Recensions et comptes rendusThéologie

Christine Pedotti, Jésus, l’homme qui préférait les femmes. Paris, Albin Michel, 2018, 14,5 × 22,5 cm, 186 p., ISBN 978-2-226-43847-8[Notice]

  • Michel Gourgues

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  • Michel Gourgues, o.p.
    Faculté de théologie, Collège universitaire dominicain, Ottawa

Portant sur les figures féminines des évangiles, ce genre d’ouvrage a proliféré depuis une demi-siècle, surtout en Amérique du Nord, avec la montée et l’affermissement du courant féministe. L’A. en est bien consciente mais estime néanmoins pertinent d’en remettre l’entreprise sur le métier une fois de plus : « … jusqu’à présent, écrit-elle en introduction, rien ne réussit à modifier sérieusement la vision traditionnelle d’un Jésus au centre d’un cercle de douze hommes. La question des femmes demeure largement « ornementale » et, pour tout dire, anecdotique. On continue à faire comme si tout ce qui importait véritablement s’était traité entre le maître et douze de ses disciples qu’on nomme “apôtres”, à qui tout aurait été remis par Jésus lui-même, et qui fonderaient une lignée de pouvoir et de savoir exclusivement masculine. » (p. 12) Cet essai présente, me semble-t-il, une triple originalité. D’abord quant à son auteure, écrivaine, journaliste et éditrice et non exégète de métier. Ensuite quant à son genre : non pas un ouvrage technique, mais de haute vulgarisation destiné à un public cultivé non spécialisé. Enfin quant à son approche : « … je n’ai pas cherché, comme de nombreux travaux l’ont fait avec talent, à montrer la qualité des femmes qui se trouvent dans les évangiles en dressant leurs portraits, mais j’ai observé minutieusement les relations que Jésus noue avec elles et avec le monde féminin » (p. 12). C’est ainsi qu’à la suite de trois courts chapitres plus généraux portant respectivement sur la présence inégale des femmes d’un évangile à l’autre (ch. 1), sur celle de Marie, la mère de Jésus, qui, selon la lecture le plus habituelle des récits, mobilise l’attention en laissant les autres dans l’ombre (ch. 2), et enfin sur le célibat de Jésus (ch. 3), les six chapitres qui suivent retracent successivement le type de relations que celui-ci entretient avec les femmes. Il y a celles qu’il regarde : la petite veuve et son obole (Mc 12,41-44 ; Lc 21,1-4) et la femme courbée de Lc 13,10-17 ; celles qu’il admire : la cananéenne de Mc 7,24-30 (la syrophénicienne de Mt 15,21-28) et Marthe (Jn 11,1-44) ; celles avec qui il parle : la samaritaine (Jn 4,1-42) et la mère des fils de Zébédée (Mt 20,20-23) ; celles qu’il libère : Marie, soeur de Marthe (Lc 10,38-42) et la femme adultère (Jn 8,1-11) ; celles qu’il touche et dont il se laisse toucher : la femme aux pertes de sang (Mc 5,25-34 par.) et celle de l’onction de Béthanie (Mc 14,3-9) identifiée en Jn 12,1-8 à Marie soeur de Lazare et confondue dans la tradition avec Marie Madeleine, du groupe des femmes qui suivaient Jésus (Lc 8,1-3), et avec la pécheresse de Lc 7,36-50 ; celles, enfin, qui, après s’être retrouvées au pied de la croix (Mc 15,40-41 par.), se voient confier la bonne nouvelle de sa résurrection (Mc 16,1-8 par.). Une fois effectué ce tour d’horizon, un dernier chapitre intitulé « Les femmes préférées et oubliées » traite de « l’implacable mouvement d’effacement des femmes qui a commencé très tôt dans l’histoire des premières communautés croyantes et qui perdure encore aujourd’hui » (p. 168). À la manière d’une inclusion biblique, ce chapitre se termine en reprenant pour la confirmer l’impression notée dès l’introduction : « … on demeure troublé de voir la puissance libératrice de Jésus se briser sur un tel mur d’incompréhension et de déni. Le plus dérangeant étant de constater qu’aujourd’hui ce mur résiste envers et contre tout. Celles qui maintenant lisent les évangiles voient Jésus agir, parler, aimer, toucher, libérer les femmes. Il est légitime qu’elles …

Parties annexes