Corps de l’article

1. Introduction

La disponibilité de bonnes estimations des événements hydrologiques extrêmes (tels que les crues et les étiages) est essentielle pour bien accomplir différentes activités d’ingénieur, telles que la conception des structures hydrauliques, la gestion de la qualité de l’eau et de l’habitat aquatique, ou la prévention des inondations. L’analyse fréquentielle des données hydrologiques est une approche couramment utilisée pour obtenir de telles estimations quand l’information hydrologique est disponible au site d’intérêt et est de bonne qualité. Cependant, il n’est pas possible de disposer de stations de mesure dans tous les sites d’intérêt. On est alors souvent amené à estimer des événements extrêmes dans des sites où peu ou aucune information hydrologique n’est disponible. Dans ces cas, les hydrologues se basent sur des procédures d’estimation régionale qui permettent de transférer les données hydrologiques spatiales disponibles à d’autres bassins ayant un régime hydrologique similaire vers le site d’intérêt où l’estimation hydrologique est requise.

Pour ajouter à la complexité du problème, les changements climatiques en cours affectent l’occurrence des événements hydrologiques extrêmes et, conséquemment, ils devraient être pris en compte dans les procédures d’estimation régionale. Durant les dernières années, le développement de méthodologies régionales permettant l’analyse des extrêmes hydrométéorologiques dans un contexte de non-stationnarité a reçu un intérêt grandissant. Différentes méthodologies d’estimation régionale ont également été proposées pour tenir compte de la saisonnalité des extrêmes hydrologiques, pour modéliser plus d’une caractéristique de l’hydrogramme en même temps, pour adapter les approches d’estimation régionale à d’autres variables hydrologiques, pour bien exploiter l’information locale disponible dans le cadre du modèle régional (cas des sites partiellement jaugés), ou tout simplement pour améliorer la performance des méthodes de régionalisation existantes. Une synthèse critique de ces nouveaux développements n’a pas encore été effectuée. Il est donc important de faire un inventaire des nouvelles approches d’estimation régionale des phénomènes hydrologiques qui ont été présentées durant les dernières années, de les discuter, et de dégager des directions prometteuses pour des travaux futurs. Le présent document vise à examiner et à classer les développements récents dans les techniques d’analyse de fréquence régionale des variables hydrologiques extrêmes.

L’objectif général du présent article est de présenter une synthèse exhaustive des derniers développements en matière d’analyse hydrologique régionale, de dégager les directions principales de ces développements récents, et de mettre en évidence les défis majeurs pour les années futures. Les objectifs spécifiques de l’article sont les suivants :

  • passer en revue les principaux développements en matière de modélisation hydrologique régionale qui ont été proposés au cours des dernières années;

  • classer ces développements en différentes catégories en fonction de la base théorique de la méthode, de ses objectifs spécifiques et des caractéristiques des phénomènes hydrologiques extrêmes qu’elle entend traiter;

  • proposer un examen de ces méthodes, en soulignant les hypothèses, les limitations et le potentiel de chacune, et de préciser les données nécessaires à leur application;

  • identifier les nouveaux défis auxquels sont confrontés les ingénieurs en matière d’analyse fréquentielle régionale des variables hydrologiques extrêmes; et

  • évoquer des pistes prometteuses de travaux de recherche afin de répondre à ces nouveaux défis.

Il est important de noter que les différentes méthodes considérées dans le présent document se chevauchent et peuvent être classées dans différentes catégories. À titre d’exemple, une méthode de régionalisation peut être non stationnaire et multivariée. Lors de la classification présentée dans le présent document, les méthodes de ce type seront discutées dans le cadre de l’approche où elles ont apporté le plus de contribution.

2. Améliorations récentes dans les méthodes d’identification des régions homogènes et d’estimation régionale

En général, les méthodologies communément utilisées pour l’analyse fréquentielle régionale des variables hydrologiques extrêmes comprennent deux étapes. Dans la première étape on effectue la détermination des régions hydrologiquement homogènes, i.e. on regroupe les stations ayant un comportement hydrologique semblable. Dans la deuxième étape, l’estimation régionale est effectuée à l’intérieur de la région hydrologiquement homogène; l’information est transférée à partir des sites jaugés vers le site cible non jaugé ou partiellement jaugé. Dans les deux sections suivantes on présente les nouveaux développements dans le cadre de ces deux étapes du processus de régionalisation.

2.1. Méthodes d’identification des régions hydrologiquement homogènes

Trois différents types d’approche d’identification des régions homogènes peuvent être distingués :

  • régions fixes géographiquement contiguës : ensemble de stations formant une même région homogène et géographiquement contiguës;

  • régions fixes non contiguës : ensemble de stations formant une même région homogène mais géographiquement non contiguës; et

  • régions du type voisinage : un voisinage spécifique est associé à chaque station cible.

La performance d’une méthodologie de régionalisation dépend des méthodes retenues durant les deux étapes du processus. GREHYS (1996a, b), a présenté une comparaison des méthodologies d’estimation régionale des crues utilisées en Amérique du Nord. Les résultats ont montré que, pour la détermination des régions homogènes, les méthodes basées sur la notion de voisinage, telles que la méthode des régions d’influence (Burn, 1990a, b) et la méthode d’analyse canonique des corrélations (ACC) (Ouardaet al., 2000, 2001) se distinguent des autres. Ouardaet al. (2001) ont également montré la supériorité des régions homogènes du type voisinage. La méthode d’ACC a été utilisée avec succès dans la vallée de la rivière Mackenzie, Canada (Spence et Saso, 2005). Ouardaet al. (2008) ont présenté une adaptation de différentes méthodes de détermination des régions homogènes aux climats tropicaux, et une comparaison de leurs performances sur la base de leur application à un groupe de bassins du Mexique. Les résultats ont indiqué clairement la robustesse et la supériorité des méthodes basées sur l’approche d’ACC.

Il est aujourd’hui communément accepté que la proximité géographique des bassins versants ne représente pas une garantie de leur similarité hydrologique. Cependant, plusieurs auteurs continuent à essayer de raffiner les approches de détermination des régions fixes basées, par exemple, sur l’analyse factorielle des correspondances, la classification ascendante hiérarchique ou l’approche de classification par carte auto-organisée (voir, par exemple, Lin et Chen, 2006; Rao et Srinivas, 2006a, 2006b). Les nouvelles approches proposées tentent souvent d’intégrer dans les procédures de détermination des régions homogènes de nouveaux éléments tels que l’utilisation des approches floues pour la modélisation de l’incertitude associée à l’information utilisée.

Shu et Burn (2004a) ont proposé une méthode d’identification des régions homogènes basée sur l’utilisation des algorithmes génétiques et des systèmes flous. Plusieurs autres nouvelles méthodes régionales caractérisées par leur originalité ont été proposées récemment. Ceci inclut les méthodes basées sur les réseaux de neurones artificiels, le krigeage dans des espaces transformées, ou la notion de fonction de profondeur (depth function). Ces approches seront discutées dans la section 2.3 du présent document puisqu’elles intègrent également l’estimation régionale.

Cunderlik et Burn (2006a) ont mis au point un test d’homogénéité régionale non paramétrique axé sur un site donné et basé sur l’information traitant de la saisonnalité des crues. Contrairement aux autres tests, ce test n’utilise pas l’information sur l’amplitude des crues, évite de prédéfinir une distribution régionale fixe, et est centré sur un site d’intérêt et une période de retour cible. Chebana et Ouarda (2007) ont proposé un test d’homogénéité multivarié. Ce test sera discuté dans la section traitant des modèles régionaux multivariés. Finalement, il est important de mentionner les approches d’identification de régions homogènes pour la régionalisation des extrêmes hydrologiques qui sont basées sur la théorie d’invariance d’échelle (scaling). Cette théorie a été appliquée avec succès pour la régionalisation des débits de crues (voir, par exemple, Skaugen et Vaeringstad, 2005) et des étiages (Hamzaet al., 2001).

Il est important de noter que toutes ces méthodes adoptent une définition d’homogénéité assez vague et subjective. Il est important de continuer à développer des approches de quantification de l’homogénéité qui soient basées sur les données disponibles et qui soient plus objectives.

2.2. Méthodes d’estimation régionale

Plusieurs approches d’estimation régionale peuvent être considérées. Dans son étude comparative, GREHYS (1996a, b) a montré que, au niveau de l’estimation régionale, la méthode de l’indice de crue (Dalrymple, 1960) et les méthodes régressives (Nguyen et Pandey, 1994; Ouardaet al., 2006; Shu et Burn, 2004b) sont pratiquement équivalentes et conduisent à des estimations supérieures aux autres méthodes.

La méthode de l’indice de crue (index flood) fait l’hypothèse de base que les données aux différents sites d’une région sont indépendantes et suivent la même distribution statistique à un facteur d’échelle près. Le coefficient de variation et le coefficient d’asymétrie sont alors constants à l’intérieur d’une région homogène. La performance de la méthode d’estimation régionale, dans le cas où les hypothèses de base ne sont pas bien respectées, reste acceptable. En raison de sa robustesse, cette approche a fait l’objet d’un regain d’intérêt au cours des dernières années.

L’approche basée sur la régression permet d’établir une relation entre les variables hydrologiques et les variables explicatives physiographiques ou météorologiques (surface drainée, pente du cours d’eau, pourcentage de l’aire du bassin couverte de forêt, surface contrôlée par les lacs et marais, précipitation moyenne annuelle, neige au sol à une date donnée, etc.). Elle est simple, rapide et permet d’utiliser des distributions différentes pour les différents sites de la région. Elle n’est également pas sensible à l’hétérogénéité qui peut exister dans la région. Il faut noter que cette méthode introduit généralement un biais : une transformation logarithmique des variables est généralement effectuée afin de linéariser la relation du type puissance qui est souvent adoptée entre quantiles et variables explicatives. Une étude de modélisation du biais dans les modèles régionaux a été présentée par Girardet al. (2004). Les méthodes de réduction du biais sont généralement associées à une augmentation de la variance d’estimation.

D’autres directions de recherche intéressantes ont été explorées par certains travaux. Stedinger et Fill (1997) ont présenté la méthode de régression des quantiles normalisés, qui utilise la régression régionale pour améliorer l’approche de l’indice de crue. Fortinet al. (1995) ont proposé une approche de délimitation des régions hydrologiques homogènes basée sur le concept des nombres flous.

Ces méthodes sont très sensibles à la corrélation spatiale entre les données des différents sites d’une région. Toutefois, cette corrélation spatiale entre les sites n’a toujours pas été incorporée explicitement dans les procédures de régionalisation. L’approche de krigeage canonique proposée par Chokmani et Ouarda (2004) permettra éventuellement de répondre à ce besoin. Cette approche est décrite plus en détail dans la prochaine section.

2.3. Méthodologies combinant la délimitation et l’estimation régionale

Certains travaux ont proposé des méthodologies qui intègrent la tâche de délimitation des régions homogènes et la tâche d’estimation régionale en une seule étape. Ces méthodologies permettent en général de faciliter le processus d’analyse fréquentielle régionale.

Les variables hydrologiques sont plutôt discrètes dans l’espace géographique. Elles peuvent changer drastiquement d’un bassin à un autre bassin versant adjacent, puisque les mécanismes de génération des crues sont propres à chaque bassin. En conséquence, l’application directe des méthodes d’interpolation spatiale dans l’espace géographique se heurte à un sérieux problème (Sauquet, 2000). Les quantiles de crue à un site donné représentent la réponse hydrologique au climat et reflètent la signature des caractéristiques physiques et géomorphologiques du bassin. Par conséquent, une technique d’interpolation dans l’espace multidimensionnel, définie par les caractéristiques physiographiques et météorologiques du bassin jaugé, peut avoir un potentiel réel pour la régionalisation des variables hydrologiques. En effet, bien que discontinus dans l’espace géographique, les quantiles peuvent être considérés comme des variables continues dans l’espace physiographique. En d’autres termes, on peut estimer les quantiles de crue aux sites non jaugés, connaissant les valeurs des quantiles aux sites « voisins » jaugés, et en utilisant une technique d’interpolation appropriée.

Chokmani et Ouarda (2004) ont proposé une méthode de krigeage dans l’espace physiographique pour l’analyse fréquentielle régionale des crues. La méthodologie repose sur la construction d’un espace physiographique continu utilisant les caractéristiques physiographiques et météorologiques des stations de jaugeage et des techniques d’analyse multivariée. Deux méthodes d’analyse multivariée ont été testées : l’Analyse Canonique des Corrélations (ACC) et l’Analyse en Composantes Principales (ACP). Le krigeage ordinaire est ensuite utilisé pour interpoler les quantiles de crue dans l’espace physiographique. Les résultats de la méthode proposée ont été comparés à ceux produits par la méthode traditionnelle d’analyse canonique des corrélations. La méthode proposée a donné des résultats satisfaisants. Ces résultats ont également montré que la méthode proposée fonctionne mieux lorsque l’espace physiographique est défini par l’ACC (méthode du krigeage canonique). Il a été montré que le krigeage canonique donne des résultats aussi précis que la méthode traditionnelle d’ACC, avec une fraction de l’effort et du temps de calcul. Dans le cadre d’une étude comparative basée sur des bassins du Mexique, Ouardaet al. (2008) ont montré que la méthode du krigeage canonique est robuste (i.e. peu sensible à la qualité de la base de données) et mène à de très bonnes performances. Josephet al. (2008) ont également étudié la robustesse de la méthode dans le cadre d’une étude portant sur l’estimation des apports en eau de tous les bassins de Haïti.

Au cours des dernières décennies, des progrès importants ont été accomplis dans deux techniques qui ne font aucune hypothèse sur le modèle sous-jacent, la logique floue et les réseaux de neurones artificiels (RNA). Ces deux techniques offrent une alternative intéressante aux outils traditionnels de modélisation. La logique floue peut facilement intégrer une expertise dans les modèles mathématiques standards sous la forme d’un système d’inférence floue (SIF). Un SIF est une cartographie non linéaire d’un vecteur d’entrée à un vecteur de sortie scalaire à l’aide de la logique floue. Un SIF simule le processus de raisonnement humain en permettant à l’ordinateur de se comporter avec moins de précision que le calcul classique. Un RNA est un système de traitement de l’information avec parallélisme massif et une grande connectivité. La plupart des processus hydrologiques sont fortement non linéaires, variables dans le temps et spatialement distribués. Mathématiquement, un RNA peut être considéré comme un approximateur universel. Dans le domaine de l’analyse fréquentielle régionale, ils ont été introduits par Shu et Burn (2004b) pour l’indice de crue et l’estimation des quantiles de crue. L’application à des données du Royaume-Uni a indiqué que la non-linéarité introduite par les RNA et les ensembles de RNA (une série de RNA en parallèle) leur permet de mieux performer que les méthodes de régression linéaire multiple. Dawsonet al. (2006) ont montré que les résultats obtenus avec les RNA sont comparables en précision à ceux obtenus par le « Flood Estimation Handbook » (FEH) (Reed et Robson, 1999).

Shu et Ouarda (2007) ont proposé deux modèles basés sur l’ACC et les RNA pour améliorer les estimations des quantile de crue aux sites non jaugés. L’ACC est employée pour former un espace canonique physiographique utilisant les caractéristiques des sites jaugés. Puis les modèles de RNA sont appliqués pour identifier les relations fonctionnelles entre les quantiles de crue et les variables physiographiques dans l’espace d’ACC. Deux modèles de RNA, le modèle de RNA simple et le modèle d’ensemble de RNA, sont développés. Les résultats des modèles proposés ont été comparés au modèle ACC original, au modèle du krigeage canonique et aux modèles de RNA originaux. Les résultats obtenus indiquent que les modèles de RNA basés sur l’ACC performent mieux que les modèles de RNA originaux, en permettant de filtrer les données avant d’alimenter le RNA. Le modèle d’ensemble de RNA fournit une meilleure capacité de généralisation que le modèle de RNA simple. Le modèle d’ensemble de RNA basé sur l’ACC a réalisé la meilleure performance parmi tous les modèles de prédiction en matière de précision.

Une judicieuse intégration du système flou et du RNA peut produire un système fonctionnel flou de neurones capable d’apprentissage, de haut niveau de réflexion et de raisonnement. Il fournit une approche efficace pour faire face aux grands systèmes complexes définis d’une façon imprécise. Un système adaptatif neuro-flou d’inférence (adaptive neuro-fuzzy inference system, ou ANFIS) est l’un des systèmes les plus performants qui combine les avantages de ces deux puissants paradigmes en une seule capsule (Janget al., 1997). Les caractéristiques attrayantes d’un ANFIS comprennent les éléments suivants (Janget al., 1997) :

  • facilité à mettre en oeuvre;

  • apprentissage rapide et précis;

  • fortes capacités de généralisation;

  • excellentes capacités descriptives à travers les règles floues; et

  • facilité d’incorporer tant les connaissances linguistiques que numériques pour la résolution de problèmes.

Shu et Ouarda (2008) ont proposé un modèle ANFIS pour obtenir des estimations régionales des quantiles de crues. Cette approche fournit un mécanisme intégré permettant d’identifier les régions hydrologiques homogènes, de générer les connaissances à partir des données, de fournir des estimations des quantiles de crues et de se mettre à jour d’une façon automatique (self-tuning) afin d’atteindre les performances optimales. L’approche proposée a été comparée à l’approche des RNA, à la régression non linéaire (RNL) et à la régression non linéaire avec régionalisation (RNL-R). Les résultats ont indiqué que le modèle ANFIS possède une bien meilleure capacité de généralisation que l’ensemble des autres approches.

La restriction à une région particulière durant l’étape de délimitation d’une région homogène se traduit par l’exclusion de certains sites et correspond donc à une certaine perte d’information. De plus, la définition d’une région génère un problème d’effet de frontière. La méthode développée par Chebana et Ouarda (2008) est basée sur la notion statistique de fonction de profondeur (Zuo et Serfling, 2000). L’objectif d’introduction de la fonction de profondeur est de fournir une classification des stations dans un contexte multivarié. Les propriétés des fonctions de profondeur cadrent parfaitement avec le cadre d’analyse fréquentielle régionale. La procédure proposée par Chebana et Ouarda (2008) se concentre sur l’objectif réel, qui est l’estimation, et évite l’étape de délimitation, qui n’est qu’un outil technique intermédiaire. Le modèle de régression pondérée (Rencher, 2002) est considéré pour décrire la relation entre les variables hydrologiques et physio-météorologiques. L’estimation de ses paramètres est basée sur une fonction de poids qui dépend de la valeur de la profondeur de chaque site. Cette valeur est évaluée par une procédure itérative pour chaque site. Il est démontré que les approches traditionnelles représentent des cas spéciaux de méthodes basées sur la fonction de profondeur. Une comparaison a été effectuée avec la méthode d’ACC. Il a été montré que l’approche proposée est flexible, générale et conduit à des estimations qui sont supérieures à celles obtenues par l’ACC. Finalement, même si la méthode a été appliquée pour l’analyse fréquentielle régionale des crues, elle reste générale et peut être utile pour l’estimation régionale d’autres variables hydrologiques, de même que dans d’autres disciplines du domaine des ressources en eau.

3. Méthodologies de régionalisation basées sur la saisonnalité des extrêmes hydrologiques

Une autre approche de régionalisation, qui a récemment gagné en popularité, est basée sur la similarité dans la saisonnalité des crues. Dans ces modèles régionaux saisonniers, la délimitation des régions homogènes est basée sur le comportement saisonnier des débits de crues dans les différentes stations. Le partitionnement saisonnier de l’année dans chaque station (nombre de saisons significatives, les dates de début et de fin de chaque saison) est utilisé pour identifier des groupes de bassins ayant un comportement saisonnier similaire. Le principal avantage de cette approche est que la saisonnalité des crues est décrite en utilisant des données de dates des crues, qui sont pratiquement sans erreurs et plus robustes que les données d’amplitude des crues puisque les données de dates sont bornées. L’utilisation de l’information sur la saisonnalité des crues pour définir les régions hydrologiquement homogènes permet également de séparer les crues provenant de différentes distributions et donc d’éviter l’utilisation des distributions mixtes. Ces crues sont habituellement générées par différents mécanismes. À titre d’exemple, dans les régions nordiques, telles que le Québec, les crues printanières sont engendrées par la fonte de neige alors que les crues estivales/automnales sont générées par des précipitations intenses. La saisonnalité des crues peut également être utilisée dans d’autres applications en sciences de l’eau, telles que la gestion des réservoirs, la prévision des inondations et la protection des plaines inondables.

Le Flood Estimation Handbook (Reed et Robson, 1999) a exploré les effets de l’urbanisation sur la saisonnalité des inondations dans un cadre régional. Merzet al. (1999) ont examiné la saisonnalité des débits de crues en Autriche et ont identifié plusieurs régimes de crues. Castellarinet al. (2001) ont combiné des descripteurs de la saisonnalité des crues et des pluies ainsi que de l’information sur la perméabilité relative des bassins dans un modèle régional pour les bassins non jaugés dans le nord de l’Italie. Cunderlik et Burn (2002a) ont présenté un modèle d’estimation régional qui se fonde sur l’information concernant le régime de crues et qui dépeint en même temps les fluctuations saisonnières des crues et leur régularité. Ils ont étudié la sensibilité du descripteur de la saisonnalité à la longueur d’enregistrement et à la durée de la période de chevauchement entre les stations et ont montré que l’information captée par la saisonnalité des crues est suffisante pour l’estimation efficace des quantiles de crues.

Cunderlik et Burn (2002b) ont étudié la possibilité de remplacer le régime de crues par le régime pluviométrique dans l’analyse fréquentielle régionale des crues, afin de profiter de l’abondance spatiale et temporelle des données pluviométriques. Les auteurs ont utilisé deux approches différentes basées sur les statistiques directionnelles afin de décrire la similarité dans le régime pluviométrique. Thompson (1999) et Hodgkinset al. (2003) ont porté leur attention sur l’évolution de la date du débit de pointe dans diverses régions du monde. Cunderlik et al. (2004a) ont proposé une méthode basée sur les statistiques directionnelles, qui teste la signification des saisons de crues. Les auteurs ont également discuté de l’incertitude résultant de la variabilité d’échantillonnage en quantifiant la probabilité associée aux différentes saisons de crues identifiés. Cunderliket al. (2004b) ont présenté une étude de simulation dans laquelle ils ont mis l’accent sur l’incertitude reliée à l’utilisation des modèles saisonniers basés sur les statistiques directionnelles ou sur les fréquences relatives mensuelles d’occurrence de crues. McCuen et Beighley (2003) ont démontré la nécessité d’estimer les crues de conception à partir des débits saisonniers plutôt que des maximums annuels. Enfin, Cunderlik et Burn (2006b) ont proposé une nouvelle approche de régionalisation qui tient compte de la variabilité d’échantillonnage des mesures de saisonnalité des crues. Cette variabilité est quantifiée par des ellipses de distance de Mahalanobis définies pour divers intervalles de confiance. Cette approche emprunte les éléments de base de la méthode d’ACC pour la régionalisation des événements hydrologiques extrêmes (Ouardaet al., 2000).

Ouardaet al., (2006) ont présenté une comparaison des trois principales approches pour la description de la saisonnalité des crues : la méthode fondée sur les statistiques directionnelles, l’approche graphique basée sur les données de dépassement, et la méthode basée sur les fréquences relatives d’occurrence des crues. Les méthodes sont appliquées à un ensemble de bassins versants dans la province de Québec (Canada). Une procédure de rééchantillonnage par Jacknife est utilisée pour évaluer les performances des différentes méthodes d’estimation des quantiles de crues. Les résultats sont également comparés à ceux obtenus à partir d’une approche traditionnelle basée sur la similarité des caractéristiques physiographiques et météorologiques des différents bassins, et ceux d’une approche dans laquelle tous les bassins versants sont utilisés dans l’analyse. Les résultats ont montré le potentiel important des méthodes basées sur la saisonnalité des crues, et indiqué que la méthode basée sur les données de dépassement a conduit aux meilleurs résultats.

4. Analyse hydrologique régionale multivariée

Les événements hydrologiques extrêmes sont souvent décrits avec plusieurs caractéristiques : pointe, durée et volume total, par exemple. Les approches d’analyse fréquentielle régionale classiques traitent chacune de ces variables séparément. Ceci donne lieu à différentes études régionales indépendantes et ne tient pas compte des relations entre les variables, ce qui peut mener à une mauvaise estimation de la récurrence de ces événements extrêmes. Par conséquent, il est important de développer des approches régionales qui permettent de considérer conjointement toutes ces caractéristiques. Une première tentative d’analyse régionale conjointe de différentes caractéristiques des hydrogrammes des crues extrêmes a été présentée par Ouardaet al. (2000) dans un cadre d’ACC.

Chebana et Ouarda (2007) ont proposé un test d’homogénéité régionale multivarié. Les L-moments multivariés sont utilisés pour définir les statistiques du test, et les modèles de copules servent à décrire la structure de dépendance entre les différentes variables. Chebana et Ouarda (2007) ont montré l’importance d’un traitement simultané de toutes les variables et de l’identification d’une seule région homogène. Le développement de ce test représente une première contribution vers un cadre général d’analyse fréquentielle régionale multivariée. Des propositions de procédures d’estimation régionale multivariée de plusieurs caractéristiques des étiages (durée, sévérité et amplitude) ont été proférées par Burn et Farid (2007) et Ouarda (2007).

La modélisation débit-durée-fréquence (QdF) est une généralisation de l’analyse fréquentielle classique des crues, qui tient compte de la multidurée des hydrogrammes de crue, et qui représente donc une approche multivariée. La différence avec la modélisation multivariée discutée ci‑dessus est que l’approche QdF considère la durée comme un paramètre et non comme une variable aléatoire. Le premier modèle QdF régional a été proposé par Meunier (2001) pour sept sites en Martinique. Javelleet al. (2002, 2003) ont intégré le modèle QdF convergeant avec le modèle d’indice de crue pour développer un modèle QdF régional. Les auteurs ont illustré l’approche sur 169 bassins situés dans les provinces du Québec et de l’Ontario, Canada. Ils ont utilisé la forme de la courbe QdF pour délimiter sept régions homogènes dans le cadre d’une analyse régionale. Cunderlik et Ouarda (2006) ont défini les concepts clés d’une approche QdF régionale non stationnaire.

Dans une discussion des méthodologies d’estimation régionale utilisées en France et au Québec, Ouardaet al. (1999) ont indiqué qu’une des pistes prometteuses consiste à combiner l’information régionale pluviométrique (approche souvent adoptée en France) et hydrométrique (approche nord-américaine). La méthode du Gradex (Lang, 1997) utilisée en France pour la détermination des débits de conception et qui prend en compte l’information locale pluviométrique, pourrait ainsi bénéficier d’une augmentation et d’une formalisation de l’utilisation de l’information régionale. Ce travail a été entrepris par Cunderlik et Ouarda (2007) qui ont présenté une approche d’analyse QdF basée sur les propriétés statistiques des événements pluies-débits combinés. L’approche intègre les modèles QdF et IdF (intensité de pluies - durée - fréquence) dans un seul modèle régional du type débit - durée de pluies ‑ fréquence (QddF). Le modèle proposé a un seul paramètre local qui tient compte des caractéristiques physiographiques locales. Les paramètres régionaux du modèle sont déterminés à partir des caractéristiques statistiques des courbes régionales d’intensité de pluies - durée - fréquence. Le principal avantage de la méthode est qu’elle se fie sur les données de pluie qui sont plus disponibles spatialement et temporellement que les données de débit et qui sont, en général, également disponibles dans les bassins non jaugés hydrologiquement.

5. Analyse hydrologique régionale en présence de non-stationnarité

La majorité des approches discutées dans les sections précédentes sont principalement basées sur l’hypothèse que les paramètres de la distribution des crues, pour n’importe quelle durée de crue, ne changent pas au cours du temps. Cependant, en réalité et en raison des conséquences associées aux activités anthropogéniques locales et/ou globales, l’hypothèse de stationnarité des variables hydrologiques ne peut généralement pas être acceptée. De nouvelles méthodes régionales, qui tiennent compte de la non-stationnarité des séries hydrologiques et qui considèrent les paramètres de la distribution des crues comme des fonctions du temps, devraient donc être développées et utilisées en pratique.

Très peu de travaux ont traité de l’analyse régionale dans un cadre non stationnaire : Cunderlik et Burn (2003) ont développé un modèle régional non stationnaire qui assume le même type de stationnarité au niveau local. Cunderlik et Ouarda (2006) ont proposé un modèle QdF régional et non stationnaire au deuxième ordre qui utilise la tendance régionale. Le modèle permet d’estimer et de prédire les quantiles de crues pour les conditions présentes et pour les horizons futurs. Dans un cadre pratique, ce travail a permis de montrer que le fait d’ignorer un signal non stationnaire et de considérer un modèle stationnaire peut mener à une sous-estimation du débit de conception de plus de 50 % vers la fin de la vie utile de la structure. Il est alors important de pouvoir estimer le débit de conception qui correspond au régime hydrologique qui existera à la fin de la durée de vie de la structure et non celui qui correspond aux conditions passées.

La recherche de El Adlouniet al. (2007) traitant du développement des estimateurs Bayésiens du modèle GEV non stationnaire représente un travail original qui a présenté un cadre pour l’intégration facile et directe de cette information dans les modèles d’analyse fréquentielle locale des variables hydrométéorologiques. Leclerc et Ouarda (2007) ont développé un modèle régional non stationnaire basé sur le modèle local de El Adlouniet al. (2006). L’analyse locale non stationnaire est d’abord effectuée dans tous les sites jaugés. Cette information est ensuite utilisée avec l’information physiographique et météorologique pour définir les voisinages hydrologiques et pour transférer l’information hydrologique vers les sites non jaugés. La faisabilité de la méthode a été testée sur un groupe de stations situées dans le sud-est du Canada et le nord-est des États-Unis qui présentent un signal hydrologique non stationnaire de tendance négative. Les résultats montrent clairement que le fait d’ignorer la tendance régionale mènerait à des estimations régionales erronées des quantiles de crues.

Une étude de synthèse a été effectuée pour identifier les modèles locaux et régionaux ayant le potentiel d’être étendus au cadre non stationnaire (Khaliqet al., 2006). L’étude a discuté des approches du type vraisemblance locale, régression des quantiles normalisés, r valeurs les plus grandes (r-largest), ainsi que le modèle de dépassement. Il est important de noter que, dans le cas de non-stationnarité, les paramètres ne sont pas des constantes mais dépendent du temps ou d’autres covariables. Lorsque la covariable considérée est le temps, on s’intéresse à l’estimation du débit de conception qui correspond à une date donnée (généralement vers la fin de la durée de vie de l’ouvrage). Il est également possible de prendre comme covariables des indices d’oscillation climatique d’intérêt (El Niño par exemple). Les niveaux de risque d’inondation peuvent alors être réestimées plus efficacement sur une base annuelle en fonction de l’état de l’indice. Le modèle est, de ce fait, particulièrement utile pour des fins de gestion des structures.

6. Combinaison de l’information hydrologique locale et régionale

La combinaison de l’information locale et régionale permet de considérer l’information fournie par l’échantillon local de données et d’incorporer de manière formelle dans l’analyse la connaissance a priori dont on dispose concernant le phénomène régional. Ceci permet de combler le manque d’information dû aux courtes périodes d’observation au site d’intérêt. Le besoin de combiner l’information locale et régionale a été identifié depuis longtemps. Les approches de combinaison des deux types d’information peuvent être classées en deux catégories : i) des approches mixtes qui consistent à estimer certains paramètres avec l’information locale et les autres avec l’information régionale; et ii) les approches qui utilisent simultanément les deux sources d’information pour estimer tous les paramètres du modèle.

Durant les dernières années, une approche mixte automatique de combinaison de l’information locale et régionale a été proposée par Ouardaet al. (2001). Ce modèle est basé sur l’ACC et utilise l’information locale pour positionner le site cible dans l’espace canonique hydrologique et pour mieux déterminer le voisinage de ce site. Les données locales influencent donc l’estimation des paramètres à travers l’identification du voisinage homogène qui servira à transférer l’information. Une approche mixte Bayesienne a été proposée par Reiset al. (2005). Elle consiste à estimer le paramètre d’asymétrie de la distribution LP3 avec l’information régionale tout en utilisant l’information locale pour calculer les valeurs des autres paramètres.

Fill et Stedinger (1998) ont utilisé un modèle Bayesien empirique pour combiner les résultats de la régression des quantiles normalisés avec l’estimateur régional GEV/PWM. Seidouet al. (2006a) ont proposé un modèle Bayesien paramétrique pour la combinaison de l’information locale et régionale qui permet d’obtenir la densité de probabilité complète des quantiles et des paramètres. L’application a été présentée avec la distribution GEV mais le modèle peut être étendu à d’autres types de distribution de valeurs extrêmes. Dans cette méthode, les distributions a priori sont obtenues en utilisant le modèle régressif log-linéaire régional. Ensuite, les observations locales sont utilisées avec un modèle Monte Carlo de Chaînes de Markov (MCMC) pour inférer les distributions a posteriori des quantiles et paramètres. Contrairement au modèle Bayesien empirique, le modèle de Seidouet al. (2006a) fonctionne même avec une seule observation locale et relaxe l’hypothèse de normalité de la distribution des quantiles locaux. La comparaison des deux modèles a montré que le modèle Bayesien paramétrique performe nettement mieux, spécialement pour les sites avec des séries de données courtes.

Un modèle Bayesien régional pour les sites partiellement jaugés et utilisant des données de dépassement a été proposé par Ribatetet al. (2007a). Les résultats de l’analyse ont montré que le modèle est moins restrictif que le modèle de l’indice de crue. Les auteurs ont également montré que l’utilisation de grandes régions est plus efficace que l’utilisation de régions plus petites et plus homogènes. Ribatetet al. (2007b) ont présenté une deuxième approche régionale qui utilise l’information locale et qui est basée sur un modèle Monte Carlo de Chaînes de Markov à sauts réversibles (Reversible Jump Markov Chain Monte Carlo Model, RJMCMC) pour pouvoir effectuer des sauts entre des modèles de dimensions différentes. Les résultats ont montré que l’approche proposée est bien adaptée à l’estimation régionale quand peu de données sont disponibles dans le site cible. Dans toutes ces approches, l’information régionale est utilisée pour éliciter les distributions a priori du modèle Bayesien.

7. Diversité des variables hydrologiques considérées en analyse régionale

Au-delà de l’estimation des crues de conception, les approches de régionalisation ont été adaptées pour la modélisation d’autres variables hydrologiques (étiages, volumes de crue, solides en suspension, précipitations, etc.). Plusieurs études se sont penchées sur le développement de procédures d’estimation régionale des étiages (Hamzaet al., 2001, Laaha et Blöschl, 2005, 2006, Ouarda, 2007). Hejazi et Moglen (2007) ont présenté une adaptation de l’approche d’ACC et de l’approche des régions d’influence pour la régionalisation des étiages et ont montré que les méthodes de type voisinage performent mieux que les méthodes de type région fixe pour les débits d’étiage.

Une revue bibliographique des techniques de régionalisation des précipitations a été présentée par StHilaireet al. (2003). Il faut cependant noter que les précipitations représentent des variables météorologiques qui ne sont pas directement transformées par les caractéristiques physiographiques des bassins. La régionalisation des concentrations des solides en suspension a été présentée par Tramblayet al. (2007). Seidouet al. (2006b) ont proposé une approche de régionalisation de l’épaisseur de glace durant la période hivernale dans les lacs canadiens basée sur les RNA. L’approche permet d’estimer l’épaisseur de glace dans un lac non monitoré durant la période de glace stable, en se basant sur les caractéristiques météorologiques et physiographiques locales. D’autres études se sont penchées sur la régionalisation des paramètres de modèles hydrologiques (Hundeshaet al., 2008; Wagener et Wheater, 2006, Yokooet al., 2001). Finalement, Castellarinet al. (2005) et Castellarin (2007) ont proposé une approche d’estimation régionale des courbes enveloppes régionales dans les sites non jaugés. Une courbe enveloppe régionale résume notre connaissance sur les bornes supérieures des crues extrêmes dans une région donnée.

8. Outils pratiques d’analyse hydrologique régionale

Un nombre d’outils pratiques ont été développés pour la régionalisation des extrêmes hydrologiques. Le mieux connu est le logiciel WINFAP-FEH (NERC, 2008) développé pour le Royaume-Uni, qui supporte les approches statistiques d’analyse fréquentielle présentées dans le volume 3 du « Flood Estimation Handbook » (Reed et Robson, 1999). Ce logiciel permet d’effectuer des analyses fréquentielles locales et régionales basées sur les maxima annuels. Le logiciel REGIONS (Barbetet al., 2006; Ouardaet al., 2002) est un outil général d’analyse régionale des événements hydrologiques extrêmes. Il intègre différentes approches de détermination des régions homogènes et d’estimation régionale et contient un module d’analyse régionale des crues et un autre pour l’analyse régionale des étiages. Le logiciel permet d’effectuer des analyses régionales dans un cadre stationnaire ou non stationnaire. Pour la province du Québec, les outils ARC‑QUÉBEC (pour Analyse Régionale des Crues au QUEBEC, Ouardaet al., 2003) et ARIDE (pour Analyse Régionale Intégrée des Débits d’Étiage, Ouardaet al., 2005) permettent respectivement d’effectuer une analyse fréquentielle régionale des crues et des étiages dans tout bassin de la province.

9. Perspectives

Certaines pistes de recherche concrètes peuvent être proposées selon les grandes lignes suivantes :

  • Combinaison des approches déterministes et stochastiques pour l’analyse régionale des extrêmes hydrologiques, afin de profiter des forces de ces deux types de modèles;

  • Combinaison des estimations de différents modèles statistiques pour améliorer la robustesse des quantiles régionaux;

  • Utilisation de toutes les sources d’information disponibles (météorologiques, historiques, par télédétection, opinions d’experts, autres informations subjectives) dans les modèles régionaux;

  • Utilisation plus formalisée du potentiel entier des copules. À titre d’exemple, l’utilisation des copules trivariées permettra de modéliser les trois composantes principales d’un hydrogramme de crue (pointe, volume et durée) ou d’un étiage (amplitude, volume et durée). Dans le cas des étiages, certaines caractéristiques telles que le volume et la durée pourraient aussi être modélisées avec une autre variables caractérisant la qualité de l’habitat aquatique telle que la température maximale de l’eau;

  • Développement accru des modèles régionaux basés sur les dépassements (Langet al., 1999);

  • Utilisation accrue des approches floues et autres méthodes statistiques pour la modélisation de l’incertitude d’estimation régionale;

  • Modélisation explicite de la corrélation spatiale entre les données des différents sites d’une région;

  • Développement d’approches objectives de quantification de l’homogénéité qui soient basées sur les données disponibles;

  • Développement des approches régionales non stationnaires qui intègrent directement l’information sur la non‑stationnarité régionale dans toutes les étapes du processus d’estimation;

  • Utilisation accrue des approches Bayésiennes (empiriques ou paramétriques) de combinaison de l’information locale et régionale;

  • Développement de l’approche QdF régionale (stationnaire et non stationnaire) pour les processus d’étiages;

  • Utilisation des approches non paramétriques (réseaux de neurones artificiels, ANFIS, ACC-ANN, ensemble‑ANN, etc.) pour la modélisation régionale des étiages;

  • Exploitation de la puissance de calcul en constante augmentation pour intégrer des approches exigeantes en temps de calcul, telles que les approches MCMC (Monte Carlo par Chaines de Markov);

  • Considération de la parcimonie dans la modélisation régionale afin d’éviter d’avoir des modèles régionaux avec un nombre de paramètres disproportionné par rapport à la quantité de données disponibles;

  • Extension de l’approche locale adoptant tous les dépassements (Ribatetet al., 2008) au cadre régional; et

  • Développement d’un langage commun pour toutes les approches et toutes les écoles travaillant sur le développement de modèles régionaux.

Il serait également opportun de développer un cadre général de modélisation des bassins versants qui permette de cartographier les liens entre, d’une part, les caractéristiques du terrain et les caractéristiques climatiques et, d’autre part, toutes les fonctions hydrologiques du bassin. Ces fonctions incluent la partition, le stockage et la distribution de l’écoulement de surface et souterrain. Ce cadre doit également tenir compte de l’incertitude et de la variabilité temporelle et spatiale des fonctions hydrologiques. Dans ce sens, il serait important d’établir un lien formel entre les travaux traitant de la régionalisation des événements hydrologiques extrêmes et les travaux traitant du développement d’un cadre structuré de classification des bassins hydrologiques (Collinset al., 2004; Ebel et Loague, 2006; McDonnell et Woods, 2004; McGuireet al., 2005).