Corps de l’article

1. Introduction

Les Vosges en France et la Forêt-Noire en Allemagne sont des ensembles montagneux apparus à la suite de l’effondrement du fossé rhénan. Du côté français la partie sud des Vosges est considérée comme un « château d’eau » car de nombreuses rivières (notamment la Moselle (affluent du Rhin), la Meurthe, la Moselotte et la Vologne (toutes trois affluents de la Moselle) et la Saône (affluent du Rhône) ainsi qu’un fleuve (la Meuse)) y ont leur source. La partie Est du massif est caractérisée par des roches granitiques (au Sud) et gréseuses (au Nord). Si le versant alsacien à l’Est vers le fossé rhénan est très abrupt, la partie Ouest s’étale doucement vers le bassin parisien. Administrativement le département des Vosges recouvre la partie Sud-Ouest du massif, dont le point culminant (Grand Ballon, 1 424 m) se trouve lui dans le département du Haut-Rhin. L'Association La Vigie de l'Eau, dont le siège se trouve à Vittel dans le département des Vosges a pour objet de développer la culture scientifique autour de l'eau en Lorraine. La Fédération Départementale des Foyers Ruraux des Vosges, quant à elle, est un réseau d’associations visant à promouvoir l’éducation populaire, en contribuant à l’animation et au développement des zones rurales. Ces deux entités se sont retrouvées depuis 2011 pour monter deux actions de recherche participative sur le thème de l’eau dans les Vosges. Le premier projet a été réalisé dans le cadre de l’opération les « Chemins de l’Eau » et avait pour but de mieux faire connaître les lieux d’eau en milieu rural et de commencer à en dresser une cartographie en fonction du contexte géographique, historique et d’usage du sol. Une hydrothèque, visible dans les locaux de La Vigie de l’Eau, a été conçue à cette occasion et a permis aux chercheurs de disposer d’une importante base de données pour des études sur la caractérisation de la matière organique dissoute. Le second projet a impliqué dans un premier temps des classes du second cycle primaire (CE2-CM1-CM2) dans les Vosges, à Lerrain et à Mattaincourt, puis à Haroué, en Meurthe-et-Moselle. Il s'est intégré dans un projet scientifique de la Zone Atelier du Bassin de la Moselle visant à l'évaluation, la compréhension et à la modélisation de la multipollution (domestique et agricole) du cours d'eau (d’après ASSAAD, 2014).

2. Matériels et méthodes

Seize foyers ruraux des Vosges ont participé à l’opération des Chemins de l’Eau. Après une reconnaissance des lieux d’eau, avec leur typologie, leur localisation et éventuellement le recueil des anecdotes s’y rapportant, les prélèvements ont été ensuite effectués entre octobre 2011 et novembre 2012 dans les différents villages, en général par temps sec et à différentes périodes de l’année (Figure 1). Les échantillons ont été prélevés à l’aide d’une canne de prélèvement ou d’un bailer, stockés dans des flacons en plastique en chambre froide et à l’obscurité. Les enfants des écoles, quant à eux, étaient répartis en cinq groupes par classe et devaient s’organiser pour effectuer les différentes tâches à leur charge. Ils tenaient également un cahier de laboratoire pour consigner leurs observations au moment du prélèvement (état visuel du cours d’eau, faune et flore) ainsi que leurs résultats. Ils ont été initiés à la prise d'échantillons (à l'aide d'un bailer) et à la réalisation d'analyses simples : conductivité et température avec une sonde de terrain (type 98311, Hanna Instruments Inc., Woonsocket, Rhode Island, É.-U.), pH avec des bandelettes (Fischer Scientific, Illkirch, France), teneurs en phosphates et en nitrates à partir de tests colorimétriques (Visocolor, Fischer Scientific), phytotoxicité avec le test de la laitue (adapté de MA.500-GCR 1.0, CENTRE D’EXPERTISE EN ANALYSE ENVIRONNEMENTALE DU QUÉBEC, 2003). Les échantillons filtrés (filtre en papier) étaient ensuite stockés au froid pour être récupérés par les chercheurs ultérieurement afin de réaliser des analyses complémentaires (pH, conductivité, carbone organique dissous, azote total dissous, azote ammoniacal, ions majeurs, propriétés optiques (spectroscopie UV-visible, fluorescence)). Les débits du Madon ont été extraits de la base HYDRO (http://hydro.eaufrance.fr) et les précipitations ont été mesurées par le SAD de Mirecourt.

Figure 1

Débit du Madon, précipitations à Mirecourt et date de prélèvement dans chaque village

Madon River flow rate, rainfall at Mirecourt and sampling date in each village

Débit du Madon, précipitations à Mirecourt et date de prélèvement dans chaque village

-> Voir la liste des figures

3. Résultats et discussion

Afin de représenter visuellement les résultats obtenus dans le cadre des Chemins de l’Eau, la grille de couleur utilisée par le Système d’Évaluation de la Qualité de l’eau des rivières (SEQ-eau) est utilisée (Tableau 1). Cette représentation permet de voir rapidement où les nitrates constituent la principale altération de la qualité de l’eau (Figure 2a). Cependant, il ne faut pas oublier que les prélèvements ont été répartis sur une année et que la concentration en nitrates dans les cours d’eau est plus élevée en automne et en hiver que le reste de l’année. En effet, l’automne et l’hiver sont les périodes de l’année où la végétation ne prélève plus d’azote dans le sol, à l’inverse du printemps et de l’été. Pour l’azote ammoniacal, la situation est globalement très bonne, même si des points préoccupants sont apparus dans quelques villages, notamment à Villers (cours d’eau manifestement pollué par des effluents domestiques non traités) (Figure 2b). Dans la figure 3 a été représentée la qualité des eaux prélevées en fonction de leur typologie, pour les groupes les plus importants. Les sources, les puits et éoliennes, les cours d’eau et les fontaines-lavoirs sont les lieux d’eau qui ont été les plus échantillonnés (23 %, 19 %, 18 % et 16 % respectivement). Cependant, chaque village a sa propre typologie : Deycimont est particulièrement riche en fontaines et lavoirs (22 soit 69 % des prélèvements), Bouxurulles en puits (20, soit 61 % des prélèvements), Nonville en sources (14, soit 48 % des prélèvements) et Lerrain en cours d’eau (12 soit 48 % des prélèvements). Ce sont les échantillons provenant des puits et les éoliennes qui contiennent le plus de nitrates et ceux des fontaines qui contiennent le moins d’azote ammoniacal.

Tableau 1

Classes du SEQ-Eau

SEQ-Eau water quality classes

Classes du SEQ-Eau

-> Voir la liste des tableaux

Figure 2

a

Distributions de la qualité des eaux analysées par village pour les nitrates en fonction des classes du SEQ-Eau, repérées par leur code couleur

Distributions of the quality of the water samples analyzed for each village in terms of nitrates according to their SEQ-Eau classes, identified by their color code

Distributions de la qualité des eaux analysées par village pour les nitrates en fonction des classes du SEQ-Eau, repérées par leur code couleur

b

Distributions de la qualité des eaux analysées par village pour l’azote ammoniacal en fonction des classes du SEQ-Eau, repérées par leur code couleur

Distributions of the quality of the water samples analyzed for each village in terms of ammonia according to their SEQ-Eau classes, identified by their color code

Distributions de la qualité des eaux analysées par village pour l’azote ammoniacal en fonction des classes du SEQ-Eau, repérées par leur code couleur

-> Voir la liste des figures

Figure 3

Comparaison de la qualité des eaux analysées pour les nitrates et l’azote ammoniacal en fonction de la typologie

Comparison of the quality of the water samples in terms of nitrates and ammonia as a function of the sample type

Comparaison de la qualité des eaux analysées pour les nitrates et l’azote ammoniacal en fonction de la typologie

-> Voir la liste des figures

Les résultats obtenus sur les échantillons collectés à Haroué pendant l’année scolaire 2013-2014 sont présentés dans la figure 4. Globalement, la conductivité augmente entre l’automne 2014 et le printemps 2014. Les résultats obtenus à l’école l’ont été avec deux sondes différentes. On observe un fort décalage entre les deux sondes, ce qui était dans la pratique un peu perturbant pour les enfants. Si les bandelettes sont un moyen facile de mesurer le pH, en évitant le problème de l’étalonnage de la sonde, leur précision n’est pas très grande. De plus, l’interprétation de la couleur n’est pas toujours évidente.

Figure 4

Résultats des quelques paramètres mesurés à l’école et au laboratoire

Results of some parameters measured at school and in the laboratory

Résultats des quelques paramètres mesurés à l’école et au laboratoire

-> Voir la liste des figures

Les concentrations de l’azote ammoniacal sont très variables au fil de temps avec une moyenne 0,4 mg∙L‑1 N-NH4+ (max = 1,7 et min = 0,01 mg∙L‑1 N-NH4+). Les pics de concentrations correspondent à des périodes de fort débit liés à des épisodes pluvieux : ceux-ci entraînent des débordements des réseaux d’assainissement et éventuellement d’effluents d’élevage (bovins). Le bassin versant du Madon est en effet très agricole, 42 % des terres étant occupées par les cultures et 35 % par des prairies. Des essais de détermination de l’azote ammoniacal avec des kits colorimétriques ont été réalisés à Lerrain et à Mattaincourt mais ont conduit à des résultats décevants et ces analyses n’ont pas été entreprises l’année suivante à Haroué.

Les concentrations en nitrates tendent à diminuer entre l’automne 2013 et le printemps 2014, avec un bon accord entre les résultats obtenus par la méthode colorimétrique à l’école et ceux obtenus au laboratoire par chromatographie ionique.

4. Conclusions

Ces deux projets de recherche participative ont permis une appropriation des questions sur les ressources en eaux et la qualité des eaux par les deux publics visés. Dans le cas des Chemins de l’Eau, les tâches à accomplir étaient simples et se limitaient en fait au prélèvement et à la localisation des stations échantillonnées. Les campagnes de prélèvement ont été à chaque fois l’occasion d’échanges sur le milieu aquatique. Dans le cas des enfants, des analyses simples leur étaient également demandées, avec des méthodes qui n’utilisaient pas de produits dangereux. La difficulté principale a été la répartition des tâches dans les groupes. Elle s’est faite assez naturellement dans la classe multiniveaux de Lerrain mais a été plus complexe dans les classes mononiveau de Mattaincourt et Haroué, avec dans ce dernier cas, l’établissement d’un planning tournant dans chaque groupe. Dans les deux cas, les chercheurs ont établi le protocole opératoire pour pouvoir assurer la validité des résultats obtenus sur les échantillons au niveau du laboratoire.