Corps de l’article

1. Introduction

Les Canadiens sont parmi les plus grands consommateurs d’eau au monde. On estime en effet que les consommations résidentielle et commerciale moyennes au Canada sont de l’ordre de 444 litres par personne et par jour (l/pers/j), dont environ 320 l/pers/j pour les seuls usages domestiques, alors que l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) recommande un minimum de 20 à 40 l/pers/j (BURKE et al., 2001). Même les pays les plus industrialisés affichent une consommation bien inférieure à celle des Canadiens. À titre de comparaison, en France la consommation moyenne en milieu urbain est de 210 l/pers/j (150 l/pers/j pour les usages domestiques), soit plus de deux fois inférieure à ce qu’on observe au Canada (SIARL, 2005). Face à une ressource abondante et, en apparence, peu onéreuse, la majorité des citoyens ne ressentent aucune motivation à réduire leur consommation. La réduction de la consommation entraîne certes une diminution des eaux usées rejetées au milieu récepteur, mais peu se sentent directement interpellés par l’argument environnemental. Qui plus est, les volumes d’eau disponibles à proximité des installations humaines sont en général suffisants pour satisfaire à la demande. Or, bien que la ressource en eau à l’état brut soit un bien public gratuit pour tous, la collecte de cette eau brute, les procédés nécessaires pour la rendre potable, son transport vers les points de consommation ainsi que la collecte des eaux usées et leur traitement exigent des investissements considérables et des dépenses d’opération récurrentes. Des investissements majeurs seront également nécessaires au cours des prochaines années dans plusieurs municipalités canadiennes afin de rajeunir les réseaux d’aqueduc et d’égout, dont plusieurs conduites ont atteint ou même dépassé leur durée de vie utile, ou pour construire de nouvelles stations de traitement d’eau potable afin de satisfaire la croissance de la demande (exemple de la ville de Québec).

L’eau potable a donc effectivement un coût, bien que ce coût soit difficilement quantifiable et demeure l’objet de nombreux débats. Au Canada, on prône de plus en plus le recouvrement total des coûts associés à l’eau potable, soit par le biais d’une taxe d’eau ou par une tarification liée à la consommation (MARSALEK et al., 2004; MCNEILL et TATE, 1991). Le prix moyen chargé aux consommateurs résidentiels pour les services d’eau et d’égout (tout type de tarification confondu) était, en 1999, de 1,00 $/m3 au Canada et de 0,49 $/m3 au Québec (BURKE et al., 2001). Sachant que le prix moyen de l’eau en France en 2000 était de 2,67 € / m3 (environ 4,24 $/m3) (MINISTÈRE DE L’ÉCOLOGIE ET DU DÉVELOPPEMENT DURABLE DE FRANCE, 2004; MOGNO et VULLIERME, 2003), on peut penser que le prix chargé aux Canadiens pour leur eau potable ne reflète pas le coût réel de cette eau. Mais quel est donc le coût réel de l’eau? Le présent article apporte des éléments de réponse à cette question. Après une revue des études ayant déjà abordé le sujet, nous présenterons brièvement le mode de gestion de l’eau au Québec puis nous décrirons la méthode adoptée pour estimer le coût associé à chaque mètre cube d’eau distribué à la ville de Québec, en tenant compte des coûts de production et de distribution de l’eau potable, de même que des coûts de la collecte et du traitement des eaux usées. La méthode appliquée vise à déterminer une gamme de coûts possible pour le coût total de l’eau à la ville de Québec ainsi qu’à évaluer les paramètres ayant le plus d’impact sur le coût calculé. Par ce travail, nous ne souhaitons aucunement cautionner l’implantation d’une tarification résidentielle au volume, mais plutôt déterminer la contribution globale de l’ensemble des citoyens afin de recouvrer les coûts associés à l’eau potable; le mode de partage de ce coût total entre les consommateurs dépend de diverses considérations socio-économiques et dépasse le cadre de cette étude.

2. Revue de la littérature

En novembre 2002, la firme PricewaterhouseCoopers publiait une étude établissant les portraits financiers historiques et futurs de la gestion publique de l’eau à Montréal (PRICEWATERHOUSECOOPERS, 2002). Selon cette étude, les frais d’exploitation totaux pour les services d’aqueduc et d’égout en 2000 s’élevaient à 0,54 $/m3 à Montréal, alors que les besoins seraient de 0,83 $/m3 en 2022. Ces besoins futurs ont été déterminés en ajoutant aux coûts de l’année 2000 des frais additionnels pour l’entretien standard des équipements (jugé déficient en 2000) ainsi que pour la réhabilitation, la mise aux normes, l’ajout de capacité et le remplacement des infrastructures de gestion de l’eau. La croissance de la demande non résidentielle a été estimée aux 2/3 du taux de croissance prévu du PIB, tandis que la croissance de la consommation résidentielle a été considérée nulle, en supposant que la réduction de consommation per capita résultant de campagnes de sensibilisation viendrait contrebalancer la croissance de la population.

Du total établi pour l’année 2000 par PricewaterhouseCoopers, 0,21 $/m3 est directement associé aux frais de fonctionnement, tandis que le 0,33 $/m3 restant est attribué au service de la dette. Étant donné le contexte de réalisation de l’étude, le coût des investissements était imputé aux résultats par le biais du service de la dette plutôt que par le biais d’un amortissement basé sur la durée de vie utile des éléments d’actif. Ceci signifie que les coûts calculés ne tiennent pas compte du coût des éléments d’actif utilisés pour lesquels aucune dette à long terme ne subsistait en 2000, ce qui représente une part importante des actifs de la ville. Le coût réel des services d’aqueduc et d’égout est donc plus élevé que les besoins financiers estimés par PricewaterhouseCoopers.

On retrouve peu d’exemples d’estimation du coût réel de l’eau potable distribuée aux usagers domestiques dans la littérature scientifique. Certains auteurs tels CABRERA et al. (2003) présentent une méthodologie générale d’estimation du coût de chaque mètre cube d’eau, basée sur la définition des coûts fixes et variables associés à la production et au traitement de l’eau. Ceux-ci spécifient que le coût total à recouvrer pour les services d’eau correspond à la somme des coûts variables et des coûts fixes, ces derniers comprenant les coûts associés à l’administration et au personnel, les coûts du capital, les coûts d’entretien des compteurs et les coûts fixes d’opération (programmes de détection de fuites, etc.). Cependant, les auteurs ne spécifient pas comment déterminer ces coûts fixes et variables et ne présentent aucun résultat d’application de cette méthode.

Environnement Canada (MCNEILL et TATE, 1991) expose de façon plus détaillée comment établir une méthode de tarification permettant de recouvrer l’ensemble de ces coûts de façon optimale. Le rapport propose une structure tarifaire pour les municipalités afin de recouvrer les coûts fixes et variables associés à l’eau potable et aux eaux usées, y compris les coûts nécessaires pour les extensions et modifications futures. Le modèle théorique présenté s’appuie sur le critère de la maximisation de la valeur nette ou des avantages que peut tirer la société de l’utilisation de l’eau. Ainsi, les auteurs proposent un tarif binôme comprenant un prix selon la quantité ainsi que des frais fixes de branchement. La somme des ces prix devrait couvrir l’ensemble des coûts d’expansion annuels, des paiements annuels au titre de la dette, des coûts fixes annuels et des coûts variables annuels, et ce, pour l’eau potable et les eaux usées. Selon le modèle proposé, l’élément tarifaire selon le volume consommé devrait correspondre au coût marginal de l’eau, c’est-à-dire au coût de production d’une unité (ex. m3) d’eau additionnelle; les frais fixes de branchement devraient pour leur part permettre de recouvrer la différence entre le coût total de l’eau et les montants prélevés par le tarif au volume. Le rapport d’Environnement Canada comporte quelques exemples d’application de cette méthode d’évaluation du prix de l’eau sur des cas entièrement hypothétiques.

Les résultats d’aucune application concrète des méthodes proposées par CABRERA et al. (2003) ou par MCNEILL et TATE (1991) ne peuvent être retracés, non plus qu’une compilation générale de l’ensemble des coûts reliés à l’eau dans certaines municipalités. En 2001, l’American Water Works Association (AWWA) publiait les résultats d’une enquête réalisée auprès de 647 municipalités américaines et de 24 municipalités canadiennes concernant les revenus et dépenses de ces municipalités associés à l’eau potable (AMERICAN WATER WORKS ASSOCIATION, 2001). Cependant, cette base de données ne contient aucune information sur les coûts reliés à l’assainissement (collecte et traitement des eaux usées).

Il existe également quelques modèles mathématiques permettant d’estimer le coût de certaines composantes d’un réseau en fonction de paramètres spécifiques. À titre d’exemple, on peut citer SETHI et CLARK (1998), qui développent des formules de calcul du coût de construction et d’opération de diverses composantes d’usines de traitement d’eau potable en fonction de paramètres tels que le débit de conception de l’usine, la surface des bassins, etc. Toutes les courbes de régression sont de la forme :

où y est le coût de construction ou d’opération de la composante (ex. système d’alimentation en alun, clarificateur rectangulaire, etc.), x la valeur du paramètre de design (ex. taux d’alimentation en alun, surface du clarificateur, etc.) et où a, b, et c sont des paramètres constants pour chaque type de composantes. Les auteurs présentent des exemples d’estimation du coût total de deux stations de traitement de l’eau potable à l’aide de ces formules, l’une des stations ayant une capacité de 40 Mgal/j (182 000 m3/j) et l’autre ayant une capacité de 350 gal/min (2 300 m3/j). En admettant un amortissement du capital sur 20 ans avec un taux d’intérêt de 10 % et en supposant que la capacité d’opération réelle est égale à 70 % de la capacité de design, les auteurs obtiennent un coût total de 0,1209 $/m3 pour la station de plus grande capacité (en 1997 $ US) et un coût de 0,2725 $/m3 pour la plus petite.

CLARK et al. (2002) présentent quant à eux plusieurs formules mathématiques permettant d’estimer le coût de construction, d’installation et de réparation de quelques composantes d’un réseau d’aqueduc en fonction de paramètres précis. Les équations présentées sont des régressions établies à partir de données de coûts colligées par le US Environmental Protection Agency. Ces équations permettent de calculer le coût unitaire (par longueur de conduite) pour l’achat des conduites, leur installation dans la tranchée, l’excavation, l’encastrement, le remblayage et le compactage, les vannes/attaches/bornes d’incendie, le forage horizontal, le blindage et l’étayage, l’enlèvement et la remise en place du pavage, l’interférence avec d’autres services, le contrôle de la circulation et les branchements locaux. Selon les formules établies, ces coûts unitaires varient en fonction du diamètre de la conduite et d’un indicateur associé à la profondeur d’excavation.

On retrouve également dans CHIAVES (2003) une méthodologie originale d’estimation de la durée de vie et de la valeur résiduelle des infrastructures d’eau (conduites, stations de pompage, etc.), en supposant une augmentation linéaire en fonction du temps des coûts associés au vieillissement (usure) des équipements. La durée de vie utile calculée correspond au temps pour lequel le « coût d’usure cumulatif » devient supérieur au coût de remplacement de l’infrastructure. De cette façon, les auteurs déterminent, à titre d’exemple, une durée de vie utile de 105 ans pour les conduites de béton armé et de 26 ans pour les stations de pompage, en considérant un taux d’intérêt de 6 %. Les équations développées permettent également d’estimer la valeur résiduelle des infrastructures usagées en égalisant les coûts totaux (actualisés) associés à une infrastructure neuve sur son cycle de vie aux coûts totaux associés à l’infrastructure usagée sur la même période de temps. Les coûts totaux comprennent le coût d’achat et le coût associé à l’usure pour les deux infrastructures comparées de même que le coût de remplacement pour l’infrastructure usagée. Les coûts d’opération ne sont pas pris en compte puisqu’on les considère égaux pour les infrastructures neuves et usagées.

Les travaux présentés dans cet article visent à établir les coûts totaux associés à l’eau potable et à l’assainissement. Dans un tel contexte, il apparaît impensable d’appliquer des modèles de calcul détaillés tels que ceux proposés par SETHI et CLARK (1998) et CLARK et al. (2002). La méthode proposée est plutôt une méthode globale basée sur des coûts déjà connus, ou sur une estimation générale de ces coûts. L’objectif ultime est d’évaluer le coût réel total de l’eau, telle que distribuée par les municipalités. Certaines municipalités ont déjà entrepris une telle démarche (ex. PRICEWATERHOUSECOOPERS, 2002), mais sans toutefois tenir compte du coût des actifs déjà payés, tels les conduites d’aqueduc et d’égout et, dans certains cas, les usines de production d’eau potable ou de traitement des eaux usées. Cependant, pour établir le coût total de l’eau, il s’avère essentiel d’inclure dans les calculs le coût de ces infrastructures qui, d’une manière ou d’une autre, ont dû être payées par le passé. Ainsi, on ne s’intéresse pas dans cet article à déterminer les besoins financiers associés à l’eau pour une municipalité en particulier en un temps précis de son histoire, en fonction des actifs déjà payés ou non, mais bien à connaître le coût total associé à l’eau. Il est bien entendu que ce coût peut varier en fonction des conditions locales ainsi qu’en fonction de la précision des estimations et c’est pourquoi une distribution de coûts probables est présentée. La méthodologie employée pour déterminer cette distribution est décrite plus en détails à la section 4.

3. Gestion de l’eau au Québec

Au Québec, les services d’eau relèvent dans la plupart des cas des municipalités qui sont propriétaires de presque toutes les infrastructures associées à l’eau potable et aux eaux usées. Au cours du 20e siècle, ce sont principalement les municipalités qui ont construit leurs propres réseaux d’aqueduc et d’égout ainsi que les usines de traitement d’eau potable (GOUVERNEMENT DU QUÉBEC, 1997). Les municipalités planifient, financent, entretiennent et contrôlent la plupart des activités reliées aux services d’eau potable et d’eaux usées. Dans certains cas, certaines de ces activités sont gérées sur la base d’ententes intermunicipales favorisant la mise en commun des services. Les municipalités peuvent également faire appel à l’entreprise privée pour la gestion des services d’eau (élaboration d’études techniques, confection des plans et devis, coordination des travaux, exploitation de l’équipement, etc.).

De façon générale, les revenus des municipalités proviennent de la taxe foncière. Lorsque des dépenses sont faites dans un but précis, comme pour les services d’eau, certaines municipalités ont recours à une taxe de service. La tarification peut alors être forfaitaire (frais fixes par période de facturation) ou basée sur la consommation. Les tarifs forfaitaires sont les plus couramment utilisés; ils tiennent compte du coût total du service offert et, parfois, de la consommation prévue. Les tarifs varient généralement en fonction des catégories d’utilisateurs (industriels, commerciaux, institutionnels, résidentiels). Cependant, les dépenses relatives au service de la dette, aux frais d’administration et à l’entretien des équipements ne sont pas toujours comptabilisées au poste budgétaire des services d’eau par les municipalités ayant recours à la tarification. Par ailleurs, mentionnons que plusieurs villes du Québec, dont certaines de taille importante, n’ont pas de taxe de service ni de tarification associées à l’eau; les services d’eau sont alors financés par la taxe foncière. Les investissements majeurs (construction de stations de traitement, réfection des réseaux, etc.) peuvent par ailleurs bénéficier de subventions gouvernementales.

4. Méthodologie

Le coût total associé à l’eau potable correspond à la somme des coûts d’immobilisation et des coûts d’opération, d’entretien et de réparation, tant pour la production et la distribution de l’eau potable que pour la collecte et le traitement des eaux usées. L’approche retenue pour calculer ce coût total consiste, dans un premier temps, à calculer le coût de construction des équipements nécessaires pour remplir ces fonctions. À titre d’exemple, on calcule le coût de reconstruction à l’état neuf des réseaux et des équipements de la ville de Québec, tel qu’ils apparaissaient en 2002. En fixant une période d’amortissement correspondant à la durée de vie utile prévue pour chaque type d’équipement et connaissant la production moyenne d’eau potable sur le territoire étudié, il est alors possible de calculer le coût d’immobilisation attribué à chaque mètre cube d’eau produit. Il s’agit ici de l’approche descendante proposée par le CNRC (2003) pour l’estimation des coûts de renouvellement d’un réseau d’eau potable. Dans un deuxième temps, le coût volumétrique total est obtenu en ajoutant à ce coût d’immobilisation le rapport des dépenses annuelles d’opération, d’entretien et de réparation sur le volume d’eau moyen produit en une année. En résumé, le coût total annuel de l’eau est estimé à partir de l’équation suivante :

avec c = coût total annuel ($/an); o = coût de construction des stations d’épuration ($); p = coût d’opération pour l’aqueduc ($/an); q = coût d’opération pour l’assainissement ($/an); r = longueur de conduites d’égout à remplacer (m/an); s = coût de remplacement des conduites d’égout ($/m); t = coût de réparation des conduites d’aqueduc ($/an); u = taux d’intérêt; v = durée de vie des stations d’épuration (an); w = coût de construction des stations de traitement d’eau potable ($); x = durée de vie des stations de traitement d’eau potable (an); y = coût de construction des conduites ($); z = durée de vie des conduites (an). Le coût annuel calculé à l’aide de l’équation (2) est ensuite divisé par la production annuelle d’eau potable sur le territoire de la ville de Québec afin d’estimer le coût volumétrique associé à l’eau potable.

Afin de tenir compte des incertitudes associées aux divers paramètres définissant le coût de l’eau, ce coût a été déterminé à l’aide de 50 000 simulations Monte Carlo, c’est-à-dire en calculant ce coût 50 000 fois en sélectionnant, pour chaque simulation, les paramètres p à z de façon aléatoire à partir de distributions statistiques préalablement définies (voir section 5). Une analyse de sensibilité a également été réalisée afin d’estimer les paramètres ayant le plus d’impact sur l’évaluation du coût total de l’eau.

Il est bien entendu que les immobilisations associées à l’eau ne devront pas toutes être entièrement reconstruites à court terme à la ville de Québec. Il est cependant essentiel de tenir compte du coût de ces immobilisations pour estimer le coût réel de l’eau, puisque ces dépenses doivent être recouvrées de quelque façon que ce soit. Bien qu’au Québec les municipalités aient souvent recours à des subventions spécifiques des paliers gouvernementaux supérieurs pour couvrir une portion des dépenses associées aux immobilisations les plus importantes et qu’elles se trouvent ainsi « délivrées » d’une part des coûts qui leur sont associés, il n’en demeure pas moins que ces coûts restent à la charge des citoyens et qu’ils doivent être déboursés pour assurer des services d’eau adéquats.

5. Données de base et distributions d’entrée

Le cas d’application choisi pour calculer le coût total de l’eau potable est la nouvelle ville de Québec, telle que constituée le 1er janvier 2002. Les municipalités de Saint-Augustin et de l’Ancienne-Lorette sont également prises en compte dans les calculs, puisque ces deux villes utilisent des équipements communs à la ville de Québec pour l’approvisionnement en eau et pour le traitement des eaux usées. Selon le recensement effectué en 2001 par Statistiques Canada, la population totale sur ce territoire était de 508 000 habitants. Selon les projections démographiques de GENECOR (2001), la population sur ce territoire devrait augmenter jusqu’à 530 000 personnes en 2020 puis redescendre à 500 000 personnes en 2041.

L’eau destinée à la consommation sur le territoire de la nouvelle ville de Québec provient du fleuve St-Laurent (18 % du volume prélevé), de la rivière St-Charles (57 % du volume prélevé), du sous-bassin de la rivière Duberger (3 % du volume prélevé), de la rivière Montmorency (15 % du volume prélevé) et de puits municipaux (6 % du volume prélevé). Le lecteur est invité à consulter VILLENEUVE et al. (2002) pour une description plus détaillée des sources d’approvisionnement par secteur. Notons tout de même que l’eau provenant du fleuve St‑Laurent est traitée à l’usine de Ste-Foy par filtration, décantation dynamique (décanteurs à lit de boues pulsé de type Pulsator ®) et ozonation en plus de subir une chloration en divers points du réseau. La station de Québec, qui s’approvisionne dans la rivière St-Charles, applique un traitement de type filtration, décantation sur décanteurs Actiflo ®, ozonation et chloration. Quant aux eaux souterraines, certaines ne subissent aucun traitement, tandis que d’autres sont soumises à un traitement par chloration, tout comme les eaux de surface provenant du sous-bassin de la rivière Duberger. Enfin, les eaux puisées dans la rivière Montmorency sont soumises à un traitement par filtration, ozonation et chloration pour la consommation moyenne (37 000 m3/j), tandis que les volumes supérieurs à cette capacité ne sont que chlorés. Afin d’assurer la fiabilité de l’approvisionnement en eau potable et de se conformer au nouveau Règlement sur la qualité de l’eau potable du Québec, la ville de Québec entamera sous peu la construction de deux nouvelles stations de traitement sur son territoire (Beauport et Charlesbourg). En 2001, on comptait 28 réservoirs d’eau potable sur le territoire de la nouvelle ville de Québec, pour un volume total de stockage d’environ 340 000 m3.

En ce qui concerne l’assainissement, les secteurs centraux de la ville sont desservis par un réseau unitaire tandis que des réseaux de type séparatif (pluviaux et sanitaires) sont présents dans les plus récents développements. Les réseaux sanitaires de l’amont sont cependant acheminés vers le réseau unitaire à l’aval, lequel divise le territoire en deux bassins de drainage distincts acheminant les eaux vers la station de l’est ou de l’ouest. Ces deux stations d’épuration appliquent un traitement par biofiltration suivi d’une désinfection aux ultraviolets. La capacité de l’usine de l’est est de 231 000 m3/j, tandis que celle de l’ouest est de 157 000 m3/j. Les effluents de ces stations sont rejetés dans le fleuve St-Laurent. En période de pluie, une proportion des eaux usées et pluviales est stockée dans des bassins de rétention; des déversements d’eau non traitée peuvent également avoir lieu vers la rivière St-Charles ou le fleuve St-Laurent.

Les prochaines sections présentent les données disponibles pour le calcul du coût de l’eau à Québec, ainsi que la justification des domaines de variation choisis pour chacun des paramètres de l’équation (2). Toutes les distributions sélectionnées pour décrire la variabilité de ces paramètres sont des distributions normales dont la moyenne et l’écart-type sont résumés au Tableau 1.

Tableau 1

Résumé des distributions statistiques choisies

Summary of the selected statistical distributions

Résumé des distributions statistiques choisies

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5.1 Indices d’inflation et taux d’intérêt

Tous les coûts présentés dans cet article sont exprimés en dollars canadiens de 2002. Afin de ramener les dépenses passées en dollars courants de cette année, on utilise l’indice des prix à la consommation (IPC) désaisonnalisé, tel que fourni par Statistiques Canada. En ce qui concerne le taux d’intérêt appliqué pour le calcul des annuités, selon le Guide de conception des installations de production d’eau potable (GOUVERNEMENT DU QUÉBEC, 2004), « comme les projets municipaux sont habituellement financés à 100 % par dette, le taux à utiliser correspond à celui de l’emprunt. » Ainsi, nous avons retenu une distribution normale de taux d’intérêt (u) ayant une moyenne de 7,0 % et un écart-type de 1,5 % (ce qui signifie que les taux ont 95 % de chance d’être situés entre 4 % et 10 %); cette distribution représente la variation des taux des obligations municipales au cours des 50 dernières années, sans tenir compte des taux extrêmes de la décennie 1980. À titre de comparaison, PRICEWATERHOUSECOOPERS (2002) estime que le taux d’intérêt moyen des dettes de l’usine d’épuration et des intercepteurs pour la ville de Montréal est de 9,25 %.

5.2 Production journalière

Les volumes moyens distribués dans chacun des secteurs de la zone étudiée (tirés de VILLENEUVE et al., 2002) apparaissent au Tableau 2, en compagnie de la population sur ces secteurs telle qu’estimée lors du recensement de 2001 de Statistiques Canada. Les volumes présentés au Tableau 2 correspondent, selon les cas, aux données des années 1999 ou 2000. Selon tous les gestionnaires de réseaux rencontrés lors de l’enquête de VILLENEUVE et al. (2002), aucune tendance marquée des volumes distribués n’avait été enregistrée lors des années précédant l’enquête. Les volumes distribués en 1999 ou 2000 sont donc représentatifs des volumes distribués au cours de la période récente. D’après les données du Tableau 2, la somme des volumes distribués sur le territoire étudié s’élève à environ 287 882 m3/j; nous avons donc retenu pour les calculs une production journalière moyenne de 290 000 m3/j. D’après VILLENEUVE et al. (2002), environ 35 % de cette production serait affecté aux usagers ICI (institutionnels, commerciaux et industriels), tandis que les usages résidentiels requerraient environ 47 % de la production et les usages municipaux, 3,5 %. Selon les secteurs, les pertes en réseau (estimées) varient de 6 % à 28 % des volumes distribués.

Tableau 2

Population et volume moyen distribué dans chaque secteur

Population and mean water volume distributed in each sector

Population et volume moyen distribué dans chaque secteur

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5.3 Coût de construction et longueur totale des réseaux

La longueur totale des réseaux d’aqueduc et d’égout pour les différents secteurs de la zone étudiée apparaissent au Tableau 3. La longueur des conduites d’aqueduc et d’égout correspond à une estimation réalisée par la ville de Québec en 2002. Le coût de reconstruction des réseaux d’aqueduc et d’égout est estimé en attribuant une distribution statistique au coût linéaire de construction des réseaux puis en multipliant ce coût par la longueur totale à construire. D’après une analyse des coûts fournis par FOUGÈRES et al. (1998) ainsi que suite à la consultation d’un ingénieur spécialisé dans la planification de nouveaux réseaux (Michel Laverdière, communication personnelle), nous avons choisi de retenir, pour la construction simultanée des réseaux d’aqueduc, d’égout domestique et d’égout pluvial, une distribution normale affichant une moyenne de 1 000 $/m et un écart-type de 115 $/m. Il est à noter que ce coût ne tient pas compte des coûts associés aux ouvrages extérieurs (bordures, pavage, etc.) qui, lors de la construction d’une nouvelle rue, ne sont pas directement associés aux services d’eau. Puisque le coût linéaire retenu correspond au coût de construction simultanée des réseaux d’aqueduc, d’égout domestique et d’égout pluvial, le coût total de reconstruction est obtenu en multipliant le coût linéaire par la longueur suivante :

avec Ltot = longueur pour le calcul du coût total; Laque = longueur totale des conduites d’aqueduc; Lunit = longueur totale des conduites d’égout unitaire; Ldome = longueur totale des conduites d’égout domestique; Lpluv = longueur totale des conduites d’égout pluvial. En considérant que l’incertitude sur Ltot est prise en compte dans l’incertitude sur le coût de construction total, on retient Ltot = 2 500 km et on obtient ainsi, pour le coût de reconstruction total du réseau (y), une distribution normale de moyenne 2 500 000 000 $ et d’écart-type 288 750 000 $.

Tableau 3

Longueur des conduites d’aqueduc et d’égout par secteur

Length of drinking water and sewer pipes in each sector

Longueur des conduites d’aqueduc et d’égout par secteur

a On doit ajouter à ces longueurs les 150 km d’égout unitaires autrefois sous la responsabilité de la Communauté urbaine de Québec (CUQ) (795 km d’égout unitaire au total).

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Notons d’ailleurs que, selon un estimé de la ville de Québec (GAGNON, 2003), le coût de remplacement de l’ensemble des réseaux d’aqueduc et d’égout de la ville serait de l’ordre de 2,5 milliards $. À titre de comparaison, on peut aussi mentionner que le Conseil National de Recherche du Canada stipule que le coût de remplacement total d’un réseau d’eau potable (y compris les installations d’alimentation, de traitement, de stockage, de distribution et de pompage) est ordinairement de 3 000 $ à 4 000 $ par habitant (CNRC, 2003). Pour le territoire étudié (508 000 habitants), ceci correspond à un coût d’immobilisation de 1,5 à 2,0 milliards $ pour l’eau potable seulement. À ce montant doit être ajouté le coût des immobilisations des équipements relatifs à l’assainissement. Ces deux exemples illustrent le bien-fondé de la distribution statistique choisie pour représenter le coût de reconstruction des réseaux à Québec.

5.4 Coût de construction des stations de production d’eau potable et de traitement des eaux usées

Les stations de traitement des eaux usées est et ouest de la ville de Québec ont été mises en opération en 1989 pour un coût total de 350 M $ (Gérard LOYER, communication personnelle et http://www.quebecurbain.qc.ca). Cette estimation étant précise, nous avons choisi de ne pas associer d’incertitude à cette valeur (o = 420 M $2002); une certaine imprécision sur le coût de construction des stations d’épuration pourrait par ailleurs être prise en compte par l’incertitude associée à la durée de vie utile de ces stations (voir section 5.8). Concernant l’eau potable, l’usine de traitement de Québec a débuté ses opérations en 1969, pour un coût total de 7 M $ (André NORMAND, communication personnelle). Quant à l’usine de Ste-Foy, mise en service en 1960, des ajouts et améliorations lui ont été apportés jusqu’en 1998. Le total des règlements d’emprunt de 1960 à 1998 pour cette usine s’élève à 20 372 M $. Pour la transformation du coût de construction total de l’usine de Ste-Foy en dollars de l’année 2002 (voir Tableau 4), on fait l’hypothèse que les dépenses ont toutes été effectuées en 1979 (moyenne de 1960 et 1998). Enfin, selon un communiqué de la ville de Québec du 18 octobre 2004 (VILLE DE QUÉBEC, 2004), des investissements de l’ordre de 21 M $ et de 28,4 M $ sont prévus respectivement pour les usines de traitement d’eau de Beauport et de Charlesbourg.

Tableau 4

Coût de construction des stations de traitement

Construction cost of treatment plants

Coût de construction des stations de traitement

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Afin d’estimer la gamme possible du coût volumétrique pour le traitement de l’eau potable sur le territoire de la ville, nous avons tout d’abord calculé le coût de chaque station par rapport à sa production journalière moyenne, telle que citée par VILLENEUVE et al. (2002) pour les années 1999 et 2000. Les résultats de ce calcul, résumés au Tableau 4, montrent que le coût de construction des stations de traitement d’eau potable varie entre 651 et 974 $/m3/j, sauf pour la station de Québec où ce prix est plutôt de l’ordre de 195 $/m3/j. Or on conçoit que les technologies de production d’eau potable ainsi que le coût des équipements requis pour cette production (en dollars constants) ont probablement évolué de façon considérable depuis 1969, année où l’usine de traitement de Québec a débuté ses opérations. Pour cette raison, nous choisissons de ne pas conserver la valeur obtenue pour l’usine de Québec et retenons, pour le coût de construction total des stations de production d’eau potable (w), une distribution normale de moyenne 750 $/m3/j et d’écart-type 84,5 $/m3/j, ce qui correspond respectivement à 217,5 M $ et 24,5 M $. De cette façon, nous calculons un coût de construction global pour l’ensemble des stations de traitement du territoire de la ville de Québec. L’économie d’échelle pouvant résulter de la construction de stations moins nombreuses mais de plus grande capacité est prise en compte par l’incertitude associée au coût de construction retenu.

5.5 Opération et entretien pour la production et la distribution d’eau potable

Les coûts totaux d’opération et d’entretien pour la production et la distribution d’eau potable à Québec ne sont pas encore connus précisément. On sait à titre d’exemple que les coûts d’opération de la station de traitement de Sainte-Foy sont de l’ordre de 0,10 à 0,15 $/m3 (André NORMAND, communication personnelle), ce qui exclut notamment les coûts d’opération pour les stations de pompage et les coûts d’entretien régulier du réseau de distribution. Une étude comptable est actuellement en cours à la ville de Québec pour déterminer la part des dépenses de chaque service attribuée à l’eau potable. Afin d’évaluer le coût total de l’eau, nous avons estimé les coûts d’opération pour l’eau potable à partir de la base de données recueillies par l’AWWA (AMERICAN WATER WORKS ASSOCIATION, 2001). De cette base, nous avons retenu les villes canadiennes de 200 000 à 1 000 000 habitants (Winnipeg, MA; Edmonton, AL; Hamilton, ON; Victoria, BC; et Surrey, BC). Pour ces cinq villes, le coût d’opération moyen pour l’eau potable (excluant le service de la dette) est de 0,285 $1999/m3 avec un écart-type de 0,080 $1999/m3 (soit respectivement 0,308 $2002/m3 et 0,086 $2002/m3). En supposant que les coûts d’opération pour l’eau potable à la ville de Québec (p) se situent dans cette gamme de valeurs, nous avons retenu une distribution normale de moyenne 0,305 $/m3 et d’écart-type 0,065 $/m3. Notons que l’écart-type choisi est inférieur à celui calculé pour les 5 villes canadiennes de la base AWWA, afin d’éviter la sélection de coûts inférieurs à zéro.

5.6 Opération et entretien pour la collecte et le traitement des eaux usées

On dispose de peu d’informations pour déterminer une gamme de coûts possibles pour l’opération et l’entretien des ouvrages associés à l’assainissement à Québec. On sait par ailleurs qu’un total de 7,831 M $ est prévu au budget de la ville de Québec de l’année 2005 pour le traitement des eaux usées et des boues (incinérateur, opérations et entretien spécialisé) et pour l’entretien du réseau d’égout (opérations et entretien spécialisé). Considérant une production journalière moyenne d’eau potable de 290 000 m3/j, ceci correspond à un coût de 0,074 $/m3. Ce montant ne représente toutefois qu’un ordre de grandeur, puisqu’on ignore s’il est adéquat pour garantir une opération et un entretien appropriés et s’il tient compte de l’ensemble des dépenses associées à l’assainissement (frais administratifs, etc.). Selon les données fournies par PRICEWATERHOUSECOOPERS (2002), les frais d’exploitation pour l’assainissement auraient été de l’ordre de 0,09 $/m3 à Montréal en 2000. En se basant sur ces deux sources d’informations, nous avons décidé de retenir, pour les coûts récurrents associés à l’assainissement (q), une distribution normale de moyenne 0,08 $/m3 et d’écart-type 0,01 $/m3.

5.7 Réparation et remplacement

Le coût annuel de réparation des conduites d’eau potable a été estimé à l’aide d’un modèle mathématique de prédiction de bris développé par MAILHOT et al. (2000 a). VILLENEUVE et al. (1998) ont déterminé les paramètres de ce modèle pour cinq municipalités du Québec. Ces cinq jeux de paramètres ont été utilisés pour estimer, à l’aide du modèle de prédiction de bris, le domaine de variation possible du nombre de bris annuel moyen sur un réseau de 2 500 km (tel que celui de Québec), au cours des 75 premières années suivant la mise en place des conduites. En supposant un coût de réparation moyen de 3 200 $ par bris d’aqueduc, on obtient ainsi des coûts de réparation moyens variant de 2,5 à 6,3 M $ par année. Afin de représenter ce domaine de variation, nous avons retenu une distribution normale ayant une moyenne de 4,4 M $/an et un écart-type de 1,0 M $/an pour le coût de réparation des conduites d’aqueduc (t).

En ce qui concerne le réseau d’égout, une approche distincte a été adoptée puisque la problématique du vieillissement de ce type de réseau diffère de celle des conduites d’aqueduc. En effet, un bris d’aqueduc devient souvent apparent à cause des fuites observées en surface; en fonction de la gravité de ses conséquences, le bris est en général réparé dès que des fuites importantes sont observées. La dégradation d’un réseau d’égout est plus difficile à observer et ses premières conséquences sont moins apparentes (infiltration d’eau souterraine, refoulement, etc.). Lorsque finalement survient l’effondrement d’une conduite d’égout, la conduite était généralement dans un état l’empêchant de remplir adéquatement ses fonctions depuis un certain temps. C’est pourquoi dans cette étude on a considéré le coût de remplacement des conduites du réseau d’égout, plutôt que le coût de réparation des bris survenant sur ce réseau. La fréquence de remplacement des conduites nécessaire au maintien d’un état acceptable pour l’ensemble du réseau d’égout a été estimée à l’aide d’un modèle développé par MAILHOT et al. (2000 b); ce modèle, de type probabiliste, permet de calculer la proportion d’un réseau d’égout devenant en mauvais état à chaque année (le « mauvais état » étant défini par l’apparition d’un défaut majeur tel les fissures multiples, les fissures longitudinales multiples de largeur supérieure à 3 mm, les trous de diamètre supérieur à 15 cm, les ovalisations de plus de 5 % et les conduites effondrées). Afin d’évaluer le coût de remplacement des conduites d’égout, on a supposé que la municipalité applique une politique de remplacement régulier des conduites en mauvais état, ce qui, en pratique, nécessite l’inspection télévisuelle de certaines conduites du réseau. La gamme de paramètres que nous avons utilisée afin d’estimer la longueur de réseau d’assainissement à remplacer chaque année à Québec pour maintenir un réseau en bon état est la plage de valeurs retenue par VILLENEUVE et al. (1998) pour calculer les besoins en réfection de réseaux d’assainissement à l’échelle de la province de Québec. Pour un réseau dont la longueur totale demeure constante dans le temps, ces paramètres conduisent à un taux de renouvellement de 0,4 à 1,4 % par année. Sur un réseau de 2 500 km, ce taux correspond à une longueur annuelle de remplacement (r) variant de 10 à 35 km, que nous avons choisi de représenter par une distribution normale de moyenne 22,5 km/an et d’écart-type 5 km/an.

Afin de calculer les dépenses nécessaires au remplacement des conduites d’égout en mauvais état, ce taux de remplacement doit être multiplié par un coût de remplacement linéaire. En tenant compte des éléments énoncés à la section 5.3 (coût de construction des réseaux) et considérant que, lors du remplacement d’une conduite plutôt que du développement d’une nouvelle rue, le coût des ouvrages externes (bordures, pavages, etc.) est directement associé au service d’eau, les coûts liés au remplacement (s) sont représentés par une distribution normale de moyenne 1 300 $/m et d’écart-type 200 $/m.

5.8 Terme d’amortissement des investissements

Pour le calcul du coût de l’eau, le terme des amortissements des investissements correspond à la durée de vie utile des équipements, tel que suggéré par le CNRC (2003). Dans le cadre du présent travail, cette durée est estimée à partir de valeurs citées dans la littérature pour 1) les conduites d’aqueduc et d’égout, 2) les stations de production d’eau potable et 3) les stations d’épuration des eaux usées.

Bien que THOMSON (1991), WEIL (1990) ainsi que ZIMMERMAN et MARTIN (1993) mentionnent une période de conception de l’ordre de 100 ans pour les conduites d’assainissement, BRIÈRE (1994) fournit des estimés beaucoup plus conservateurs, variant de 20 à 75 ans selon la taille des conduites et selon le type de réseau (aqueduc ou égout). En ce qui concerne les conduites d’eau potable, CHIAVES (2003) calcule des durées de vie de 85 à 114 ans, selon le type de matériau, tandis que MAILHOT et al. (2003) estiment une période optimale de remplacement de 40 à 100 ans, variant en fonction des coûts relatifs de réparation et d’installation de nouvelles conduites. L’ensemble de ces considérations nous mène vers le choix d’une distribution normale possédant une moyenne de 75 ans et un écart-type de 14 ans afin de représenter la durée de vie probable des conduites d’aqueduc et d’assainissement (z).

En ce qui concerne les stations de production d’eau potable, leur durée de vie utile (x) est représentée par une distribution normale de moyenne 37,5 ans de d’écart-type 7 ans. Ce choix se base sur la mise en commun de plusieurs valeurs citées dans la littérature. Ainsi, CHIAVES (2003) cite des durées de 25 à 36 ans pour diverses composantes d’une station de traitement tandis que BRIÈRE (1994) reprend les périodes de conception proposées par le GOUVERNEMENT DU QUÉBEC (2002) pour des taux de croissance et d’intérêt faibles, soit de 25 à 50 ans. Dans leur exemple de calcul du coût volumétrique pour la production d’eau potable, SETHI et CLARK (1998) utilisent pour leur part une période de conception de 20 ans. Enfin, le FLORIDA PUBLIC SERVICE COMMISSION (2004) recommande une durée de vie de 32 ans pour la structure des stations et de 22 ans pour les équipements de traitement.

Ce type d’information s’est avéré plus difficile à obtenir pour les stations d’épuration des eaux usées. Mentionnons que, pour ces stations, BRIÈRE (1994) suggère des périodes de conception de 20 à 30 ans en présence d’un accroissement faible de la population et de taux d’intérêt peu élevés, alors que le FLORIDA PUBLIC SERVICE COMMISSION (2004) cite une durée de 32 ans pour la structure et de 18 ans pour les équipements de traitement. Sur la base de ces informations, nous avons retenu, pour décrire le domaine de variation de la durée de vie utile des stations d’épuration (v), une distribution normale caractérisée par une moyenne de 32,5 ans et un écart-type de 4,5 ans.

6. Résultats

6.1 Calcul des coûts

Pour le calcul du coût total associé à chaque m3 d’eau produit, rappelons que la production moyenne journalière d’eau potable sur le territoire de la ville de Québec est estimée à environ 290 000 m3/j, soit 106 M m3/an (voir section 5.2). Le domaine de variation possible du coût de l’eau a été déterminé en évaluant l’équation (2) 50 000 fois; pour chacune de ces évaluations, les paramètres p à z de l’équation (2) ont été sélectionnés de façon aléatoire à partir des distributions statistiques décrites à la section précédente et résumées au Tableau 1. Ces calculs nous conduisent à un coût de l’eau moyen de 2,85 $/m3. La distribution du coût calculé, illustrée à la Figure 1, possède un écart-type de 0,47 $/m3. C’est donc dire que, selon nos calculs et en fonction des hypothèses concernant les paramètres d’entrée du modèle, le coût réel de l’eau à la ville de Québec a 95 % de chance de se situer entre 1,91 $/m3 et 3,80 $/m3. En moyenne, la part du coût total associée aux dépenses d’opération est de 0,70 $/m3 alors que les dépenses d’immobilisation comptent pour 2,15 $/m3. La moyenne et l’écart-type des diverses composantes du coût total associé à l’eau potable sont présentés au Tableau 5.

Tableau 5

Caractéristiques statistiques des composantes du coût de l’eau

Statistical characteristics of the water cost components

Caractéristiques statistiques des composantes du coût de l’eau

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Figure 1

Distribution du coût total calculé

Distribution of the total estimated cost

Distribution du coût total calculé

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6.2 Analyse de sensibilité

Une analyse de sensibilité du coût total de l’eau en regard des divers paramètres de l’équation (2) a été réalisée par analyse de variance. Les résultats de cette analyse permettent d’identifier les paramètres qui, de par leur valeur et l’incertitude qui lui est associée, ont le plus d’impact sur la gamme finale de coûts totaux calculés. À l’aide de l’équation (4), il est possible de déterminer la proportion de la variance du coût total provenant de la variance de chacun des paramètres de l’équation (2).

Les résultats de l’analyse de variance apparaissent au Tableau 6. Il ressort de cette analyse que le taux d’intérêt (u) explique 79 % de la variance du coût total de l’eau, puisque ce paramètre est utilisé dans l’estimation du coût volumétrique de l’ensemble des dépenses d’immobilisations. On constate également que le second paramètre en importance est le coût de construction des conduites d’aqueduc et d’égout (y), qui contribue à 16 % de la variance du coût total de l’eau. Ceci signifie que, si l’on souhaitait raffiner l’estimation du coût total de l’eau, le taux d’intérêt et le coût de construction des conduites seraient les paramètres pour lesquels une information plus précise devrait être recherchée en priorité.

Tableau 6

Résultats de l’analyse de sensibilité

Results of the sensitivity analysis

Résultats de l’analyse de sensibilité

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7. Discussion

D’après les calculs effectués précédemment, le coût total de l’eau potable à la ville de Québec serait de l’ordre de 2,85 $/m3 (écart-type de 0,47 $/m3), dont 0,70 $ sont liés aux coûts d’exploitation et 2,15 $ aux dépenses d’immobilisation. La méthode utilisée pour calculer ce coût se base certes sur les données particulières à la ville de Québec, mais le calcul d’une fourchette de valeurs par la prise en compte de divers types d’incertitudes permet d’envisager la transposition de cette gamme de coûts à une municipalité présentant des caractéristiques similaires en matière d’approvisionnement et de gestion de l’eau. Il est intéressant de constater que le coût calculé se rapproche du prix moyen chargé pour l’eau en France, pays où la facture d’eau inclut l’intégralité des dépenses des services d’eau et d’assainissement (MAUGENDRE et LEFLAIVE, 2003). On sait en effet que le prix moyen de l’eau en France était de 2,67 €/m3 en 2000, soit environ 4,24 $/m3. Or ce coût comprend 27 % de redevances et de taxes (MINISTÈRE DE L’ÉCOLOGIE ET DU DÉVELOPPEMENT DURABLE DE FRANCE, 2004), ce qui correspond à un prix moyen hors taxes de 2,10 €/m3, soit environ 3,33 $/m3. Ce prix se situe effectivement dans la partie centrale de la gamme de coûts calculés pour l’eau à Québec (intervalle de confiance à 95 % s’étalant de 1,91 à 3,80 $/m3). À titre d’information, notons qu’en France 58 % (≈ 1,93 $/m3) du prix hors taxes de l’eau est attribuable au service de distribution d’eau alors que les 42 % restants (≈ 1,40 $/m3) correspondent au service de collecte et de traitement des eaux usées. Pour l’exemple de la ville de Québec, si on suppose que le coût associé aux réseaux de conduites se sépare de façon égale entre les services d’eau potable et d’assainissement, on obtient respectivement pour ces deux services un coût moyen de 1,34 $/m3 et 1,51 $/m3. Ces coûts ne constituent toutefois qu’une approximation puisque les réseaux d’assainissement contribuent vraisemblablement pour plus de la moitié du coût total des réseaux de conduites. L’ordre de grandeur de ces coûts nous permet tout de même d’avancer que l’écart entre le prix moyen de l’eau en France et à Québec est principalement attribuable au service de distribution d’eau potable; ceci peut s’expliquer notamment par des différences au niveau de l’accessibilité et de la qualité de l’eau brute ou encore des normes de traitement à respecter.

Certains pourront trouver élevé le coût moyen calculé de 2,85  $/m3 pour les services d’eau à la ville de Québec. Rappelons cependant que ce coût inclut la totalité des infrastructures d’eau, dont les conduites d’aqueduc et d’égout pour lesquelles les seules dépenses d’immobilisation sont de l’ordre de 1,67 $/m3 en moyenne. Puisque la majorité de ces infrastructures sont déjà payées, on pourrait être tenté de les retirer de la facture d’eau, pour s’approcher du prix moyen de 1 $/m3 chargé pour l’eau potable et l’assainissement au Canada en 1999. Si on osait toutefois retirer du calcul le coût d’immobilisation des conduites d’aqueduc et d’égout, on devrait nécessairement ajuster à la hausse les coûts de réparation et de remplacement qui leur sont associés, puisque, dans le présent travail, ces coûts ont été estimés pour des conduites neuves, ou à tout le moins pour des conduites rénovées périodiquement afin de conserver les réseaux en bon état; le coût total de l’eau s’élèverait alors à plus de 1 $/m3. Rappelons également qu’en 1999 le prix moyen chargé pour l’eau au Québec n’était que de 0,49 $/m3. À la lumière des résultats obtenus dans ce travail et des considérations discutées ci-haut, il est clair que ce prix est nettement insuffisant. D’autant plus insuffisant qu’il ne couvre même pas les dépenses d’opération et d’entretien, et encore moins les besoins pour la rénovation et la réfection des infrastructures. Au-delà de ces considérations, rappelons que l’objectif de ce travail était de déterminer le coût total associé à l’eau, que ce coût revienne à la charge de la municipalité ou qu’il soit partiellement recouvré sous forme de subventions ou d’autres sources de revenus. Dans ce cas, il s’avère essentiel de tenir compte du coût de l’ensemble des infrastructures liées au service d’eau, ce qui inclut les conduites d’aqueduc et d’égout ainsi que les stations d’épuration des eaux usées et de production d’eau potable. La prise en compte du coût de construction à l’état de neuf de ces infrastructures s’avère également nécessaire pour ce calcul, afin de déterminer le coût total réel de l’eau plutôt que les besoins financiers reliés à l’eau pour une municipalité particulière à un moment précis de son histoire.

La prise en compte des incertitudes sur les paramètres d’entrée du modèle de calcul du coût total de l’eau a permis de déterminer un coût moyen de 2,85 $/m3 affichant un écart-type de 0,47 $/m3. Il est bien entendu que la modification des hypothèses concernant la valeur des divers paramètres d’entrée conduirait à une gamme de coûts différente. À titre d’exemple, puisque l’analyse de sensibilité a démontré que la variance du coût total était expliquée à 95 % par la variance du taux d’intérêt et du coût de construction des conduites, la réduction de l’incertitude sur ces valeurs permettrait d’obtenir une estimation plus précise du coût de l’eau à Québec. Une analyse économique poussée (pour affiner les prédictions concernant les taux d’intérêt) combinée à la prise en compte de la distribution par diamètres des conduites d’aqueduc et d’égout (pour estimer de façon plus précise le coût de construction des réseaux) devraient dans ce cas être réalisées.

8. Conclusion

Nous nous sommes intéressés dans cette étude à calculer le coût total associé à l’eau potable, c’est-à-dire à la production et à la distribution de cette eau, de même qu’à la collecte et au traitement des eaux usées. La méthodologie adoptée a consisté à calculer le coût de reconstruction à l’état neuf des réseaux et des équipements associés à ces fonctions à la ville de Québec, tel qu’ils apparaissaient en 2002, puis à ajouter à ce coût une estimation des coûts d’opération et d’entretien pour les services d’eau potable et d’égout. En tenant compte de l’incertitude sur les paramètres d’entrée, nous avons ainsi obtenu un coût total moyen de 2,85 $/m3 et d’écart-type 0,47 $/m3. De ce montant, la plus grande part revient aux coûts d’immobilisation pour les conduites d’aqueduc et d’égout (estimés à 1,67 $/m3 en moyenne). Le coût total ainsi calculé dépasse largement les prix moyens chargés pour l’eau et l’assainissement au Canada et au Québec, qui étaient respectivement de 1 $/m3 et de 0,49 $/m3 en 1999. Dans un contexte où le recouvrement total des coûts associés à l’eau est de plus en plus encouragé et où des ressources financières importantes seront nécessaires à court terme pour remplacer ou réparer les infrastructures vieillissantes, on doit désormais réfléchir sérieusement aux moyens privilégiés pour récupérer les montants associés à l’utilisation de l’eau potable. Notons que si on appliquait le taux calculé de 2,85 $/m3, la facture d’eau annuelle pour une famille de quatre personnes s’élèverait à 1 670 $ (sachant que la consommation résidentielle moyenne au Québec en 1999 était de 401 l/pers/j (BURKE et al., 2001). Dans ces conditions, l’impact du coût sur l’utilisation de l’eau apparaît évident, de même que l’intérêt de facturer cette utilisation. Des études ont par ailleurs démontré que, considérant les coûts engendrés par l’installation de compteurs d’eau résidentiels (frais d’installation, lecture des compteurs, etc.), il devient économique d’installer de tels compteurs lorsque le prix de l’eau est supérieur à 0,90 US $/m3, soit environ 1,30 CAN $/m3 (DALE et al., 2003). L’argument selon lequel les coûts associés à l’installation de compteurs surpassent les bénéfices qui en résultent ne tiendrait donc plus si une politique de recouvrement du véritable coût de l’eau était instaurée; cependant, il en serait autrement si les montants recouvrés par tarification au compteur ne servaient qu’à couvrir les dépenses d’opération (évaluées à 0,70 $/m3 en moyenne dans ce travail). Le choix d’implanter ou non ce type de tarification ainsi que la façon de recouvrer les coûts associés aux divers éléments composant le coût total de l’eau dépendent de nombreuses considérations socio-économiques qui dépassent le cadre du travail présenté dans cet article. Les coûts estimés s’avèrent néanmoins essentiels à une prise de décision éclairée dans ce domaine. Ces coûts démontrent également la pertinence d’une utilisation rationnelle de l’eau distribuée par les municipalités, et ce même dans un contexte d’abondance de la ressource à l’état brut tel que celui rencontré dans la plupart des régions du Québec.

Peu importent les choix privilégiés pour le recouvrement des coûts associés à l’eau potable consommée par les ménages, la tarification de l’eau à son juste prix aux usagers industriels et commerciaux permettrait à ces grands consommateurs d’eau potable de contribuer au recouvrement des coûts associés à l’eau dans une proportion qui reflète leur utilisation de la ressource. En effet, on sait qu’en 1998 la consommation non résidentielle s’élevait à 49 % de la production d’eau potable des municipalités à l’échelle du Québec et à 64 % sur le territoire de la nouvelle ville de Montréal (ENVIRONNEMENT CANADA, 1999) alors que les utilisateurs industriels et commerciaux ne payaient qu’une fraction du coût réel de l’eau. Dans ce contexte, il s’avère pertinent de s’interroger sur les tarifs chargés aux utilisateurs industriels et commerciaux en regard des coûts calculés dans le présent travail (à titre d’exemple, le tarif moyen chargé aux utilisateurs commerciaux était de 0,62 $/m3 en 1999 au Québec (BURKE et al., 2001)).

Enfin, on doit noter que le coût de l’eau que nous avons calculé ne tient compte que des coûts dits « financiers », sans considérer les coûts indirects que peut engendrer l’utilisation de l’eau à des fins de consommation, tels notamment les coûts environnementaux (pollution des eaux rejetées, modification du régime hydrologique, etc.) et les coûts de la ressource (pertes de certains usages, épuisement de la ressource, etc.). L’intégration de ces coûts indirects à la facture d’eau, selon l’état de la ressource, viendrait modifier à la hausse le coût moyen de 2,85 $/m3 estimé dans ce travail.