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Les évaluateur⋅rice⋅s de programmes ont besoin de plus que des outils théoriques et méthodologiques pour mener à bien leur travail. C’est là la prémisse fondamentale sur laquelle est basé l’ouvrage L’évaluation de programmes axée sur la rencontre des acteurs, piloté par Hurteau, Bourgeois et Houle (2018). Ces chercheur⋅se⋅s ont colligé un ensemble de textes explorant l’importance pour l’évaluateur de développer ses capacités à gérer les interactions entre les différentes parties prenantes et les différends qui peuvent émerger lors de l’évaluation de programme. Plus précisément, l’ouvrage porte sur la sagesse pratique, la capacité à reconnaitre les actions à poser, leur logique sous-jacente et à résoudre les problèmes émergeant des relations entre les acteur⋅rice⋅s. La sagesse pratique est notamment constituée de connaissances issues de l’expérience et des valeurs de l’évaluateur⋅rice. Celle-ci guidera la pratique d’évaluation en informant les choix à effectuer. Les chapitres de l’ouvrage sont divisés en deux parties, Fondements et Praxis de l’évaluation.
La première partie du livre, Fondements, délimite en quatre chapitres les bases théoriques de la sagesse pratique et les concepts la composant. La praxis, la conception critique qu’ont les évaluateur⋅rice⋅s de leur pratique, repose sur la sagesse pratique et la méthodologie. L’importance de considérer ses propres valeurs et celles des autres est elle aussi abordée. La place de l’intuition experte dans la pratique de l’évaluation est finalement décrite, formalisant l’importance pour la personne pilotant l’évaluation d’acquérir des connaissances implicites pour améliorer sa pratique. Selon les auteur⋅e⋅s, il faudrait non seulement se fier aux connaissances formelles basées sur la théorie, mais aussi à ce qui est appris sur le terrain et issu de l’introspection, que ce soit de manière consciente ou non.
La seconde partie, Praxis de l’évaluation, regroupe huit chapitres orientés vers l’opérationnalisation des concepts théoriques définis précédemment notamment à l’aide de données empiriques et d’études de cas. Les premiers chapitres de la section relient la sagesse pratique à des éléments concrets de l’évaluation de programmes en montrant comment celle-ci se met en marche dans différentes approches, comme les approches participative et culturelle, et méthodes, comme la recherche-action. D’autres chapitres illustrent l’apport de la sagesse pratique à l’aide d’expériences d’évaluation ; des exemples issus du gouvernement du Canada et de l’évaluation d’un programme universitaire sont fournis. Le dernier chapitre explore les raisons pour lesquelles la relation entre l’évaluateur⋅rice et les autres parties prenantes peut s’envenimer.
L’évaluation de programmes axée sur la rencontre des acteurs représente un ajout aux connaissances en évaluation de programmes en formalisant l’importance de la sagesse pratique. Les concepts présentés dans le livre peuvent facilement s’appliquer à une multitude de contextes et peuvent donc être utilisés dans le cadre d’évaluation de programmes en éducation. Cependant, les chapitres plus théoriques sont plus généraux et recourent à la pensée aristotélicienne pour soutenir plusieurs concepts centraux à la sagesse pratique (par exemple, la praxis), ce qui indique peut-être le peu de recherches récentes portant sur la sagesse pratique. Il aurait aussi été pertinent d’ajouter un plus grand nombre d’exemples concrets afin de permettre à la⋅au lecteur⋅rice de bien cerner l’importance de la sagesse pratique et de s’assurer que ses domaines d’application soient clairs.
Cet ouvrage sera utile aux évaluateur⋅rice⋅s de programmes en éducation en particulier, qu’il s’agisse de chercheur⋅se⋅s ou de praticien⋅ne⋅s. Les chercheur⋅se⋅s pourront s’orienter vers de nouvelles avenues. Les praticien⋅ne⋅s pourront utiliser l’ouvrage pour débuter une réflexion critique sur leurs activités afin de développer leur sagesse pratique. Cependant, l’exercice demandera des efforts pour transposer les concepts dans la pratique.