Recensions et comptes rendusThéologie

Luca Castiglioni, Filles et fils de Dieu. Égalité baptismale et différence sexuelle (Cogitatio Fidei, 309), Paris, Cerf, 2020, 22 × 14 cm, 687 pages, ISBN 978-2-204-13726-3[Notice]

  • Marie de Lovinfosse

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  • Marie de Lovinfosse, cnd
    Service de formation et de pastorale bibliques, Diocèse de Liège, Belgique

Pasteur et théologien, Luca Castiglioni est formateur au séminaire de Milan à Venegono Inferiore. Cet ouvrage est le fruit éditorial de sa recherche doctorale entreprise au Centre Sèvres à Paris, sous la direction du Prof. Christoph Theobald qui a livré une préface. Attentif aux vagues successives du féminisme contemporain, l’A. propose non seulement une sensibilisation à la question de la place des femmes dans la société, l’Église et la théologie, mais aussi un discernement fin et ouvert au sujet des débats en cours. L’ouvrage est construit en trois parties. 1) Comment la voix des femmes s’est-elle fait entendre dans la société et dans l’Église, suivant plusieurs phases d’un féminisme pluriel ? Qu’est-ce que l’Église catholique a entendu de ces interpellations et comment a-t-elle cherché à y répondre en se fondant sur l’anthropologie chrétienne traditionnelle, notamment dans le sillage du Concile Vatican II, par les discours de Paul VI sur les femmes et à travers les théologies de la femme esquissées par Jean-Paul II ou Hans Urs von Balthasar ? Par son évaluation des réponses catholiques disponibles aux interpellations concernant les femmes, l’A. met en lumière plusieurs risques récurrents : essentialiser l’identité ou la vocation des femmes, surcompenser un manque d’accueil effectif des femmes par une théologie idéale ou « exaltante » à leur sujet, parler à la place des femmes plutôt que de construire une parole dont elles sont partie prenante, investir les femmes d’une mission si haute et si cruciale pour la société que le pendant masculin demeure sous-développé ou caricatural. (2) Ayant aiguisé la conscience de son lectorat quant aux défis ainsi formulés, l’A. s’adonne à une relecture approfondie des Écritures bibliques notamment certaines séquences de la Genèse, du Cantique des cantiques, du corpus paulinien et des évangiles. Dans cette partie, l’A. prend appui sur des exégètes qualifiés tels que Elisabeth Schüssler-Fiorenza, André Wénin et Michel Gourgues. (3) Ainsi équipé, l’A. livre de façon informée et prospective une réflexion personnelle, à la fois théorique et pratique, dans les champs connexes de l’anthropologie et de l’ecclésiologie. À travers cet ouvrage de fond, l’A. s’efforce de concilier l’égalité en droit des baptisé.e.s et la différence sexuelle. Il ne prétend pas clore le débat sur des points de tension, mais il élève le niveau de celui-ci. Par exemple, il prend soin de faire la différence entre une « idéologie du gender » et les vrais défis qui peuvent être éclairés par un point de vue genré. Il prend aussi le risque de faire des propositions concrètes concernant de possibles ministères féminins. Relevons maintenant quelques points particulièrement éclairants tirés de la partie exégétique de l’ouvrage. Avec nuance, l’A. relève comment Paul ouvre une brèche dans son contexte patriarcal et androcentrique pour faire résonner « l’Évangile de l’égalité baptismale » (cf. Ga 3,26-28). De plusieurs manières, Paul invite ses auditeurs à la conversion face au réflexe qui laisse prévaloir la domination et l’égoïsme. Il insiste sur la liberté de parole reconnue aux femmes dans la prière publique et sur leur possibilité de s’instruire. Nombreuses sont les femmes collaboratrices dont Paul fait mention et dont les rôles ne sont pas étroitement codifiés. À la suite de Michel Gourgues, l’A. prend acte d’un durcissement progressif des lettres deutéro- et trito-pauliniennes quant à la posture attendue des femmes dans la maisonnée et l’assemblée chrétiennes, pour des raisons apologétiques en milieu païen. Cela est particulièrement sensible sous l’angle de la liberté de parole des femmes qui connaît une restriction progressive. Finalement, l’A. met en garde contre la violence inconsciente qui est toujours susceptible de prévaloir dans l’Église. Particulièrement inspiré par les analyses narratives d’André Wénin, l’A. estime …