Corps de l’article
Bien que ses racines s’ancrent jusque dans la Grèce ancienne, la biosémiotique est une entreprise somme toute récente. D’un mot discret forgé dans les années soixante, la biosémiotique est devenue une discipline solidement établie avec un programme de recherche en pleine expansion. Une étape décisive dans son implantation fut son institutionnalisation, avec des rassemblements, des revues et des livres dédiés, et son inscription progressive dans les programmes universitaires. Cela ne signifie pas pour autant que les qualités et caractéristiques identitaires de la biosémiotique soient arrêtées. Bien au contraire. Dans “The Evolutionary history of Biosemiotics”, Don Favareau organise les différents moments de la recherche biosémiotique en une histoire convaincante et termine son article ainsi :
Tout ce qu’il me reste à faire maintenant, en tant qu’historien du projet [biosémiotique] et membre de sa communauté, c’est d’accueillir tous les lecteurs à cette interdiscipline jeune et prospère, et de la part de mes collègues en biosémiotique partout, de vous inviter à contribuer activement à son histoire en cours.
2007
Ce numéro thématique sur les marges de la biosémiotique se veut une de ses contributions aux développements contemporains de la recherche sur les relations de signes dans et avec des systèmes vivants. Je suis heureux et reconnaissant qu’il paraisse dans les pages de la revue canadienne RS•SI.
À l’hiver 2017, j’ai donné un séminaire au programme de sémiotique de l’Université du Québec à Montréal intitulé Signes vivants. La biosémiotique et ses marges. Toutes les personnes inscrites étaient bien avancées dans leur parcours, mais pour des raisons variées (principalement linguistiques et culturelles), la plupart en étaient à leur première rencontre avec la biosémiotique. Puisque l’objectif principal du séminaire consistait à expliciter des relations de signes dans des systèmes vivants, nous avons évidemment lu des textes de biosémiotique fondamentaux et contemporains. Mais compte tenu de l’identité du programme doctoral (traditionnellement plus proche des humanités et des arts) et de l’orientation que j’ai voulu donner à ce séminaire de recherche, j’ai cru bon de mettre à l’étude des textes et des enjeux extérieurs à la biosémiotique, mais résolument engagés avec des questions touchant au signe, au sens, à l’interprétation, et au vivant – ce que j’appelle les marges de la biosémiotique. Cette activité d’enseignement a informé ce numéro thématique.
En rédigeant l’appel de textes de ce numéro thématique, j’ai explicitement lancé un défi aux biosémioticiens et aux biosémioticiennes : celui de jeter leurs lignes dans des eaux peu familières, mais prometteuses, Défi que j’ai réitéré aux individus ayant un accès limité à la biosémiotique mais qui se sentent interpellés par ce qu’elle peut offrir. L’idée était de troubler la disciplinarité : de troubler les autres avec la biosémiotique, et de troubler la biosémiotique elle-même avec des rencontres inattendues. La nature de cet exercice suppose que j’aurais envisagé, avec plaisir, un plus grand nombre de contributions, couvrant une encore plus grande diversité de questions. Mais la nature de cet exercice, bis, exigeait aussi que je sélectionne un nombre représentatif, raisonnable et définitif de manuscrits. En quelques mots, voici l’essentiel des quinze propositions choisies.
Prisca Augustyn interroge la marginalité de la biosémiotique et de la biolinguistique dans les sciences linguistiques et cognitives contemporaines. Dans son article, elle rappelle aux lecteurs et aux lectrices que le langage n’est pas uniquement un phénomène culturel, un instrument de communication entre individus d’un héritage commun, mais bien un système de modélisation propre à l’espèce humaine, un outil cognitif, et qu’il doit être étudié comme tel. Augustyn attire notre attention sur des courants émergents dans la linguistique et les sciences cognitives qui intègrent des concepts biosémiotiques, parfois timidement et parfois de manière implicite. Une véritable rencontre entre la biosémiotique et ces autres disciplines déplacerait la recherche linguistique au-delà de la taxonomie et de la catégorisation, dans la chair des locuteurs et locutrices. Les linguistes devront par ailleurs sérieusement considérer la diversité de la biosémiose, au sein des populations humaines et au-delà, telle qu’elle s’exprime dans d’autres espèces. Dans son article, qui traite des comportements de signalisation, Yogi Hale Hendlin poursuit ce questionnement. Son objectif est de préciser les implications éthiques des sémioses interespèces, et spécifiquement autres qu’humaines. La contribution de Hendlin comprend une liste opérationnelle de cas d’éthique interespèce; celle-ci devrait être vue comme une invitation aux éthiciens et éthiciennes à réfléchir aux préjugés proprement humains dans leur discipline qui pourraient les empêcher de reconnaître et de mesurer pleinement des expressions d’un comportement éthique.
Dans son évolution en un champ de connaissances portant sur toutes les relations de signes dans les systèmes vivants, la biosémiotique a rigoureusement contribué à la critique du logo- et du linguocentrisme normatifs. Des processus de signes s’expriment de moultes façons, par l’entremise, par exemple, de flaveurs, de sons, de lumière, de sensations tactiles et motiles, et au travers des relations multimodales. L’idée de sémiose multimodale, et les espaces interreliés dans lequel vivent et croissent des organismes, est au coeur de l’article de Judith van der Elst. L’espace n’est pas qu’une métaphore, et il ne se limite absolument pas à l’information visuelle (géométrique) : les organismes vivent au sein de mondes sensoriels variés que, bien souvent, ils combinent. Portant son attention sur l’abeille européenne (Apis mellifera) et sur des relations expérientielles avec le territoire, Elst souligne l’impact des activités humaines sur les mondes sensoriels des autres qu’humains, des mondes qui ne sont pas toujours traduisibles dans des modes de communications logocentriques. Mark Reybrouck, pour sa part, décrit l’adaptation aux sons et à la musique comme une connaissance expérientielle au monde environnant. Les phénomènes vibratoires, les sons, constituent un environnement distinct dans lequel un organisme peut puiser; la musique, plus élaborée, apparaît alors comme un résultat construit, interactif, qui découle de la relation entre auditeurs/trices et leur environnement signifiant. Finalement, Paul Cobley se penche sur le mouvement, j’oserai même dire la traduction, dans la communication verbale et non verbale – spécifiquement visuelle. Ce faisant, il nous invite à réfléchir au concept de contrainte, c’est-à-dire le phénomène par lequel une trajectoire sémiosique est adoptée au détriment d’une autre. Les signes grandissent et Cobley nous rappelle que cette croissance n’est pas le fruit d’un comportement aléatoire, mais bien d’un comportement organisé.
Depuis l’âge d’or de la sémiologie structurale, l’étude des signes a été liée de très près à la littérature, autant dans un sens disciplinaire qu’institutionnel. Si à première vue la biosémiotique et les arts littéraires semblent former un étrange ménage, les articles signés par Pierre-Louis Patoine et Kimo Reder devraient confondre les sceptiques. S’appuyant sur les romans et essais de William Burroughs, des textes chargés de sensualité et de sexualité, Patoine nous invite à réfléchir aux habitudes de pensées qui surgissent à partir d’expériences linguistiques incarnées qui touchent à la syntaxe et à la progression narrative. La construction de sens dans des dynamiques linguistiques et biologiques sont chacune à leur manière des pratiques de codification d’unités discrètes (dont les relations peuvent être plus ou moins stéréotypées). L’enjeu en est un de décontextualisation et de recontextualisation des signes. Pour sa part, Reder nous invite à (re)découvrir la poésie de Walden, l’oeuvre phare de Henry David Thoreau. Reder attire notre attention sur les jeux de langage, entendus ici comme des processus littéralement vivants. Ici, des théories linguistiques occultes et des jeux de mots de Thoreau sont présentés comme ayant anticipé des découvertes en génétique et des pratiques contemporaines en bioart. Il ne serait pas exagéré de dire que le langage occupe le centre de la littérature; la biosémiotique rappelle que le sens de ce langage dépend de sa matérialité incarnée qui affecte les oeuvres artistiques. L’article de Marcel Danesi développe cette idée, en effectuant un retour à Mikhaïl Bakhtine, le critique littéraire et sémioticien de la culture, afin d’expliciter les fondements biologiques de la culture populaire. Danesi soutient que l’universalité de la culture profane, populaire – au-delà des contingences géographiques et historiques – pourrait s’expliquer comme l’expression ou la traduction de processus biologiques. Dans ce sens, les oeuvres de l’art et de l’imagination résulteraient d’actions biologiques sémiotisées qui n’opèrent pas dans les limites restreintes du logos.
L’article de Thomas Long sur les soins infirmiers sonde l’un des plus anciens fondements épistémique et pratique de la sémiotique : le soin. Long rend explicite les bases biosémiotiques des recherches consacrées à la douleur chez les nouveaux-nés et les adultes âgés. La complexité de l’enjeu est ici la traduction du ressenti de l’expérience physique dans le langage naturel intervenant dans l’échange entre patients et professionnels de la santé. Dans des juridictions où l’assistance médicale à mourir est légalisée, comme ici au Canada, ou comme c’est le cas pour l’épidémie sans précédent d’abus d’opioïdes, la douleur devient rapidement, on le comprend, un enjeu crucial. L’article de Long illustre l’applicabilité de la (bio)sémiotique et le fait que les (bio)sémioticiens et (bio)sémioticiennes sont activement attachés à des enjeux sociaux contemporains. Cela résonne avec une tendance contemporaine en biosémiotique à l’engagement politique, attestée notamment dans l’article de Wendy Wheeler et celui cosigné par Myrdene Anderson et Elize Bisanz. Wheeler fait remarquer que les constructions sociales et culturelles humaines ne sont ni autonomes, ni abstraites, mais qu’elles sont plutôt incarnées, au monde, et qu’elles évoluent avec des processus biologiques autres qu’humains. En découlent des conséquences politiques qu’il serait mal avisé d’ignorer : des décisions (qu’elles soient heureuses ou non) prises dans la sphère culturelle humaine sont en adaptation mutuelle avec des relations de sens déployées ailleurs dans le monde naturel. Ces relations construisent une mémoire aussi bien naturelle que culturelle et informent les actions, tant individuelles que collectives. Anderson et Bisanz, de leur côté, concentrent leur attention sur les implications biosémiotiques et biopolitiques de l’accroissement de la population humaine et sur le harnachement des utérus. La croissance fulgurante de la démographie humaine est préoccupante puisqu’elle pèse lourdement sur les ressources limitées de la planète Terre – entendu ici non seulement comme la scène des États-nations, mais comme l’habitat ultime et partagé de tous les organismes vivants connus. Des réflexions critiques sur l’accroissement démographique sont souvent tabou or, Anderson et Bisanz fournissent des arguments biosémiotiques à la recherche sur la décroissance, interrogeant ainsi les exhubérantes habitudes de procréation et de consommation.
Victoria Alexander et Stephanie Walsh Matthews explorent, dans leurs articles respectifs, les différences entre la biosémiose et l’intelligence artificielle, ou la robosémiose. S’attardant aux articles tardifs de Alan Turing, Alexander insiste sur l’unicité de la sémiose dans des systèmes vivants et la création d’habitudes qui en découle (versus les machines qui s’appuient sur des codes et des algorithmes). Matthews, de son côté, insiste sur les capacités limitées des robots à déployer des métaphores, contrairement aux organismes vivants (et particulièrement les humains, par l’entremise du langage symbolique) qui eux excellent dans la métaphorisation. Ces articles evisagent les erreurs, l’apprentissage, l’expérience/la mémoire, la construction d’habitudes, la métaphorisation (qui inclut des jeux de mots et des blagues) comme des éléments clés de la biosémiose. Les machines peuvent être bonnes à reproduire et à renforcer les stéréotypes. La soi-disant intelligence artificielle est, en effet, rarement destinée à être “intelligente”, mais simplement à être mise au service d’une technologie standardisée, automatisée visant à prendre des décisions de manière efficace et efficiente. En revanche, les capacités sémiosiques des systèmes vivants et la force sémiosique facilitent la création d’actions collectives plus riches.
Thierry Bardini souligne dans son article les liens entre les théories biosémiotiques et celles des sciences de la communication/de l’information. Il plaide en faveur d’une reconnaissance de la convergence des codes dans les systèmes biologiques et ceux qui se déploient dans la cybernétique et dans les technologies des médias. La biologie envisage un tournant synthétique où des expériences humaines assistées par ordinateurs et menées en laboratoire seront créatrices de vie. Mais un tel paradigme nécessite que nous décortiquions l’usage littéral en biologie moléculaire de mots comme “information”, “programme”, “alphabet”, “message”, “signal”, “media” et, spécialement, “code”. Timo Maran nous plonge également dans des questions d’ordre théorique qui articulent un vocabulaire interdisciplinaire dans son article qui se veut une réflexion critique sur les concepts employés en sémiotique et les préjugés (parfois inconscients) que ces concepts servent à consolider. Au cours du dernier siècle, la sémiotique a évolué sous l’influence d’autres disciplines, incluant la linguistique, la littérature, et les sciences de l’information et de la communication. Maran propose que la forêt devienne un modèle théorique pour la recherche en biosémiotique – un modèle qui est immanquablement engagé dans un réseau sémiosique grouillant et multimodal. Évidemment, cette forêt a un sens pour les gens d’une culture particulière; le texte de Maran devrait être vu comme une invitation aux lecteurs et lectrices de réfléchir aux particularités des autres systèmes écologiques (par exemple des déserts, des prairies, l’eau, l’air, etc.) et aux impacts que leur modélisation pourraient avoir sur la recherche.
En terminant ce numéro thématique, je me demande en quoi ces articles contribuent à l’exploration des marges de la biosémiotique. Peut-être ai-je côtoyé ces textes trop longtemps, mais ils semblent tous poser des questions profondément biosémiotiques. Au fond, la biosémiotique ne serait-elle pas essentiellement plastique? Ou, comme le savent les sémioticiens et sémioticiennes de la culture, les marges finissent souvent incorporées aux centres. C’est bien vrai. Mais tous les auteurs, toutes les auteures, ont pris le risque, et relevé le défi de l’interdisciplinarité.
En ce qui concerne ce numéro thématique, je me dois de partager un regret : la disparité bien malheureuse entre le nombre de contributions en langue anglaise et française. RS•SI est après tout une revue bilingue et cette unicité se doit d’être protégée et célébrée. Sachant que la recherche en biosémiotique demeure menée principalement en anglais comment ne pas penser que davantage de cette recherche rédigée en langue française contriburait à une plus large propagation des concepts et des théories biosémiotiques. Mais l’objectif n’est pas seulement la “colonisation” biosémiotique, pour ainsi dire, des milieux de recherche autres que ceux de l’anglophonie. Plus important encore, la diffusion de concepts et de théories biosémiotiques en français entraînerait forcément leur adaptation puisque les francophones possèdent leurs références, leurs habitudes, et leurs institutions. Espérons que davantage de biosémiotique francophone (et autre qu’anglophone) soit en route.
Pour conclure, je remercie de tout coeur les personnes qui se sont impliquées dans ce projet, autant les auteures et auteurs, et l’équipe éditoriale. À ce stade je ne peux qu’espérer que les pages à venir servent à inspirer d’autres explorations dans les marges de la biosémiotique. Bonne lecture à toutes et à tous.
Though its roots are deep, extending back to the ancient Greeks, biosemiotics per se is a fairly recent enterprise. From a discrete word coined in the 1960s to a field cleared at the turn of the millennium, biosemiotics has established itself as a solid and expanding research agenda. A decisive step forward in the long-term implantation of biosemiotics has been its institutionalisation, with dedicated gatherings, journals, books, and its progressive inscription in university curricula. However, this is not to say that the identifying qualities and features of biosemiotics are definitively established. After organizing the different moments of biosemiotics research in a compelling history, Don Favareau closes his article “The evolutionary history of biosemiotics” in the following manner :
[A]ll that is now left for me to do as a historian of the [biosemiotic] project is to welcome all our readers to this thriving young interdiscipline and, on behalf of my colleagues in biosemiotics everywhere, to invite you to actively contribute to its ongoing history.
2007
This special issue on margins of biosemiotics is intended as one such contribution to the current developments of the study of sign relations in/with living systems. I am glad and grateful that it appears in the pages of the Canadian journal RS•SI.
In the winter semester of 2017, I taught a seminar in the semiotics program at the Université du Québec à Montréal entitled Living signs. Biosemiotics and its margins. All students were well advanced, but for various reasons (principally linguistic and cultural) most of them were engaging with biosemiotics for the first time. Since the main subject of this seminar consisted in explicating sign relations in living systems, we obviously read texts of fundamental and contemporary biosemiotics. But considering the identity of the doctoral program (traditionally closer to the humanities and the arts) and the orientation I wanted to give to this research seminar, I thought it would be particularly relevant to examine texts and issues from outside of the core biosemiotics, but resolutely engaged with questions pertaining to signs, meaning and interpretation in relation to life – what I refer to as the margins of biosemiotics. This teaching activity informed the current special issue.
Explicitly stated in the call for papers of this special issue was a dare : a dare to biosemioticians “proper” to cast their lines in unfamiliar but auspicious waters, and a dare to those whose access to biosemiotics is limited but who are concerned by what it has to offer. The idea was to trouble disciplinarity : to trouble others with biosemiotics, and to trouble biosemiotics itself through unexpected encounters. The very nature of this exercise meant that I could have, and would have gladly, considered so many more contributions, covering an even wider diversity of questions. But, the nature of this exercise, bis, also required that I select a representative, reasonable and definitive number of manuscripts. The presentation of the fifteen selected propositions follows.
Prisca Augustyn questions the marginality of biosemiotics and biolinguistics in contemporary linguistics and cognitive sciences. In her article, she reminds readers that language is not only a cultural phenomenon, an instrument of communication between individuals of a common heritage, but a human-specific modeling system, a cognitive tool and should be studied as such. Augustyn draws our attention to emerging currents in mainstream linguistics and cognitive sciences that integrate, sometimes tentatively and not always explicitly, biosemiotic concepts. A proper encounter of biosemiotics with these other disciplines, would move linguistic research beyond taxonomy and categorisation, and into the flesh of speakers. This also implies that linguists seriously consider the diversity of biosemiosis, within human populations and without, as expressed by other species. Yogi Hale Hendlin’s article on signalling behaviour in and between species continues this vein of questioning. Here, the objective is to flesh out ethical implications of inter-species, and specifically other-than-human, semioses. Hendlin’s contribution includes a working list of cases of interspecies ethics; this should be seen as an invitation extended to ethicists to reflect on any human-specific biases within their discipline that might prevent them from appreciating and fully measuring expressions of ethical behaviour.
As biosemiotics evolved into a body of knowledge concerning all sign relations in living systems, it rigorously contributed to the critique of, heavily normed, logo- and linguacentricism. Signs processes express themselves in a variety of ways, for example through flavours, sounds, light, tactility and motility, and through multimodal relations. This idea of multimodal semiosis, and the resulting interwoven spaces in which organisms live and grow, is at the heart of Judith van der Elst’s article. Space here is not only a metaphor, and it is definitely not limited to visual (geometric) information : organisms live in and combine varied sensory worlds. Focusing on the Western honey bee (Apis mellifera) and on experienced relationships to land, Elst underlines the impacts of human activities on the sensory worlds of other-than-humans, worlds that are not always translatable in logocentric modes of communication. Mark Reybrouck, on his part, describes the coping of sounds and music as experiential knowledge of one’s surrounding world. Vibrational events that are sounds constitute a distinct environment into which organisms can tap into; the more elaborate creation of music appears as a built, interactive outcome of the relation between listeners and their meaningful surroundings. Finally, Paul Cobley addresses the movement, I daresay the translation, in verbal to non-verbal – specifically visual – communication, in order to reflect on the concept of constraint, namely the phenomenon by which one semiosic pathway is adopted over another. Sign relations grow, and as Cobley argues, this growth is not a random behaviour, but one which expresses organisation.
Since the heyday of structuralist semiology, the study of signs has been closely linked to literature, in a disciplinary and institutional manner. If, at first glance, biosemiotics and the literary arts may appear to be strange bedfellows, the articles penned by Pierre-Louis Patoine and Kimo Reder serve to dispel this idea. Relying on the sensually and sexually charged novels and essays of William Burroughs, Patoine invites readers to reflect on the habits of thought that arise from embodied linguistic experiments with syntax and narrative progression. Meaning-making in both linguistic and biological dynamics, are coding practices that very much depend on the relations between units (relations that can be more or less stereotypical), the de- and recontextualizations of signs. Reder invites us to (re)discover the poetry in Walden Henry David Thoreau’s masterpiece. Reder draws our attention to word-play as a literally living process. Here, occult linguistic theories and Thoreau’s puns anticipate discoveries in genetics and contemporary practices in bioart. Language is pretty much at the heart of literature; biosemioticians remind literary scholars that this language makes sense only if it is seen through the lens of embodied materiality that impacts on artistic works. Marcel Danesi’s article expands on this idea, returning to Mikhail Bakhtin, the literary critic and semiotician of culture, in order to expatiate on the biological underpinnings of popular culture. Danesi argues that the universality of profane, popular culture, across geographical and historical contingencies, could be explained as an expression or translation of biological processes. In this case, works of art, works of imagination, would be the result of semiotized biological actions that do not limit their operations within the restricted bounds of logos.
Tomas Long’s article on nursing is a contribution to one of the oldest epistemic and practical foundations of semiotics : healthcare. Long makes explicit the semiosic underpinnings of pain research in neonates and older adults. What is at stake is the complicated and sometimes deceitful translation of felt experiences by patients to language, language that is shared between patients and healthcare providers. Especially in jurisdictions where medical assistance in dying is legal, such as here in Canada, and in the midst of a calamitous epidemic of opioids abuse, pain is fast becoming a crucial issue. Long’s article makes clear the practicality of (bio)semiotics and the fact that (bio)semioticians are actively committed to contemporary social issues. This is in line with a contemporary tendency in biosemiotics to engage with political questions, as attested in Wendy Wheeler’s article, and the article co-written by Myrdene Anderson and Elize Bisanz. As Wheeler argues, human social and cultural constructs are hardly autonomous, abstract phenomena; rather they are embodied, enworlded and evolve alongside other-than-human biological processes. This has political consequences one would be ill-advised to ignore : decisions (felicitous or not) made in the sphere of human culture are in mutual adaptation with meaning-making relations elsewhere in the natural world. These relations build overlapping (nature/culture) memories and inform actions (individual and collective). Anderson and Bisanz, for their part, focus on the biosemiotic and biopolitical implications of human population growth and the harnessing of women’s wombs. Human population size is a cause for concern as its unstinted increase inevitably strains the limited resources of planet Earth – understood here not only as the stage of nation-states, but the ultimate and shared habitat of all known living organisms. Critical reflections on population growth are often taboo, yet Anderson and Bisanz contribute biosemiotic arguments to research being done on degrowth, in effect questioning the profuse habits of procreation and consumption.
Victoria Alexander and Stephanie Walsh Matthews both explore, in their respective articles, the differences between biosemiosis and artificial intelligence, or robosemiosis. Reading Alan Turing’s late papers, Alexander insists on the uniqueness of semiosis in living systems, and the resulting creation of habits (versus machines that rely on codes and algorithms). Matthews, on her part, insists on the limited capacities of robots to deploy metaphors, something living organisms (and especially humans, through language and symbol use) excel at. These articles point to mistakes, learning, experience/memory, habit-building, metaphorization (which also include puns and jokes), as key elements of biosemiosis. Machines may be good at reproducing and reinforcing stereotypes; artificial intelligence, so-called, is rarely meant to be “intelligent”, but simply put to use in standardized, automatized technologies of effective and efficient decision-making. By contrast, the semiosic capacities of living systems, and the semiosic force of humans, enables the creation of richer collective activities.
Thierry Bardini’s article emphasizes the links between theories in biosemiotics and in the communication/information sciences. He makes a case for the recognition of the convergence of codes in biological systems and those at play in cybernetics and media technologies. Bardini’s point is that biology is envisaging a synthetic turn, where computer-assisted, and laboratory-driven human experiments will create life. Yet this requires that we unpack the literal use in molecular biology of words such as “information”, “program”, “alphabet”, “message”, “signal”, “media” and, specially “code”. Theoretical questions hinging on interdisciplinary vocabulary, are also at the heart of Timo Maran’s article, a critical reflection on the concepts that are used in semiotics, and on the (often times unconscious) biases that those concepts consolidate. In the past century, semiotics evolved under the influence of other disciplines, including linguistics, literature, and information and communication sciences. Maran proposes that forest becomes a theoretical model for biosemiotic research – one that is inevitably engaged in a swarming, multimodal network of semiosis. Obviously this forest is meaningful to people of a certain culture; Maran’s piece should invite readers to think about specificities of other ecological systems (i.e. deserts, grasslands, water, air, etc.) and on the impacts their modelisation could have on research.
As I put the finishing touches to this special issue, I ask myself in what way these articles contribute to the exploration of biosemiotic margins. Maybe I have dwelled with these texts for too long a period, but they all now seem to ask questions that are thoroughly biosemiotic. Maybe biosemiotics is essentially plastic? As cultural semioticians well know, the margins often end up integrated into the centres. True. But all authors went out on an interdisciplinary limb and that was where laid the dare.
Concerning this special issue, I must convey one regret : an unfortunate disparity in the number of French and English language contributions. RS•SI is, after all, a bilingual journal and this unique trait should be watched over and celebrated. In addition, biosemiotic research is still mostly practised and expressed in English; more of this research in French would imply an even greater dissemination of biosemiotic concepts and theories. But the objective is not only for biosemiotics to “colonize”, so to speak, other-than-English academia. More importantly, the expression of biosemiotic research in French would entail its adaptation, as French speakers have their references, their habits, their institutions. Hopefully, more French (and other-than-English) biosemiotics is on the way.
To conclude, I wish to very heartily thank everyone involved in this project, both the authors and the editorial team. At this point, I can only hope that the following pages will serve to inspire more explorations of the margins of biosemiotics. Good reading to all.