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1. Introduction

Les actions préconisées par les communautés internationales pour la protection des ressources en eau sont de plus en plus basées, depuis les trente dernières années, sur la gestion intégrée des ressources en eau par bassin versant (GIEBV). Ce type de gestion est généralement considéré comme le moyen le plus logique de gérer les écosystèmes d’eau douce et leurs ressources pour un usage durable (UN WATER, 2008).

Dépendamment des conditions physiques d’un bassin versant, des exigences du cadre de décision et des types d’interventions envisagées, de nombreux types de modèles mathématiques peuvent supporter les décisions de GIEBV. Parmi ces modèles, les plus fréquemment utilisés appartiennent aux groupes suivants : 1) modèles hydrologiques; 2) modèles de qualité de l’eau; 3) modèles hydrodynamiques et 4) modèles d’érosion.

Le modèle hydrologique est un élément essentiel pour tout outil de simulation de GIEBV. En effet, ce type de modèle permet de simuler la réponse des rivières aux changements du climat et/ou des conditions physiques du bassin selon une modélisation des processus naturels (VILLENEUVE et al., 2008). Il permet ainsi d’allonger les séries d’écoulement observé à partir des observations météorologiques disponibles (qui sont souvent plus accessibles que les observations de débits en rivière) et également de prédire l’impact de diverses interventions sur l’écoulement. De plus, les sorties du modèle hydrologique (débits, hauteurs d’eau et vitesses) sont utilisées comme entrées à tous les autres modèles de simulation (qualité de l’eau, érosion, etc.) dans un outil de GIEBV, afin d’évaluer l’impact de diverses stratégies de gestion.

Le modèle Hydrotel (FORTIN et al., 1995) a été choisi comme modèle hydrologique dans cette étude. Ce modèle a été développé dans un contexte de climat du Québec (Canada), qui est un climat tempéré. En dehors des nombreuses utilisations sur des bassins versants du Québec, d’autres applications ont été réalisées avec succès en France et en Argentine (FORTIN et al., 2007). Cependant, à l’exception de deux applications sous climat tropical, en Côte d’Ivoire (KOUAMÉ et al., 2007) et au Mexique (ARMANDO, 2007), il n’existe aujourd’hui aucune application d’Hydrotel pour la mise en place de la GIEBV sous conditions climatiques tropicales de type mousson. De plus, dans les pays en voie de développement comme le Vietnam, les données disponibles pour la mise en place de modèles de simulation à l’échelle du bassin versant sont souvent peu nombreuses et de qualité difficilement vérifiable.

L’objectif principal des travaux présentés dans cet article est d’évaluer la capacité du modèle Hydrotel à reconstruire le régime hydrologique sur un bassin versant soumis à un climat tropical de type de mousson. On vise ainsi à estimer dans quelle mesure les débits simulés par le modèle peuvent permettre de pallier le manque de données sur le terrain. Un objectif secondaire est de développer une méthode originale pour établir la discrétisation spatiale la plus appropriée pour la simulation hydrologique à l’échelle d’un bassin versant en fonction de l’objectif poursuivi. Toutes ces évaluations sont réalisées sur le cas d’étude du bassin versant de la rivière Cau, au Vietnam.

2. Revue succincte de la littérature

Bien que des outils pour mettre en place la GIEBV aient commencé à être développés dès les années 1990 (voir p. ex. GIBSI; ROUSSEAU et al., 2000), l’approche de GIEBV a débuté à recevoir une reconnaissance officielle vers le début du 21e siècle (voir p. ex. UNESCO, 2012). Dans un contexte de GIEBV, toutes les problématiques associées à l’eau, toutes les parties prenantes (avec leurs intérêts socio-économiques particuliers) ainsi que toutes les préoccupations environnementales sont rassemblées. Ces divers éléments et composantes sont largement interconnectés à l’intérieur du système hydrologique, ce qui rend très complexe l’application pratique du concept de GIEBV (BURTON, 2003).

Un des défis majeurs que pose la GIEBV demeure qu’il est difficile de transposer à un contexte donné les applications réussies à l’intérieur d’un autre contexte, puisque les conditions d’application (ex. : climat, périodes de données disponibles, réseaux de stations), de même que les échelles spatiale et temporelle varient d’un bassin à l’autre et d’un pays à l’autre. Ainsi, les pays souhaitant débuter la mise en place de la GIEBV sur leur territoire ne peuvent pas appliquer directement les principes et méthodes déjà appliqués ailleurs avec succès. De plus, le transfert effectif des expériences positives de la GIEBV à d’autres bassins ou pays demeure limité en raison du manque de connaissances empiriques concernant les caractéristiques des expériences de GIEBV réussies. En 2009, l’UNESCO (UNESCO, 2009) a souligné que le transfert effectif des expériences positives de la GIEBV à d’autres bassins ou pays demeure une grande limitation pour la réussite de la GIEBV (KENNEDY et al., 2009).

Une approche de gestion intégrée par bassin versant nécessite l’utilisation d’un ensemble de modèles de simulation parmi lesquels on retrouve le modèle hydrologique. Cependant, en dépit du succès dans le développement de modèles hydrologiques au cours des dernières années, certains auteurs, dont notamment SINGH et WOOLHISER (2002), considèrent que malgré le fait que plusieurs modèles distribués spatialement soient maintenant disponibles, leur application à une échelle régionale reste encore limitée.

De plus, malgré de nombreux exemples d’utilisation de la modélisation hydrologique sous différents climats, les études menées dans les régions tropicales sont rares (SINGH et WOOLHISER, 2002; MA et al., 2005). Cependant, le besoin de développer et d’utiliser des modèles hydrologiques distribués s’accroît dans plusieurs pays tropicaux, comme ceux du Sud-Est asiatique (SEA), en raison de l’urbanisation et de l’industrialisation rapide, menant à la dégradation de la biodiversité et de la qualité de l’environnement.

La première tentative de GIEBV au SEA a concerné le bassin versant du fleuve Mekong, lequel traverse six pays (MRC, 2010). Il est cependant difficile d’utiliser dans d’autres pays l’expérience de GIEBV acquise sur cette région en raison de sa taille et de son caractère international. Quant au Vietnam, on a commencé à y implanter la GIEBV en 2004 (ADB, 2012). Les travaux présentés dans cet article ont pour but de contribuer à l’expérience scientifique de la mise en oeuvre de la GIEBV, particulièrement dans le bassin versant de la rivière Cau du Vietnam et, plus généralement, dans le SEA.

3. Méthodologie

3.1 Outil utilisé : GIBSI

3.1.1 Structure et fonctionnement

GIBSI est un outil informatique de GIEBV qui permet aux gestionnaires de l’eau d’explorer divers scénarios de gestion à l’échelle du bassin versant (ROUSSEAU et al., 2000). Tel que présenté à la figure 1, cet outil informatique d’aide à la gestion comprend une base de données (spatiales et attributs), un système d’information géographique (SIG), une base de données relationnelle (BD) et des modèles mécanistes de simulation (hydrologie, érosion des sols et en rivière, transport et transformation de l’azote, du phosphore et des pesticides dans les sols et qualité de l’eau dans les rivières et les lacs). Cet outil permet aux gestionnaires d’estimer quantitativement l’impact de différents scénarios d’aménagement du territoire. Les simulations réalisées à l’aide des différents modèles permettent de déterminer l’effet des modifications apportées au bassin versant sur le régime hydrologique et sur la qualité de l’eau, en tout point du réseau hydrographique. Enfin, les outils d’analyse des résultats permettent d’analyser les résultats de simulations sous forme de graphiques, de cartes, de probabilités de dépassement de normes et d’analyses avantages/coûts.

Figure 1

Représentation schématique du fonctionnement général de GIBSI (adapté de QUILBÉ et ROUSSEAU, 2007).

Schematic representation of GIBSI (adapted from QUILBÉ and ROUSSEAU, 2007).

Représentation schématique du fonctionnement général de GIBSI (adapté de QUILBÉ et ROUSSEAU, 2007).

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3.1.2 Modèle Hydrotel

Tel que présenté à la figure 1, le modèle hydrologique intégré à GIBSI est Hydrotel (FORTIN et al., 1995; FORTIN et ROYER, 2004). Sur le plan spatial, Hydrotel est un modèle distribué; il subdivise le bassin à l’étude en unités hydrologiques relativement homogènes (UHRH). Ainsi, une UHRH est un petit sous-bassin versant associé à un tronçon de rivière. À partir d’un modèle numérique d’altitude (MNA), les directions d’écoulement sont déterminées pour chaque cellule en fonction de son altitude relative par rapport à celle de ses huit cellules voisines. En sélectionnant la cellule constituant son exutoire, le bassin versant est donc défini par toutes les cellules se drainant vers la cellule définie comme exutoire.

Pour tenir compte de l’hétérogénéité du bassin, on discrétise le réseau hydrographique en un nombre minimal de mailles. Le réseau d’écoulement est ainsi défini. Les UHRH sont ensuite définies en fonction des confluences des divers tronçons de rivière de manière à associer à chacun des tronçons de rivière le sous-bassin versant auquel il appartient.

Les classes d’occupation du sol et les types de sols sont également des données nécessaires en entrée du modèle. Pour chaque UHRH, le pourcentage de chacune des classes d’occupation du territoire peut être estimé à partir de la télédétection. Par contre, un seul type de sol, le type de sol ayant la plus grande superficie à l’intérieur de l’UHRH, est retenu pour chaque UHRH. Pour des raisons de simplification du modèle, des valeurs identiques pour tout le bassin versant sont souvent attribuées à chacun des autres paramètres caractéristiques d’une UHRH (ex. : les coefficients de rugosité de Manning). Hydrotel offre toutefois la possibilité de former des groupes d’UHRH à l’intérieur du bassin à l’étude de manière à permettre de mieux tenir compte de la variation spatiale des valeurs prises par ces paramètres à l’intérieur du bassin.

Sur le plan temporel, Hydrotel est un modèle qui fonctionne en continu. Il permet de faire des simulations au pas de temps horaire ou journalier. Il permet également d’utiliser d’autres pas de temps de simulation sur un même bassin avec un minimum d’ajustement de l’étalonnage du modèle.

Les divers processus hydrologiques intervenant sur un bassin versant sont simulés dans Hydrotel par six sous-modèles :

  • interpolation des données météorologiques;

  • évolution du couvert nival;

  • évapotranspiration potentielle;

  • bilan d'eau vertical;

  • écoulement sur la partie terrestre du bassin versant;

  • écoulement par le réseau hydrographique.

Pour chacun des processus hydrologiques, Hydrotel offre le choix entre un ou plusieurs algorithmes. La disponibilité de ces divers algorithmes permet de sélectionner le sous-modèle le plus performant sur un bassin donné en tenant compte de la disponibilité des données d’entrée. Pour les calculs, les cinq premiers processus hydrologiques se déroulent au niveau des UHRH, le sixième (l’écoulement par le réseau hydrographique) étant simulé sur les tronçons. Pour plus de détails sur le modèle Hydrotel et sur ses différents algorithmes, le lecteur est invité à consulter FORTIN et al. (1995), FORTIN et ROYER (2004) et NGUYEN (2012).

3.2 Cas d’application : bassin versant de la rivière Cau

Situé au nord du Vietnam, le bassin versant de la rivière Cau a une superficie totale de 6 030 km2 (Figure 2). La partie visée par la présente étude est celle située en amont de la station hydrométrique Gia Bay (Figure 3) et a une superficie de 2 760 km2. Le bassin versant de la rivière Cau est considéré comme l’un des deux plus importants bassins versants du Nord du Vietnam. Il revêt une importance sociale et économique considérable, puisqu’il constitue une source d’alimentation en eau importante pour des communautés totalisant environ 3,8 millions d’habitants. La majeure partie du bassin s’étend à de faibles altitudes, mais dans la partie amont du bassin, quelques crêtes de montagne excèdent les 1 000 m. Ce bassin est soumis à un climat tropical de type mousson et reçoit des précipitations annuelles oscillant entre 1 500 et 2 700 mm, dont 60 à 80 % tombent pendant la saison des pluies (mai à octobre). Les températures journalières peuvent varier de 3 à 40 °C.

Figure 2

Bassin versant de la rivière Cau (tiré d’ADB, 2006).

Cau River watershed (from ADB, 2006).

Bassin versant de la rivière Cau (tiré d’ADB, 2006).

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Figure 3

Localisation des stations hydrométriques sur le bassin versant de la rivière Cau.

Position of hydrometric stations on Cau River watershed.

Localisation des stations hydrométriques sur le bassin versant de la rivière Cau.

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La densité moyenne de la population s’élève à 540 personnes∙km-2 sur le bassin versant. La plus faible densité de population est de 53 personnes∙km-2, tandis que la plus élevée est de 2 000 personnes∙km-2. La plupart des habitants (environ 82 %) vivent dans des secteurs ruraux. La structure économique dans le bassin peut être subdivisée comme suit : agriculture et sylviculture (30 %), industrie et construction (30 %) et services (40 %). Le secteur industriel est diversifié et une zone industrielle d’importance est actuellement en développement. L’industrialisation et la croissance économique rapides augmentent de façon notoire la demande en eau, les débits de ruissellement et les charges polluantes dans le bassin versant.

Les données disponibles pour effectuer les simulations avec Hydrotel dans le cadre de cette étude sont présentées brièvement ci-dessous.

3.2.1 Données physiographiques

La nature, la réalité physique associée ainsi que l’origine des différents jeux de données physiographiques utilisés sont présentées au tableau 1. Certaines de ces données sont également illustrées à la figure 4.

Tableau 1

Description des données physiographiques utilisées.

Description of physiographic data.

Description des données physiographiques utilisées.

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Figure 4

Cartes de la zone d’étude : a) réseau vectoriel des cours d’eau, b) occupation du sol, c) types de sol.

Study area maps: a) vector network of rivers, b) land use, c) soil types.

Cartes de la zone d’étude : a) réseau vectoriel des cours d’eau, b) occupation du sol, c) types de sol.

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3.2.2 Données hydrométriques

Dans le cadre de cette étude, des valeurs de débits moyens journaliers étaient disponibles pour la station Gia Bay (777726 sur la figure 3) et pour la station Thac Rieng (7777735 sur la figure 3), de 1997 à 2006. La figure 5 illustre les débits moyens annuels observés à Gia Bay pour chacune de ces années.

Figure 5

Débits moyens annuels à la station Gia Bay de 1997 à 2001.

Mean annual discharges at Gia Bay station from 1997 to 2001.

Débits moyens annuels à la station Gia Bay de 1997 à 2001.

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3.2.3 Données météorologiques

Les séries de données météorologiques disponibles dans le bassin versant de la rivière Cau couvrent la période de 1997 à 2006. Ces données proviennent de 32 stations météorologiques. Les données journalières collectées et utilisées en entrée pour les simulations d’Hydrotel comprennent cinq variables météorologiques : les températures minimales et maximales de l’air, les précipitations totales journalières, la vitesse moyenne du vent, l’humidité de l’air et la durée d’ensoleillement. Les données utilisées proviennent de deux types de stations météorologiques : des stations permettant de mesurer les cinq variables (appelées stations météorologiques) et des stations où uniquement les pluies totales journalières sont mesurées (appelées stations pluviométriques).

Parmi les 32 stations, 18 possédaient des séries complètes de données. Par conséquent, elles ont été retenues pour les simulations hydrologiques pour la période de 1997 à 2006. Pour ces 18 stations, 12 sont des stations pluviométriques alors que les 6 autres fournissent des données pour les cinq autres variables météorologiques en plus de la pluie. La localisation de ces stations est présentée aux figures 6 et 7.

Figure 6

Stations météorologiques sélectionnées (altitudes en mètres).

Selected meteorological stations (altitudes in meters).

Stations météorologiques sélectionnées (altitudes en mètres).

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Figure 7

Stations pluviométriques sélectionnées.

Selected pluviometric stations.

Stations pluviométriques sélectionnées.

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3.3 Méthodologie pour le choix du découpage spatial

Le modèle Hydrotel utilise un découpage spécifique du bassin en unités hydrologiques relativement homogènes (UHRH). Ce découpage permet d’intégrer, dans le domaine modélisé, les informations sur les caractéristiques physiques et hydrométéorologiques du bassin. En général, une résolution plus fine des données d'entrée conduit à un meilleur résultat de simulation, mais nécessite plus de temps de simulation. Cela augmente le coût d’opération de la gestion intégrée par bassin versant. Par ailleurs, plus la taille de la grille est petite, plus le volume d’informations nécessaire pour la simulation est élevé. Par conséquent, le temps requis pour la collecte et le traitement des données est aussi élevé. Ainsi, il est important de déterminer la taille optimale de l’unité spatiale de simulation permettant d’obtenir le meilleur compromis entre le temps des simulations et la précision des résultats.

Afin de déterminer la taille d’UHRH la plus appropriée pour appliquer la GIEBV sur le bassin versant de la rivière Cau, six scénarios de découpage spatial du bassin versant ont été considérés, correspondant respectivement à des surfaces moyennes d’UHRH allant de 2,2 à 29,6 km2 (Figure 8). Le tableau 2 résume le nombre d’UHRH correspondant ainsi que la surface moyenne de l’UHRH pour chaque scénario.

Figure 8

Découpage en UHRH (unités hydrologiques relativement homogènes) : a) niveau plus grossier et b) niveau moins grossier.

Division into UHRH at: a) coarser, and b) finer levels.

Découpage en UHRH (unités hydrologiques relativement homogènes) : a) niveau plus grossier et b) niveau moins grossier.

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Tableau 2

Nombre et surfaces moyennes des UHRH (unités hydrologiques relativement homogènes) pour différents niveaux de découpage spatial.

Number and average area of UHRHs for different levels of spatial discretization.

Nombre et surfaces moyennes des UHRH (unités hydrologiques relativement homogènes) pour différents niveaux de découpage spatial.

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Afin d’évaluer la discrétisation spatiale la plus appropriée pour les simulations hydrologiques sur le bassin versant de la rivière Cau, la procédure suivante a été suivie :

  1. Étalonnage manuel du modèle en utilisant le scénario 235 UHRH (le plus grossier) et le scénario 2 052 UHRH (le plus fin), en utilisant les débits moyens journaliers observés sur la période 1997 2001 à la station Gia Bay.

  2. Choix des algorithmes de calcul utilisés dans Hydrotel en fonction des données disponibles et des leçons tirées d‘études précédentes. Ainsi, l’algorithme de la « Moyenne pondérée des trois stations les plus proches » a été sélectionné pour interpoler les données météorologiques et la formule dite d’Hydro-Québec a été choisie pour estimer l’évapotranspiration potentielle de chaque UHRH.

  3. Simulation des débits à la station Gia Bay pour la même période avec les cinq autres scénarios de nombre d’UHRH, en utilisant les deux jeux de paramètres estimés précédemment à l’étape 1 (on aura donc deux séries simulées par scénarios : une simulée avec les valeurs de paramètres issues de l’étalonnage avec 235 UHRH et l’autre simulée avec les valeurs de paramètres issues de l’étalonnage avec 2 052 UHRH).

  4. Pour chacune des simulations, comparaison visuelle entre les débits observés et simulés, puis calcul du coefficient de Nash-Sutcliffe (NS), de la racine carrée de l’erreur quadratique moyenne (RCEQM) et de l’erreur relative sur l’écoulement (ERSVET) entre ces deux séries de valeurs, selon les équations suivantes :

n est un nombre de valeurs, O un débit observé et S un débit simulé (notons que pour une parfaite adéquation entre les débits observés et simulés, NS vaut 1 tandis que RCEQM et ERSVET valent 0).

  1. Choix du découpage spatial pour les analyses subséquentes.

  2. Étalonnage et validation du modèle avec le nombre d’UHRH retenu à l’étape 4; pour cette étape, les débits observés sur la période 1999-2002 ont été utilisés pour l’étalonnage et ceux de la période 2003-2006 pour la validation.

La discrétisation spatiale choisie et le jeu de paramètres obtenu après validation seront utilisés pour les analyses subséquentes.

3.4 Méthodologie pour l’évaluation de la capacité de reconstruction du régime hydrologique d’une station en amont du bassin

Pour évaluer la capacité de reconstruction du régime hydrologique en situation de données restreintes et de mauvaise qualité, les débits à la station Thac Rieng, située en amont du bassin (Figure 3), ont été simulés avec Hydrotel en utilisant les valeurs de paramètres obtenues lors de l’étalonnage du modèle avec les débits observés à la station Gia Bay, située en aval du bassin versant (Figure 3). L’objectif est de déterminer dans quelle mesure le modèle étalonné uniquement à partir de données observées à l’exutoire du bassin versant permet de reproduire les débits observés en un autre point du bassin. Par ailleurs, notons que l’information au sujet de la position de la station hydrométrique Thac Rieng a été jugée peu fiable. En effet, la figure 9a montre la localisation de la station Thac Rieng selon les coordonnées géographiques reçues. On constate sur cette figure que la localisation de la station ne concorde pas avec celle des tronçons de rivière (notons au passage que la figure 9a couvre une zone de dimensions 2 070 x 1 560 m). Ainsi, deux possibilités s’offrent quant au choix du tronçon de rivière sur lequel la station pourrait réellement être située (nos 579 ou 580, Figure 9a), sachant que la station de mesure est située sur le tronçon principal de la rivière Cau. Or cette situation entraîne une variation non négligeable de la surface du bassin de drainage (Figures 9b et 9c), qui serait d’environ 650 km2 si la station était située sur le tronçon 580 et de 697 km2 si elle était située sur le tronçon 579. En raison des difficultés d’accès à la station, il s’est avéré impossible d’aller vérifier sur le terrain la position exacte de la station dans le cadre de ce projet. Ainsi, afin de réaliser une analyse rigoureuse, la capacité du modèle à reproduire les débits observés a été estimée en utilisant chacun des deux tronçons possibles pour la station Thac Rieng, considérant que les données sur la position géographique exacte de la station ne sont pas disponibles.

Figure 9

Zooms sur le bassin versant d’étude : a) position supposée de la station de mesure (ovale rouge), tronçons du réseau hydrographique (bleu foncé) et exutoire des tronçons 579 et 580 (carrés rouges); b) ensemble des sous-bassins drainés par le tronçon 580; c) sous-bassin supplémentaire drainé par le tronçon 579.

Zooms on the studied watershed: a) assumed position of the measuring station (red ellipse), reaches of the hydrographic network (dark blue) and outlet of reaches 579 and 580 (red squares); b) subwatersheds drained by reach 580; c) additional subwatershed drained by reach 579.

Zooms sur le bassin versant d’étude : a) position supposée de la station de mesure (ovale rouge), tronçons du réseau hydrographique (bleu foncé) et exutoire des tronçons 579 et 580 (carrés rouges); b) ensemble des sous-bassins drainés par le tronçon 580; c) sous-bassin supplémentaire drainé par le tronçon 579.

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En résumé, les étapes suivantes ont été réalisées :

  1. Étalonnage du modèle avec les données de la station aval (Gia Bay, selon le nombre d’UHRH sélectionné lors de l’analyse présentée à la section précédente).

  2. Simulation des débits journaliers pour la période 1999-2002 au tronçon 579 et au tronçon 580 avec les valeurs de paramètres estimées en 1.

  3. Calcul du NS, du RCEQM et de l’ERSVET en utilisant comme débits observés les mesures de la station Thac Rieng, et comme débits simulés les débits calculés par le modèle aux tronçons 579 et 580.

Notons que les données disponibles à la station Thac Rieng pour la période 1999 2002 sont des mesures de niveaux d’eau. Les débits ont été estimés par la courbe de tarage établie à partir de mesures de débits et de hauteurs d’eau pour la période 1960 1981, soit :

Q = débit (m3∙s-1) et h = hauteur d’eau (m).

4. Résultats et discussion

4.1 Choix du découpage spatial

Les figures 10 et 11 illustrent, à titre d’exemple, les résultats obtenus pour l’année 2001 selon les différents découpages spatiaux en utilisant les paramètres d’étalonnage des scénarios 235 et 2 052 UHRH, respectivement. On constate sur ces figures qu’il est très difficile de différencier les résultats de simulation pour les six scénarios de nombre d’UHRH de façon visuelle. En effet, les courbes de débits simulés des six scénarios sont quasiment confondues. Le tableau 3 résume les résultats obtenus pour l’ensemble de la période 1997-2001.

Figure 10

Débits observés et simulés pour l’année 2001, selon six découpages et avec les paramètres d’étalonnage obtenus avec le scénario de 235 UHRH (unités hydrologiques relativement homogènes).

Observed and simulated discharges for 2001, according to six levels of division and with the calibration parameters obtained with the 235 UHRH scenario.

Débits observés et simulés pour l’année 2001, selon six découpages et avec les paramètres d’étalonnage obtenus avec le scénario de 235 UHRH (unités hydrologiques relativement homogènes).

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Figure 11

Débits observés et simulés pour l’année 2001, selon six découpages et avec les paramètres d’étalonnage obtenus avec le scénario de 2 052 UHRH (unités hydrologiques relativement homogènes).

Observed and simulated discharges for 2001, according to six levels of division and with the calibration parameters obtained with the 2 052 UHRH scenario.

Débits observés et simulés pour l’année 2001, selon six découpages et avec les paramètres d’étalonnage obtenus avec le scénario de 2 052 UHRH (unités hydrologiques relativement homogènes).

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Tableau 3

Résultats des simulations avec Hydrotel pour la période 1997-2001.

Results of Hydrotel simulations for the 1997-2001 period.

Résultats des simulations avec Hydrotel pour la période 1997-2001.

a UHRH : unité hydrologique relativement homogène;

b NS : coefficient de Nash-Sutcliffe;

c RCEQM : racine carrée de l’erreur quadratique moyenne;

d ERSVET : erreur relative sur l’écoulement.

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On constate au tableau précédent que les résultats du modèle sont très satisfaisants pour toutes les tailles d’UHRH utilisées. Par ailleurs, rappelons que le modèle Hydrotel sera appliqué sur le bassin versant de la rivière Cau dans un contexte de GIEBV, notamment afin d’évaluer l’impact sur l’hydrologie et la qualité de l’eau de divers scénarios d’intervention avec l’outil GIBSI. Dans ce contexte, on considère que la taille des unités de simulation devrait être de 4 km2 ou moins, afin de pouvoir définir des pratiques spécifiques (p. ex. changement de pratiques agricoles, déforestation ou reforestation, etc.) à une échelle relativement fine. De plus, on remarque au tableau 3 que les résultats de simulation ne s’améliorent pas nécessairement en passant de 1 593 à 2 052 UHRH alors que le temps de calcul requis pour les simulations augmente nécessairement entre ces deux scénarios. C’est pour toutes ces raisons que le découpage spatial de 1 593 UHRH a finalement été retenu pour la poursuite des analyses.

Le tableau 4 présente les résultats d’étalonnage et de validation pour ce scénario de 1 593 UHRH. La valeur des paramètres apparaît au tableau 5, tandis que la description de chacun de ces paramètres est donnée dans FORTIN et al. (1995), FORTIN et ROYER (2004) et NGUYEN (2012).

Tableau 4

Résultats d’étalonnage et de validation pour le découpage de 1 593 UHRH (unités hydrologiques relativement homogènes).

Calibration and validation results for 1 593 UHRH.

Résultats d’étalonnage et de validation pour le découpage de 1 593 UHRH (unités hydrologiques relativement homogènes).

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Tableau 5

Valeur des paramètres d’étalonnage pour le projet avec 1 593 UHRH (unités hydrologiques relativement homogènes).

Values of the calibration parameters for the project with 1 593 UHRH.

Valeur des paramètres d’étalonnage pour le projet avec 1 593 UHRH (unités hydrologiques relativement homogènes).

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On doit souligner qu’une seule carte d’occupation du sol (soit celle représentant la situation de 2003) a été utilisée dans cette étude. Cependant, le bassin versant a subi des changements rapides de l’occupation du sol au cours des périodes d’étalonnage et de validation. Selon HOANG (2007), le milieu urbain s’est étalé de 57 % de 1999 à 2003, tandis que les superficies couvertes de sol nul et de buissons ont diminué de 48 % et 36 % respectivement. De plus, certains aménagements dans le bassin n’auraient pas été répertoriés, tels que, par exemple, la mise en service de petits barrages ainsi que l’ajout de prélèvements en eau pour divers besoins (eau potable, irrigation de rizières, etc.). En considérant ce fait, on peut affirmer que les résultats obtenus au tableau 4 montrent que le modèle Hydrotel, étalonné avec les débits de 1999 à 2002 pour le projet de 1 593 UHRH, reproduit de façon adéquate les débits de la période 2003-2006. En effet, l’ERSVET demeure en dessous de 15 % et le NS au-dessus de 70 %, ce qui peut être considéré comme de très bons résultats pour la validation d’un modèle hydrologique au pas de temps journalier pour un bassin versant de plus de 2 000 km2.

4.2 Évaluation de la capacité de reconstruction du régime hydrologique d’une station en amont du bassin

Le tableau 6 présente un résumé des résultats de simulation à la station Thac Rieng, obtenus en appliquant Hydrotel avec les paramètres issus de l’étalonnage avec les données de la station Gia Bay, pour la période 1999-2002, avec un découpage de 1 593 UHRH. À titre d’exemple, la figure 12 illustre les débits simulés et observés aux stations Gia Bay et Thac Rieng (pour la station Thac Rieng, les résultats illustrés sont ceux obtenus en supposant que la station de mesure est située sur le tronçon 579).

Tableau 6

Résultats de simulation selon deux localisations possibles pour la station de Thac Rieng, pour la période 1999-2002.

Simulation results for two possible locations for the Thac Rieng station, for the 1999-2002 period.

Résultats de simulation selon deux localisations possibles pour la station de Thac Rieng, pour la période 1999-2002.

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Figure 12

Débits aux stations Gia Bay (S-GB) et Thac Rieng (S-TR) pour l’année 1999, mesurés et simulés avec les paramètres obtenus par l’étalonnage du modèle avec les données de la station Gia Bay.

Discharges at Gia Bay (S-GB) and Thac Rieng (S-TR) stations for 1999, measured and simulated with the values of parameters obtained from model calibration with the observed discharges at Gia Bay station.

Débits aux stations Gia Bay (S-GB) et Thac Rieng (S-TR) pour l’année 1999, mesurés et simulés avec les paramètres obtenus par l’étalonnage du modèle avec les données de la station Gia Bay.

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On note tout d’abord au tableau 6 que les résultats sont similaires selon que la station de mesure est localisée sur le tronçon 579 ou le tronçon 580. Ceci signifie que l’incertitude concernant la localisation exacte de la station de mesures a peu d’impact sur les résultats de l’analyse. Tel qu’attendu, les résultats de simulation sont de moins bonne qualité pour la station Thac Rieng (Tableau 6) que pour la station Gia Bay (Tableau 4), laquelle a été utilisée pour l’étalonnage du modèle. Néanmoins, on constate à la figure 12 que les débits simulés à la station Thac Rieng suivent bien la tendance du régime hydrologique observé. En effet, malgré une sous-estimation quasi systématique des débits en saison des pluies (mai à octobre), le modèle arrive à bien reproduire les temps d’arrivée des pointes de débits ainsi que l’alternance des périodes d’étiage et de crue. On remarque également que les régimes hydrologiques des tronçons où se situent les stations Thac Rieng et Gia Bay sont similaires, avec des pointes de débits qui apparaissent un peu plus tard à la station Gia Bay qu’à la station Thac Rieng. Enfin, les débits simulés à Gia Bay s’approchent des débits observés pendant toute l’année 1999. Notons par ailleurs que les résultats de simulation pour les années 2000 à 2002 sont similaires à ceux présentés pour l’année 1999, pour les deux stations Gia Bay et Thac Rieng.

En somme, la tendance du régime hydrologique de la rivière à Thac Rieng est bien reproduite par Hydrotel en utilisant les valeurs de paramètres issus de l’étalonnage du modèle à Gia Bay, bien que les débits simulés soient généralement inférieurs aux débits observés en saison des pluies à Thac Rieng. Le manque d’eau simulé par rapport aux observations est constant pour toutes les années à l’étude. Ces déficits pourraient en partie s’expliquer par le fait qu’il existe des aménagements hydroagricoles (rizières, irrigation, barrages) qui n’ont pas été pris en compte par le modèle, soit par manque d’informations, soit parce que le modèle ne comporte pas de sous-modèles dédiés à ces aménagements. Par ailleurs, notons que le modèle a été étalonné avec le projet 1 593 UHRH dans un contexte de manque de données, associé à l’utilisation d’une carte d’occupation constante dans le temps malgré les changements d’occupation du sol dans ce bassin. Tout ceci peut avoir un impact sur les résultats de validation.

5. Conclusions

Les travaux présentés dans cet article ont permis de montrer qu’en situation d’information restreinte concernant les débits en rivière, un modèle hydrologique adéquatement étalonné permet de reconstituer les données manquantes. Dans le cas d’application présenté, soit celui de la rivière Cau au Vietnam, les seules données utilisées pour l’étalonnage du modèle étaient les débits observés à l’exutoire d’un bassin versant de 2 760 km2. Le modèle ainsi étalonné a été utilisé pour simuler les débits à l’exutoire d’un sous-bassin versant d’une superficie d’environ 600 km2. Les résultats ont montré que le modèle arrive à bien reproduire, pour ce sous-bassin versant, les temps d’arrivée des pointes de débits ainsi que l’alternance des périodes d’étiage et de crue. Notons que pour cette application, le modèle Hydrotel a été étalonné avec seulement un groupe d’UHRH pour tout le bassin versant, c’est-à-dire en ne considérant qu’un seul jeu de paramètres d’étalonnage pour l’ensemble du bassin. Étant donné la diversité des types de sol, des classes d’occupation du sol et de la topographie dans le bassin versant de la rivière Cau, il serait possible d’améliorer les résultats en utilisant des sous-groupes d’UHRH pour l’étalonnage et les simulations. Ces regroupements devraient s’appuyer sur les classes d’occupation de sol, la topographie et surtout la disponibilité des données de débits mesurées nécessaires pour l’étalonnage. Également, puisqu’il est possible que le lit de la rivière ait changé au cours des années, la relation entre le débit et la hauteur d’eau devrait être revue en tenant compte de la réalité du terrain et de son évolution. Enfin, soulignons que ces travaux ont contribué à montrer que, même dans un contexte de données restreintes pour l’étalonnage, les modèles hydrologiques distribués peuvent fournir des informations utiles à la mise en place de la gestion intégrée de l’eau à l’échelle du bassin versant.