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1. Introduction

Dans les oasis sahariennes, le recours intensif à la mobilisation des ressources en eau en provenance des nappes aquifères profondes (nappes du Continental Intercalaire et du Complexe Terminal) a été nécessaire pour faire face à l’augmentation des besoins en eau pour les usages agricoles et urbains. Cependant, l’accroissement important des débits utilisés, associé à un usage mal raisonné des ressources hydriques, a conduit à des gaspillages générant des quantités importantes d’eaux excédentaires qui ont provoqué la remontée des nappes superficielles et favorisé la dégradation des conditions environnementales. Toutes les oasis sahariennes doivent leur existence et leur prospérité, dans un milieu aussi difficile et hostile que le désert, à une disponibilité importante en ressources hydriques souterraines. Mais, ces oasis connaissent actuellement des situations écologiques catastrophiques causées par la mauvaise utilisation de ces ressources (COTE, 2005; DUBOST, 2002; IDDER, 1998).

La ville de Ouargla, ancienne capitale des oasis, située dans le sud-est algérien à 800 km environ d’Alger (Figure 1), représente un cas typique dans lequel l’augmentation des rejets urbains et agricoles, due non seulement à l’accroissement des besoins, mais aussi à l'exploitation incontrôlée des ressources hydriques, associée à des conditions naturelles particulièrement défavorables, a contribué à faire de cette oasis un vaste « marais salé ». La ville, située au fond d'une vaste dépression dépourvue d'exutoire où la nappe phréatique est souvent à fleur de sol, est ainsi entourée de grandes étendues de sebkhas et de chotts.

Figure 1

Carte de la localisation géographique de l’oasis de Ouargla.

Map of the geographical location of the oasis of Ouargla.

Carte de la localisation géographique de l’oasis de Ouargla.

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Le problème d’excédent d’eau que connait Ouargla a eu pour principale conséquence le dépérissement d’une partie importante de la palmeraie qui s’est retrouvée noyée dans ses eaux excédentaires. Ces eaux ont contrarié son drainage et provoqué une augmentation excessive de la salinité des sols cultivables (Figure 2).

Figure 2

Asphyxie et dépérissement d’une palmeraie à Ouargla suite à la remontée des eaux de la nappe phréatique.

Asphyxiation and deterioration of a palm plantation in Ouargla following the rise of the water table.

Asphyxie et dépérissement d’une palmeraie à Ouargla suite à la remontée des eaux de la nappe phréatique.

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2. Caractérisation morphologique et climatique de la zone d’étude

Sur le plan morphologique, l’oasis de Ouargla et ses palmeraies sont installées dans une vaste cuvette sédimentaire qui constitue la basse vallée fossile de l’oued Mya qui draine le versant nord du plateau de Tadmaït, situé à 700 km au sud de Ouargla, et qui se termine à la Sebkha de Safioune, à une vingtaine de km au nord de la ville (HAMDI-AÏSSA et GIRARD, 2000). La largeur du lit de l’oued Mya, dans la région de Ouargla, est relativement modeste, elle atteint une dizaine de kilomètres au niveau de l’agglomération. Le profil longitudinal de la vallée a une pente générale dirigée depuis le Sud-Ouest vers le Nord-Est et d’environ 1 ‰.

La limite ouest de la cuvette de Ouargla est constituée d’une falaise qui termine le plateau des Canntra et qui domine la vallée à une altitude d’environ 220 m. Ce plateau est composé essentiellement de formations gréso-calcaires du tertiaire. Ces formations rocheuses sont couvertes de graviers et de cailloux associés à des sables siliceux rougeâtres. La limite vers l’Est est moins élevée et beaucoup plus diffuse. Elle est composée de formations dunaires d’importance modeste de 160 m de hauteur environ. Les bas-fonds de la cuvette, situés à une altitude moyenne de 136 m, sont occupés par des alluvions. Les jardins de l’oasis y sont implantés. Mais, la plus grande partie des bas-fonds sont des terrains inondés ou inondables de la sebkha qui s’allongent en forme de croissant, au nord de la ville, depuis l’Ouest (128 m) vers l’Est (127 m). Cette sebkha est composée de sols salés gypseux peu perméables qui évoluent dans des conditions d’asphyxies prolongées. Elle couvre une surface très importante et constitue un élément déterminant dans le paysage morphologique de la cuvette. En effet, dans la région comprise entre la ville de Ouargla et la limite nord de la vallée de l’oued Mya, représentée par la sebkha Safioune, la superficie occupée par les zones humides (sebkhas et chotts) couvre environ 25 000 ha, alors que la zone occupée par les palmeraies ne dépasse pas 5 000 ha. Au Néolithique, cette sebkha fonctionnait naturellement grâce à l’apport des eaux souterraines. Mais actuellement, elle est essentiellement alimentée par les excédents hydriques de la palmeraie qui provoquent la remontée de la nappe superficielle. Durant les périodes de chaleur, les surfaces de la sebkha inondées en hiver s’assèchent ou se réduisent considérablement sous l’effet de l’évaporation.

Pour ce qui concerne le climat, la région de Ouargla est caractérisée, comme il est le cas pour toutes les oasis sahariennes (DUBIEF, 1959, 1963), par une aridité nettement marquée et une sécheresse quasi permanente. La température annuelle moyenne, mesurée sur la période 1998-2009, est de 23,4 °C. Les maxima et minima moyens sont de 43,5 °C et 4,8 °C enregistrés, respectivement, pendant les mois de juillet et de janvier. L’amplitude thermique annuelle moyenne est donc de l’ordre 39 °C. La moyenne annuelle des précipitations, sur cette même période, est de 39,1 mm. Ces précipitations sont marquées par leur caractère faible et irrégulier (117,8 mm pour l’année 2004, contre seulement 5,9 mm en 2001). L’évaporation annuelle moyenne est très élevée. Pour la période 1998-2009, elle a été en moyenne de 3 320 mm par an, ce qui représente un taux d’évaporation voisin de 9 mm par jour, avec un maximum de 16 mm par jour en juillet.

Ce bref état des lieux sur les principales caractéristiques du milieu montre que l’oasis de Ouargla, installée avec ses palmeraies au fond d'une dépression en zone désertique, constitue un lieu idéal pour l'accumulation et la stagnation des eaux. Le milieu naturel évolue rapidement vers des conditions d’hydromorphie et de salinité excessives en raison d’une aridité permanente, ainsi que d'une nappe superficielle excessivement salée, située à faible profondeur. La cuvette de Ouargla représente, par conséquent, un contexte écologique particulièrement fragile où l’utilisation des ressources hydriques souterraines devra être, en principe, menée avec beaucoup de prudence. Nous allons voir plus loin, lorsque nous aborderons les aspects liés à l’exploitation de ces ressources, que ceci n’a malheureusement pas été le cas.

3. Les ressources hydriques : qualité chimique et exploitation

Dans les oasis du Bas Sahara, les seules ressources hydriques disponibles sont d'origine souterraine. Les formations géologiques de la région de Ouargla renferment deux ensembles de formations aquifères bien connues (CASTANY 1982; CORNET et GOUSKOV, 1952) :

  • le Continental Intercalaire qui s’étend sur tout le bassin sédimentaire du Sahara septentrional sur une superficie de 600 000 km2. Cet aquifère est contenu dans les formations sablo-gréseuses et argilo-sableuses accumulées dans des niveaux d'âges variables, selon les endroits, et compris entre le Trias et le Crétacé inférieur. Il porte souvent, de manière restrictive, le nom de nappe de l’Albien en référence à son étage supérieur, car les premiers jaillissements d’eau obtenus en provenance de cet aquifère ont été attribués aux grès de l’Albien.

  • le Complexe Terminal qui occupe une superficie d’environ 350 000 km2. Sur le territoire algérien, le Complexe Terminal renferme deux formations aquifères distinctes. La première est contenue dans les sables du Mio-Pliocène, tandis que la seconde se trouve dans le Sénonien supérieur et l’Éocène inférieur.

Une troisième formation, d’importance plus modeste, s’ajoute aux deux précédentes. Il s’agit de la nappe phréatique, ou nappe superficielle, contenue dans les alluvions de la vallée de l’oued Mya. Dans l'agglomération, sa profondeur varie entre 0,5 et 1,5 m par rapport au niveau du sol. Mais dans les zones les plus basses, elle se trouve pratiquement à fleur de sol.

3.1 Qualité chimique

Les eaux de la nappe du Continental Intercalaire, malgré le fait qu’elles soient relativement peu minéralisées par rapport aux eaux des autres nappes (généralement 100 à 200 mS•m-1), elles posent, néanmoins, d’énormes soucis :

  • La très haute température des eaux qui atteint 50 à 60 °C. Malgré les différents remèdes mis en place pour abaisser cette température (tours de refroidissement, plans d'eau à l'air libre, etc.), les eaux restent relativement chaudes. Elles sont néfastes aux plantes irriguées et dégradent les réseaux de distribution.

  • La forte tendance à l'entartrage des eaux. Ce problème a non seulement pour conséquence de limiter rapidement le débit des puits malgré leur fort jaillissement, mais il provoque aussi l'obstruction des canalisations de distribution et le colmatage des appareils sanitaires.

Ce sont les raisons pour lesquelles il est fortement question maintenant de réduire, voire de supprimer, les forages à l'Albien à l'intérieur des principales agglomérations sahariennes.

Les eaux de la nappe du Mio-Pliocène, leurs conductivités électriques, à Ouargla, varient de 300 à 650 mS•m-1. Les eaux de la nappe sénonienne sont moins chargées, leur conductivité ne dépasse pas 300 mS•m-1 au niveau de la cuvette. La minéralisation de ces eaux peut être expliquée par le lessivage qui a pu se produire lors des périodes salifères majeures de la fin du Crétacé et au Pliocène. Les eaux des nappes du Complexe Terminal conviennent généralement pour l’irrigation, à condition que les cultures irriguées soient bien tolérantes aux sels et que les sols utilisés soient régulièrement lessivés et drainés (DURAND, 1958). Près de soixante-dix pourcent des eaux mobilisées à partir de ces aquifères sont affectées à l’usage agricole.

Les eaux de la nappe phréatique sont quant à elles beaucoup trop minéralisées et leur très mauvaise qualité s'oppose à tout usage. Leur conductivité électrique dépasse 7 000 mS•m-1 dans certains endroits de la cuvette.

3.2 Exploitation

Dans les régions sahariennes, plus qu'ailleurs, l'eau constitue l'élément vital sans lequel aucune forme de vie n'est possible. L’oasis de Ouargla doit son existence et sa prospérité à la présence de la nappe du Mio-Pliocène dont l’exploitation remonte à un passé déjà lointain (MOULIAS, 1927). Au Xe  siècle, période où la splendeur de l’oasis était à son apogée, toutes les eaux étaient jaillissantes (BLANCHET, 1900). Leur niveau hydrostatique se situait à plus de 5 m au-dessus du niveau du sol (BEL, 1969). En 1888, le débit total dont disposait la région de Ouargla était de l’ordre de 0,4 m3•s-1. En revanche, l’exploitation de la nappe du Sénonien est beaucoup plus récente, elle remonte à 1953. La multiplication des forages a permis une augmentation très sensible des débits exploités. En 1970, les débits des deux nappes du Complexe Terminal ont atteint 0,7 m3•s-1. À cette même époque, on dénombrait dans la cuvette une centaine de forages opérationnels dans la première nappe et quatre dans la seconde (ROUVILLOIS-BRIGOL, 1975). Cet accroissement a provoqué l’abaissement des niveaux piézométriques. En 2002, le nombre de forages exploités est passé à 154 pour la nappe du Mio-Pliocène et à 31 pour la nappe du Sénonien. Le débit total prélevé dans ces deux aquifères a atteint près de 1,9 m3•s-1. Le dernier inventaire effectué par l’ANRH (2010) (Agence Nationale des Ressources Hydrauliques de Ouargla) fait état de 186 forages pour la nappe du Mio-Pliocène et 46 pour la nappe du Sénonien. Leur débit total d’exploitation cumulé est de 2,63 m3•s-1. Pour la nappe du Continental Intercalaire, on comptait deux forages qui fournissaient un débit de 0,3 m3•s-1 à Ouargla, en 1970 (ROUVILLOIS-BRIGOL, 1975). En 2002, le nombre de forages est passé à trois fournissant un débit de 0,9 m3•s-1. En 2010, le débit exploité à partir de cette nappe a connu une certaine régression (0,22 m3•s-1) pour retrouver à peu près le niveau de 1970. Cette régression est due à la suppression de l’un des trois forages. La décision a été prise à cause des problèmes d’entartrage et de fortes températures des eaux de cet aquifère.

D’après les chiffres présentés, nous remarquons que le débit exploité dans la cuvette a pratiquement été multiplié par 3 entre 1970 et 2010, et par 7 entre 1888 et 2010 (Figure 3). En revanche, cette augmentation très sensible des débits exploités n’avait malheureusement pas été accompagnée de mesures efficaces permettant de gérer convenablement ces eaux exploitées après utilisation, ce qui a généré, inévitablement, dans le contexte fragile de Ouargla, un phénomène d’excédents hydriques, provoquant la remontée de la nappe superficielle, dont les conséquences ont été néfastes pour l’oasis, comme la dégradation et le dépérissement de la palmeraie ou la salinisation excessive des sols.

Figure 3

Évolution des débits exploités dans la cuvette de Ouargla entre 1888 et 2010.

Evolution of the flows exploited in the basin of Ouargla between 1888 and 2010.

Évolution des débits exploités dans la cuvette de Ouargla entre 1888 et 2010.

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Les enquêtes que nous avons menées sur le terrain ont montré que les excédents hydriques trouvent leur source, en grande partie, dans la mauvaise gestion des eaux d’irrigation. En effet, les débits utilisés pour l’arrosage, qui varient de 0,4 L•s-1•ha-1 à 1 L•s-1•ha-1 selon les secteurs de la palmeraie, sont sensiblement répartis de la même façon quelle que soit la période de l’année, alors que les besoins des cultures sont très variables d’une saison à l’autre. Ce constat permet de mettre en évidence une surutilisation de la ressource pendant la période hivernale et une sous-utilisation en été, ce qui est doublement dommageable : les cultures souffrent d’un manque d’eau pendant la période estivale, alors qu'elles subissent en hiver les méfaits de l’engorgement dus à la difficulté d’évacuation des excédents. D’après nos estimations, ces excédents distribués inutilement pendant la période hivernale seraient suffisants pour combler les déficits observés pendant la saison estivale, car le total des déficits est du même ordre de grandeur que celui des excédents. Ces excédents d’eau qui n’étaient que de 5,5 millions de m3 par an dans le milieu des années soixante (SOCIÉTÉ CENTRALE D’ÉQUIPEMENT DU TERRITOIRE, 1965) sont passés à près 14 millions de m3 par an. Ces eaux sont caractérisées par des taux de minéralisation très élevés qui passent de 1 400 mS•m-1, dans les drains de la palmeraie, à plus de 3 500 mS•m-1 au niveau des collecteurs des eaux de drainage (IDDER et al., 2010). Cette augmentation du taux de minéralisation pourrait s’expliquer par les effets conjugués dus à l’évaporation et au lessivage des sols.

4. Salinisation des sols

La surexploitation des ressources en eau et le manque de dispositifs de gestion rationnelle des excédents hydriques, dans un contexte naturel aussi difficile et fragile que celui de Ouargla, ont provoqué une généralisation du phénomène de salinisation des sols irrigables de la palmeraie. Ainsi, le paysage pédologique qui caractérise la cuvette de Ouargla est principalement dominé par les caractères d’halomorphie et d’hydromorphie, comme il est d’ailleurs pratiquement le cas dans toutes les oasis sahariennes (DJEBAILI, 1978; FLORET et PONTANIER, 1982).

Les principales causes qui ont provoqué le maintien et le développement du caractère d’halomorphie dans les sols de l’oasis sont :

4.1 L’influence du contexte géologique

La plateforme saharienne a connu à plusieurs reprises la formation d'évaporites, en particulier au Trias, mais aussi au Sénonien. Au cours des divers épisodes tectoniques qu'a connus la région, ces formations ont imprégné de sel et de gypse les terrains avec lesquels elles se sont trouvées en contact et ont provoqué une diffusion importante de sels (GAUCHER et BURDIN, 1974). Au Plio-Quaternaire, enfin, les dépressions fermées ont vu s'accumuler des dépôts contenant d’importantes concentrations de sel gemme provenant du lessivage des niveaux salifères plus anciens.

4.2 L’influence du climat

Ce sont les facteurs climatiques qui vont entraîner le transfert et le stockage des éléments solubles dans le sol. La distribution des sels en solution dans le sol résulte, d’une part, de l’évaporation qui aura pour effet la concentration et l’accumulation des sels et, d’autre part, des précipitations qui vont favoriser le phénomène de lessivage (SERVANT, 1978). Les données climatiques de l’oasis de Ouargla montrent que quelle que soit la période l’année, l’évaporation est nettement supérieure aux précipitations et que la période favorable à la salinisation s’étale en conséquence tout au long de l’année (Figure 4). Ceci est le cas dans toutes les villes du Sahara où, comme l'a indiqué DUTIL (1971), « le régime climatique est idéal à l'extériorisation des caractères de salinité des sols ».

Figure 4

Influence des facteurs climatiques locaux sur l’apparition du phénomène de salinisation des sols.

Influence of local climatic factors on the appearance of the phenomenon of soil salinization.

Influence des facteurs climatiques locaux sur l’apparition du phénomène de salinisation des sols.

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4.3 L’influence de la nappe phréatique

La nappe phréatique, qui imprègne le matériau pédologique, se situe à faible profondeur sous la surface du sol et joue, par son caractère fortement salin, un rôle très important dans le phénomène de salinisation des sols (HAMDI-AISSA, 2001; IDDER, 2066). Cette nappe se comporte alors, sous l’effet des remontées capillaires et de l’évaporation, comme un véritable réservoir de diffusion de sels à travers tout le profil pédologique.

5. Mise en évidence du phénomène de salinisation des sols de la cuvette de Ouargla

Afin d’apporter un aperçu sur l’importance du caractère d’halomorphie qui prédomine dans les sols de l’oasis de Ouargla, nous avons procédé à l’étude de cinq profils pédologiques se situant chacun dans une zone de telle sorte que chaque région de l’oasis soit représentée. Ces sols sont tous caractérisés par une texture grossière où prédominent les sables grossiers et fins. Nos observations ont été effectuées en saison estivale et la profondeur des profils a été choisie en fonction du niveau de la nappe phréatique dans chaque zone d’étude.

L’analyse des profils salins montre que les différents sols de l’oasis appartiennent aux classes des sols fortement salins à très fortement salins - à l’exception d’un seul profil (profil 5) situé loin des zones chotteuses hydromorphes, et à proximité d’un drain, où la salinité paraît relativement modérée (Figure 5). Ces sols sont en outre caractérisés par une salinité qui augmente de bas en haut. A la surface, la salinité atteint des valeurs très importantes, de l’ordre de 5 000 mS•m-1 en saison estivale (Tableau 1 et Figure 5). Cette tendance à la salinisation superficielle a été confirmée par les travaux antérieurs réalisés dans la cuvette de Ouargla (HAMIDI-AISSA, 2001; IDDER, 2006). La forme ascendante de distribution de la salinité est généralement accompagnée de l’apparition de taches blanchâtres de sel à la surface du sol, nettement apparentes pendant la saison chaude de l’année (mai - octobre).

Figure 5

Évolution de la conductivité électrique dans les sols étudiés.

Evolution of the electrical conductivity in the studied soils.

Évolution de la conductivité électrique dans les sols étudiés.

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Tableau 1

Caractéristiques physico-chimiques des sols étudiés.

Physicochemical characteristics of the studied soils.

Caractéristiques physico-chimiques des sols étudiés.

*Conductivité électrique

**Pourcentage du sodium échangeable

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Les sols étudiés sont également caractérisés par un fort caractère sodique qui se traduit par un taux de sodium échangeable qui dépasse 15 % dans tous les profils étudiés, sauf dans le profil 5, faisant exception à la règle.

Par ailleurs, l’étude des profils anioniques montre que les chlorures sont dominants dans tous les profils étudiés (en moyenne 62 % de la somme des anions). Les sulfates viennent ensuite en deuxième position. Le rapport Cl/SO4 est en effet toujours supérieur à 1 dans tous les profils. Nous avons constaté que l’évolution de la concentration en chlorures et celle du rapport Cl/SO4 varient dans le même sens que la conductivité électrique. La salinité est donc fortement influencée par le caractère chloruré. Les bicarbonates, quant à eux, sont présents en très faibles quantités. Ils ne représentent, en moyenne, qu’environ 1 % de la somme des anions dans tous les profils.

Pour les cations, l’ion Na+ est le plus fortement représenté dans tous les profils (environ 60 % de la somme des cations) et l’évolution de sa concentration suit celle de la conductivité électrique. Par conséquent, la salinité est à dominante chloruré-sodique. Les ions Ca2+ et Mg2+ viennent en seconde position après les ions Na+ et leur rapport est compris entre 0,2 et 1,8 selon les profils et les horizons. L’ion K+ est très faiblement présent dans tous les profils étudiés et ne représente en moyenne que 1,2 % de la somme des cations.

6. Conclusion

Le problème des excès d’eau et ses conséquences sur les milieux urbains sahariens trouvent essentiellement ses origines dans la surexploitation des aquifères profonds et la mauvaise utilisation des eaux d'irrigation. La maîtrise de ce problème doit nécessairement, donc commencer par une gestion plus raisonnée des ressources hydriques souterraines et une réorganisation générale des conditions d'arrosage. Il faudra en effet raisonner l'utilisation de l'eau à usage agricole en l'adaptant aux besoins réels des plantes cultivées ainsi qu'aux nécessités de lessivage des sols. Ce lessivage est nécessaire en zone aride car la minéralisation relativement élevée des eaux d'irrigation, associée à des conditions climatiques et morphologiques défavorables, peut générer, à plus ou moins long terme, des problèmes de salinisation importants qui pourraient être irréversibles. La rationalisation des modalités d'arrosage permettra de diminuer, à la source, le volume d'eau excédentaire et d'économiser les ressources en eau naturelles qui sont d’origine fossile au Sahara.

Des solutions techniques curatives sont progressivement en train de se mettre en place dans différentes localités sahariennes (principalement à Ouargla et à El-Oued) afin d’atténuer les conséquences successives au phénomène des excédents hydriques comme, par exemple, l’amélioration des conditions de collecte des eaux de drainage et leur évacuation loin des zones habitées (MENSOUS, 2011). Mais, quel que soit le degré de fiabilité de ces solutions techniques, qui de toute façon auront besoin de temps pour démontrer leur efficacité, on ne pourra en aucun cas s’affranchir de la nécessité d’entreprendre, en amont, les mesures préventives citées plus haut, et qui concernent la mise en oeuvre d’une gestion plus rationnelle des ressources hydriques. C’est désormais tout l’avenir écologique des écosystèmes sahariens qui en dépend.