adjointes et de 12,3 ans chez les directions.

Tableau 1

Description de l’échantillon selon le type d’établissement et le poste

Description de l’échantillon selon le type d’établissement et le poste

* La différence dans le total peut s’expliquer par le fait que huit directions n’ont pas répondu à la question du genre dans le questionnaire.

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La répartition des participants en fonction du statut d’emploi et du genre est assez représentative de la population étudiée (ministère de l'Éducation, du Loisir et du Sport, 2006) : les directions adjointes sont plus nombreuses au secondaire (n = 42) qu'au primaire (n = 25), mais les femmes sont surreprésentées dans notre échantillon : 65 % sont des femmes et 35 % sont des hommes. Si les femmes font part égale avec les hommes dans notre échantillon pour occuper des postes d’adjoint au secondaire, elles sont toutefois plus nombreuses que les hommes à exercer cette fonction au primaire.

Tableau 2

Ancienneté selon le poste (n = 167)

Ancienneté selon le poste (n = 167)

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L’ancienneté dans un poste d’adjoint est calculée à partir des réponses des 167 directions à cette partie du questionnaire : les directions en poste ont indiqué combien de temps elles étaient restées dans un poste d’adjoint avant d’accéder à un poste de direction. On constate que les carrières à un poste d’adjoint ne sont pas trop longues, ni au primaire (3,1 ans) ni au secondaire (4,6 ans) et qu’il s’agit dans la plupart des cas d’un tremplin pour un poste de direction. Les promotions sont plus rapides au primaire qu’au secondaire dans notre échantillon.

3.2. Instrument de mesure

Pour mieux cerner les différences entre la fonction d’adjoint et celle de direction sur la base des sources de stress vécu, l’Administrative stress index, qui avait été développé spécifiquement pour les gestionnaires scolaires et dont la qualité psychométrique est reconnue (Gmelch et Chan, 1994; Gmelch et Swent, 1984; Gmelch et Torelli, 1994), a été traduit. À notre connaissance, c’est la première fois que ce questionnaire a été utilisé en langue française. Nous y avons ajouté une sixième catégorie afin de couvrir un aspect important des réalités des directions d’école du Québec, les changements pédagogiques, qui n’apparait pas dans la version originale. Au final, la version française comportait donc 41 items répartis sur six dimensions :1) contraintes administratives (α = 0,75), 2) responsabilités administratives (α = 0,67), 3) attentes de rôle (α = 0,74), 4) relations interpersonnelles (α = 0,70), 5) conflits intrapersonnels (α = 0,71) et 6) renouveau pédagogique (α = 0,71); ce qui a permis de mesurer le stress sur la base des causes responsables en termes de fréquence de dérangement en suivant une échelle de Likert qui va de 1 ne me dérange pas à 5 me dérange très souvent. Bien que la valeur moyenne de ces coefficients soit inférieure à celle rapportée pour la version anglaise du questionnaire (α = 0,83) (Gmelch et Swent, 1984), elle est jugée satisfaisante selon les critères d’acceptabilité qui font consensus en sciences humaines (au-dessus de 0,60 pour une recherche exploratoire et au-dessus de 0,70 pour une recherche confirmatoire) (Nunnally, 1978). Le degré de cohérence interne plus faible observé à la sous-échelle mesurant les responsabilités administratives pourrait être attribuable à la traduction du questionnaire dans laquelle le concept a peut-être été élagué.

3.3 Déroulement

La sélection des participants à l’étude s’est effectuée en diffusant le questionnaire auprès d’associations, de commissions scolaires et en élaborant une banque de courriels au moyen des recherches sur internet et, au final, on peut estimer que 1000 directeurs et adjoints du Québec ont reçu une invitation à répondre au questionnaire entre les mois de mai 2007 et de février 2008. Sur cette base, le taux de réponse peut être estimé à approximativement 25 % (253 questionnaires). Quinze questionnaires ont été éliminés pour manque de données et 238 questionnaires ont été rassemblés pour constituer l’échantillon.

3.4 Considérations éthiques

Cette recherche a obtenu l’approbation du comité d’éthique de l’Université de Montréal. L’invitation à participer à la recherche comportait un formulaire de consentement expliquant les buts de la recherche, garantissant l’anonymat des participants et la confidentialité des données de recherches dans la transmission des résultats, qui ont été envoyés dans un rapport de recherche aux associations professionnelles et aux commissions scolaires ainsi que par courriel aux participants.

3.5 Traitement des données

L’analyse statistique a pris en compte les 238 questionnaires complétés en utilisant le logiciel SPSS. Des statistiques descriptives, des tests pairés (test deStudent) et des analyses univariées (ANOVA) ont été effectués. Les six catégories mesurant la perception des sources de stress des directions d’école ont été analysées en relation avec la nature du poste occupé (direction versus adjoint). Une analyse descriptive montrant le poids relatif des 41 items de l’Administrative stress index selon le pourcentage de réponse (me dérange fréquemment (4) et me dérange très souvent (5) a également été effectuée afin d’obtenir une comparaison plus détaillée entre les postes.

4. Résultats et analyses

4.1 Comparaison des moyennes entre les postes

Le Tableau 3 rapporte la fréquence moyenne de stress perçu par les directions, selon le type de stresseurs et les résultats des tests de comparaison de moyennes (tests t et ANOVA). L’application de tests t révèle que les contraintes administratives représentent la plus grande source de stress au travail, comparativement aux autres sources mesurées ((237) = 10,17 à 14.84, p < 0.001). Le degré de stress perçu par l’ensemble des répondants par rapport aux cinq autres sources de stress apparaît équivalent.

Dans un deuxième temps, la comparaison des moyennes selon le poste occupé (adjoint ou direction), à l’aide de tests t, montre que les adjoints (= 2,96, ET = 0,68) rapportent être moins dérangés que les directions (= 3,18, ET = 0,67 ; t (235) = -2,32, p = 0,021) par les contraintes administratives. La différence entre ces deux groupes (différence moyenne = -0,23, 95% CI : -0,42 à -0,03) est assez petite (êta carré = 0,023). Par contre, par rapport aux cinq autres catégories de sources de stress, il n’y a pas de différence significative entre les réponses des directions et des adjoints.

Tableau 3

Moyennes, (écarts types) et résultats aux tests (tests t et ANOVA) sur la fréquence des stresseurs rapportés par les directions adjointes et les directions

Moyennes, (écarts types) et résultats aux tests (tests t et ANOVA) sur la fréquence des stresseurs rapportés par les directions adjointes et les directions

Note : les scores sur une échelle à 5 points allant de 1- ne me dérange jamais à 5 me dérange très fréquemment * p < 0,05, ** p < 0,01

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Dans le but de préciser nos résultats et de rendre davantage compte de la spécificité des contraintes administratives perçues selon le poste occupé, nous avons comparé le jugement des directions et des adjoints par rapport aux questions liées à cette catégorie de sources de stress. Les résultats aux tests t révèlent des différences significatives entre ces groupes dans l’évaluation des items Avoir une charge de travail trop lourde et Se conformer aux règlements et autres règles. Plus spécifiquement, les adjoints (= 3,38, ET = 1,09) rapportent être moins dérangés par une trop lourde charge de travail que les directions (= 3,75, ET = 1,05 ; t (234) = -2,36, p = 0,019), mais cette différence (différence moyenne = -0,36, 95 % CI : -0,67 à -0,06) est assez petite (êta carré = 0,023). De même, ils (= 2,67, ET = 1,19) rapportent être moins dérangés par la conformation aux différents règles et règlements que les directions (= 3,09, ET = 1,09 ; t (235) = -2,59, p = 0,01). Cette différence (différence moyenne = -0,42, 95 % CI : -0,73 à -0,099) est également assez petite (êta carré = 0,028).

4.2 Comparaison entre les postes selon l’importance accordée aux stresseurs

Afin d’avoir une idée plus descriptive de ce qui différencie les adjoints et les directions, nous avons aussi placé l’ensemble des items en ordre décroissant selon chacune des catégories de l’Administrative stress index, du plus important au moins important (tableau 4) et nous avons calculé le pourcentage de réponses de valeur 4 (me dérange fréquemment) et 5 (me dérange très souvent). On peut constater que si les items des contraintes administratives se trouvent parmi les plus importants en rang tant chez les adjoints que chez les directions, l'importance de ces stresseurs est systématiquement moindre chez les adjoints comparativement aux directions, ce qui confirme les différences significatives des analyses statistiques. Nous avons également relevé les différences entre les pourcentages de répondants qui rapportent être fréquemment ou très souvent dérangés et trouvé des différences significatives à la suite d’un test d’inférence (Khi-deux) chez les items que nous avons identifiés par un astérisque dans le tableau 4. On peut ainsi constater que la charge de travail, premier stresseur pour les deux fonctions, qui dérange fréquemment ou très souvent un peu plus du tiers des adjoints (38 %), comparativement à près des deux tiers des directions (64 %) montre une différence significative (χ2(4) = 12,03; p < 0,017). Toutefois, si les rapports à produire dérangent fréquemment ou très souvent le tiers des adjoints (33 %; 2e stresseur) comparativement à près de la moitié des directions (46 %; 3e stresseur) et que les réunions dérangent fréquemment ou très souvent un peu plus du tiers des adjoints (36 %; 3e stresseur) comparativement à près d’une direction sur deux (46 %; 2e stresseur), il n’y a pas de différence significative observée au test du χ2.

Tableau 4

Comparaison entre les adjoints et les directions sur les sources de stress présentées en ordre décroissant de la plus importante à la moins importante selon les catégories de l’Administrative Stress Index et pourcentage de réponses « me dérange fréquemment (4) et me dérange très souvent (5). Différences significatives selon les résultats du χ2 *

Comparaison entre les adjoints et les directions sur les sources de stress présentées en ordre décroissant de la plus importante à la moins importante selon les catégories de l’Administrative Stress Index et pourcentage de réponses « me dérange fréquemment (4) et me dérange très souvent (5). Différences significatives selon les résultats du χ2 *

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Dans la catégorie des conflits intra personnels, deux sources de stress au travail se trouvent parmi les dix plus importantes chez les adjoints : il s’agit, d’une part, du manque de renseignement pour effectuer adéquatement le travail, qui se situe au quatrième rang sur 41 et qui montre une différence significative (χ2(4) = 12,70; p < 0,013), et d’autre part, de la gestion du personnel selon la convention collective, au septième rang. Près du tiers des adjoints (31 %) se disent fréquemment ou très souvent dérangés par ces deux sources. Fait intéressant, si la différence est minime entre adjoint et direction en ce qui concerne la gestion du personnel selon la convention collective, le manque de renseignement se situe au 11e rang pour les directions.

Un autre résultat concerne la catégorie des relations interpersonnelles dans laquelle la gestion des conflits entre les membres de l’équipe-école montre une différence significative (χ2(4) = 12,76; p < 0,013) et se situe au huitième rang pour les adjoints (24 % sont fréquemment/très souvent dérangées), alors qu’elle se situe au quatrième pour les directions dont le tiers (33 %) se dit fréquemment/très souvent dérangées. Notons également que bien qu’on puisse difficilement distinguer en fonction du rang ou du pourcentage, la tentative d’influence sur les actions et les décisions du supérieur immédiat montre également des différences significatives (χ2(4) = 10,86; p < 0,028) entre les directions et les adjoints.

Pour ce qui est de la catégorie des attentes de rôle, on retrouve une seule source de stress parmi les dix plus importantes. Il s’agit de se sentir obligé de participer à des activités scolaires sur le temps personnel qui dérange fréquemment ou très souvent un peu plus du quart des adjoints (26 %) et des directions (28 %). Dans cette même catégorie, bien qu’elles ne fassent pas partie des 10 plus importantes sources de stress, on peut cependant remarquer que plus d’un adjoint sur cinq (21 %) indique être dérangé fréquemment ou très souvent par le manque de clarté de son rôle et de ses responsabilités (20e rang), comparativement à 13 % chez les directions (37e rang).

Pour ce qui est de la catégorie du renouveau pédagogique, aucun item ne se retrouve dans les dix plus importants chez les adjoints, le manque d’information qui touche la réussite éducative semble les déranger (13e rang) passablement moins que les directions (8e rang).

Finalement, dans la catégorie des responsabilités administratives, une seule autre source de stress se retrouve parmi les dix plus importantes sur 41 chez les adjoints. Il s’agit du sentiment de ne pas progresser suffisamment sur le plan professionnel. Notons aussi que cette source de stress vécu semble perturber davantage les adjoints que les directions. Elle est au sixième rang chez les adjoints qui sont près du tiers (30 %) à se dire fréquemment/très souvent dérangés alors qu’elle se situe au 16e rang chez les directions (26 %) chez qui l’intensité de stress est moindre; soit moins du quart à se sentir dérangé par cette source. Notons également que la préparation du budget de l’école, qui est loin en termes de rang et d’intensité selon le pourcentage de réponses, montre des différences significatives (χ2(4) = 13,58; p < 0,009) entre les directions et les adjoints.

4. Discussion

Rappelons que l’objectif de cette recherche est de faire une analyse comparative des sources de stress professionnel chez les directions et les directions adjointes afin de mieux saisir les particularités du travail des directions adjointes.

4.1 Les contraintes administratives

Les contraintes administratives qui relèvent de la pression temporelle, de la charge de travail, des interruptions et du poids de l'administratif sont vécues par les adjoints ainsi que par les directions comme la principale source de stress dans leur travail (Gravelle, 2009; St-Germain, 2012). Nos résultats corroborent d’ailleurs ceux de l'enquête réalisée par la Fédération québécoise des directions d‘établissement d’enseignement (FQDE) en 2009 : les tâches administratives sont multiples et accaparent une bonne partie de la tâche de travail des directions. La décentralisation administrative, la multiplication des tâches, l'importance de travailler dans la concertation, le cadre fixé par les autorités hiérarchiques pour contrôler le bon fonctionnement de l'établissement et l'atteinte des objectifs ont pour conséquence de complexifier la tâche des directions (Matringe, 2012). Les résultats de la recherche de Brassard, Corriveau, Fortin, Gélinas, Savoie-Zajc, Héon, et De Saedeleer, (2001) avaient déjà mis en avant que 96,8 % des directions considéraient que leurs tâches étaient devenues plus complexes avec les modifications organisationnelles découlant de la révision de la Loi sur l’instruction publique. Cela va également dans le sens des résultats de la recherche de St-Germain (2011) dans laquelle on constate que les directions passent beaucoup plus de temps qu’elles ne souhaiteraient à répondre à des demandes administratives.

Cette situation n’est pas spécifique au Québec (Czerniakowski, 1995; Welmers, 2006). Le discours de la nouvelle gestion publique, qui vise la rationalisation et la performance des systèmes publics, a inspiré bon nombre de systèmes scolaires à travers le monde et pourrait en partie expliquer le poids des contraintes administratives vécues par les directions d’établissement scolaire.

Or, nos résultats montrent que les adjoints disent moins souffrir des contraintes administratives que les directions, particulièrement en ce qui concerne la charge de travail et le devoir de se conformer aux règles, probablement parce qu’elles ne sont pas les premières imputables des dossiers de l’école (Weller et Weller, 2002). On pourrait supposer que la plupart des tâches qui engagent la responsabilité de l'école sont à la charge de la direction qui accumule sur son bureau des dossiers sensibles dont la quantité déborde la capacité de gestion d'une direction (St-Germain, 2012). Ces données de recherche pointent vers le système de délégation qui serait à revoir, bien que l’on puisse comprendre la résistance des directions à répartir la charge de travail avec les adjoints si finalement ce sont elles qui demeurent responsables et imputables. Le fait que la direction réponde seule du bon fonctionnement de l'établissement et que les adjoints ne fassent que l'assister dans cette mission (ministère de l'Éducation, du Loisir et du Sport, 2008) peut freiner la délégation des dossiers. Ainsi, cette différence significative dans les contraintes administratives montre que les adjoints sont peut-être tenus éloignés de dossiers importants qu'ils gagneraient à connaître pour mieux se préparer à exercer la fonction de direction (Oleszewski et al., 2012).

4.2 Les conflits intrapersonnels

Dans la catégorie des conflits intrapersonnels, c'est le manque de renseignements pour bien faire son travail qui dérange davantage les adjoints que les directions. Déjà, dans la recherche de Royal (2007), 78 % de l’échantillon des adjoints du secondaire disait vivre, implicitement ou explicitement, un sentiment d’incapacité dû à des limites personnelles, à l’absence de ressources ou au manque d’autorité reliée à la fonction. Si la direction a un rôle plus politique et en contact avec l’extérieur (Barrère, 2006), nous pouvons supposer qu’elle souffre moins du manque d’informations pour effectuer son travail que les adjoints. Pour plusieurs adjoints, le poste est intermédiaire et correspond à une transition en attente d’une promotion (Weller et Weller, 2002). Le manque d’information les brime donc dans l’atteinte de ce but. On peut donc supposer, soit que les adjoints sont plutôt centrés sur leurs propres besoins, soit que les directions manquent de temps pour divulguer l’information ou encore qu’elles manquent de transparence et gardent l’information devant le risque de perdre du pouvoir.

4.3 Les relations interpersonnelles

Compte tenu des recherches montrant que le rôle des adjoints est davantage centré sur les élèves et le bon fonctionnement interne de l’établissement (Hartzell, 1993; Marshall, 1992; Marshall et Hooley, 2006), on peut supposer que les conflits à gérer sont plus nombreux et que les relations interpersonnelles sont aussi plus dérangeantes pour les adjoints que pour les directions. En supposant que la gestion des conflits, particulièrement en ce qui concerne les élèves, appartient plutôt au champ d’intervention des adjoints dans un établissement scolaire, surtout au secondaire où les adjoints sont plus nombreux, on arrive au constat que plus exposés, ils ne ressentent pourtant pas ces conflits comme de très importants dérangements. Il peut y avoir une sorte d’habitude ou une naturalisation du rôle de médiateur qui s’intègre à la fonction. Si le coeur du métier d’adjoint est d’être au service de l’élève, cette fonction pourrait être interprétée comme le prolongement de celle de l’enseignant sous les aspects éducatifs et disciplinaires.

Il semble aussi que ce serait moins pénible, pour les adjoints, de gérer les conflits entre les membres de l’équipe-école que pour les directions. Cela pourrait s’expliquer par le fait que si les adjoints sont régulièrement confrontés à la gestion des conflits entre les membres du personnel, ils n’en assument cependant pas la responsabilité formelle, qui appartient à la direction de l’établissement. Une telle conception du métier, si elle est juste, appuierait le fait qu’il existe peut-être un certain malaise chez les adjoints par rapport à l’application des conventions collectives et aux procédures plus formelles qui impliquent les enseignants (Poirel et Yvon, 2009). Nous aurions affaire véritablement à une identité intermédiaire entre deux fonctions.

4.4 Les attentes de rôles

Bien qu’aucun item de l’Administrative stress index ne permette d’explorer les possibles conflits d’attentes de rôles inter-émetteurs (Katz et Kahn, 1966), compte tenu d’une fonction peu encadrée par les textes légaux et définie en fait localement, on peut néanmoins faire l’hypothèse que les directions adjointes souffrent d’une ambiguïté de rôle qui pourrait se manifester par l’absence de description formelle du poste, la position frontalière, le changement et une absence de participation aux processus de décision formelle (Royal et Brassard, 2010). Cela pourrait aussi en partie expliquer pourquoi les adjoints sont dérangés par leur participation aux activités liées au travail pendant leur temps personnel. Les résultats montrant que les directions adjointes ressentent plus fortement le fait que leur rôle n’est pas assez clairement défini sont aussi appuyés par les travaux de Weller et Weller (2002).

4.5 Le renouveau pédagogique

On ne retrouve aussi que peu de différences dans cette catégorie, outre le fait que les adjoints sont peut-être moins préoccupés par les attentes de la communauté sur la réussite éducative que les directions. Cette différence tend à montrer que le rôle des adjoints se limite principalement aux activités internes de l’école. Ainsi, outre les parents, la relation des adjoints avec l’extérieur semble loin de leurs préoccupations (Hausman et al., 2002). De plus, les adjoints, dont la fonction constitue le chaînon intermédiaire entre un poste d’enseignant et un poste de directeur, se trouvent dans un processus de transformation de leur identité professionnelle (Armstrong, 2009). Issus du corps professionnel et de la sphère éducative et davantage en proximité avec les élèves et les enseignants sur le terrain, il n’est donc pas étonnant qu’ils soient moins préoccupés par les pressions de l’extérieur sur la réussite éducative (Levine, 2005).

4.6 Les responsabilités administratives

Une seule différence significative entre les postes peut être mise en évidence au sujet des responsabilités administratives, il s’agit du fait que les adjoints sont moins préoccupés par la préparation du budget de l’école. Ce résultat pourrait être interprété par le fait que les dossiers sont inégalement répartis entre direction et adjoint. Il semble évident que le travail des adjoints est principalement orienté vers la gestion des élèves, certainement au détriment d’autres dossiers tels que le budget de l’école ou la gestion des dossiers concernant la supervision des enseignants. Les résultats de Weller et Weller (2002) attestaient d’ailleurs du manque d’implication des adjoints sur le plan de telles responsabilités administratives où seulement 7 % disaient s’occuper du budget. Or, en contre coup, la centration sur les activités de l’élève les limiterait sur le plan du développement professionnel.

5. Conclusion

Les écrits de recherche sont assez limités concernant les directions adjointes et peu de recherches établissent une comparaison des sources de stress entre les fonctions d'adjoint et de direction principale. Cette recherche nous a permis de comparer 171 directions à 67 directions adjointes sur la base de leurs principales sources de stress. Les sources les plus importantes de stress, autant pour les directions que pour les adjoints, sont les contraintes administratives, mais l’analyse des statistiques montre que les adjoints sont toutefois moins dérangés par ces sources que les directions, particulièrement en ce qui concerne la charge de travail et la longueur des journées ainsi que l’obligation de devoir se conformer aux règles et procédures. Une analyse descriptive complémentaire des données montre par contre que les adjoints souffrent davantage du manque de renseignements pour effectuer adéquatement leur travail, de ne pas pouvoir progresser suffisamment sur le plan professionnel, mais qu’elles souffrent moins des conflits à gérer entre les membres de l’équipe-école.

Il existe certes des limites à cette recherche; la plus importante que nous ayons relevée concerne l’instrument de mesure, plus particulièrement l’aspect de la fréquence des dérangements (entre ne me dérange pas à me dérange très souvent) qui ne permet pas aux répondants d’indiquer si l’item en question s’applique ou non à leur fonction (par exemple, N.A., non applicable). Il est ainsi possible que, dans certains cas, la source de stress ait été indiquée comme étant très peu dérangeante, alors qu’en réalité elle ne s’appliquait tout simplement pas à la fonction. Cet aspect peut représenter une limite quant à la valeur des analyses descriptives ainsi qu’en ce qui concerne les sources de stress considérées comme des indicateurs de la fonction. Une autre limite concerne le décalage qui existe entre la période concernée et la situation actuelle. Il est possible que l’intensité à propos des sources de stress soit influencée par les changements qui s’opèrent constamment dans le système scolaire québécois. Quoi qu’il en soit, dans l’ensemble, les résultats de la présente étude permettent de relever plusieurs constats fort pertinents : les directions scolaires occupant la fonction d'adjoint disent moins subir les contraintes administratives que les directions principales. Les adjoints, considérés comme des facteurs de stabilité interne de l'organisation (Oleszewski et al., 2012), sont plus près du terrain et donc plus proches des élèves et des enseignants. Dans la mesure où leurs tâches sont davantage articulées avec le temps des élèves, on peut supposer que les adjoints arrivent à mieux gérer la répartition de leur travail dans une journée. La nature des activités pourrait ainsi compenser un certain stress causé par les conditions de travail.

Il est certain que le poids de certaines décisions n’appartient qu’aux directions et que les adjoints sont moins exposés à certaines responsabilités administratives (Kwan, 2009). Toutefois, si les directions adjointes disent manquer d’informations pour accomplir leurs tâches, cela peut poser problème pour le développement de leurs compétences, puisqu’elles sont écartées de certains dossiers, mais cela montre aussi qu’il existe des différences fondamentales entre les fonctions d’un adjoint comparativement à celles de la direction. Le risque est en effet qu’une direction adjointe soit passée maîtresse dans des tâches spécifiques au sein d’un certain réseau d’interlocuteurs, mais peine à relever ensuite les défis de la gestion d’un établissement dans son ensemble (Weller et Weller, 2002).

La préparation à un poste de direction devrait certes permettre aux adjoints de prendre conscience des déterminants organisationnels qui pèsent sur un établissement scolaire, mais, si, comme le mentionne Royal (2007), le travail du directeur adjoint se distingue de celui du directeur et comporte des caractéristiques qui lui sont propres (p. 26), l’absence d’une définition claire du rôle d’adjoint pourrait également être ressentie comme une entrave au développement professionnel. Ce constat, régulièrement mentionné dans les écrits de recherche, n’a pas trouvé d’écho dans le travail des législateurs.

Sur la base des résultats présentés, dans la mesure où les rôles d’adjoint ou de direction ne semblent pas se déployer dans les mêmes logiques organisationnelles et professionnelles, il apparait important de considérer les différences qui existent pour les prendre en compte dans les programmes de formation visant l’initiation à la fonction. Entre autres, afin d’outiller les directions adjointes en fonction de leurs conditions de travail spécifiques et particulièrement difficiles. Si cette recherche participe ainsi à combler une lacune dans la recherche scientifique sur la difficulté à préciser les fonctions des directions adjointes au sein des institutions scolaires (Oleszewski et al., 2012), d’autres recherches sur le travail réel des directions adjointes sont certainement nécessaires afin de clarifier le rôle attendu.