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1. Introduction

Ayant atteint un niveau élevé de mobilisation de ses ressources hydriques, la Tunisie est aujourd’hui confrontée à l’impératif de mieux les gérer et de les valoriser. À cet effet, et depuis une décennie, une stratégie nationale d’économie d’eau a été élaborée et mise en pratique (MAMOU et KASSAH, 2000). Malgré les problèmes et les remises en question qui secouent aujourd’hui le domaine de l’alimentation en eau potable des zones urbaines et rurales, et en dehors de cas particuliers de plus en plus rares, la tendance actuelle est orientée vers la conception de lignes de traitements successifs bien adaptés à chaque cas et optimisés aussi bien du point de vue technique que du point de vue économique.

La turbidité d’une eau est une mesure globale qui prend en compte toutes les matières, soit colloïdales, soit insolubles, d’origine minérale ou organique. Des particules en suspension existent naturellement dans l’eau, comme le limon, l’argile, les matières organiques et inorganiques en particules fines, le plancton et d’autres microorganismes (SANTÉ CANADA, 2003). La fiabilisation et l’optimisation du fonctionnement des systèmes d’assainissement urbain nécessitent le développement de méthodes d’évaluation de la pollution en continu : l’emploi de la turbidimétrie pour l’évaluation de la pollution des eaux se révèle positif et intéressant de par son caractère permanent et instantané (MARÉCHAL et al., 2001). Plusieurs techniques physico-chimiques peuvent être utilisées pour l’élimination de la turbidité d’une eau. Par exemple, la turbidité peut être réduite par filtration avec procédé chimique, lente sur sable, à diatomées, sur membrane, ou toute autre technique de filtration ayant fait ses preuves. La filtration avec procédé chimique comprend généralement le mélange de produits chimiques, la coagulation, la floculation, la sédimentation (ou la flottation à air dissous) et la filtration rapide par gravité. Des sels d’aluminium et des sels ferriques sont les principaux coagulants ainsi que les polymères cationiques et anioniques qui sont les agents de floculation les plus souvent utilisés et qui ont servi d’agents de filtration, avec les polymères non ioniques. En effet, l’adsorption d’ions métalliques à la surface des particules colloïdales modifie l’électronégativité de ces suspensions et fait augmenter par conséquent les probabilités de collision entre les particules. Le résultat final est une agglomération en microflocs, ensuite en flocs plus volumineux facilement décantables (BUNKER et al., 1995). Les techniques séparatives à membranes sont des procédés physiques de séparation solide‑liquide mettant en oeuvre des membranes permsélectives dont les diamètres de pores sont compris entre 0,1 et 10 µm et qui permettent donc la rétention des particules en suspension, des bactéries, et indirectement des colloïdes et de certains ions après fixation de ces derniers sur de plus grosses particules obtenues par complexation, précipitation ou floculation (BERLAND et JUERY, 2002; CHOO et al., 2004). Ces procédés à membranes ont l’avantage d’une séparation à température modérée, ce qui est particulièrement intéressant vis-à-vis des substances thermosensibles, à une moindre dépense énergétique comparativement avec d’autres procédés, et à un fonctionnement quasi en continu (APTEL et al., 2002). Cependant, ces procédés membranaires mettent en oeuvre des membranes fabriquées, pour la plupart d’entre elles, à partir de polymères organiques (acétate de cellulose, polysulfones, polyamides, etc.), qui présentent des inconvénients selon leur composition en se basant sur les critères suivants : perméabilité, sélectivité, stabilité chimique ou thermique et sensibilité au chlore (BOUCHARD et al., 2000). Plusieurs essais conduits au sein de laboratoires de pilotes préindustriels ou même industriels ont montré que les techniques d’oxygénation suivies de la filtration peuvent être considérées comme une alternative intéressante et efficace pour la réduction de la turbidité d’origine minérale ou organique. L’aération prolongée d’une eau peut favoriser des réactions d’hydrolyse de métaux (fer, manganèse, etc.) et diminuer ainsi leur solubilité dans l’eau pour favoriser une meilleure précipitation de ces métaux (BOURGEOIS et al., 2004; FERGUSON et al., 1995). L’aération peut conduire également à la flottation des particules, notamment le fer, par attelage bulles-particules, lequel peut davantage concentrer les particules sous forme de flocs plus volumineux (GRAEME et JAMESON, 1999).

Les objectifs de la présente étude sont les suivants :

  1. Réaliser des essais préliminaires de désinfection des eaux de la station de Sfax tout en évaluant la demande en chlore de ces eaux;

  2. Étudier l’effet de la turbidité d’origine minérale (liée notamment à la présence de fer ferrique) sur la désinfection des eaux de la station de Sfax;

  3. Évaluer par la suite la possibilité d’éliminer cette turbidité en utilisant un système d’oxygénation suivi de la filtration.

2. Problématique de la qualité des eaux à la station de Sfax

Dans les eaux de surface et les eaux souterraines directement assujetties à l’influence des eaux de surface, la turbidité soulève des préoccupations pour des raisons d’ordres sanitaire et esthétique. Dans ces eaux, les particules en suspension à l’origine de la turbidité peuvent contenir des toxines, héberger des micro-organismes et nuire à la désinfection. De plus, les matières organiques présentes dans l’eau peuvent réagir avec des désinfectants tels que le chlore pour former des sous-produits qui peuvent avoir des effets indésirables sur la santé. Pour cette raison, la surveillance de la turbidité peut donc devenir un indicateur précieux du rendement des réseaux de distribution des eaux potables. Dans ce contexte, des essais préliminaires d’analyses effectués par la direction technique du district de la SONEDE de la ville de Sfax sur la qualité des eaux potables ont révélé des taux élevés de la turbidité, de cas impropres (30 %), notamment le taux de fer ferrique et la persistance de la croissance bactérienne (SONEDE, 1999). En conséquent, une augmentation excessive de la consommation en eau de javel (7 à 8 mg de Cl2/L pour le mélange) est réalisée pour combler ces taux élevés. Ce problème est parvenu dès qu’on a commencé à exploiter l’eau des trois forages locaux, PK 10 (0,22 m3/s), PK 11 (0,15 m3/s) et PK 14 (0,21 m3/s), en les mélangeant avec les eaux du Nord, de Jelma et de Sbeïtla. C’est la raison pour laquelle nous avons opté dans cette étude pour un traitement d’oxygénation suivi de filtration, afin de réduire la turbidité, notamment d’origine minérale, liée à la présence de fer ferrique à des niveaux permettant la minimisation de la demande en chlore nécessaire pour la désinfection de ces eaux.

3. Matériels et méthodes

3.1 Description du pilote

L’installation pilote est schématisée par la figure 1; elle comporte deux bacs de stockage des eaux de forage (PK 10, PK 11 et PK 14) d’une capacité de 100 litres (1,1’), un aérateur de surface (2), deux pompes d’alimentation (3,3’), deux bacs à niveau constant permettant de stabiliser le débit d’alimentation (4,4’), deux colonnes en PVC de 20 cm de diamètre et de 1,4 m de hauteur remplies sur 90 cm de sable (0,8 ≤ Ø ≤ 1 mm) (5,5’), deux bacs de stockage des eaux traitées (6,6’).

Figure 1

Unité expérimentale.

Experimental unit.

Unité expérimentale.

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3.2 Procédure expérimentale

La technique de mélange des eaux cibles (les eaux du Nord, de Jelma, de Sbeïtla et les eaux des trois forages locaux PK 10, PK 11 et PK 14) utilisée pour les différents essais obéit à une chronologie bien déterminée selon des proportions bien définies : le mélange PK 10 avec 0,3 L des eaux du forage PK 10 (54,54 %), 0,05 L des eaux du Nord (36,36 %) et 0,2 L des eaux de Jelma (9,09 %), le mélange PK 11 avec 0,06 L des eaux du forage PK 11 (16,66 %), 0,15 L des eaux de Sbeïtla (41,66 %) et 0,15 L des eaux de Jelma (41,66 %), et le mélange PK 14 avec 4 L des eaux du forage PK 14 (24,24 %), 5 L des eaux du Nord (30,30 %) et 7,5 L des eaux de Jelma (45,45 %). Le procédé d’oxygénation est réalisé par le biais d’un aérateur mécanique de surface de façon à maintenir dans le liquide du bac à niveau constant une teneur en oxygène de l’ordre de 10 mg/L. Les essais de coagulation-floculation ont été réalisés dans un jar test muni de quatre béchers ronds d’une capacité de 500 mL. Pour les valeurs de turbidité cibles, nous avons procédé au dopage de l’eau selon des doses de coagulant (sulfate d’alumine (10 g/L) et de floculant (polyélectrolyte (1 g/L) bien déterminées, en allant des valeurs les plus faibles de la turbidité (0,5 NTU) jusqu’à des valeurs plus élevées (10 NTU). En présence de coagulant ou de floculant, une agitation rapide à 200 tr/min durant 2 min, suivie d’une agitation lente à 20 tr/min durant 8 min ont été maintenues. La technique de filtration adoptée est la filtration lente sur colonne de sable (0,8 ≤ Ø ≤ 1 mm). Le volume utile imposé lors de ces essais est de l’ordre de 5 m3/m2/h (1,57 L/h). Les temps imposés lors de la décantation, de la floculation et de l’aération sont fixés successivement à 1 h, 10 min et 90 min. Par ailleurs, le choix de la durée d’aération de 90 min correspond à une durée optimale. Les prélèvements d’échantillons sont ensuite réalisés dans des flacons en verre de 200 mL. Les échantillons d’eau nécessaires pour notre recherche ont été prélevés à raison d’une seule campagne mensuelle s’étalant du mois de janvier au mois de mars 2005. La technique d’estimation de la demande en chlore est la méthode dite du « break point ».

3.3 Technique analytique

Les différents paramètres ayant servi à évaluer l’efficacité du système ont été mesurés (RODIER, 1984) :

  • La turbidité mesurée par un turbidimètre dont le principe de fonctionnement repose sur l’effet Tyndall;

  • Le fer ferreux et ferrique par la méthode colorimétrique à la phénanthroline au moyen d’un spectrophotomètre à absorption atomique;

  • La demande chimique en oxygène par la méthode au bichromate de potassium sous reflux à 148 °C pendant 2 h;

  • Les germes témoins d’une contamination fécale (les coliformes fécaux, les coliformes totaux ainsi que les germes totaux) par la technique de filtration sur membrane de cellulose de porosité 0,45 µm, puis incubation sur milieu de culture approprié en boite de pétri;

  • L’oxygène dissous par un oxymètre de laboratoire;

  • Le résidu sec est déterminé pour une certaine quantité d’eau évaporée dans une capsule tarée. Le résidu desséché à 105‑110 °C est ensuite pesé;

  • Le chlore résiduel par la méthode iodométrique.

4. Résultats et discussions

La station de Sfax se trouve aujourd’hui face à un problème d’une hausse spectaculaire de la turbidité d’origine minérale liée notamment à la présence de fer ferrique. Depuis quelques années, et vu la nécessité de nouvelles sources d’eau, il y a eu intervention pour l’exploitation de trois forages locaux PK 10, PK 11 et PK 14 qui ont marqué un fonctionnement excessif, surtout dans les périodes de pointe, en les mélangeant avec les eaux du Nord, de Jelma et de Sbeïtla. D’après le tableau 1, nous remarquons bien la correction des valeurs de la turbidité effectuée pour les trois types de forages locaux après leur mélange avec les autres eaux. Cependant, nous avons enregistré des valeurs élevées de ce paramètre même après correction, notamment pour le cas du mélange PK 10. L’oxygène dissous est relativement constant (8 mg/L), alors que le résidu sec est assez élevé pour le mélange PK 14 (≥ 2 g/L). La DCO des mélanges obtenus est réduite par les eaux du Nord, de Jelma et de Sbeïtla à des valeurs de l’ordre de 1 mg/L. Quant au fer, nous avons remarqué son taux élevé dans les eaux de forage avec des valeurs dépassant les 3 mg/L.

Tableau 1

Correction de la qualité physico-chimique des eaux.

Correction of the physico-chemical quality of water.

 

Forage PK 10

Mélange PK 10

Forage PK 11

Mélange PK 11

Forage PK 14

Mélange PK 14

pH

8,03

8,13

8,07

8,09

8,12

8,1

Turbidité (NTU)

37,4

19,9

49,8

9,67

51,3

12,1

O2 dissous (mg/L)

8,4

8,3

8,4

8,3

8,3

8,2

Résidu sec (mg/L)

2 800

2 100

2 900

1 800

3 100

2 400

Fer ferreux (mg/L)

0,1

0,17

0,15

0,03

0,22

0,05

Fer ferrique (mg/L)

2,83

1,40

3,71

0,65

3,76

0,80

Fer total (mg/L)

2,93

1,41

3,86

0,68

3,98

0,85

DCO (mg/L)

3

1

3

1

2,6

1

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4.1 Essais de la demande en chlore

Les essais de la demande en chlore pour le cas des eaux de forage (PK 10, PK 11 et PK 14) ont montré une allure identique qui peut être subdivisée en trois parties (Figure 2) :

  • 1re partie (de 1,0 à 3,0 mg Cl2/L injecté) : croissance du chlore résiduel (formation des chloramines et des organochlorés);

  • 2e partie (de 3,0 à 4,0 mg Cl2/L injecté) : décroissance du chlore résiduel (destruction des chloramines);

  • 3e partie (de 4,0 à 13 mg Cl2/L injecté) : croissance quasi linéaire du chlore résiduel (formation de chlore libre efficace pour la désinfection).

Figure 2

Demande en chlore des eaux de forages (PK 10, PK 11 et PK 14).

Chlorine demand of the bore-hole water (PK 10, PK 11 and PK 14).

Demande en chlore des eaux de forages (PK 10, PK 11 et PK 14).

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Nous constatons que le point de rupture ou « break-point » des eaux de forage dépasse des valeurs de l’ordre de 4 mg/L pour qu’il y ait formation de chlore libre efficace pour la désinfection. En tenant compte des résultats d’analyses physico-chimiques (Tableau 1), notamment de la turbidité et du fer total des eaux de forage, il est probable que la turbidité d’origine minérale, notamment liée au fer ferrique, soit à l’origine de l’augmentation de la demande en chlore de ces eaux. C’est pourquoi nous allons essayer, dans ce qui va suivre, de voir l’effet de la turbidité sur la désinfection de ces eaux et de trouver un traitement adéquat afin de réduire cette turbidité d’origine minérale.

4.2 Effet de la turbidité sur la désinfection des eaux

La garantie de la désinfection de I’eau n’est donc plus basée aujourd’hui que sur la recherche de germes indicateurs, mais aussi sur toute une série de paramètres, notamment des paramètres physico-chimiques, qui s’ajoutent à la recherche de ces germes, et en particulier la turbidité (MONTIEL, 2004). Comme les eaux des trois mélanges présentent pratiquement les mêmes caractéristiques, nous avons choisi le premier mélange (PK 10) pour étudier l’effet de la turbidité ferrique sur la désinfection des eaux de ce mélange (Figure 3). Après avoir collecté les quantités d’eau requises avec des turbidités bien ciblées, une concentration de 5 mg de Cl2/L a été introduite dans les eaux du mélange PK 10, à la suite duquel (après 45 min de temps de contact), il est resté environ 0,5 mg de Cl2/L efficace pour la désinfection.

Figure 3

Évolution de la charge bactériologique de l’eau du mélange PK 10 avant et après chloration (5 mg/L) en fonction de la turbidité.

Evolution of the bacteriological load of PK10 mixture water before and after chlorination (5 mg/L) according to the turbidity.

Évolution de la charge bactériologique de l’eau du mélange PK 10 avant et après chloration (5 mg/L) en fonction de la turbidité.

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Les résultats trouvés ont montré que, jusqu’à des valeurs de turbidité de 1 NTU, nous avons obtenu une désinfection parfaite. Par ailleurs, même jusqu’à des valeurs de turbidité de 4 NTU, nous arrivons à satisfaire les normes tunisiennes concernant la qualité bactériologique des eaux de boisson. Au-delà de cette valeur, nous sommes obligés d’introduire des taux de chlore supérieurs à 5 mg/L pour éliminer la contamination bactérienne de l’eau. Pour un même taux de chlore, lorsque nous augmentons la turbidité de l’eau par ajout de sulfate de fer, l’efficacité de la désinfection diminue. Les résultats obtenus confirment bien l’effet de la turbidité comme facteur protecteur des germes pathogènes dans les eaux du mélange PK 10. En effet, le plus important effet lié à la turbidité est probablement sa capacité de protéger les micro-organismes contre la désinfection (LECHEVALLIER et al., 1981). Les travaux de GRAVELAND (1998) et KANEKO (1998) ont montré que l’efficacité de la désinfection par chloration dans les approvisionnements en eaux de surface non filtrées était étroitement liée à la turbidité. Le pouvoir désinfectant du chlore est d’autant plus important que la turbidité de ces eaux est basse.

HOFF et GELDREICH (1981) ont confirmé que les propriétés des particules influent considérablement sur les effets de protection. D’autres études ont montré que le pouvoir germicide des rayonnements UV est d’autant plus fort que la turbidité de l’eau à traiter est plus faible (DORÉ, 1989; LAINÉ et al., 1998). La croissance microbienne est facilitée par les nutriments adsorbés à la surface des particules par suite d’une aération convenable des eaux et dont les bactéries qui y sont attachées profitent plus que les bactéries en suspension libre (JI et ZHOU, 2006). La matière particulaire, qu’elle soit minérale, organique ou due à des micro‑organismes, est susceptible de protéger les bactéries et les virus contre les désinfectants avec des turbidités comprises entre 3,8 et 84 NTU (OMS, 1986).

4.3 Élimination de la turbidité des eaux par aération et filtration successives des eaux de forage

Plusieurs études ont montré qu’il était possible de limiter la turbidité à de faibles valeurs par une simple filtration de l’eau, sans aération préalable, lorsque les opérations sont réalisées avec compétence (ATHERTHON et GOSS, 1981; MORAND et YOUNG, 1983). Cependant, sa contribution dans le processus d’élimination de la turbidité est limitée, surtout pour le cas d’éléments minéraux tels que le fer et le manganèse. Puisque le fer se trouve en suspension‑solution dans l’eau, nous avons eu l’idée d’effectuer une aération de cette eau pour augmenter les suspensions de fer puis l’élimination des flocs formés par filtration. Pour cela, trois procédés de traitement ont été proposés : aération, aération suivie d’une simple filtration et aération suivie d’une double filtration des eaux des forages PK 10, PK 11 et PK 14 avant de les mélanger avec les eaux du Nord, de Jelma et de Sbeïtla. L’efficacité de chacun des procédés a été analysée en suivant l’évolution de la turbidité et du fer total.

4.3.1 Cas des eaux PK 10

L’application des traitements envisagés a montré l’efficacité relative de ces procédés dans la réduction de la turbidité. En effet, plus le temps d’oxygénation augmente, plus la turbidité de l’eau est grande et ceci est dû à la formation des flocs qui deviennent de plus en plus volumineux, et donc sont mieux retenus par les filtres; c’est ce qui explique la diminution de la turbidité après la filtration. Ainsi, après une durée de 90 minutes d’oxygénation de l’eau du forage, nous avons enregistré un abattement de la turbidité de l’ordre de 70,4 % par procédé d’oxygénation suivi d’une simple filtration. Un traitement d’oxygénation suivi d’une double filtration permet une amélioration du rendement d’élimination de la turbidité pour atteindre des abattements d’environ 88,6 % (Figure 4).

Figure 4

Evolution de la turbidité (NTU) au cours de l’aération, avant et après simple ou double filtration (eau du forage PK10).

Evolution of the turbidity (NTU) during oxygenation, before and after simple or double filtration (PK10 bore-hole water).

Evolution de la turbidité (NTU) au cours de l’aération, avant et après simple ou double filtration (eau du forage PK10).

Av Fi : Eau PK 10 avant filtration

Ap SF : Eau PK 10 après simple filtration

Ap DF : Eau PK 10 après double filtration

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4.3.2 Cas des eaux PK 11

Les résultats ont montré une croissance progressive de la turbidité avant la filtration compensée par une décroissance après l’oxygénation/simple filtration, pour aboutir à une valeur minimale, après 90 minutes d’oxygénation, de 9,8 NTU, soit un abattement de 82,6 %. La double filtration a permis une légère amélioration de la réduction de la turbidité jusqu’à des valeurs de 3,8 NTU, soit un abattement de 86 % (Figure 5). Grâce à cette valeur, la turbidité du mélange est devenue de l’ordre de 1,6 NTU, une valeur qui permettra, après la chloration, d’avoir une qualité bactériologique respectant les normes tunisiennes en vigueur.

Figure 5

Evolution de la turbidité (NTU) au cours de l’aération, avant et après simple filtration (eau du forage PK11).

Evolution of the turbidity (NTU) during oxygenation, before and after simple or double filtration (PK11 bore-hole water).

Evolution de la turbidité (NTU) au cours de l’aération, avant et après simple filtration (eau du forage PK11).

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4.3.3 Cas des eaux PK 14

Dans ce cas, plus le contact de l’eau avec l’air croît, plus les particules sous forme de flocs plus volumineux se forment et donc sont mieux retenues par les filtres. Avec une durée de 90 minutes d’oxygénation de l’eau du forage PK 14, nous avons enregistré un excellent abattement de la turbidité (92,2 %) par procédé d’oxygénation suivi d’une simple filtration. Le traitement d’oxygénation suivi d’une double filtration a permis une légère augmentation du rendement d’élimination de la turbidité (95,3 %) (Figure 6).

Figure 6

Evolution de la turbidité (NTU) au cours de l’aération, avant et après simple ou double filtration (eau du forage PK14).

Evolution of the turbidity (NTU) during oxygenation, before and after simple or double filtration (PK14 bore-hole water).

Evolution de la turbidité (NTU) au cours de l’aération, avant et après simple ou double filtration (eau du forage PK14).

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Les essais de traitement des eaux de forage (PK 10, PK 11 et PK 14) seulement par filtration ont montré des abattements de la turbidité se situant aux alentours de 38,2, de 32,7 et de 43,2 % respectivement pour les eaux des forages PK 10, PK 11 et PK 14. En tenant compte de ces résultats, nous pouvons dire que la contribution de la filtration seule dans le processus d’élimination de la turbidité est limitée, d’où l’utilité d’associer ce mode de traitement avec d’autres procédés pour permettre d’obtenir des rendements intéressants en matière d’élimination de la turbidité. L’association de deux modes de traitement des eaux de forage (l’oxygénation suivie de la filtration) a permis d’améliorer la qualité de ces eaux. Le meilleur résultat correspond à l’élimination de 92,2 % de la turbidité des eaux du forage PK 14. Les résultats obtenus avec ces deux modes de traitement (filtration et oxygénation/filtration) nous permettent de réellement mettre en évidence l’intérêt de l’oxygénation dans l’abattement de la turbidité. En effet, l’injection d’air (ou de bulles d’oxygène) dans l’eau peut conduire à la flottation des particules de fer par attelage bulles-particules, lequel peut davantage concentrer les particules sous forme de flocs plus volumineux (BIDAULT et al., 1997; GRAEME et JAMESON, 1999). Ces flocs sont bien retenus par les filtres; c’est ce qui explique la réduction de la turbidité après la filtration. De tels résultats (SCRIVEN et al., 1999) ont prouvé d’excellentes performances des procédés d’oxygénation/filtration sur la réduction de la turbidité minérale et organique.

4.4 Élimination du fer

L’étude de l’évolution du taux de fer total au cours de l’oxygénation suivie d’une simple filtration des eaux des forages PK 10, PK 11 et PK 14 nous montre l’intérêt de ce mode de traitement des eaux dans la diminution de la concentration en fer total. En effet, l’eau PK 10 contient initialement 1,461 mg de fer par litre, et nous voyons qu’à la fin de l’oxygénation et de la simple filtration, nous sommes arrivés à un taux de 0,987 mg/L, ce qui correspond à un abattement de 32,5 %. Cependant, le traitement de l’eau PK 11 par ce même procédé a abouti à un abattement de 55,5 % du fer total. Le taux de fer total a aussi chuté de 2,015 à 0,364 mg/L pour l’eau PK 14, c’est-à-dire que 81,9 % du fer a été retenu par les filtres (Figure 7).

Figure 7

Evolution du fer total (mg/L) au cours de l’aération des trois forages (PK10, PK11 et PK14) suivie d’une simple filtration.

Evolution of total iron (mg/L) during the oxygenation of the three boring waters (PK10, PK11 and PK14) followed bya simple filtration.

Evolution du fer total (mg/L) au cours de l’aération des trois forages (PK10, PK11 et PK14) suivie d’une simple filtration.

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Les essais de traitement des eaux de forage seulement par filtration ont montré des rendements d’élimination du fer total se situant aux alentours de 17,4, 31,3 et 42,8 % respectivement pour les eaux des forages PK 10, PK 11 et PK 14. Comparativement aux résultats obtenus lors de traitement de ces eaux par oxygénation suivie de simple filtration, nous pouvons pratiquement confirmer la limite de la contribution de la filtration dans le processus de réduction d’éléments minéraux tels que le fer total. L’intérêt de l’oxygénation dans la réduction du fer total des eaux de forage est argumenté. En effet, l’aération prolongée d’une eau contenant du fer peut favoriser des réactions d’hydrolyse de ce métal, et diminuer ainsi sa solubilité dans l’eau (JOHNSON et al., 1995). L’aération est fonction des caractéristiques des eaux : l’augmentation du pH peut être liée à un dégazage du CO2, dans une eau chargée en CO2. Dans notre cas, l’aération des eaux de forage correspond à un traitement de dégazage de ces eaux souterraines dites agressives. Une simple oxygénation de l’eau (injection d’oxygène) peut conduire à une oxydation du fer ferreux en fer ferrique et favoriser ainsi une meilleure élimination du fer total. Cet aspect doit être considéré même si les concentrations en fer ferreux sont initialement faibles (par comparaison à la concentration du fer ferrique) dans l’eau brute.

5. Conclusion

Nous nous sommes proposés, dans ce travail, d’entreprendre des essais de traitement des eaux potables de la station de Sfax par procédés d’oxygénation, d’oxygénation suivie d’une simple filtration et d’oxygénation suivie d’une double filtration des trois eaux de forage analysées (PK 10, PK 11 et PK 14) avant de les mélanger avec les eaux du Nord, de Jelma et de Sbeïtla.

Dans la première partie de notre étude, nous avons établi les points de rupture (break-point) par des essais de la demande en chlore pour le cas des eaux des trois forages. Des doses dépassant des valeurs de l’ordre de 4 mg/L de Cl2/L ont été enregistrées pour qu’il y ait formation de chlore libre efficace pour la désinfection.

Par ailleurs, l’étude de l’effet de la turbidité sur la désinfection par chloration des eaux de la station de Sfax a montré que, pour des valeurs de la turbidité de 1 NTU, nous avons obtenu une désinfection parfaite même pour des valeurs de la turbidité de l’ordre de 4 NTU, et nous arrivons à satisfaire les normes tunisiennes concernant la qualité bactériologique des eaux de boisson. Au-delà de cette valeur, nous sommes obligés d’introduire des taux de chlore supérieurs à 5 mg/L pour une désinfection efficace.

Dans la troisième partie, nous avons étudié la possibilité d’éliminer la turbidité d’origine minérale (liée notamment à la présence de fer ferrique), en utilisant un système d’oxygénation suivi de la filtration à l’échelle du laboratoire, dans le but de minimiser l’effet protecteur de ce paramètre contre la désinfection de ces eaux. Les meilleurs résultats ont été obtenus lors de l’oxygénation de l’eau du forage PK 14 pendant 90 minutes, suivie d’une double filtration. Ce mode de traitement a permis un excellent abattement de la turbidité (95,3 %). Nous avons enregistré également une importante déferrisation des eaux PK 14 (81,9 %) par un traitement d’oxygénation suivi d’une simple filtration.

Ces résultats très satisfaisants nous permettent de recommander l’intégration du système d’oxygénation suivi de la filtration comme prétraitement des eaux de forage avant de les mélanger avec les autres eaux, puis de procéder à une javellisation des eaux de mélange. Ce traitement par aération a été effectué au laboratoire, mais nous aurions pu avoir de meilleurs résultats si nous avions utilisé des aérateurs mécaniques dans les bassins et nous aurions eu des eaux de bonne qualité du point de vue bactériologique et physico-chimique. Une aération par fines bulles associée à une double filtration peut être aussi une bonne solution pour avoir de meilleurs rendements.