Notes de réflexion

Pour ajouter à tout ce « Tintamarre » : les défis de la critique en Acadie[Notice]

  • Ariane Brun del Re,
  • Benoit Doyon-Gosselin,
  • Catherine Voyer-Léger et
  • Pénélope Cormier

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  • Ariane Brun del Re
    Université d’Ottawa

  • Benoit Doyon-Gosselin
    Université de Moncton

  • Catherine Voyer-Léger
    Université d’Ottawa

  • Pénélope Cormier
    Université de Moncton

Au retour de l’été 2013, le journal l’Acadie Nouvelle prend toute la communauté artistique de l’Acadie par surprise en mettant fin, sans préavis et pour de bon, à la chronique « Tintamarre », que David Lonergan tenait depuis près de vingt ans. Du jour au lendemain, le seul espace de critique artistique produite en Acadie de manière continue disparait. Pour justifier sa décision, la direction du journal pointe du doigt la faiblesse du lectorat : selon un sondage mené auprès de ses lecteurs, la chronique n’était lue que par 11,5 % des lecteurs réguliers et 25,8 % des lecteurs occasionnels, des chiffres qui semblent pourtant peu catastrophiques pour un espace médiatique de ce type. La direction ne semble pas avoir tenu compte de la spécificité de la chronique pour évaluer sa portée, comparant plutôt son rendement à celui de ses autres chroniques. Or, une telle démarche rend mal l’importance d’un espace médiatique comme « Tintamarre ». Entre le 26 octobre 1994 et le 15 juin 2013, Lonergan écrit 1108 textes pour l’Acadie Nouvelle. Ce sont autant d’artistes qui obtiennent un retour sur leur travail et autant d’oeuvres qui sont présentées au public acadien. Comme « Tintamarre » est l’un des seuls espaces critiques des arts acadiens conçus pour le grand public, la chronique a permis « à plusieurs auteurs acadiens de sortir du giron universitaire et d’entrer dans les foyers du Nouveau-Brunswick, où ils ont pu rejoindre un lectorat non spécialiste » (Thibeault, 2010, p. 219). Il s’en trouve d’ailleurs pour tous les goûts : la chronique porte sur une variété de disciplines – roman, poésie, littérature jeunesse, arts visuels, musique, danse – et aborde avec un même intérêt les productions populaires comme les oeuvres plus artistiques. L’interruption de cette chronique est venue, encore une fois, rappeler la fragilité de l’institution littéraire acadienne. Le milieu se souvient vivement de la fermeture, en 2000, des Éditions d’Acadie et de celle, deux ans plus tard, de la revue de création éloizes. La chronique « Tintamarre » avait elle-même été interrompue une première fois en 2006. Comme Lonergan ne parvient plus à assumer une colonne hebdomadaire à lui seul depuis qu’il est devenu professeur de journalisme à l’Université de Moncton – de 2001 à 2003, il publie un texte par mois –, deux étudiants diplômés, Pénélope Cormier et Clint Bruce, viennent l’appuyer. Durant deux ans, de 2004 à 2006, ils animent cet espace médiatique en alternance. Sauf que ce nouvel arrangement ne plaît pas à la direction, pour qui une chronique devrait faire entendre la voix d’un seul individu. Cette fois-là, le journal cède aux pressions de la communauté artistique et accepte de rétablir « Tintamarre », à condition que Lonergan signe à nouveau un texte par semaine. Découlant d’une table ronde qui a eu lieu en août 2014 lors du colloque « L’Acadie dans tous ses défis », organisée en marge du Congrès mondial acadien et rédigé l’année suivante, le présent article revient sur la nouvelle et définitive fermeture de « Tintamarre » tout en s’interrogeant sur le rôle et les enjeux de la critique en Acadie. Il donne la parole à trois critiques littéraires qui ont oeuvré dans la communauté acadienne et ailleurs au pays. Dans un premier temps, Benoit Doyon-Gosselin, titulaire de la Chaire de recherche du Canada en études acadiennes et milieux minoritaires à l’Université de Moncton, retrace les suites de la fermeture de « Tintamarre » et examine certaines pistes pour remédier à l’absence de critique produite en Acadie. Par la suite, Catherine Voyer-Léger, auteure de Métier critique (2014), réfléchit à la vitalité d’un …

Parties annexes