Recensions

Austin, D. (2015). Nègres noirs, nègres blancs. Race, sexe et politique dans les années 1960 à Montréal. Lux./Traduit de l’anglais par C. St-Hilaire et V. Dassas : Austin, D. (2013). Fear of a Black Nation. Race, sex, and security in sixties Montreal. Between the Lines[Notice]

  • Mathieu Melançon

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  • Mathieu Melançon
    Université de Montréal

Montréal a occupé une place importante dans l’émergence de l’internationalisme noir. À une époque où les élites canadiennes s’inquiétaient d’une possible confluence des mouvements de la gauche, les années 1960 ont vu les luttes sociales se mondialiser en un « élan presque spirituel qui relie les dissidents du monde entier » (p. 35). Or, ces politiques de libération ont des origines afrocaribéennes, car ce sont les penseur⋅se⋅s de la gauche noire qui, voyant dans les injustices mondiales le reflet de leur propre réalité coloniale, développeront un nouveau langage révolutionnaire et émancipatoire. C’est à Montréal que se tient, en 1968, le Congrès des écrivains noirs. D’illustres orateurs tels que Stokely Carmichael et C. L. R. James y réclament « une part effective du pouvoir total » (p. 19) et discutent des orientations idéologiques du nationalisme noir. Des sources révèlent l’intensité du brassage d’idées qui s’y déroule, faisant écho à la fébrilité révolutionnaire qui caractérise Montréal à ce moment. Quelques mois plus tard, des universitaires noir⋅e⋅s occupent l’Université Sir George Williams (qui deviendra une partie de l’actuelle Université Concordia) pour dénoncer le racisme d’un professeur et l’inaction des administrateur⋅rice⋅s envers ce racisme. Lorsque la police déloge les manifestant⋅e⋅s, une violente émeute éclate, ce qui poussera la Gendarmerie royale du Canada à mener une surveillance active des faits et gestes des leadeur⋅se⋅s noir⋅e⋅s. Mais la gauche afromontréalaise n’opère pas en vase clos : ses actions et ses idées se réverbèrent chez les autres mouvements de gauche, notamment dans les cafés et campus de la ville, qui font alors office d’universités populaires. Cette possibilité de métissage des idées fera de Montréal l’épicentre du radicalisme de gauche pendant un certain temps.