Recherches anthropologiquesPrésentationAnthropological InquiriesPresentation[Notice]

  • Sally Ann Ness

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  • Sally Ann Ness
    Université Riverside de Californie / University of California Riverside

Cette livraison de RS/SI offre une contribution nouvelle à une longue et dynamique tradition intellectuelle dans le domaine de l’anthropologie. C’est à compter des années 1950 environ, et ce, pendant plusieurs décennies, que la sémiotique s’est imposée comme une véritable pierre angulaire de la théorie anthropologique. Or, avec l’essor des études sur la mondialisation et leurs orientations théoriques plus portées vers l’analyse politique et économique, on pourrait croire que l’hégémonie de la sémiotique bat de l’aile chez les anthropologues aujourd’hui. Pourtant, l’application de la sémiotique et de ses outils conceptuels à l’ensemble du champ anthropologique et à ses sous-domaines (anthropologie culturelle et linguistique, archéologie, anthropologie biologique et physique), demeure à la fois féconde et nécessaire. Cela vaut tout particulièrement pour les recherches anthropologiques sur le genre (gender) et la sexualité, la race et le racisme, le postcolonialisme, sur l’espace et les paysages, ou encore sur la “performativité” culturelle, c’est-à-dire en somme, pour tous ces sujets de recherche dont l’analyse repose en définitive sur les notions de “construction culturelle” et/ou de “discours”. À cet égard, il conviendrait tout autant de s’interroger sur ce qu’on devrait inscrire aujourd’hui sous la rubrique de l’“anthropologie sémiotique”, que de rendre compte de ce que devraient être ses visées et ses motivations. Le terme “sémiotique” a été employé de différentes manières en anthropologie et a donné lieu à plusieurs courants en recherche, lesquels possèdent tous une histoire distincte. Le plus ancien usage du terme est généralement associé à l’oeuvre de Claude Lévi-Strauss (1963) et à la révolution structuraliste des années 1950. Les sources théoriques de ce mouvement se trouvent dans la sémiologie structuraliste de Ferdinand de Saussure (2000[1915]) et de Roman Jakobson (1981). Aujourd’hui, l’opinion commune veut que le structuralisme ait été soit largement supplanté par la théorie poststructuraliste derridienne, soit complètement abandonné depuis le “tournant herméneutique” des années 1970 et 1980 (Rabinow 1979). Malgré tout, les théories fondatrices de Lévi-Strauss continuent d’être fertiles, et ce, tout particulièrement du côté de l’anthropologie culturelle. Bien qu’ils demeurent souvent implicites, en effet, les modèles oppositionnels et relationnels du signe qui distinguent la sémiologie structuraliste continuent de fournir un cadre méthodologique aux études anthropologiques du genre (gender), de la culture visuelle, du tourisme, de l’art, des rituels et de la religion. Dans ce numéro, cette influence de la sémiologie structuraliste se fait sentir dans l’article de Ryo Morimoto, qui évoque au passage les théories saussuriennes du signe linguistique pour analyser un changement de perspective à propos de l’énergie nucléaire au Japon. Hormis une certaine rémanence de la sémiologie au sein de la mouvance (post)structuraliste en anthropologie, force est de reconnaître que la sémiotique a également offert un cadre conceptuel déterminant pour le courant “herméneutique” mentionné ci-dessus. C’est le cas chez Clifford Geertz, fondateur et principale figure de proue de ce courant. Geertz, toutefois, renvoie le terme “sémiotique” non plus du côté de la sémiologie linguistique de Saussure ou de Jakobson, mais plutôt du côté des travaux du philosophe Ernst Cassirer (1965). Or la “sémiotique” de Cassirer, rappelons-le, consiste à mettre l’accent sur les visées sociales et sur l’interconnectivité des formes symboliques. Chez Geertz, le recours à Cassirer permettra d’élaborer des méthodes (ainsi qu’une écriture) anthropologiques essentiellement ethnographiques. Quoique rarement reconnue de manière très explicite, la théorie sémiotique de Cassirer, de par l’ascendant qu’elle a exercée sur Geertz et sur ses disciples, demeure une influence importante (et en constante évolution) chez presque tous ceux qui pratiquent aujourd’hui une forme d’ethnographie interprétative. Parmi les article réunis ici, ce sont sans doute ceux de Ken Little et de Justine Lemos qui évoquent le plus nettement cette tradition. Les …

Parties annexes

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