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1. Introduction et problématique

Sous couvert de formation par alternance, des situations très hétérogènes sont convoquées : des stages, des périodes en entreprise, de l’alternance par immersion ou de l’alternance par interaction (Besson, Collin et Hahn, 2004). En formation, l’alternance devient selon le cas une conception de la formation ou un discours injonctif visant à mieux articuler l’école et l’entreprise (Maubant et Roger, 2014). En France, le terme adopte plutôt une déclinaison administrative, car il est associé à un contrat de travail. En effet, l’alternance renvoie au droit du travail et à deux contrats particuliers : le contrat d’apprentissage et le contrat de professionnalisation. La présente recherche s’intéresse au contrat d’apprentissage français. Aussi le terme d’alternance fait-il ici référence à la modalité de formation qui associe un⋅e apprenti⋅e, un centre de formation et une entreprise. En effet, en France, l’apprentissage est un dispositif qui associe une formation en alternance chez un∙e employeur∙se et des enseignements dispensés dans un Centre de formation d’apprentis. C’est une formation générale, théorique, technique et pratique, en vue d’acquérir une qualification professionnelle sanctionnée par un diplôme d’enseignement professionnel ou technologique, un titre d’ingénieur⋅e ou un titre répertorié. Elle commence par la signature d’un contrat d’apprentissage, régi par les articles L6241-1 à L6244-1 du code du travail français, entre un⋅e jeune de 16 à 29 ans révolus, alors appelé⋅e apprenti⋅e, et un∙e employeur⋅se. Ce contrat de travail par lequel l’employeur⋅se s’engage, outre le versement d’un salaire, à lui assurer une formation professionnelle est enregistré dans une chambre consulaire en fonction de l’activité de l’entreprise : pour les artisan⋅e⋅s, c’est la chambre des métiers et de l’artisanat, pour les commerçant∙e∙s, c’est la chambre de commerce et d’industrie pour les agriculteurrice⋅s, c’est la chambre d’agriculture. L’apprenti⋅e possède alors un statut de salarié⋅e et reçoit une rémunération en pourcentage du salaire minimum légal en France, selon son âge et son niveau de formation.

Au 1er janvier 2019, le gouvernement français mettait en place une réforme de l’apprentissage afin qu’un plus grand nombre de jeunes, grâce à la formation par alternance, accède à une qualification leur permettant une meilleure insertion professionnelle. Il s’agit de prendre plusieurs mesures pour changer l’image de l’apprentissage afin d’en faire une voie d’excellence et de réussite. Parmi les mesures mises en vigueur par cette réforme, on note une simplification du dispositif pour les entreprises, des mesures financières incitatives pour les apprenti⋅e⋅s, une hausse de la limite d’âge pour accéder à l’apprentissage (désormais de 16 à 29 ans au lieu de 16 à 25 ans) ou encore des appels à une meilleure évaluation du dispositif de formation afin qu’il s’ajuste au mieux aux besoins des formé⋅e⋅s. C’est dans cette dernière optique que s’inscrit la présente recherche, qui a pour objectif la construction et la validation d’une nouvelle échelle de mesure de l’efficacité de la formation professionnelle des apprenti⋅e⋅s. Sur le plan conceptuel, l’évaluation de la formation se base sur la théorie du sentiment d’efficacité personnelle développée par Bandura (1986). Cette recherche répond ainsi à des enjeux scientifiques relatifs à une meilleure connaissance du concept de sentiment d’efficacité personnelle. Il s’agit en effet de proposer une échelle valide et fiable de la mesure d’un construit psychologique fort relié à la performance et à la persévérance scolaire. Ce nouvel outil de mesure pourrait permettre aux chercheur⋅se⋅s de mieux mesurer le sentiment d’efficacité personnelle chez les apprenti⋅e⋅s en formation professionnelle par alternance en France. Il possède également des implications fortes pour l’insertion des jeunes et la formation initiale et continue des différent⋅es acteur⋅rice⋅s de la filière de l’apprentissage dans la mesure où il s’agit de contribuer au perfectionnement du système tel qu’il existe actuellement. C’est ainsi une contribution sociale significative, car grâce à l’échelle, il devient alors possible pour les acteur⋅rice⋅s de la formation professionnelle d’identifier des hypothèses d’action éducative précises pour mesurer et agir sur l’un ou l’autre des quatre facteurs du sentiment d’efficacité personnelle révélés par l’analyse factorielle exploratoire.

Si la qualité de la formation est devenue un enjeu majeur pour les professionnel∙le∙s du secteur et un champ d’études digne d’intérêt pour les chercheur⋅se⋅s (Gilibert et Gillet, 2010), la nécessité de l’évaluation de la qualité et de l’efficacité de la formation dispensée, notamment au Centre de formation d’apprentis, s’est peu à peu fait ressentir afin de justifier l’usage des fonds publics et d’estimer les couts et les résultats obtenus en matière d’insertion professionnelle des diplômé⋅e⋅s. La science de l’évaluation, née aux États-Unis, a alors fait son apparition en France, même si sa pratique reste peu fréquente et que, lorsque des évaluations sont effectuées, elles s’orientent vers une mesure de la satisfaction des stagiaires à l’issue des formations suivies (Gilibert et Gillet, 2010 ; Nesme, 2016). À titre d’exemple, la recherche de Tira (2012) sur l’efficacité du modèle de l’apprentissage peut être citée. En effet, une enquête menée auprès de 10 000 apprenti⋅e⋅s sur leurs représentations du dispositif de formation révèle que « les apprentis se déclarent plutôt satisfaits de la formation qu’ils reçoivent et les enseignants se déclarent plutôt satisfaits de la formation qu’ils donnent  » (p. 133). Pour Ferracci (2013), il faut aller plus loin dans l’évaluation en faisant appel à des méthodes et à des indicateurs à même d’identifier une véritable relation de causalité entre le passage en formation et le développement des compétences professionnelles des formé⋅e⋅s. C’est donc cette voie qui est ici empruntée en faisant appel au sentiment d’efficacité personnelle comme indicateur pour apprécier la qualité et l’efficacité de la formation dispensée au Centre de formation d’apprentis. Bien que le présent article puisse s’inscrire dans le domaine de la psychométrie comme fondement épistémologique, l’objectif ici n’est pas tant de comparer l’échelle du sentiment d’efficacité personnelle de l’apprenti⋅e à d’autres échelles, mais plutôt de rendre compte de la démarche empruntée pour produire un outil de mesure du sentiment d’efficacité personnelle chez des apprenti⋅e⋅s martiniquais⋅es en formation par alternance au Centre de formation d’apprentis et en entreprise.

2. Cadre théorique : le sentiment d’efficacité personnelle

Pour Bandura (1982, 1986, 1993), un fonctionnement humain efficace se base aussi bien sur des aptitudes que sur des croyances d’efficacité pour bien les utiliser. Il nomme dès lors sentiment d’efficacité personnelle « la croyance de l’individu en sa capacité d’organiser et d’exécuter la ligne de conduite requise pour produire des résultats souhaités » (Bandura, 2007, p. 12). Pour lui, une telle croyance représente un facteur clé de l’action humaine dans la mesure où elle influe sur presque toutes les activités d’un individu : sa manière de se comporter, de penser, de se motiver ou encore de ressentir les choses. La notion de sentiment d’efficacité personnelle correspond aux jugements personnels des individus quant à des domaines spécifiques. Ainsi, le sentiment d’efficacité personnelle n’est pas lié aux aptitudes réelles d’un individu, mais bien à ce qu’il pense être en mesure de réaliser avec les capacités qu’il imagine posséder. Le sentiment d’efficacité personnelle s’envisage donc sous l’angle d’une autoévaluation que fait une personne de l’exercice de son influence sur elle-même et son environnement, et intègre, à ce titre, une notion beaucoup plus globale : le concept de soi. Le sentiment d’efficacité personnelle est souvent rattaché à des concepts connexes d’autoévaluation avec lesquels il est considéré comme interchangeable. C’est ainsi que les concepts d’estime de soi et de sentiment d’efficacité personnelle sont souvent employés, à tort, comme des synonymes. En effet, alors que le sentiment d’efficacité personnelle désigne les évaluations par l’individu de ses aptitudes personnelles, l’estime de soi, quant à elle, renvoie plutôt au jugement d’une valeur personnelle. Il est vrai que lorsqu’il est question de la réalisation d’activités ayant de la valeur aux yeux des individus, il y a de fortes probabilités pour que ces deux aspects de l’expérience humaine soient en corrélation positive. Cependant, Lecomte (2004) souligne le fait qu’il n’y a pas de relation systématique entre ces deux variables. Pour lui, une personne peut s’estimer complètement inefficace dans une activité donnée sans que cela affecte pour autant sa valeur personnelle dans cette dite activité et inversement.

La distinction entre le sentiment d’efficacité personnelle et l’estime de soi a une conséquence importante en matière d’évaluation. En effet, le sentiment d’efficacité personnelle ne se définit pas comme un trait de personnalité, mais plutôt comme un jugement porté sur une capacité d’organiser et d’utiliser les différentes activités inhérentes à la réalisation d’une tâche à exécuter (Bouffard-Bouchard et Pinard, 1988). Il est donc nécessaire de construire des outils d’évaluation adaptés au domaine précis pour lequel on cherche à mesurer des croyances d’efficacité (Bandura, 2007 ; Betz et Hackett, 2006). Partant du principe selon lequel un individu ne dispose pas d’un système de croyances d’efficacité personnelle unique, mais plutôt d’une variété de croyances personnelles liées à différents niveaux de fonctionnement, Bandura (2007) postule que toute échelle de mesure du concept devrait donc être spécifiquement rattachée au type d’activité qu’elle cible. En s’intéressant aux recherches menées sur le sujet, Galand et Vanlede (2004) retiennent deux façons usuelles de mesurer le sentiment d’efficacité personnelle. La première mesure s’attache à proposer à une personne un exemple d’activité en lui indiquant différents niveaux de performance possibles, puis en lui demandant avec quel degré de certitude il pense pouvoir atteindre chacun des niveaux de performance indiqués (Lee et Bobko, 1994). La deuxième mesure consiste à demander au participant dans quelle mesure il se sent capable de réaliser différentes tâches données (Bandura, Barbaranelli, Caprara et Pastorelli, 1996). Dans les deux cas, l’autoévaluation est généralement reportée sur une échelle de Likert.

2.1 Les sources du sentiment d’efficacité personnelle

Quatre sources spécifiques contribuent à façonner le sentiment d’efficacité personnelle : l’expérience active de maitrise, l’expérience vicariante, la persuasion verbale et les états émotionnels et physiologiques (Bandura, 1977, 1986, 2007 ; Carré, 2004 ; Lecomte 2004). Tout d’abord, les expériences actives de maitrise constituent la source la plus influente d’information sur l’efficacité, car ce sont elles qui « démontrent le plus clairement que la personne peut rassembler ce qui est nécessaire pour réussir » (Bandura, 2007, p. 125). Ainsi, les expériences antérieures affectent la manière dont le sentiment d’efficacité personnelle de l’individu se construit. D’une part, les succès, qui servent d’indicateurs de capacité, permettent de le consolider, et d’autre part, les échecs l’affectent négativement. Ensuite, l’expérience vicariante représente la deuxième source la plus importante du sentiment d’efficacité personnelle. En effet, lorsqu’un sujet observe d’autres personnes réaliser une activité, surtout si ces personnes lui ressemblent (par exemple, en termes d’âge, de genre, de milieu social ou de niveau scolaire), cela facilite le processus d’identification et influence son sentiment d’efficacité personnelle (Rosenthal et Bandura, 1978 ; Schunk et Hanson, 1985). Cette observation des pairs est donc un moyen pour l’individu d’apprendre par modelage. D’après Bandura (1986), l’apprentissage vicariant est un apprentissage socioconstructif par observation durant lequel l’individu arrive à extraire des règles de conduite du modèle observé. Puis, la persuasion verbale représente l’ensemble des encouragements, des critiques, du soutien ou des conseils prodigués à une personne. Cependant, pour que cette persuasion ait un effet sur le sentiment d’efficacité personnelle, il lui faut venir d’une personne significative aux yeux de l’individu qui la reçoit (par exemple, les pairs, les parents, les formateur⋅rice⋅s) et que cet individu dispose déjà de certaines croyances en ses propres capacités pour agir de façon efficace (Bandura, 1986). Enfin, Bandura émet l’idée que l’état physiologique et émotionnel d’une personne détermine en partie l’évaluation de ses capacités, en particulier dans les domaines liés à la santé, aux activités physiques et à la gestion du stress (Carré, 2004).

2.2 Le sentiment d’efficacité personnelle comme indicateur pour évaluer une formation

Selon Galand et Vanlede (2004), les études empiriques font ressortir que le sentiment d’efficacité personnelle est un bon déterminant des résultats scolaires, du choix de filière d’études et des choix professionnels. En effet, il existe une relation forte entre le sentiment d’efficacité personnelle, la performance et la persévérance chez les apprenant⋅e⋅s de tous âges. Dans un article, où ils passent en revue les recherches empiriques concernant les croyances d’efficacité personnelle dans le domaine de l’enseignement et de la formation, Galand et Vanlede (2004) soulignent les effets importants du sentiment d’efficacité personnelle sur l’engagement, les performances et la trajectoire de formation des apprenant⋅e⋅s et des enseignant⋅e⋅s. Ces auteurs déclarent :

Les corrélations entre sentiment d’efficacité et performance se situent habituellement entre .30 et .50. Dans leur méta-analyse d’une série d’études réalisées entre 1981 et 1988, Multon, Brown et Lent (1991) obtiennent une taille d’effet moyen du sentiment d’efficacité égale à .38 pour la performance et à .34 pour la persévérance. En d’autres termes, parmi des échantillons d’âges et de niveaux différents, au moyen de méthodes variées et avec diverses mesures, les croyances d’efficacité rendent compte d’approximativement 14 % de la variance dans la performance des apprenants et de 12 % de la variance dans leur persévérance. L’effet est souvent plus élevé dans les recherches expérimentales que dans les études de terrain, et dans les années supérieures de la scolarité que dans les années inférieures.

Galand et Vanlede, 2004, p. 95

Lecomte (2004), quant à lui, décrit comment une étude de Collins (1982) met en exergue le fait pour des enfants de niveau de compétence cognitive semblable d’obtenir des performances intellectuelles différentes selon le niveau de leur sentiment d’efficacité personnelle. La conclusion flagrante est que le sentiment d’efficacité personnelle devient un meilleur déterminant de la performance intellectuelle que les compétences seules. Les performances scolaires d’un⋅e apprenant⋅e ne sont donc pas les seuls fruits de ses compétences, mais dépendent aussi de la confiance qu’elle⋅il a en la maitrise de celles-ci. Autrement dit, plus un⋅e apprenant⋅e fait état d’un sentiment d’efficacité personnelle important, plus elle⋅il se fixe des objectifs élevés, persévère face à des difficultés rencontrées lors de l’exécution d’une tâche, et meilleures sont ses performances scolaires (Bandura, 2007 ; Bong et Skaalvik, 2003 ; Marsh, 1990). En éducation, Bouffard-Bouchard et Pinard (1988) ont démontré quant à eux l’impact d’une rétroaction de réussite ou d’échec sur le sentiment d’efficacité personnelle des apprenant⋅e⋅s et sur leur performance cognitive immédiate, leur persévérance ultérieure et leur réussite scolaire. Ainsi, un⋅e apprenant⋅e présentant de faibles résultats, mais qui croit en ses capacités à utiliser efficacement ses compétences, peut fortement les développer si elle⋅il est correctement encouragé⋅e par une personne ayant de la valeur à ses yeux.

Le sentiment d’efficacité personnelle semble jouer un grand rôle non seulement chez les apprenante⋅s sur le plan des apprentissages, mais également chez les enseignant⋅e⋅s en ce qui concerne les formations qu’elles⋅ils dispensent. En effet, pour Monfette et Grenier (2016), les enseignant⋅e⋅s présentant un sentiment d’efficacité personnelle élevé sont les plus motivé⋅e⋅s au travail, utilisent de meilleures stratégies de résolution de problèmes et des méthodes d’enseignement plus efficaces. Ce sont également celles et ceux qui adhérèrent plus facilement à l’implantation de nouveaux programmes et qui ont recours plus volontairement à des styles d’enseignement centrés sur l’élève. Certaines recherches vont jusqu’à mettre en évidence l’interdépendance entre la performance des élèves et le sentiment d’efficacité personnelle des enseignant⋅e⋅s et formateur⋅rice⋅s. Par exemple, l’élève réussit mieux lorsque son enseignant⋅e possède un fort sentiment d’efficacité personnelle, et, en retour, l’enseignant⋅e se perçoit plus efficace lorsque ses élèves ont de bons résultats (Gaudreau, Beaumont, Frenette et Royer, 2012  ; Ménard, Dion et Legault, 2012 ; Ross, Hannay et Hogaboam-Gray, 2001).

Au regard de ces éléments, le sentiment d’efficacité personnelle devient un indicateur fiable pour mesurer la qualité d’une formation (Ménard et coll., 2012). En effet, une formation qui permet l’accroissement du sentiment d’efficacité personnelle des formé⋅e⋅s peut ainsi être considérée comme une formation efficace, tant le concept est corrélé à la performance scolaire, la persévérance et l’insertion professionnelle. Aussi, dans la lignée des travaux de Perrault, Brassart et Dubus (2010), qui l’utilisent pour évaluer l’efficacité de la formation des enseignant⋅e⋅s, ou encore de Marcel (2009), qui cherche à mesurer le développement professionnel lors de la formation des professeur⋅e⋅s de l’enseignement agricole français, le sentiment d’efficacité personnelle est utilisé comme un indicateur intéressant pour mesurer l’efficacité de la formation des apprenti⋅e⋅s. Aucune échelle de mesure du sentiment d’efficacité personnelle n’a été proposée pour la population particulière des apprenti⋅e⋅s en formation professionnelle par alternance en Martinique. La contribution de cet article est de rendre compte de la création d’un questionnaire permettant d’évaluer le sentiment d’efficacité personnelle des apprenti⋅e⋅s engagé⋅e⋅s en apprentissage par alternance en Martinique. Il s’agit de l’échelle du sentiment d’efficacité personnelle de l’apprenti.

3. Méthodologie

3.1 Conception du questionnaire

La construction de l’échelle de mesure du sentiment d’efficacité personnelle de l’apprenti⋅e comprend sept étapes issues des travaux de DeVellis (2003), soit la détermination de l’objet de mesure, l’élaboration des items, le choix d’une modalité de réponse, la validation des énoncés par un collège d’expert⋅e⋅s, le prétest, l’étude quantitative de la fiabilité du questionnaire et, enfin, l’étude quantitative de sa validité à l’aide d’une analyse factorielle exploratoire. Sont rapportés ici les résultats de la méthode utilisée.

3.2 Élaboration des questions

La rédaction des items est basée sur quatre compétences communes aux référentiels des certificats d’aptitude professionnelle coiffure, cuisine et peinture en carrosserie. Ces référentiels ont été choisis dans la mesure où Cahuzac, Maillard et Ourtau (2000) classent les certificats d’aptitude professionnelle coiffure, cuisine et peinture en carrosserie parmi les dix certificats d’aptitude professionnelle d’importance dans le système scolaire comme dans le système d’apprentissage en France, le certificat d’aptitude professionnelle coiffure occupant le premier rang. Les compétences suivantes sont retenues :

  • Préparer son travail (par exemple, Je crois que je suis capable d’identifier et de sélectionner avec pertinence les outils nécessaires pour effectuer mon travail) ;

  • Réaliser son travail (par exemple, Je crois que je suis capable de faire face à une situation professionnelle imprévue) ;

  • Communiquer son travail (par exemple, Je crois que je suis capable d’utiliser un vocabulaire professionnel approprié à l’oral comme à l’écrit) ;

  • Évaluer son travail (par exemple, Je crois que je suis capable de rectifier mon travail seule après une autoévaluation).

Ces compétences ne représentent pas les facteurs finaux du questionnaire qui seront recherchés par le biais d’une analyse factorielle exploratoire. L’échelle est constituée de deux volets. Un premier volet concerne le Centre de formation d’apprentis (9 items) et un deuxième, l’entreprise (14 items) (tableau 3).

3.3 Détermination du format de l’échelle et modalité de réponse

Abstraction faite des techniques de multi-échelle on compte deux principales stratégies d’élaboration d’une échelle (Gagné et Godin, 1999). La première stratégie, dite échelle additive, accorde d’emblée un poids identique à chaque item quand la deuxième, dite différentielle, discrimine les items selon qu’ils traduisent un niveau de possession plus ou moins élevé de la caractéristique mesurée. Dans le cas d’espèce, le choix est fait de retenir une échelle additive en faisant appel à la méthode de Likert (1932), car ce type d’échelle est souvent utilisé en recherche afin de mesurer « les croyances et les construits cognitifs comme la norme subjective, la perception du contrôle et l’intention » (Gagné et Godin, 1999, p. 6).

Le plus couramment, les items d’une échelle de type Likert proposent des énoncés, favorables ou défavorables envers l’objet d’étude, accompagnés d’un choix de réponse du type : a) fortement en désaccord ; b) légèrement en désaccord ; c) indécis⋅e ; d) légèrement en accord ; e) fortement en accord (Gagné et Godin, 1999). L’échelle du sentiment d’efficacité personnelle de l’apprenti⋅e propose aux apprenti⋅e⋅s de se situer par rapport aux quatre compétences professionnelles précitées (préparer son travail, réaliser son travail, communiquer son travail et évaluer son travail) dans deux lieux différents (le centre de formation et l’entreprise). Pour chacun des items proposés, la personne qui répond doit cocher, sur une échelle en sept points allant de 1 (pas du tout capable) à 7 (tout à fait capable), le chiffre correspondant le mieux à la perception de sa capacité.

L’échelle de Likert (1932) est le format de mesure le plus fréquemment utilisé dans les études psychopédagogiques (Lee et Peak, 2014). Si l’on considère le cas des études qui mesurent le sentiment d’efficacité personnelle, ce sont les échelles comprises entre cinq et sept qui sont le plus largement répandues. Pour Dawes (2002), il n’y a pas de différence significative entre les échelles de Likert en cinq points et les échelles de Likert en sept points. Cependant, au-delà, l’échelle perd un peu de ses qualités psychométriques en termes de cohérence interne des items (Dawes, 2008). À contrario, Preston et Colman (2000) déclarent que les échelles qui proposent des scores compris entre sept et dix points sont celles qui présentent les meilleures qualités psychométriques. En effet, lorsqu’ils comparent des échelles de trois à onze points, ils arrivent à la conclusion qu’en termes de cohérence interne des items et de validité, l’échelle qui obtient les meilleurs résultats globaux est l’échelle de dix points, suivie de près par les échelles de sept points et de neuf points. Les chercheur⋅se⋅s annoncent également que les répondant⋅e⋅s préfèrent les échelles à bas score, soit moins de cinq points. Contrairement à Gibson et Dembo (1984) ou à Dussault, Villeneuve et Deaudelin (2001), qui utilisent une échelle de fréquence de six pour mesurer le sentiment d’efficacité personnelle, le sentiment d’efficacité personnelle de l’apprenti⋅e se base sur un score de sept, soit une graduation suivant aussi bien les recommandations de Dawes (2008) que celles de Preston et Colman (2000). Le choix d’une échelle impaire donne également la possibilité à la au répondant⋅e de se positionner sur une modalité de réponse centrale. Dans la mesure où l’apprenti⋅e est en formation et qu’il lui est demandé d’estimer sa capacité à agir efficacement dans une situation professionnelle donnée, le taux de réponses sur la modalité centrale pourra être exploité comme un résultat à part entière.

Les réponses des participant⋅e⋅s permettent d’estimer l’autoévaluation de leurs compétences professionnelles. Pour chaque lieu (entreprise ou Centre de formation d’apprentis), un score global est calculé en additionnant les valeurs obtenues pour chaque item renseigné.

3.4 Évaluation qualitative du questionnaire

L’évaluation qualitative comporte deux étapes : un jugement d’expert⋅e⋅s et un prétest du questionnaire.

  • Un jugement d’expert∙e∙s : après rédaction, le questionnaire a été proposé en relecture à des expert⋅e⋅s du domaine. En effet, cette première ébauche de l’échelle a été soumise, dans un premier temps, à un groupe composé d’une inspectrice de l’éducation nationale, de deux responsables pédagogiques de filière professionnelle de Centre de formation d’apprentis et d’une directrice de Centre de formation d’apprentis. Leur mission était d’apporter une appréciation subjective de l’absence de dérive par rapport à l’objectif initial afin d’éliminer les items incohérents avec les définitions retenues des compétences métier (Roussel et Wacheux, 2005). Les expert⋅e⋅s se sont ainsi prononcé⋅e⋅s sur la compréhension des questions par la population cible, la non-induction des réponses, la pertinence des modalités de réponse, le choix des réponses et leur nombre, la non-ambigüité du vocabulaire ou encore l’utilité de toutes les questions afin de réduire au maximum la longueur du questionnaire.

  • Le prétest : dans un second temps, le questionnaire a fait l’objet d’une mise à l’épreuve en situation réelle. Ainsi, il a été administré à un échantillon de la population cible, soit un groupe d’apprenti⋅e⋅s de Centre de formation d’apprentis (n = 110).

3.5 Évaluation quantitative du questionnaire

3.5.1 Participant⋅e⋅s

Le Centre de formation d’apprentis de l’Université Régionale des Métiers de l’Artisanat de Martinique accueille 573 apprenti⋅e⋅s, qu’il forme à trois filières (automobile, alimentation, tertiaire) et à 14 métiers (voir tableau 1 ci-dessous). Si la durée de la formation dépend du contrat d’apprentissage (entre 1 et 3 ans selon le diplôme préparé), elle doit être au minimum de 400 heures par an en moyenne (article R6233-52 du Code du travail). Elle se découpe généralement en deux tiers du temps au Centre de formation d’apprentis, et en un tiers du temps en entreprise.

Tableau 1

Filière d’apprentissage au Centre de formation d’apprentis de l’Université Régionale des Métiers et de l’Artisanat (Données fournies par l’établissement pour l’année 2016)

Filière d’apprentissage au Centre de formation d’apprentis de l’Université Régionale des Métiers et de l’Artisanat (Données fournies par l’établissement pour l’année 2016)

CAP : certificat d’aptitude professionnelle  ; BP : brevet professionnel  ; BTS : brevet de technicien supérieur.

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Le questionnaire est administré à un échantillon de 110 apprenti⋅e⋅s (38 femmes et 72 hommes). Elles∙ils représentent les apprenti⋅e⋅s en fin de parcours de formation (soit en terminale, la troisième année de formation) aux métiers de la mécanique, de la carrosserie, de la peinture automobile, de la cuisine, d’employé⋅e de restaurant, de la coiffure, de l’esthétique, de la vente et de la logistique. Leur âge moyen est de 19,17 ans avec un écart-type de 2,37. Tout comme au niveau national, ces filières d’apprentissage en alternance sont plutôt prisées par les hommes. Pour Cahuzac, Maillard et Ourtau (2000), cela s’explique en raison des métiers préparés. Ils sont toujours, à l’heure actuelle, considérés comme des « métiers d’hommes », peu ouverts à la présence des filles, comme ceux du bâtiment et de l’alimentation.

3.5.2 Passation

Le questionnaire est administré sous format numérique. Il est renseigné par les apprenti⋅e⋅s dans une salle informatique du Centre de formation d’apprentis de l’Université Régionale des Métiers et de l’Artisanat. Les consignes de passation sont identiques pour chacune des classes. La passation se déroule en une seule fois. Les apprenti⋅e⋅s sont informé⋅e⋅s que leurs réponses ne sont divulguées ni à leurs formateur⋅rice⋅s ni à l’institution. Elles ne sont connues que des seul⋅e⋅s responsables de l’étude.

3.5.3 Étude de la fiabilité

La fiabilité d’un questionnaire permet de réduire l’erreur aléatoire. Elle indique la capacité de l’instrument de mesure à reproduire des résultats similaires s’il venait à être renseigné plusieurs fois par la même population. La mesure de la fiabilité la plus répandue est celle de la cohérence interne que l’on applique généralement aux questionnaires qui cherchent à mesurer une variable en s’appuyant sur une échelle multiple. Dans le cas d’espèce, cette étude vise à mesurer un jugement en se basant sur une échelle de Likert (1932). L’instrument de mesure le plus fréquemment utilisé pour déterminer la cohérence interne d’un tel type de questionnaire est le coefficient de l’alpha de Cronbach (1951). Un tel coefficient permet de vérifier si chaque item partage une cohérence avec le reste des énoncés du questionnaire (Cortina, 1993 ; Cronbach et Meehl, 1955 ; Streiner, 2003). Lorsqu’une échelle a une bonne consistance interne et que ses items sont corrélés, alors ceux-ci mesurent le même phénomène et peuvent être additionnés pour établir un score (Evrard, Choffray, Dussaix, Prass et Roux, 1993). Pour vérifier la fiabilité de l’échelle du sentiment d’efficacité personnelle de l’apprenti⋅e, le coefficient de l’alpha de Cronbach a été mesuré afin de tester la consistance interne entre les items des différents facteurs (Cronbach, 1951).

Tableau 2

Test de fiabilité

Test de fiabilité

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3.5.4 Étude de la validité de construit

Pasquier et Gras (2012) mentionnent qu’il existe deux types d’analyses dans le domaine de la psychométrie. On distingue, d’une part, l’analyse factorielle exploratoire, rendue possible par l’analyse en composantes principales (Hotelling, 1933 ; Pearson, 1901), et, d’autre part, l’analyse factorielle confirmatoire. Pour eux :

l’approche exploratoire recherche un résumé de l’information en faisant passer un système de droites dans le nuage de points, minimisant la somme des carrés de la distance de chaque point à chaque droite. On obtient ainsi une ou plusieurs nouvelles variables appelées composantes ou facteurs. Extraites par le calcul, ces variables sont dites latentes et on les interprète comme l’expression de processus mentaux susceptibles d’expliquer le niveau de performance à des familles d’épreuves.

Pasquier et Gras, 2012, p. 3

Descriptive, l’analyse en composantes principales aide à comprendre la structure d’une série de données et constitue une source d’hypothèses à vérifier ultérieurement par une analyse factorielle confirmatoire. Cet article propose le développement d’une échelle dans une optique exploratoire. Pour apprécier l’homogénéité du sentiment d’efficacité personnelle de l’apprenti⋅e, le test de fiabilité de cohérence interne a été complété par une analyse factorielle exploratoire. Le but de la démarche est de déterminer le nombre de facteurs principaux présents dans l’échelle. Ici, l’identification des facteurs repose sur une analyse en composantes principales (analyse en composantes principales : méthode de rotation Varimax avec normalisation de Kaiser) avec une sélection des facteurs dont la valeur propre est supérieure ou égale à 1 (tableau 3). Cette analyse est appropriée lorsqu’il s’agit de tester des échelles en construction (Hurley, Brannick, Scandura, Schriesheim, Seers, Vandenberg et Williams, 1997). Avant de procéder à l’identification des facteurs de l’échelle, la qualité des corrélations entre les items a été vérifiée par la mesure de l’adéquation de l’échantillonnage (Kaiser-Meyer-Olkin) et le test de sphéricité de Bartlett (tableau 2). Dans le cas où les corrélations sont très faibles ou inexistantes, il serait difficile de faire émerger un ou plusieurs facteurs. L’indice Kaiser-Meyer-Olkin varie entre 0 et 1. Lorsqu’il dépasse 0,80, il peut être qualifié d’excellent ou de méritoire. Le test de sphéricité de Bartlett, quant à lui, permet de rejeter l’hypothèse nulle voulant qu’il s’agisse d’une matrice d’identité qui signifie que toutes les variables sont parfaitement indépendantes les unes des autres. Il est significatif lorsque p < 0,05.

Tableau 3

Test de sphéricité de Bartlett

Test de sphéricité de Bartlett

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Tableau 4

Analyse en composantes principales, méthode de rotation Varimax avec normalisation de Kaiser

Analyse en composantes principales, méthode de rotation Varimax avec normalisation de Kaiser

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4. Résultats et interprétations

Le tableau 1 indique que les indices de cohérence interne mesurés satisfont au critère d’acceptabilité de Nunnally et Bernstein (1994), à savoir un α > 0,70. L’échelle du sentiment d’efficacité personnelle de l’apprenti⋅e présente un α > 0,90, ce qui confirme une excellente cohérence interne et la capacité de l’instrument à reproduire des résultats similaires s’il venait à être renseigné plusieurs fois par les apprenti⋅e⋅s. Le tableau 2 met en évidence un indice Kaiser-Meyer-Olkin  > 0,90 pouvant être qualifié de méritoire. Cela montre que les corrélations entre les items sont de bonne qualité. Le test de sphéricité de Bartlett est significatif (p < 0,000) et permet donc de rejeter l’hypothèse nulle voulant que les données proviennent d’une population pour laquelle la matrice serait une matrice d’identité. L’analyse par composantes principales (tableau 3) met en évidence l’existence de quatre facteurs sur la base de l’interprétation des valeurs propres initiales. Quatre valeurs propres supérieures à 1 sont présentes, ce qui met en évidence la présence de quatre facteurs. Un item sature de façon importante sur trois facteurs (13. De mettre en oeuvre les techniques de base de mon métier), elle sera donc retirée du questionnaire. Dans la mesure où l’analyse factorielle est exploratoire, l’étape suivante consiste à nommer les facteurs et à tenter d’identifier le construit latent qu’ils permettent de mesurer. Ces quatre facteurs sont alors définis comme suit :

  1. Le sentiment d’efficacité personnelle en Centre de formation d’apprentis

  2. Le sentiment d’efficacité personnelle en entreprise

  3. Le sentiment de conformité à la culture d’entreprise

  4. Le sentiment de maitrise du lexique professionnel

En définitive, l’échelle possède une bonne consistance interne et ses items sont corrélés entre eux. Elle présente quatre facteurs qui mesurent le même phénomène, ce qui leur permet d’être additionnés pour établir un score (Evrard et coll., 1993). L’émergence de ces quatre facteurs présente un intérêt social important dans la mesure où ils concernent des aprenti⋅e⋅s qui représentent une population d’apprenant⋅e⋅s généralement « fragiles » en ce qui concerne les apprentissages et leurs capacités à apprendre (Cahuzac, Maillard et Ourtau, 2000). Ainsi, la possibilité d’identifier des hypothèses d’action éducative précises à partir de la mesure de ces quatre facteurs s’offre aux acteurs de la formation professionnelle.

5. Discussion

L’élaboration de l’échelle du sentiment d’efficacité personnelle de l’apprenti⋅e suit les lignes directrices proposées par DeVellis (2003). Cette approche permet, lors de l’élaboration d’un questionnaire, de suivre un canevas offrant divers éléments de cohérence interne et de validité de construit. Les différentes analyses effectuées dans la présente étude ont permis d’obtenir des preuves de la validité de contenu (cadre conceptuel et experts du domaine) et de la structure interne. Divers éléments de preuve de fiabilité et de validité sont présentés : les corrélations entre les items, le niveau de consistance interne, la présence de plusieurs facteurs permettant de mesurer le sentiment d’efficacité personnelle de l’apprenti⋅e. Les différentes analyses effectuées à l’aide du logiciel SPSS ont permis de supprimer un item « déviant » de sorte à optimiser l’estimation du coefficient alpha de Cronbach sans altérer la validité de la mesure. En effet, un item a été supprimé, car il ne se positionne pas de façon adéquate sur un seul facteur (13. De mettre en oeuvre les techniques de base de mon métier). Les analyses factorielles exploratoires révèlent une structure à quatre facteurs corrélés. Les résultats ainsi obtenus permettent d’affirmer que l’échelle du sentiment d’efficacité personnelle de l’apprenti⋅e possède des qualités psychométriques acceptables.

Pour rappel, aucune échelle de mesure du sentiment d’efficacité personnelle n’a été proposée pour la population particulière des apprenti⋅e⋅s en formation professionnelle par alternance en Martinique. Pour Bandura (2006), toute échelle de mesure du sentiment d’efficacité personnelle doit être spécifiquement rattachée au domaine de fonctionnement qu’elle cible, et l’étude atteint cet objectif en permettant de créer un outil capable de mesurer l’efficacité personnelle perçue chez les apprenti⋅e⋅s. Cette étude présente cependant certaines limites qu’il y a lieu de mentionner. Il faut souligner le nombre de personnes ayant répondu au questionnaire. Ce nombre dépasse les 100 participant⋅e⋅s (soit 110 au total), mais pas celui de 10 personnes par item comme recommandé par Hair, Black, Babin et Anderson (2014). Pour atteindre le nombre de répondant⋅e⋅s requis, il aurait fallu avoir 230 répondant⋅e⋅s (soit 23 questions x 10). Toutefois, neuf questions étant les mêmes pour l’entreprise et le Centre de formation d’apprentis et un item ayant été retiré, cela nous ramène à une nécessité de 130 répondant⋅e⋅s. Des analyses supplémentaires avec un échantillon plus étendu devraient être effectuées pour obtenir des éléments de preuve supplémentaires sur la fiabilité et la validité de l’échelle. De plus, une analyse factorielle confirmatoire pourrait être menée pour vérifier la stabilité des quatre facteurs trouvés. D’autres pistes de recherche futures s’offrent pour améliorer l’échelle. On pourrait vérifier, par exemple, que cette dernière ne coïncide pas avec la mesure de l’estime de soi. De plus, bien que l’orientation première de la recherche soit de mesurer le sentiment d’efficacité personnelle des apprenti⋅e⋅s en entreprise et au Centre de formation d’apprentis et que le système de l’apprentissage français soit davantage masculin que féminin (Cahuzac, Maillard et Ourtau, 2000), une comparaison du sentiment d’efficacité personnelle entre les hommes et les femmes pourrait affiner l’outil. On peut également penser à l’estimation de probable corrélation entre le sentiment d’efficacité personnelle, la performance scolaire, la persévérance scolaire et l’insertion professionnelle.

6. Conclusion

Cette recherche a pour objectif la construction et la validation d’une nouvelle échelle de mesure du sentiment d’efficacité personnelle de l’apprenti⋅e en situation professionnelle et, à ce titre, elle s’inscrit dans la lignée des recherches sur le sentiment d’efficacité personnelle (Bandura, 2007). D’un point de vue scientifique, parce qu’elle offre de bonnes qualités psychométriques, l’échelle du sentiment d’efficacité personnelle de l’apprenti∙e pourra contribuer à décrire empiriquement le sentiment d’efficacité personnelle des apprenti⋅e⋅s. Son utilisation dans les études à venir permettra l’avancement des connaissances sur le sentiment d’efficacité personnelle de manière générale et sur celui des individus en formation professionnelle plus particulièrement. En effet, l’échelle propose 22 items valides et fiables pour mesurer un construit psychologique fort relié à la performance et à la persévérance scolaire. Elle permet ainsi d’estimer et de caractériser les quatre dimensions du sentiment d’efficacité personnelle : celui en entreprise, celui au Centre de formation d’apprentis, le sentiment de conformité à la culture d’entreprise et le sentiment de maitrise du lexique professionnel. L’échelle du sentiment d’efficacité personnelle de l’apprenti⋅e représente également des retombées pour l’enseignement professionnel. Elle a une pertinence sociale forte, car il s’agit de proposer aux formateur⋅rice⋅s de Centre de formation d’apprentis un outil pour identifier et mesurer, et peut-être développer plus tard, l’un ou l’autre des quatre facteurs précités de ce sentiment. En effet, l’échelle peut être utilisée non seulement comme un outil afin de mesurer l’efficacité de la formation des apprenti⋅e⋅s, mais également comme moyen d’amélioration des interventions auprès des publics en formation en alternance. Il représente ainsi une ressource pour les formateur⋅rice⋅s, l’institution ou les chercheur⋅se⋅s.