Recensions et comptes rendusThéologie

Pascal Nègre, Pour qu’il ait en tout la primauté. Jean Zizioulas et Walter Kasper, ecclésiologies en dialogue (« Cogitatio Fidei », 306) ; préface du cardinal Christophe Schönborn. Paris, Cerf, 2018, 10,5 × 21 cm, 681 p., ISBN 978-2-204-12585-7[Notice]

  • Gaëtan Baillargeon

…plus d’informations

  • Gaëtan Baillargeon
    Sherbrooke

Cet ouvrage, qui est la thèse de doctorat de son A., propose une vaste étude comparative des ecclésiologies de Jean Zizioulas et de Walter Kasper, travail qu’il prolonge de ses propres perspectives. L’intérêt de cette étude réside dans la notoriété de ces deux théologiens et de leur engagement oecuménique dans le cadre de la Commission mixte internationale de dialogue entre l’Église catholique et les Églises orthodoxes qu’ils ont co-présidée. Le livre se présente en trois parties consacrées à Jean Zizioulas (165 p.), à Walter Kasper (199 p.), et à l’analyse de l’A. (A.) (253 p.), qui propose « des perspectives nouvelles, tant pour faire se rejoindre les deux théologiens que pour prolonger leur réflexion » (29). Chacune de ces parties comprend trois sections, consacrées à des thématiques semblables provenant des trois pôles ecclésiologiques identifiés par l’A. dans l’oeuvre de Zizioulas : l’eucharistie et l’Église, ministères et communion, puis synodalité et primauté. Enfin, chacune de ces sections comprend à son tour trois chapitres. L’architecture de cette thèse permet une double manière de l’approcher : lire à la suite chacune des parties ou encore, comme l’A. le propose lui-même (29), lire les trois sections consacrées à chacune des grandes thématiques à la suite ; une telle lecture transversale permet de mieux percevoir les éléments de l’analyse comparative et des prolongements proposés. Ce titre exprime bien le point de départ de l’ecclésiologie de Zizioulas : l’Église naît de l’eucharistie. L’A. reprend avec grande justesse les idées maîtresses de la pensée du théologien orthodoxe. L’identité de l’Église, son unité, son être et sa structure se trouvent dans l’unique eucharistie présidée par son évêque entouré du presbyterium et de tout le peuple, tous réunis en un même lieu. Le corps ecclésial du Christ est constitué dans l’Esprit Saint, comme l’atteste l’épiclèse eucharistique ; ce qui en fait une réalité eschatologique, l’icône du Règne à venir. Vient ensuite la communion des membres dans l’unité du Corps. Chez Zizioulas, l’expression « Église catholique » n’a pas un sens d’universalité, mais plutôt de plénitude. S’appuyant sur Ignace d’Antioche, « là où est Jésus Christ, là est l’Église catholique », Zizioulas voit dans la célébration de l’unique eucharistie de l’Église présidée par son unique évêque, la plénitude de l’Église en un lieu, sa catholicité, car là se trouve en plénitude le Christ, tête et corps en qui Dieu s’est plu à faire habiter la plénitude. L’Église en un lieu est pleinement Église catholique. Le rôle de l’évêque est central pour l’unité du Corps du Christ. Par son ordination, l’évêque est à la fois alter Christus et alter apostolus. Lorsqu’il préside l’eucharistie avec toute l’Église locale, l’évêque est icône du Christ, car il agit in persona Christi ; il « ancre sa communauté dans l’horizon eschatologique » (139). Comme alter apostolus, il manifeste le lien historique de l’Église locale avec l’Église et le collège apostoliques. Malgré la multiplicité des Églises locales, chacune étant pleinement catholique, leur unité en est une d’identité comme Corps du Christ. Cette unité s’exprime par un lien vertical au Christ présent dans l’eucharistie, par la coïncidence historique de toutes les Églises locales avec l’Église apostolique et par la communion de toutes les Églises de Dieu dans l’espace par l’institution synodale. Le troisième chapitre aborde la primauté dans la logique de la synodalité. Il est difficile d’imaginer la primauté d’un évêque sur l’ensemble des évêques, car chaque Église est pleinement catholique et chaque évêque succède au collège apostolique dans son ensemble, Pierre compris. L’institution synodale exige aussi qu’un des évêques en soit le prôtos, comme l’atteste le canon 34 des Canons apostoliques …