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HENRY JENKINS, SAM FORD, JOSHUA GREEN. Spreadable Media. Creating Value and Meaning in a Networked Culture. New York : New York University Press (Postmillennial Pop Series), 2013. 352 pp.[Notice]

  • Marta Boni

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  • Marta Boni
    Université Concordia

Une multiplicité de textes circulant en réseau fait désormais partie de notre quotidien : fragments et conglomérats, memes, retrogames, artefacts de nature variée. De quelle manière ces textes rejoignent-ils leurs publics (spectateurs, masse, foule, publics numérisés, publics connectés)? Qu’est-ce que l’étude des communautés des fans, fansubbers, trolls, pirates, geeks peut nous dire sur la nature dynamique des contenus médiatiques et comment expliquer la circulation massive, apparemment spontanée, de certains d’entre eux? C’est une étude des stratégies des industries, des créateurs de contenus transmédia, des grands groupes industriels et des artistes indépendants qui peut nous éclairer sur certains de ces sujets très contemporains. Si l’opposition entre stratégies de diffusion traditionnelles et tactiques certaldiennes de braconnage n’est peut-être plus apte à décrire les dynamiques entre ces éléments en collision, Spreadable Media de Jenkins, Ford et Green cherche à nous en offrir une image nouvelle. Henry Jenkins, professeur à l’Université de Southern California (dont on rappelle Convergence Culture paru en 2006 et un blog contenant de nombreux comptes-rendus d’entretiens et des études de cas, henryjenkins.org), Sam Ford, directeur des stratégies numériques chez Peppercomm Strategic Communications (dont le slogan est “Listen. Engage. Repeat”) et Joshua Green, auteur d’un livre sur la culture de YouTube (Burgess et Green 2009) et actuellement “stratège” chez Undercurrent, nous offrent l’abrégé d’une série de discours théoriques sur la culture participative, entre industries et fans. Les auteurs développent des perspectives convergentes sur la circulation des médias, à partir d’une approche transdisciplinaire (entre marketing, économie de la culture et anthropologie), foncièrement inspirée d’une perspective culturelle – visant à décrire les interactions entre des acteurs réels et les spécificités liées aux contextes d’appartenance des contenus, des producteurs et des consommateurs. L’écologie des médias d’aujourd’hui s’aborde à partir du ‘spreading, verbe venu déloger la célèbre métaphore “virale” (décrivant la circulation de certains textes médiatiques sur Internet tels la vidéo de la victoire de Susan Boyle à l’émission Britains Got Talent en 2009, ou encore Kony2012, événement qui généra 77 millions de vues en quelques jours), trop liée, selon les auteurs, à l’idée d’un corps en proie à une pathologie qui se propage (un contenu médiatique), et qui négligerait, du coup, la dimension active de la consommation. Les auteurs, au contraire, prennent le parti de décrire des choix d’utilisateurs conscients des conséquences de leur geste de partage et capables de façonner à leur guise les contenus. On pourrait traduire to spread par “étaler”, “se répandre” ou encore “essaimer”. L’image présentée en couverture est celle des pissenlits, ces plantes vivaces dont les aigrettes s’envolent dans toutes les directions. Les médias n’agissent plus comme de la colle (sticky media) : au contraire, ils partent désormais à la recherche de leurs publics et s’y agrippent, se laissant modifier (remixer, transformer) en fonction des différents contextes, jusqu’à être transportés dans des territoires nouveaux, selon un modèle reposant sur la participation des usagers. L’ouvrage est organisé en sept chapitres, des instructions pour la lecture, une longue introduction (50 pages) et une conclusion. La structure même du projet reflète une logique convergente : tout au long du livre, les auteurs se réfèrent à “l’édition augmentée” que le lecteur peut consulter sur le site spreadablemedia.org et qui contient les articles écrits par des membres du Futures of EntertainmentConsortium (anciennement appelé Convergence CultureConsortium) du MIT ainsi que d’un riche réseau de chercheurs ayant participé, au fil des années, aux débats qui ont donné naissance au livre. La lecture de ces contributions offre souvent plus d’approfondissements théoriques ou historiques, voire méthodologiques, que le livre …

Parties annexes