Corps de l’article

1. Introduction

L’eau potable est essentielle pour la santé humaine et la survie des êtres humains. Sa combinaison avec des systèmes d’assainissement adéquats est reconnue comme condition préalable pour réduire le taux de morbidité et de mortalité, surtout chez les enfants. Cependant, la majorité des populations en milieu rural des pays en voie de développement (PVD) consomme de l’eau insalubre et vit en état de maladies hydriques chroniques avec peu d’opportunité de soins. Bien entendu, le problème d’une telle ampleur ne peut être résolu du jour au lendemain, mais des mesures simples et peu coûteuses peuvent être envisagées à la fois individuellement et collectivement pour mettre de l’eau salubre à la disposition de millions de personnes dans les PVD, spécialement en milieu rural africain.

Parmi les techniques de traitement d’eau qui existent, les simples renvoient à la filtration lente sur sable et à la filtration à plusieurs étapes. La filtration lente sur sable a été identifiée comme une technologie appropriée pour le traitement des eaux dans les milieux ruraux, si bien qu’elle est reconnue comme une technologie adéquate pour éliminer les microorganismes pathogènes contenus dans les eaux (HIJNEN et al., 2007; HUISMAN et WOOD, 1974; LANGENBACH et al., 2009; LOGSDON et al., 2002; VISSCHER, 1990; WEGELIN, 1996 ). Elle est le seul procédé qui, en une seule opération sans apport de produits chimiques, réalise une amélioration des qualités physiques, chimiques et microbiologiques des eaux (COLLINS et al., 1991; PAGE et al., 2006). L’amélioration considérable de la qualité des eaux brutes s’effectue, en majeure partie, dans le lit filtrant, et notamment à la surface du lit filtrant où se forme une mince couche vaseuse appelée « biofilm » (ELLIS, 1985). En milieu rural, les filtres à sable sont généralement utilisés pour produire de l’eau potable. Ces filtres sont faciles à mettre en oeuvre, économiques et peuvent être conçus avec des matériaux locaux (MAAZOUZI et al., 2007; PAGE et al., 2006). Ils donnent d’excellent rendement épuratoire. Par exemple, le taux d’élimination des E. coli va de 90,0 % à 99,7 % (ELLIOT et al., 2006; STAUBER et al., 2006).

Malgré les avantages que présente cette technologie, une seule étape de filtration lente sur sable a un certain nombre d’inconvénients, notamment les fréquents colmatages du filtre pendant de longues périodes de forte turbidité de l’eau brute. Ces fréquents colmatages réduisent ainsi la durée de fonctionnement des filtres et nécessitent des nettoyages à intervalles trop fréquents qui peuvent perturber l’équilibre biologique de la couche filtrante et augmenter le risque potentiel de percée des microorganismes pathogènes. La filtration à plusieurs étapes, constituée d'un filtre à granulométrie grossière suivie d’une filtration lente sur sable, peut surmonter ces insuffisances et constituer une alternative fiable de traitement des eaux de surface de turbidité variable (OCHIENG et al., 2004; SANCHEZ et al., 2012; WEGELIN, 1996). Elle constitue une approche robuste de traitement multi-barrière, dans laquelle la matière particulaire et les microorganismes pathogènes portés par les eaux font face à une série de barrières de traitement.

De nombreuses études ont montré que le filtre à granulométrie grossière est efficace et fiable pour éliminer les matières en suspension, la turbidité et les bactéries (COLLINS et al., 1994; NKWONTA et OCHIENG, 2009; WEGELIN et al., 1986). Ce filtre réduit subséquemment les matières en suspension s’accumulant sur le filtre lent à sable, en augmentant ainsi sa durée de fonctionnement et la plage des eaux brutes qui peuvent être traitées par filtration lente sur sable (COLLINS et al., 2005). Ainsi, le filtre à granulométrie grossière peut-il non seulement être important pour protéger l'intégrité opérationnelle du filtre lent à sable, mais également constituer une barrière importante dans le processus global d’élimination des microorganismes pathogènes. SMET et WIJK (2002) ont indiqué que les filtres à granulométrie grossière sont capables de réduire la turbidité des eaux brutes en dessous de 10 NTU à 20 NTU. WEGELIN et al. (1997) ont observé les abattements des coliformes fécaux dans la gamme de 0,65 log à 2,50 log.

Plusieurs auteurs ont déjà étudié l’efficacité épuratoire de la filtration à plusieurs étapes. Les résultats expérimentaux ont révélé que le système de filtration lente sur sable à plusieurs étapes était efficace (GALVIS et al., 1993; GALVIS et VISSCHER, 1999; WEGELIN, 1996). Par exemple, GALVIS et VISSCHER (1999) rapportent le taux d’élimination des coliformes fécaux de 2,5 log avec une eau brute ayant une teneur en coliformes fécaux de 330 UFC•100 mL‑1. Les mêmes auteurs indiquent que l’enlèvement des coliformes fécaux est de 4,6 log pour une eau brute polluée en coliformes fécaux (44 500 UFC•100 mL‑1).

L’objectif poursuivi dans ce travail était d’examiner le potentiel de la filtration à plusieurs étapes comme technologie de production d’eaux de consommation en milieu rural et dans de petites agglomérations des pays en voie de développement, à partir des eaux de surface de turbidité variable (supérieure à 20 NTU). De façon spécifique, il sera question de déterminer la performance de filtration à plusieurs étapes à éliminer la turbidité de l’eau brute et les bactéries coliformes. De plus, un autre objectif était d’évaluer l’importance du filtre à granulométrie grossière comme barrière significative dans le processus global de réduction des microorganismes, au-delà de son rôle traditionnel de protection du filtre lent à sable. Pour atteindre ces objectifs, l’eau de la rivière N’djili (Kinshasa, RD Congo) a été utilisée comme un modèle de source d’eau de surface, polluée par des rejets domestiques et industriels et utilisée par les populations riveraines comme eau de boisson.

2. Matériel et méthodes

2.1 Dispositif expérimental

Les expériences ont été réalisées dans le laboratoire de chimie des eaux de la Faculté des Sciences de l’Université de Kinshasa (Kinshasa, République Démocratique du Congo). L’installation pilote de filtration à plusieurs étapes est schématisée par la figure 1. Cette installation comporte un bac de stockage des eaux brutes d’une capacité de 100 L, de deux filtres à granulométrie grossière à flux ascendant et de deux filtres lents à sable en série, d’un bac de stockage des eaux traitées. Chaque filtre est constitué d’un tube de chlorure de polyvinyle (PVC) d’une hauteur de 130 cm. Le diamètre intérieur est de 11 cm, soit une surface aménagée d’environ 0,01 m2.

Figure 1

Installation pilote du système de filtration lente sur sable à plusieurs étapes.

Pilot installation of the multistage slow sand filtration system.

Installation pilote du système de filtration lente sur sable à plusieurs étapes.

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L’eau brute prélevée a été placée dans un réservoir muni d’une vanne pour réguler le débit. Le réservoir a été placé à une hauteur plus élevée que le filtre à granulométrie grossière (FGG) afin de maintenir une pression constante et de ne pas installer une pompe. L’eau brute entre : (i) d’abord par le bas du premier filtre à granulométrie grossière (FGG1), en parcourant trois couches de média dont 50 cm de gravier, de 12,5 mm à 19,5 mm de diamètre; 50 cm de gravier, de 9,5 mm à 12,5 mm de diamètre et 10 cm de gravier, de 4,75 mm à 9,5 mm de diamètre; (ii) puis dans le second filtre à granulométrie grossière (FGG2) à flux ascendant, en traversant une série de trois couches de média : 45 cm de gravier, de 9,5 mm à 12,5 mm de diamètre; 55 cm de gravier, de 4,75 mm à 9,5 mm de diamètre et 10 cm de gravier, de 3,2 mm à 4,75 mm de diamètre.

Après avoir traversé le FGG2, l’eau préfiltrée passe : (i) d’abord dans le premier filtre lent à sable (FS1) de 80 cm d’épaisseur du lit filtrant; (ii) ensuite dans le second filtre lent à sable (FS2) en série, de 60 cm d’épaisseur du lit filtrant. La taille effective des grains de sable était de 0,15 mm avec un coefficient d’uniformité de 2,1. Les filtres FS1 et FS2 ont été testés à une vitesse de filtration de 0,2 m•h‑1. Le pilote était suivi pendant 133 j. L'alimentation du pilote se faisait quotidiennement avec 60 L d'eau à traiter. L’effluent a été collecté en sortie de chaque étape de filtration aux endroits prévus (robinets), comme indiqué sur la figure 1 afin d’évaluer la performance de chaque étape et du processus en entier. Les caractéristiques physiques du système de filtration lente sur sable à plusieurs étapes sont décrites dans le tableau 1.

Tableau 1

Paramètres de conception des filtres à granulométrie grossière et des filtres lents à sable.

Design parameters for the coarse filters and the slow sand filters.

Paramètres de conception des filtres à granulométrie grossière et des filtres lents à sable.

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2.2 Analyse

La turbidité a été mesurée par néphélométrie (Norme USEPA 180.1) à l’aide d’un turbidimètre portatif, de marque HACH 2100P. Ce dernier a été calibré en utilisant des étalons primaires standardisés de formazine.

Le potentiel d’hydrogène (pH) a été déterminé avec un pH-mètre portatif, de marque (WTW 340i), équipé d’une électrode combinée et étalonné chaque semaine en deux valeurs (pH : 7,00 et pH : 4,01). La conductivité a été mesurée par la méthode ISO 7888 grâce à un conductimètre portatif, de marque (WTW 340i), à compensation automatique de la température, et de sorte que tous les résultats ont été ramenés à 20 °C.

Les coliformes totaux et thermotolérants ont été dénombrés selon la méthode NF ISO 4832 de juillet 1991. Cette méthode consiste à faire le dénombrement des coliformes totaux et thermotolérants sur une gélose lactosée biliée au cristal violet et au rouge neutre (VRBL, Biokar 62 Diagnostic) après incubation de (24 ± 2) h à 37 °C et 44 °C, respectivement. La présence simultanée de cristal violet et de sels biliaires assure l’inhibition des bactéries gram positif. La fermentation du lactose se traduit par une acidification révélée par le virage de l’indicateur du pH (rouge neutre) et par la précipitation d’acide biliaire autour des colonies.

3. Résultats et discussions

3.1 Résultats

Les résultats des analyses physico-chimiques et microbiologiques des eaux à l’entrée et à la sortie de chaque étape de filtration sont donnés dans le tableau 2. On y trouve les valeurs minimales, maximales et la moyenne entre parenthèses. On note une nette amélioration des paramètres de qualité de l’eau après chaque étape de filtration.

Tableau 2

Caractéristiques physico-chimiques et microbiologiques de l’eau brute et du filtrat obtenues à la sortie de chaque étape de filtration (FGG1, FGG2, FS1 et FS2).

Physico-chemical and microbiological characteristics of the raw water and the filtrates obtained at the output of each filtration stage (FGG1, FGG2, FS1 and FS2).

Caractéristiques physico-chimiques et microbiologiques de l’eau brute et du filtrat obtenues à la sortie de chaque étape de filtration (FGG1, FGG2, FS1 et FS2).

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Le pH et la turbidité des eaux traitées à la sortie de FS2 demeurent dans les limites fixées par l’OMS concernant l’eau potable (OMS, 1993), ce qui confère aux filtrats une qualité d’eau de boisson pour ces paramètres. La conductivité des eaux traitées dans le processus entier (après le FS2) est largement en dessous de la limite inférieure (180 μS•cm‑1) recommandée par l’OMS relative à l’eau potable. Les teneurs en coliformes totaux et thermotolérants des eaux s’avèrent améliorées (une élimination partielle ou complète des coliformes). Il est important tout de même de désinfecter les eaux filtrées avant toute consommation. Toutefois, dans ce cas, la dose de chlore (ou ses dérivés) sera fortement réduite par rapport au système conventionnel de traitement d’eau potable.

La figure 2 présente l’évolution de la turbidité de l’eau traitée après chaque étape de filtration dans le pilote. Les rendements d’abattement de la turbidité dans chaque étape de filtration du pilote et dans le processus entier (après le FS2) sont présentés dans le tableau 3.

Figure 2

Évolution de la turbidité après chaque étape de filtration.

Evolution of the turbidity after each filtration stage.

Évolution de la turbidité après chaque étape de filtration.

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Tableau 3

Abattement de la turbidité dans chaque étape de filtration et dans le processus entier.

Removal of turbidity in each filtration stage and in the entire processs.

Abattement de la turbidité dans chaque étape de filtration et dans le processus entier.

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De façon générale, le pilote parvient à des effluents de turbidités < 1 NTU dans 65 % des mesures effectuées dans l’ensemble de l’étude, mais n’excède pas 3,7 NTU en dépit de la turbidité moyenne de l’eau brute de 69,9 NTU et des six périodes pluvieuses (> 100 NTU avec une turbidité maximale de 364,3 NTU). La turbidité moyenne d’effluent dans le FS1 et le FS2 est respectivement de 2,5 NTU et 1 NTU. Le FS1 réalise un taux d’élimination moyen de 70,1 % par rapport au taux d’élimination moyen de 51,5 % accompli dans le filtre FS2. Finalement, le taux d’abattement cumulé moyen est de 97,5 % (Tableau 3). Le FGG1 a ramené la turbidité des eaux brutes à des valeurs < 20 NTU dans 75,0 % des mesures réalisées. Par contre, le FGG2 a réduit la turbidité < 20 NTU dans 98,4 % des mesures effectuées tout au long de l’expérience. Dans l’ensemble de l’étude, le filtre FGG1 réalise un taux d’enlèvement moyen de 71,0 %, comparé au taux d’enlèvement moyen de 38,1 % dans le filtre FGG2.

Les figures 3 et 4 montrent l’évolution des coliformes totaux et thermotolérants dans l’eau brute et filtrée après chaque étape de filtration. Le taux d’abattement des coliformes dans chaque étape de filtration et dans le processus entier est présenté dans le tableau 4. La méthode de dénombrement des coliformes totaux et thermotolérants avait comme limite de détection de 0 UFC•mL‑1, c'est-à-dire aucune colonie n'a été détectée dans les échantillons d'eaux analysés. Cette valeur (0 UFC•mL‑1) était remplacée par la concentration de 0,1 UFC•mL‑1 afin de calculer le log d’abattement et de tracer le graphique.

Figure 3

Évolution des coliformes totaux après chaque étape de filtration.

Evolution of total coliforms after each filtration stage.

Évolution des coliformes totaux après chaque étape de filtration.

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Figure 4

Évolution des coliformes thermotolérants après chaque étape de filtration.

Evolution of thermotolerant coliforms after each filtration stage.

Évolution des coliformes thermotolérants après chaque étape de filtration.

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L’analyse de la figure 3 montre que le système de filtration à plusieurs étapes (après le FS2) a réduit la concentration en coliformes totaux à 0 UFC•mL‑1 dans 71 % des mesures réalisées durant la période d’expérimentation, malgré la concentration moyenne des coliformes totaux dans les eaux brutes de 1 118 UFC•mL‑1. Les concentrations moyennes en coliformes totaux sont de 171 UFC•mL‑1 pour FGG1 et 60 UFC•mL‑1 pour FGG2. En général, le FGG2 a réduit les concentrations en coliformes totaux à des niveaux facilement traitables par le FS1. Ainsi, à la sortie du filtre FS1, la concentration en coliforme totaux varie de 0 UFC•mL‑1 à 25 UFC•mL‑1 avec une valeur moyenne de 4 UFC•mL‑1. Quant au filtre FS2, il a apporté une efficacité supplémentaire en éliminant partiellement les coliformes totaux en dessous de 8 UFC•mL‑1 ou complètement. Le taux d’élimination des coliformes totaux dans le filtre FGG1 varie entre 0,4-1,1 log (avec une valeur moyenne de 0,8 log). Par contre, dans le FGG2, le taux d’abattement des coliformes totaux se situe entre 0,2-1,1 log (avec une valeur moyenne de 0,7 log). Le taux d’élimination dans tout le processus (après le FS2) varie entre 1,74-4,67 log (avec une valeur moyenne de 3,39 log) (Tableau 4).

Tableau 4

Abattement des coliformes dans chaque étape de filtration et dans le processus entier.

Removal of coliforms in each filtration stage and in the entire process.

Abattement des coliformes dans chaque étape de filtration et dans le processus entier.

*Abattement nul (élimination complète des coliformes dans le filtre FS1)

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Pour les coliformes thermotolérants (Figure 4), le nombre de colonies diminue considérablement après chaque étape de filtration par rapport à l’eau brute. Le système de filtration à plusieurs étapes (après le FS2) a ramené la concentration en coliformes thermotolérants à 0 UFC•mL‑1 dans 79 % des mesures réalisées, en dépit de la concentration moyenne des coliformes thermotolérants dans les eaux brutes de 486 UFC•mL‑1. Dans les eaux préfiltrées, les teneurs moyennes en coliformes thermotolérants sont de 83 UFC•mL‑1 pour FGG1 et 30 UFC•mL‑1 pour FGG2. Les teneurs moyennes en coliformes thermotolérants en sortie des filtres lents à sable (FS1 et FS2) sont respectivement de 2 UFC•mL‑1 et 1 UFC•mL‑1. Le taux d’élimination des coliformes thermotolérants varie entre 0,4-1,0 log (avec une valeur moyenne de 0,74 log et 0,2-1,20 log (avec une valeur moyenne de 0,60 log), respectivement, pour le FGG1 et FGG2. Le filtre FS1 réalise un taux d’abattement moyen de 1,42 log. Cependant, le taux d’élimination moyen dans le FS2 est de 0,50 log. En définitive, le taux d’abattement cumulé varie entre 1,50-4,15 log (avec une valeur moyenne de 3,25 log) (Tableau 4).

3.2 Discussions

Le traitement des eaux qui débute dans la couche surnageante avant de s’infiltrer en profondeur (HUISMAN et WOOD, 1974), engage plusieurs processus qui affectent l’élimination et la rétention des particules et des microorganismes.

L’enlèvement de la turbidité s’enclenche dès la mise en service du système de filtration à plusieurs étapes (Figure 2). En effet, on note une diminution de la turbidité après chaque étape de filtration. Cette diminution de la turbidité serait due à la filtration physique qui retient les matières grossières en surface et les plus fines, soit par blocage entre les pores, par interception et fixation sur les grains des médias filtrants ou par interaction chimique, de type Van der Waals ainsi qu’à l’activité biologique (maturité biologique) dans les filtres (HAARHOFF et CLEASBY, 1991; HUISMAN et WOOD, 1974). Le filtre FGG1 a produit des effluents de turbidité < 10 NTU dans 42 % des mesures réalisées durant toute la période de l’expérience. Cependant, l’ajout du FGG2 a apporté une efficacité supplémentaire au processus de traitement de l’eau en ramenant la turbidité de l’effluent < 10 NTU dans 71 % des mesures effectuées, laquelle turbidité est préconisée pour l’eau destinée à la filtration lente sur sable (SANCHEZ et al., 2012). Subséquemment, le filtre FS1 a réduit la turbidité < 5 NTU dans 91 % des mesures réalisées (Figure 2). Malgré la faible turbidité des eaux à la sortie de FS1, le filtre FS2 produit des effluents de turbidité < 1 NTU dans 65 % et entre 1-3,7 NTU dans 35 % des mesures effectuées. De nombreux auteurs ont rapporté que la turbidité des eaux traitées par filtration lente sur sable doit être en dessous de 1 NTU (AMY et al., 2006; OMS, 1993). Toutefois, d’autres auteurs, dont CLEASBY et LOGSDON (1999) ont trouvé des valeurs de turbidité supérieures à 1 NTU en traitant par filtration lente sur sable une eau de surface de turbidité (6 à 11 NTU).

Globalement, les quatre étapes de filtration sont performantes pour éliminer la turbidité (Tableau 3). Le taux d’abattement moyen de ce paramètre dans le filtre FGG1 est de 71 %. Les résultats obtenus sont compris dans la fourchette (50-90 %) mentionnée par COLLINS et al. (1994), WEGELING et al. (1996). Avec le filtre FGG2, la performance est moins grande car le taux d’élimination moyen est de 38,1 %. Ceci peut s’expliquer par la turbidité des eaux à la sortie du filtre FGG1 (turbidité moyenne de 16,2 NTU). Selon COLLINS et al. (1994), les efficacités d’élimination dans le filtre à granulométrie grossière sont largement subordonnées par les quantités de solides en suspension dans l’eau à traiter. De ce qui précède, les filtres FGG1 et FGG2 ont joué leurs rôles traditionnels de protection du filtre lent à sable contre les matières en suspension. Quant aux filtres lents à sable (FS1 et FS2), le taux d’élimination moyen est respectivement 70,1 % et 51,5 %. Néanmoins, la combinaison de différentes étapes en série donne le rendement d’élimination au-delà de 90 % (avec une valeur moyenne de 97,5 %).

En ce qui concerne les coliformes totaux (Figure 3) et thermotolérants (Figure 4), les résultats indiquent une importante réduction des coliformes après chaque étape de filtration. Cette diminution pourrait être liée à une rétention physique et/ou à une adsorption des bactéries coliformes dans les lits filtrants (BELLAMY et al., 1985; ELLIS, 1985; HAARHOFF et CLEASBY, 1991; WEBER-SHIRK et DICK, 1997b). Outre les phénomènes de sorption, la diminution des bactéries coliformes s’effectue principalement par des processus biologiques, notamment la prédation des bactéries par des protistes (BOMO et al., 2004; CHABAUD et al., 2006; CLEASBY et LOGSDON, 1999; HAARHOFF et CLEASBY, 1991; WEBER-SHIRK et DICK, 1997a, 1999). Toutefois, la diminution du nombre de colonies est plus importante après l’établissement de la couche biologique (biofilm) et la maturité des filtres (BELLAMY et al., 1985; COMPOS et al., 2002; HUISMAN et WOOD, 1974). Cette période de maturité est de 30 jours dans cette étude (Figures 3 et 4). Elle est définie comme étant la période à laquelle l’élimination des coliformes totaux dans l’eau filtrée se stabilise (BELLAMY et al., 1985).

Le rendement d’abattement moyen des coliformes totaux et thermotolérants dans tout le processus est > 3 log (> 99 %). Ces résultats corroborent ceux rapportés par GALVIS et VISSCHER (1999). Également, chaque étape de filtration s’est révélée individuellement performante dans le processus global d’élimination des coliformes totaux et thermotolérants (Tableau 4). Les efficacités d’élimination des coliformes totaux et thermotolérants dans le filtre FGG1 et FGG2 sont supérieures à celles obtenues par SÁNCHEZ et al. (2012). Concernant le FS1, les performances d’abattement des coliformes totaux et thermotolérants (Tableau 4) sont semblables à celles rapportées par plusieurs auteurs (ELLIS, 1985; LAMBERT et GRAHAM, 1995). Ces derniers signalent un taux d’abattement compris entre 1 et 3 log.

4. Conclusion

Les résultats de cette étude montrent que la filtration à plusieurs étapes semble être une alternative de traitement efficace et rentable en milieu rural et petites agglomérations des pays en voie de développement. Les résultats obtenus ont montré d’excellents abattements de la turbidité (< 5 NTU) et des coliformes (élimination partielle ou complète).

De ces résultats, il est confirmé que le filtre lent à sable est l’étape non négligeable pour améliorer la qualité de l'effluent dans le procédé à plusieurs étapes de filtration. Le filtre à granulométrie grossière s’est également avéré comme une étape importante dans le processus global de traitement en accomplissant son rôle traditionnel de protection du filtre lent à sable contre les matières en suspension. Il a aussi permis l’élimination des coliformes. De plus, il est prouvé que l’ajout d’un second filtre à granulométrie grossière et d’un filtre lent à sable en série est essentiel, car ils apportent une efficacité supplémentaire au processus global d’élimination de la turbidité et des coliformes. Ainsi, chaque filtre du pilote de filtration à plusieurs étapes constitue une importante barrière de traitement dans le processus d’abattement de la turbidité et des coliformes. Le processus entier est une approche robuste multi-barrière sûre de traitement de l’eau.