Avant-propos[Notice]

  • Justin K. Bisanswa

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  • Justin K. Bisanswa
    Université Laval

Ce numéro fait suite aux numéros 78 de Présence Francophone et vol. 43, nº 1 d’Étudeslittéraires. Il rassemble huit figures du roman africain que la critique historique et diachronique distingue généralement à la suite du contexte d’émergence. Les analyses des oeuvres et des romanciers qui le constituent se proposent, chacune à sa manière, de montrer comment le roman africain est un puissant instrument qui décrypte le réel, figure l’Histoire et déchiffre les rouages et les mécanismes de la société. Cette période court, pour ce numéro, d’Ahmadou Kourouma, qui, en 1968, avec Les soleils des indépendances, a assuré au roman africain un grand rayonnement triomphant, à Léonora Miano, qui célèbre, à sa façon, la grande réorientation de ce roman susceptible d’absorber le discours social dans sa diversité. Si Kourouma nous enchante par l’expression du désenchantement relative à la désillusion des indépendances, la mise en scène du discours social à propos de l’identité des Africains dits de la diaspora intéresse Miano. À une comédie humaine répond une autre. Il y a donc une sorte de témérité ou même de coup de force incompréhensible à chercher à mettre en relation les romanciers africains avec la notion baudelairienne de modernité. Dans sa recension, publiée dans Acta fabula de février 2013, du numéro de Présence francophone que j’ai récemment dirigé, Pierre Halen m’invitait à articuler plus explicitement, « pour la clarté du débat », cette notion de « modernité ». D’abord, il nourrissait un soupçon, voire une suspicion sur « l’idée (idéalisante, forcément) de la beauté mystérieuse » par rapport à l’environnement social et historique du roman africain, c’est-à-dire à l’engagement par lequel le définit généralement la critique. En deuxième lieu, l’individualité du sujet moderne, qui l’enveloppe dans sa solitude, contraint l’artiste à s’enfermer dans « la fonction auteur », et à s’écarter de la « fonction de porte-parole d’une communauté quelconque, ou de héraut d’une cause ». Enfin, pour Pierre Halen, il conviendrait d’articuler « cette conception – baudelairienne – de la modernité (qui en soi, a tout de même produit un discours essentiellement conservateur à propos de – l’Art pour l’Art) et la question du désenchantement, voire du dés(sen)gagement idéologique. » Je pensais la notion trop connue par les spécialistes pour devoir y revenir. Reprenons donc. Baudelaire construit sa théorie de la modernité de 1845 à 1862, soit pendant 17 ans, en rattachant l’oeuvre d’art à la fois à la beauté et aux sollicitations immédiates du monde contingent. Dans un premier temps, la modernité se confond avec le « rapport perpétuel, simultané, de l’idéal avec la vie. » En 1845, Baudelaire évoque et formule le motif du « moderne », le « côté épique » de « la vie actuelle ». Une année après, il affine sa théorie et approfondit la perspective : « Toutes les beautés contiennent, comme tous les phénomènes possibles, quelque chose d’éternel et quelque chose de transitoire, - d’absolu et de particulier. » Chaque époque a sa beauté, selon Baudelaire, et chaque artiste possède la capacité d’« idéalisation ordinaire et accoutumée ». Mais Baudelaire va progressivement conceptualiser sa notion de la modernité, se voulant attaché au monde de son temps, dont il parle et qu’il interpelle : « le spectacle de la vie élégante et des milliers d’existences flottantes qui circulent dans les souterrains d’une grande ville […] nous prouvent que nous n’avons qu’à ouvrir les yeux pour connaître notre héroïsme ». De ce fait, il historicise, paradoxalement, la beauté, alliant l’ancien et le nouveau, l’antique et le moderne, la beauté absolue et la beauté particulière. En 1863, Baudelaire consacre un article au dessinateur Constantin …

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