TY - JOUR ID - 1037147ar T1 - La topique des phonèmes A1 - Coursil, Jacques JO - Recherches sémiotiques / Semiotic Inquiry VL - 34 IS - 1-2-3 SP - 75 EP - 96 SN - 0229-8651 Y1 - 2014 Y2 - 28 mars 2024 07:27 PB - Association canadienne de sémiotique / Canadian Semiotic Association LA - FR AB - Le Cours de Linguistique Générale consacre deux chapitres à la phonologie sous les titres “Définition des phonèmes” et “Le Phonème dans la chaîne parlée”. Ces textes se présentent aujourd’hui sous le double aspect d’une question d’histoire des sciences non-résolue et d'une question théorique ouverte, l’irrésolution de la première masquant l’intérêt systémique de la seconde.Critiqués dès 1930 par les théoriciens de l’École de Prague (Troubetzkoy, Jakobson), les Principes de Phonologie de Saussure ont perdu tout crédit scientifique et sont tombés dans l’oubli. La critique des Pragois est à la fois élogieuse et sévère. Tout en se réclamant de son caractère fondateur, ils reprochent à la théorie saussurienne d’être contradictoire, mêlant, selon leurs analyses, deux disciplines devant demeurer distinctes, la phonétique et la phonologie. Les contradictions relevées par les maîtres de l’École de Prague paraissent, en effet, évidentes. D’une part Saussure écrit : “L’essentiel de la langue est étranger au caractère phonique du signe linguistique” (CLG : 21) ou “la question de l’appareil vocal est secondaire dans le problème du langage” (CLG : 26); mais d’autre part, il affirme que “la liberté de lier les espèces phonologiques (phonèmes) est limitée par la possibilité de lier les mouvements articulatoires” (CLG : 79). On ne peut, en effet, soutenir la nécessité d’une distinction stricte entre traits différentiels de langue et mécanique articulatoire et, en même temps, affirmer que la délimitation des phonèmes dépend de contraintes de l’appareil vocal. Ainsi Troubetzkoy et Jakobson reprocheront-ils au maître genevois de réintroduire la phonétique dans le débat phonologique.Mais il y a malentendu. En confrontant les critiques pragoises aux textes de Saussure, on découvre, à la place des contradictions attendues, la description d’un système double de catégories et de fonctions dont chaque partie, dûment développée, aboutit à une loi. La thèse de Saussure maintient strictement (mais subtilement) la distinction entre phonétique et phonologie, contrairement aux allégations des Pragois. Dans une lecture systémique des Principes de Phonologie de Saussure, nous n’avons trouvé ni les “contradictions” ni le “psychologisme naïf” ni non plus de “retour aux procédés de la phonétique motrice” que Jakobson avait critiqués. Il s’agit dans cet article de reconstruire et tester ce modèle saussurien discrédité. Les historiens des sciences auront alors à nous expliquer l’étonnante indifférence dans laquelle est tombée une analyse (si opérante et importante) placée au milieu du livre le plus lu de la linguistique générale. AB - Ferdinand de Saussure’s Course in General Linguistics (CLG in French), edited and published by Charles Bally and Albert Sechehaye in 1916, contains two chapters on phonology : “Definition of the Concept of Phoneme” and “The Phoneme in the Spoken Chain”. These texts were criticised by Nicolas Troubetzkoy (1949) and Roman Jakobson (1976) and judged inconsistent and as a result lost their scientific credibility and are mostly forgotten today. Prague School criticism was simultaneously laudatory and harsh. Recognizing the highly original nature of Saussure’s contribution, it was criticized for being contradictory in its amalgamation of phonetics and phonology. And clearly, some passages from the Course in General Linguistics appear to support Troubetzkoy’s and Jakobson’s claim. Yet, this view rests on a misunderstanding.Close reading of Saussure shows rather that he sought to describe a double system of categories and functions uncovering a linguistic law. Saussure’s thesis strictly – but subtly – maintains the disctinction between phonectics and phonology, contrary to the assertions of the Prague linguists.Indeed a systematic reading of Saussure’s Principes de phonologie shows no “contradiction”, no trace of any “naive psychologism”, nor a “return to procedures of motor phonetics” as Jakobson would have it. In this article, I therefore endeavor to reconstruct and test Saussure’s discredited model. I leave it to historians to explain how it is such a key and operational analysis set midway through the most widely read general linguistic treatise could have fallen into such indifference. DO - https://doi.org/10.7202/1037147ar UR - https://id.erudit.org/iderudit/1037147ar L1 - https://www.erudit.org/fr/revues/rssi/2014-v34-n1-2-3-rssi02602/1037147ar.pdf DP - Érudit: www.erudit.org DB - Érudit ER -