Recensions et comptes rendusThéologie

André Wénin, Psaumes censurés. Quand la prière a des accents violents (Lire la Bible, 192). Paris, Cerf, 2017, 13,5 × 21cm, 198 p., ISBN 978-2-204-10432-6[Notice]

  • Marie de Lovinfosse

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  • Marie de Lovinfosse, cnd

Professeur émérite de l’Université de Louvain-La-Neuve, membre actif du Réseau de recherche en Narratologie et Bible (RRENAB), André Wénin est connu et apprécié pour ses analyses fines et créatives. Tel qu’il le laisse entendre dans le titre, l’A. entreprend d’étudier des psaumes qui ont été omis intégralement ou partiellement dans la liturgie catholique à partir du Concile Vatican II en raison de leurs propos violents : « L’hypothèse de ce petit ouvrage sera que, malgré tous ces obstacles qui suscitent autant de réticences plus que légitimes, on n’a pas avantage à les éviter, encore moins à les évacuer. » (p. 17) L’A. propose des pistes de lecture anthropologiques, théologiques et spirituelles pour approcher ces textes sans pour autant prétendre résoudre toutes les difficultés. Sa réflexion se développe à travers cinq chapitres. Dans les trois premiers chapitres, sont analysés des psaumes intégralement absents dans la liturgie catholique, c’est-à-dire les psaumes 58, 83 et 109. Dans le quatrième chapitre, l’A. aborde des psaumes qui ont été partiellement amputés, c’est-à-dire les psaumes 35, 69 et 59. Ils expriment le cri de personnes persécutées injustement qui supplient Dieu par des paroles violentes à l’endroit de leurs agresseurs. Dans le dernier et cinquième chapitre, l’A. montre que l’omission d’une partie significative, comme dans les psaumes 137 et 139, revient à passer sous silence le sens initial de la prière pour en rédiger une autre. Ce psaume remanié reflète non plus la spiritualité et la théologie de l’Israël biblique, mais celle de la personne qui a réarrangé le texte. En conclusion, l’A. souligne la fonction éducative des psaumes de supplication ou de lamentation, ainsi que l’importance de les prier. Pour chaque psaume considéré, l’A. procède à une étude dite littéraire – et non historique – minutieuse, en trois temps. Il commence par dégager la structure en tenant compte des répétitions, des parallèles et de la syntaxe, sans négliger les difficultés philologiques du texte hébreu. Ensuite, chaque partie de la structure est interprétée afin de mettre en évidence la cohérence interne du texte. L’A. cherche à comprendre ce que dit le psalmiste en distinguant la description de sa situation et celle des autres personnes qui sont concernées ; la façon dont il vit la souffrance ; le type de relation qu’il cultive avec Dieu ; ses peurs et ses attentes. En conclusion de chacun des trois premiers chapitres, l’A. présente une synthèse des résultats de sa recherche sur ce que dit le texte. Dans l’étude des psaumes, l’A. recourt souvent à une approche exégétique qui est implicitement intertextuelle. Parfois, certains liens sont établis sans que soit clairement vérifié s’ils sont suffisamment fondés dans le texte. Par exemple, la métaphore du « venin du serpent » en Ps 58,5 est interprétée à partir de Gn 3,1-5 en fonction du seul mot « serpent » (p. 39-40), alors que l’A. précise que « l’image du serpent venimeux n’est pas rare » dans la Bible (p. 40). À différents moments de son analyse et plus encore dans sa conclusion, l’A. partage également quelques réflexions permettant de dépasser le choc « interculturel » du lecteur moderne face au langage ancien des psaumes. Ainsi la vengeance au sens biblique « n’est pas revanche ou vendetta, mais rétablissement de la justice par jugement » (p. 49 ; rappel p. 177). Quand le psalmiste supplie Dieu de le venger, il lui demande en réalité de faire justice et renonce à se venger lui-même. Face aux injustices qui ont libre cours dans le monde d’hier et d’aujourd’hui, les psaumes tracent un chemin de lucidité, d’empathie et de libération : « N’est-il pas compréhensible qu’un …