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L’année 1867 marque une prise de conscience pour le peuple acadien à plusieurs égards. La Confédération l’amène à reconsidérer son rapport à la population majoritaire, qui l’a entraîné dans le Dominion of Canada contre son gré. Ce n’est donc peut-être pas par hasard que la presse francophone fait son entrée en scène en cette même année, non sans grande difficulté. La littérature acadienne, pour sa part, n’est pas encore sortie de son stade embryonnaire même si l’identité collective qui lui servira de base a déjà été esquissée. Marguerite Maillet, dans son Histoire de la littérature acadienne, a fait remonter les premiers écrits de la Nouvelle-France au début de la colonie en 1606 avec Le Théâtre de Neptune de Lescarbot et les récits de Nicolas Denys idéalisant la rivière de Cocagne. Et avec raison, car ces œuvres ont marqué la conscience collective du peuple en renforçant le mythe d’un âge d’or pré-déportation (Maillet 17). Cependant, très peu a été écrit par la suite — mis à part quelques récits de missionnaires —, les colons étant trop occupés à survivre dans des conditions peu favorables à l’épanouissement d’une littérature nationale. Les Déportations de 1755-1763 ne feront rien pour combler ce vide. Il faudra attendre un siècle après la Déportation pour que le peuple acadien se dote d’institutions capables de soutenir une littérature nationale.

Les causes de ces retards importants sont nombreuses. Outre celles déjà mentionnées, le taux d’analphabétisme au début du 19e siècle est à son plus élevé en Acadie. La très grande majorité de la population acadienne ne peut ni lire ni écrire, n’ayant aucun accès à l’éducation dans sa langue depuis le début des années 1700. Pourtant, il existait à cette époque des écoles de langue française dans la plupart des grands centres acadiens, mais le traité d’Utrecht en 1713 a entraîné leur ferme-ture lorsque la colonie est officiellement passée à l’Angleterre (Dugas 119-120). Vers le milieu du 19e siècle, un système scolaire provincial de langue française apparaît au Nouveau-Brunswick, ce qui commence à pallier cette grande lacune qui fait obstacle à l’avancement des Acadiens et des Acadiennes dans toutes les sphères de la société (Dugas 47). La première génération d’enfants instruits peut ensuite poursuivre une éducation supérieure sur le territoire acadien dès 1864, date à laquelle le Collège Saint-Joseph ouvre l’accès à l’éducation postsecondaire en français pour la première fois dans le sud-est de la province. S’il n’est pas le premier collège à être fondé, il est le premier à survivre aux années initiales difficiles et devient un centre de culture et de littérature pour la nouvelle Acadie. Les étudiants du Collège lisent des textes classiques, pratiquent l’art oratoire lors de séances ouvertes au public et montent des pièces de théâtre. Lorsqu’ils commencent à manquer de matériel du canon classique, les professeurs et même les étudiants écrivent des pièces que Pascal Poirier — ancien élève lui-même — décrit comme des tragé-dies sanglantes (Poirier, Le père Lefebvre et l’Acadie 187). De plus, une revue littéraire étudiante intitulée Académica circule entre les collégiens, combinant des textes classiques à des récits divers locaux et à quelques textes littéraires originaux (L’album souvenir 40-41). Tranquillement, l’histoire acadienne pénètre la vie littéraire naissante du Collège lorsque les pièces calquées sur des modèles tragiques et classiques commencent à s’alimenter d’événements historiques propres à l’Acadie dont, en premier lieu, la Déportation. C’est dans ce contexte que Pascal Poirier écrit une pièce de théâtre intitulée Les Acadiens à Philadelphie en 1875 (édition critique par Judith Perron). Par la suite, une série de romans sont publiés, dans lesquels figure la Déportation comme thème central (Viau 51-78).

Qu’est-ce qui a déclenché cette véritable avalanche de textes littéraires reproduisant un schéma semblable, c’est-à-dire les fiancés séparés par le « Grand Dérangement »? Évidemment, le modèle avait été donné par l’écrivain américain Henry Wadsworth Longfellow, qui a publié Evangeline: A Tale of Acadie en 1847. Toutefois, vu que peu d’Acadiens avaient accès à une bibliothèque, il a fallu un moyen de faire connaître le poème à la population. Le lien manquant semble avoir été l’apparition d’une presse de langue française en Acadie qui, en plus de publier le poème en traduction à plusieurs reprises, véhiculait une idéologie nationaliste et des textes littéraires qui appuyaient cette idéologie. Après la fondation du Collège Saint-Joseph en 1864, l’apparition de journaux acadiens de langue française a peut-être été le facteur le plus important dans la Renaissance acadienne.

En effet, si le programme du relèvement du peuple acadien avait été dessiné par Rameau de Saint-Père dans La France aux colonies, il fallait un moyen pour diffuser l’idéologie de la Renaissance acadienne dans tous les recoins de l’Acadie. C’est pourquoi Phyllis LeBlanc, dans son étude importante du journal Le Courrier des provinces maritimes, affirme : « L’établissement d’une presse française vouée aux intérêts des Acadiens est un élément particulièrement pertinent à l’éveil national des Acadiens. Isolés les uns des autres, sans liens pour plus d’un siècle, ils trouvent dans la presse un outil important de diffusion des idées » (2). Elle ira plus loin en faisant valoir que les journaux de cette époque représentaient « des possibilités presque illimitées de propagande nationale » (2). En plus de véhiculer l’idéologie nationaliste dans des textes à forte teneur éditoriale, les journaux ont joué un rôle de premier plan dans la création d’une tradition littéraire en Acadie : « En somme, à une époque où ni la production littéraire régionale ni le nombre de lecteurs ne peuvent soutenir une infrastructure importante, L’Évangéline se veut à la fois l’animateur et le microcosme de la vie littéraire acadienne » (de Finney 135). Effectivement, dès ses premiers numéros, ce journal consacrait 25 % de son espace à la littérature, sous forme « de poèmes, de courts récits, de légendes et de romans-feuilletons » (de Finney 135). Dans la même veine, Bernard Haché affirme que « [l]’arrivée de la presse et des feuilletons du 19e siècle marque les débuts d’une véritable vie littéraire en Acadie » (216).

Vu l’importance de la fondation d’une presse de langue française pour l’émergence de la littérature acadienne, cet article a pour objectif de définir le rôle joué par la presse de langue française en Acadie dans la création de l’identité collective et littéraire à la fin du 19 e  siècle. Je m’attarderai d’abord et de façon plus détaillée sur la fondation du premier journal, Le Moniteur Acadien, car celui-ci semble donner le ton aux autres journaux qui seront fondés par la suite, pour ensuite examiner L’Évangéline, Le Courrier des provinces maritimes et L’Impartial. En plus des apports spécifiques de chaque journal à l’identité collective acadienne, je m’intéresserai aux moyens par lesquels ces journaux négocient l’identité acadienne à l’intérieur des enjeux régionaux et nationaux, notamment leur position à l’égard de la Confédération, car l’union des provinces modifie considérablement les rapports de force pour les Acadiens. À la fin du 19e  siècle, un processus de négociation dynamique et fluide découle de la tension entre le besoin de définir une identité proprement acadienne et la nécessité d’exprimer sa loyauté au gouvernement en place afin de tirer profit d’une constitution qui garantit aux Acadiens un statut égal, du moins en théorie.

Fondation du premier journal de langue française en Acadie : Le Moniteur Acadien

Si l’année 1867 revêt une grande importance pour la création du Dominion of Canada, elle est tout aussi importante pour l’identité acadienne. En effet, le premier journal de langue française en Acadie, Le Moniteur Acadien, publie son premier numéro exactement une semaine après l’entrée dans la Confédération du Nouveau-Brunswick, de la Nouvelle-Écosse, de l’Ontario et du Québec. Son fondateur, Israël Landry, a annoncé la parution de son journal dans un « Prospectus » publié en mars de la même année. Ce « Prospectus », rédigé sans accents car il a été imprimé sur une presse de langue anglaise, énonce les intentions du propriétaire-rédacteur, qui souhaite « reunir » la famille acadienne et « l’engager a conserver sa religion, sa langue et ses coutumes » (Landry — les citations tirées de ce document sont reproduites telles quelles, donc sans accents). Cette formule devient le slogan du journal, figurant dans l’en-tête dès le premier numéro du 8 juillet 1867 : « NOTRE LANGUE, NOTRE RELIGION ET NOS COUTUMES ». Si la langue (française) et la religion (catholique) peuvent se passer de définition, le lecteur contemporain peut se demander ce que Landry entend par « coutumes ». En fait, il s’agit d’un ensemble de valeurs traditionnelles promues par l’élite acadienne de la Renaissance, c’est-à-dire un style de vie rural et agricole qui perpétue des modèles du passé dans une vision conservatrice et non contestataire.

Le Prospectus de Landry affirme aussi que le journal alimentera le peuple acadien « tant en litterature qu’en nouvelles diverses ». Ainsi, l’auteur veut remédier à ce qu’il appelle « une certaine apathie pour ce qui regarde la lecture des journaux et l’instruction en general », en publiant non seulement des nouvelles provenant de correspondants situés dans différents centres acadiens, mais aussi des textes proprement littéraires. Bien aligné sur les valeurs de l’époque, l’auteur précise cependant que son journal pourra « etre mis entre les mains de sa vertueuse epouse [de l’Acadien-français] et de ses chers enfants, et [. . .] tout en les instruisant et leur montrant la beaute de notre litterature française, eloignera d’eux ces romances et histoires pernicieuses qui abondent malheureusement que trop dans differents journaux de nos jours ». Il faut présumer que les journaux auxquels l’auteur fait allusion sont de langue anglaise puisqu’il n’en existe pas encore de langue française en Acadie. L’auteur illustre par ses propos une des valeurs importantes de son époque : la censure de tout ce qui n’est pas conforme aux enseignements de l’Église catholique.

Par ailleurs, dans sa correspondance avec Rameau de Saint-Père, Israël Landry révèle que la concurrence avec les journaux de langue anglaise nuit beaucoup à son entreprise et que le clergé irlandais et écossais refuse d’appuyer Le Moniteur. L’évêque McIntyre, de Charlottetown, qu’il décrit comme un ami personnel, lui « conseille d’abandonner ce projet » et les curés anglophones de Tignish et d’Arichat auraient découragé leurs paroissiens de s’abonner au journal, affirmant que « ce journal leur ferait plus de mal que de bien » (Landry cité dans Griffiths 85-86). Au dire de Landry, le journal est perçu comme une menace à la bonne entente entre francophones et anglophones, particulièrement entre les Acadiens et le clergé irlandais et écossais. Dans une lettre à Rameau datée du 20 septembre 1867, Landry annonce qu’il devra sans doute suspendre la publication du journal à cause de ces nombreux ennuis et des conséquences économiques sur le journal : « Le clergé Irlandais [sic] (qui a perdu sa propre langue) dit qu’il ne doit y avoir qu’une seule langue dans ce pays et c’est l’Anglais [sic] ». Il poursuit en affirmant que les membres du clergé majoritairement irlandais « ont à me reprocher que je parle trop de nationalité, en un mot, que je suis trop français. Je les engage [les Acadiens] à s’unir, à s’entraider, à se soutenir mutuellement, à conserver leur belle nationalité, à être français de cœur et d’âme — voilà ce qu’on a à me reprocher » (Landry cité dans Griffiths 88).

Landry se plaint aussi que les « Acadiens n’ont aucun goût à la lecture » et qu’il ne réussit pas à faire payer les abonnés. Il avait espéré « pouvoir obtenir un peu d’aide du gouvernement de cette province; mais [ses] espérances ont été vaines. On [lui] répond qu’une seule langue est la langue du pays. On donne des subventions aux journaux Anglais [sic] mais pour un journal Acadien [sic], merci » (Landry cité dans Griffiths 89). Ayant perdu une élection dans le comté de Westmorland au profit d’un candidat anglophone, il manifeste une certaine amertume et un cynisme mordant lorsqu’il déclare que « [l]es Acadiens sont insouciants et sans énergie — ils ont été élevés dans une espèce d’esclavage et ils veulent y rester » (Landry cité dans Griffiths 89). Il est possible de lire dans cette affirmation une perspicacité de la part de Landry qui, dans sa frustration, témoigne d’un phénomène social important. Ce peuple qui, après être passé sous la souveraineté des Britanniques en 1713, a été colonisé par ces derniers, hésite à contester toute forme d’autorité, si injuste soit-elle. C’est ce que Landry semble dire lorsqu’il confie à Rameau : « Ce qui m’y a le plus poussé, fut de voir la manière indigne dont on traitait les Acadiens partout, et afin de tacher [sic] de leur venir en aide par le moyen d’une organe publique [sic] en leur langue » (Landry cité dans Griffiths 86). Fragilisés par leur statut minoritaire, victimes d’un passé qui les a convaincus de la brutalité de leur oppresseur et de leur impuissance, les Acadiens se relèvent très lentement et n’osent pas affronter directement la majorité anglophone.

C’est pourquoi, paradoxalement, avant de pouvoir se doter d’une identité distincte, le nationalisme acadien émergent devra naviguer dans les eaux risquées de l’impérialisme britannique et de la Confédération canadienne. D’ailleurs, Landry affirmera à Rameau qu’il est préférable pour son journal de ne pas prendre position sur la Confédération, puisque c’est un fait accompli (Griffiths 83), et le rassure qu’il n’a jamais « dit un seul mot contre les Anglais » dans son journal (Griffiths 88). Pourtant, dans le premier numéro du Moniteur Acadien, Landry indique de façon voilée qu’il a dû faire face à « préjugés, jalousies, ignorance et stupidité » pour arriver à publier le journal, mais assure qu’il va promouvoir un « digne respect pour le clergé » et qu’il ne souhaite « pas de discorde » (le 8 juillet 1867, p. 2). Cette philosophie de la bonne entente, typique de ce peuple dominé, est omniprésente dans le discours de la Renaissance acadienne. Tout se passe comme si l’avènement de la Confédération, à laquelle les Acadiens se sont farouchement opposés (Richard, « L’identité collective acadienne avant et après la Confédération » 26-30), entraîne une prise de conscience des conséquences de la centralisation du pouvoir qui accentue simultanément le besoin de définir une identité acadienne sans toutefois l’opposer au concept de fédération.

Afin de renforcer l’idée que la Confédération sera avantageuse pour les Acadiens, le journal rapporte, dans un de ses premiers numéros, une >conversation probablement fictive entre des dénommés « Thomas » et « Maxime », supposément entendue au bureau de poste. Les deux discutent de la Confédération et de la récolte, et Maxime, qui représente la majorité acadienne qui s’oppose à l’union des provinces, dit qu’à sa surprise « la Confédération commence sous un aspect vraiment remarquable ». Thomas, se moquant un peu de son voisin, renchérit : « tu sais que la Confédération est passée et comme tu me dis toi-même, tout à [sic] la meilleure apparence sous le nouveau régime; soyons satisfaits et demeurons contents » (29 août 1867, p. 2). Si Le Moniteur juge utile d’imprimer cette saynète entre ses pages, cela sous-entend qu’un discours anti-confédératif circule encore parmi les Acadiens. Le Moniteur va jusqu’à juger sévèrement ceux qui continuent à s’opposer à la Confédération, notamment le Halifax Chronicle, dont un extrait est reproduit (et vraisemblablement traduit) dans un éditorial du Moniteur. On dénonce cette « haine qu’ils ont pour la Confédération », que l’on traite d’« inconstitutionnelle » (le 10 juillet 1868, p. 2). Par contre, Le Moniteur est heureux de voir que les Acadiens de l’Île-du-Prince-Édouard se joindront bientôt à la Confédération : « Il nous fait plaisir de voir que la Confédération prend du terrain chez nos voisins de l’Est, et nous nous réjouissons à la pensée que d’ici a [sic] un an, l’Ile du Prince Edouard fera partie de la Puissance du Canada » et plus loin, on affirme que « [p]as un acadien de bon sens niera que la Confédération nous ait été avantageuse sous plus d’un rapport, tout en ne nous étant défavorable sous aucun » (le 27 août 1869, p. 2). Dans le numéro du 11 février 1870, un correspondant insulaire avance même que les Acadiens trouveront des avantages à être « sous la protection de l’Angleterre » (J.J.A. 1) en se joignant au Dominion of Canada.

Des idées semblables se trouvent également dans les discours qui onteu lieu lors des conventions nationales acadiennes (1881-1937) et quisont reproduits abondamment dans Le Moniteur Acadien.

Et vous, Messieurs les Acadiens, qui craigniez tant la Confédération, pouvez-vous regretter aujourd’hui ce qui a été fait en 1867? C’est chez vous, c’est ici, surtout, qu’il faut aller pour constater le progrès qui est réalisé depuis quatorze ans. Ce que vous avez fait depuis 1867 pour le développement de votre race dans l’ordre matériel et surtout dans l’ordre intellectuel, est à peine croyable. (discours de sir Hector Langevin dans Bourque et Richard 121)

L’orateur Langevin est un délégué québécois qui assiste à la première convention nationale acadienne. Étant donné que le Québec a été favorable à la Confédération dès le début, ses propos n’ont rien d’étonnant.

La position de Landry sur la Confédération semble d’ailleurs assez représentative de l’élite de l’époque, même si elle est aux antipodes de l’opinion de l’Acadien moyen. Car peu après son échec en politique, Israël Landry cède son journal à Norbert Lussier qui, avec l’aide de son assistant, Ferdinand Robidoux, poursuit essentiellement la même ligne éditoriale et la politique conservatrice du journal. Au moment des conventions nationales acadiennes, Ferdinand Robidoux est devenu propriétaire et rédacteur en chef du journal et il exerce une influence importante sur l’idéologie nationaliste des conventions en les rapportant de façon détaillée dans ses journaux, mais aussi en y participant luimême à titre d’orateur et, par la suite, en publiant les discours des trois premières conventions sous forme de livre. C’est aussi à la première convention nationale acadienne, à Memramcook, en 1881, que Robidoux prononce un très long discours sur la presse. Selon lui, le rôle de son journal est de « défendre la religion et la nationalité contre les attaques de l’ennemi » et de « tenir haut et ferme le drapeau de Notre langue, notre religion et nos coutumes » (Robidoux cité dans Bourque et Richard 220). Il considère aussi que la Confédération a été bénéfique pour la presse acadienne car elle « élargissait notre horizon, et nous mettait en rapports plus étroits avec le Canada français » (Robidoux cité dans Bourque et Richard 222).

La prise de conscience identitaire ne s’arrête pas aux pages éditoriales du Moniteur Acadien et aux discours idéologiques des nationalistes acadiens; elle se trouve également dans le choix de textes littéraires publiés dans le journal. Ceux-ci sont majoritairement écrits par des étrangers, mais mettent parfois en scène l’Acadie. Les premiers numéros du Moniteur Acadien publient en première page sous forme de roman-feuilleton un texte anonyme intitulé « La chute de Louisbourg : légende historique de l’Acadie », qui traite du siège de Louisbourg en 1745. Dans les numéros suivants, ce récit cède sa place à Évangéline de Longfellow dans sa version traduite par Pamphile Le May, qui paraît sous forme de feuilleton dans l’hebdomadaire du 22 août au 19 septembre 1867.

L’impact de ce poème sur l’Acadie a été analysé abondamment (voir, par exemple, les travaux de Joseph Yvon Thériault ou de Jean Morency); ainsi, je n’y reviendrai pas ici. Il suffit de rappeler que le poème avait été publié en anglais en 1847 et que son auteur, n’ayant jamais mis les pieds en Acadie, considérait que les Acadiens étaient un peuple disparu, ce qui contribue à l’aspect romantique de son poème :

Waste are those pleasant farms, and the farmers forever departed! Scattered like dust and leaves, when the mighty blasts of October Seize them, and whirl them aloft, and sprinkle them far o’er the ocean. Naught but tradition remains of the beautiful village of Grand-Pré. (Evangeline: A Tale of Acadie, lignes 12-15)

Comment l’élite acadienne a-t-elle pu récupérer un poème écrit par un étranger dans la langue de l’oppresseur, qui proclamait la mort du peuple acadien? Bernard Haché fournit une piste d’analyse importante pour expliquer ce phénomène lorsqu’il insiste sur le rapport entre les romans-feuilletons publiés dans les journaux de l’époque et le métatexte qui les accompagnait (217). La mise en scène de l’histoire acadienne par le groupe majoritaire anglophone a été interprétée par l’élite acadienne comme une validation de l’Acadie historique et le métatexte servait de rappel aux lecteurs que l’Acadie était, en fait, ressuscitée et bien vivante. De plus, les récits qui représentaient la « mort » de l’ancienne Acadie, celle de l’âge d’or mythique, contribuaient à leur façon à l’idéologie de la Renaissance en établissant un rapprochement entre l’histoire de l’Acadie et les modèles religieux déjà familiers aux Acadiens et aux Acadiennes, par exemple en comparant l’Acadie à Lazare ressuscité. Les Acadiens étaient donc « sortis de la mort par miracle, comme, jadis, Lazare sortant vivant du tombeau » (Bourque et Richard 240). Cette dimension mythique est une composante importante du récit nationaliste acadien de cette époque, car elle permet le recours au temps sacré pour vaincre le traumatisme collectif en mettant le destin de la communauté acadienne entre les mains de la Providence (Richard, « La Déportation comme mythe de création »).

Vu les taux d’analphabétisme en Acadie à l’époque, il fallait bien plus que la Providence pour remédier au retard des Acadiens par rapport à leurs compatriotes anglophones. Puisque très peu d’Acadiens pouvaient lire, et encore moins parlaient l’anglais, le poème de Longfellow aurait très bien pu être largement ignoré de ceux-ci s’il n’avait pas été traduit en français et publié sous forme de roman-feuilleton trois fois avant la fin du 19e siècle (Haché 223), qui s’étendaient chaque fois sur plusieurs semaines. En effet, il est fort probable que ce soit la version traduite par le Québécois Pamphile Le May, publiée dès le numéro du Moniteur Acadien du 22 août 1867, qui aurait atteint la population acadienne pour la première fois. Étant donné l’absence de bibliothèque dans la plupart des foyers acadiens, les journaux servaient de divertissement et étaient souvent lus à voix haute, en famille. La traduction par Pamphile Le May du poème de l’Américain Longfellow a, par ce moyen, pénétré la conscience collective des Acadiens. Cette version était légèrement plus contestataire que l’original par l’accentuation de la brutalité des soldats britanniques (Bourque et Merkle). La présentation du poème par Landry dans ce numéro renforce l’hypothèse que la majorité des Acadiens ne connaissaient pas encore le poème : « Ce récit triste et émouvant où Évangéline semble personnifier les malheurs et les souffrances de l’émigration acadienne » (Le Moniteur Acadien, le 22 août 1867, p. 2). L’expression « émigration acadienne » pour désigner la déportation de plus de 10 000 Acadiens fera certainement sursauter le lecteur contemporain, mais il s’agit d’un autre exemple de la tendance à minimiser le conflit de la part d’un peuple minoritaire opprimé.

Cette internalisation du discours de la majorité sur le caractère docile des Acadiens est un phénomène répandu au moment de la Renaissance acadienne et peut, du moins en partie, être attribuée au fait que les premiers textes littéraires dans lesquels figurent des personnages acadiens sont nés de plumes étrangères. Effectivement, aucun feuilleton publié dans Le Moniteur Acadien, L’Évangéline, Le Courrier des provinces maritimes et L’Impartial de leur fondation jusqu’à la fin du 19 e siècle n’a été écrit par un Acadien ou une Acadienne (Haché 123). De plus, la grande majorité ne traitent pas des Acadiens, ni de l’histoire acadienne, sauf Jacques et Marie de Napoléon Bourassa qui, après Évangéline, a été un des romans-feuilletons les plus souvent repris par les journaux. Ce roman, écrit lui aussi par un Québécois, reprend le schéma du couple séparé par la Déportation, mais avec un souci de véhiculer des valeurs canadiennes-françaises cette fois.

Le fait que les Acadiens ont été représentés pour la première fois par un étranger n’est pas sans danger : « Longfellow’s poem romanticizes Evangeline and the Acadian people in a form of benevolent racism. Acadians are represented as kind-hearted and innocent, but in the end, these very characteristics seem to predetermine their victimhood » (Sandrock 84). Décrits comme des gens soumis, vertueux et innocents, les Acadiens ne présentent pas de risques pour la majorité anglophone, d’autant plus que la soumission d’Évangéline face à son destin sera intégrée à l’idéologie nationaliste. Cette soumission se manifeste le plus souvent par de nombreuses affirmations de loyauté envers la couronne britannique qui peuvent aujourd’hui paraître paradoxales, surtout lorsqu’elles sont juxtaposées aux grands rassemblements que sont les conventions nationales acadiennes : « Au contraire, [la convention nationale acadienne] de Juillet [sic] 1881 se fait sous le drapeau du vainqueur et sous l’esprit de notre loyauté à la couronne » (Bourgeois 1). De même, à la première convention nationale, Pierre-Amand Landry, président de la convention, prend la parole en anglais afin de s’adresser aux dignitaires anglophones dans l’auditoire et, notamment, afin de leur assurer que le réveil national des Acadiens n’est pas une menace pour la majorité : « we have met for no disloyal purpose » (Bourque et Richard 183).

Il y a donc une imbrication complexe d’identités, ce qui permet aux Acadiens et aux Acadiennes de se montrer — du moins dans leurs discours — respectueux, voire reconnaissants de se retrouver sous le drapeau de l’Empire britannique, celui-là même qui les avait déportés le siècle précédent, sans pour autant qu’ils aient oublié le traumatisme de la déportation. Au contraire, les discours des conventions nationales acadiennes sont remplis de descriptions romantiques d’un passé tragique. Le patriote acadien Marcel-François Richard montre bien cette juxtaposition en affirmant, à la première convention nationale en 1881, que la déportation a été un événement providentiel pour le peuple acadien :

Je regrette d’avoir à constater que le drapeau britannique, qui nous abrite si heureusement, ait flotté sur l’église de Grand Pré en ce jour néfaste. Cependant, c’était un événement providentiel. Ces pauvres habitants de Grand Pré sont dans les fers et on les entasse comme de vils esclaves sur des vaisseaux anglais. Oh! quelle déchirante séparation! L’époux est forcé de se séparer de son épouse et de ses enfants. On ne tient aucun compte des pleurs de tous ces infortunés, et ces vaisseaux s’éloignant de ces rivages autrefois si heureux, sont dirigés vers les différentes colonies anglaises. L’Acadie sera-t-elle anéantie? Ce petit peuple est donc destiné à périr! Non, elle survivra encore et elle prendra son rang au nombre des peuples les plus heureux et les plus prospères. (cité dans Bourque et Richard 108-109)

Le destin du peuple acadien, selon cet ecclésiastique, est de se réaliser par la souffrance, voire le martyre. Dans des termes moins dramatiques, un autre article paru dans Le Moniteur Acadien en 1881 renforce l’idée que la Confédération a été bénéfique pour les Acadiens :

La Confédération du Canada, l’annexion des provinces maritimes aux provinces d’en haut a accéléré sinon déterminé ce mouvement de réintégration. Que de modifications les quatorze années du régime fédéral n’ont-elles pas apportées à notre condition! Il suffit de jeter un coup d’œil sur cette courte période pour embrasser les adoucissements qu’elle nous a valus, les espérances dont elle nous a inspirées [sic]. (le 22 décembre 1881, p. 2)

Que ce discours soit basé sur des faits concrets ou non n’est pas l’objet de cet article, mais nous soulignons que les progrès des Acadiens sont dus à l’œuvre acharnée de quelques figures marquantes plutôt qu’à l’obtention de droits égaux à ceux de leurs concitoyens anglophones. Toutefois, la réitération de ce discours à la fois bonne-ententiste et revendicateur participe à une prise de conscience collective importante. Ce discours sur l’identité collective des Acadiens et leur rôle au sein de la nation canadienne a été tenu par Le Moniteur Acadien en tant que porte-parole des nationalistes de la Renaissance acadienne pendant presque 20 ans avant que d’autres journaux apparaissent sur la scène. C’est pourquoi Raymond Mailhot considère avec raison que ce journal a joué un rôle de premier plan dans la diffusion des idées et même du terme « renaissance ». Déjà présent dans les écrits de Rameau, ce terme sera privilégié par Le Moniteur Acadien et souvent associé à la Confédération (Mailhot 33 et 39).

Fondation du Courrier des provinces maritimes

Le premier numéro du Courrier des provinces maritimes, journal situé à Bathurst, dans le nord du Nouveau-Brunswick, paraît le 27 août 1885, donc 18 ans après le lancement du Moniteur Acadien. Parmi les fondateurs se trouve Valentin Landry, qui quittera la barre du journal assez tôt pour fonder L’Évangéline en Nouvelle-Écosse deux ans plus tard. Entretemps, d’autres efforts pour faire survivre un journal à Digby, en Nouvelle-Écosse, se sont très rapidement avérés infructueux, et Le Courrier des provinces maritimes lui-même aura une vie relativement courte, fermant ses portes en 1903. Au fil des années, Le Moniteur s’est fait la réputation d’un journal conservateur. Dans un effort apparent de plaire à tous ses abonnés potentiels, au moment de sa fondation, Le Courrier des provinces maritimes s’affiche neutre sur le plan politique. Assez rapidement, cependant, le journal abandonne tout prétexte de neutralité lorsqu’il est acheté par Pierre Véniot, député libéral à la législature du Nouveau-Brunswick (LeBlanc 24). C’est pourquoi Phyllis LeBlanc affirme « qu’il devient un outil de propagande du Parti libéral et la victime des ambitions politiques de certains de ses administrateurs » (96).

Le Courrier des provinces maritimes a un programme ambitieux, comme le laisse entendre l’en-tête du premier numéro, qui se lit : « Religion, Education, Agriculture, Colonisation, Sciences, Industrie, Nouvelles ». LeBlanc dégage sept thèmes importants de son étude détaillée du journal : « 1’émigration, la vie politique, la religion, l’éducation, la colonisation, la pêche et l’agriculture » (31). En pourcentage, cependant, c’est la politique qui est le plus souvent traitée par les rédacteurs partisans du Courrier (43,7 % du contenu), suivie de la religion (28,1 %) et de l’agriculture (13,9 %) (LeBlanc 61). Étant donné le caractère ouvertement libéral et partisan du journal, il n’est pas surprenant que ses rédacteurs en fassent leur porte-parole politique. La religion, pour sa part, est incontournable, d’autant plus qu’une partie des rédacteurs du journal sont des membres du clergé. L’agriculture est traitée de façon à entrer dans le discours nationaliste de la Renaissance, qui prône un modèle passéiste rappelant les descriptions bucoliques de Longfellow :

Le Courrier adopte une orientation nationaliste dans son traitement du thème de l’agriculture; on tente de créer l’image d’une vie rurale et agricole traditionnelle chez les Acadiens, un style de vie qu’il faut préserver malgré les progrès industriels et le mouvement vers les villes qui l’accompagne, souvent aussi malgré son propre désir d’une vie plus facile. (LeBlanc 43)

Phyllis LeBlanc remarque cependant un clivage entre ce journal et les intérêts des Acadiens qui ne font pas partie de l’élite de la Renaissance : « Dans ce processus de définition de la situation nationale et de promotion des idéologies qui en sont le fruit, apparaît un net décalage entre les intérêts du groupe dirigeant et les besoins de la masse de la population acadienne » (22). L’éducation, par exemple, est peu abordée dans le journal, tout comme la pêche (LeBlanc 87). L’impact du Courrier des provinces maritimes sur la population acadienne semble avoir été largement mitigé par le parti pris politique de ses rédacteurs. Néanmoins, puisque l’accession au pouvoir social et économique passe nécessairement par la politique, ce journal a servi de tremplin à quelques Acadiens sur ce plan et leur a permis de faire avancer certaines causes.

Malgré son existence assez courte de 18 années, Le Courrier des provinces maritimes reproduit 40 feuilletons littéraires entre ses pages (Haché 73 et 232-233), comparativement aux 99 feuilletons du Moniteur Acadien, qu’il publie toutefois sur une période de 59 ans. Ces feuilletons sont souvent à saveur religieuse et morale, tels L’Infini dans l’ homme — Les angoisses du doute et le bonheur dans la Foi par le R.P. Henri Faure, reproduit du 11 septembre au 23 octobre 1890, ou encore Ste Agnès, Vierge et Martyre par M gr  Cornelius O’Brien du 8 septembre au 3 novembre 1887 (on peut consulter la liste complète des feuilletons dans Haché 239-240). Le journal contribue donc de façon considérable à cultiver l’intérêt pour la lecture de textes dits « littéraires » chez ses abonnés, tout en continuant à promouvoir des éléments importants de la Renaissance acadienne, soit la religion catholique et les valeurs morales qui y sont associées. Le manque de livres dans les foyers acadiens est donc partiellement comblé par ces récits sanctionnés par l’ordre religieux. Toutefois, les feuilletons qui sont publiés dans Le Courrier des provinces maritimes (qui ne reproduit ni Évangéline, ni Jacques et Marie) ne traitent pas de thèmes acadiens et ainsi, s’ils cultivent un goût pour la lecture, ils ne reflètent pas une identité distincte acadienne.

Quant au discours sur la Confédération, il va dans le même sens que celui véhiculé par Le Moniteur. Dans un éditorial qui porte sur la reine Victoria et les « bienfaits de la Confédération », on va jusqu’à dire que les Acadiens, comme les Québécois, sont prêts à défendre l’Empire britannique :

Victoria! Nous ne sommes ni de ton sang, ni de ta religion, et ton drapeau qui a flotté avec tant d’orgueil ces jours derniers, et que nous avons arboré si fièrement sur tous les sommets Canadiens [sic], ce drapeau, est pour nous le drapeau du vainqueur! Mais pourrionsnous frapper la main qui nous protège? Pourrions-nous répondre à tant de tendresse et d’amour, même de la part d’une étrangère, par l’indifférence ou la méfiance? Français de sang, catholiques de religion, nous nous proclamons aujourd’hui comme toujours, avec un accent d’orgueil légitime, tes sujets les plus patriotiques et les plus dévoués, et nous répétons encore les paroles de notre illustre compatriote, Sire Etienne Pascal Taché : « Que le dernier canon tiré de la citadelle de Québec à la défense du pavillon Britannique sera allumé de la main d’un Canadien-Français. [sic] » (« À notre reine » 2)

Malgré le fait que la reine représente le « drapeau du vainqueur » pour les Acadiens, l’auteur insiste sur la loyauté des Acadiens envers Victoria, qui est décrite comme leur « bienfaitrice », car selon lui elle représente l’avènement d’une ère nouvelle de justice pour les peuples minorisés :

Jusqu’au règne de Victoria, les Français des Provinces Anglaises [sic] de l’Amérique n’avaient pas encore bénéficié des libertés politiques que les rois et que les gouvernements précédents avaient accordées à leurs sujets du Royaume-Uni. Les sujets des colonies Anglaises [sic] étaient encore dans un état sinon de servitude, au moins de restriction dans l’exercice de leurs droits de citoyens. Leur liberté de conscience comme leur liberté politique, étaient loin d’être à l’état d’envie, comparées à celles des sujets d’Angleterre. Il semble que le règne de Victoria était attendu pour apporter dans le cœur du sujet Français Britannique [sic], la paix, l’assurance de l’avenir, le bonheur du foyer domestique, conséquence naturelle de la liberté politique, et l’amour de sa bienfaitrice. Aussi n’était-ce que trois à quatre années après l’accession au trône de Victoria que les Canadiens-français qui avaient lutté avec tant d’énergie, qui avaient espéré contre l’espérance, quelques-uns mêmes ayant perdu espoir, ont obtenu leur liberté politique, et que le gouvernement constitutionnel dans toute sa pureté avec toute l’étendue de ses bienfaits, fut accordé au vieux Canada, pour être bientôt étendu à nos provinces du Nouveau-Brunswick et de la Nouvelle-Ecosse. (« À notre reine » 2)

Ainsi, les contributeurs au journal présentent l’entrée dans le Dominion comme un moyen de faire valoir les droits des Acadiens en tant que citoyens à part entière, sous-entendant qu’ils ne l’étaient pas auparavant. L’exemple du Québec leur permet aussi d’espérer qu’ils obtiendront les mêmes droits. Ce discours est assez monolithique, et s’il a peut-être pu susciter des réactions d’opposition, les lettres à l’éditeur du journal ne l’attestent pas. Le discours bonne-ententiste règne, du moins sur la place publique.

Fondation de L’Évangéline, journal libéral

Deux ans après la fondation du Courrier des provinces maritimes, un autre journal émerge sur la scène. Fondé en 1887 par Valentin Landry à Digby, en Nouvelle-Écosse, ce journal qui se déclare ouvertement libéral détient le record de longévité en Acadie, ayant été publié jusqu’en 1982. Né dans l’esprit du poème de Longfellow, le journal cite les vers de l’auteur américain en épigraphe de son premier numéro. Ceux-ci se terminent par le vers paradoxal relevé plus haut : « Naught but tradition remains of the beautiful village of Grand-Pré » (le 23 novembre 1887, p. 1). Par ailleurs, L’Évangéline, contrairement aux autres journaux acadiens de l’époque, publiera à l’occasion des textes en anglais. Bien entendu, ceux-ci sont favorables à l’idéologie nationaliste et sont soit destinés aux lecteurs anglophones dans un effort de les rassurer, soit rédigés par des auteurs anglophones qui reprennent essentiellement le schéma proposé par Longfellow, comme c’est le cas dans l’article suivant du 7 mars 1888 :

Out from their hiding-places in the heart of the “forest primeval,” almost within the recollection of men still living, did they emerge pale and trembling, knowing not why they were thus hounded, knowing not even why they should be thankful to the possessors of their former lands for giving them a respite from death, when they had committed no crime, done no wrong that would call for either punishment or pardon! Along the shores of the “mournful and misty Atlantic” did they settle down in little bands, and by families, striving to gain from an ungrateful soil and a treacherous ocean the bare necessaries of existence, and often purchasing them at the cost of incredible toil and the risk of human life. (Alpha, « Thoughts of To-Day » 3)

Signé « Alpha », ce texte est typique des nombreuses contributions de cet auteur dont nous n’avons pas pu découvrir l’identité. Il est fort probable, cependant, qu’il était Acadien, comme permettent de le croire certains articles tels que « Our Children’s Language », qui défend le droit des Acadiens à une éducation en français (3). « Alpha », qui signait souvent des poèmes en anglais, préconisait également la bonne entente entre anglophones et francophones dans des textes comme « Return from Exile », dans lequel on lit : « those sturdy descendants of sturdy forefathers, not with sentiments of revenge or hatred, carefully nursed through the bitter years of their exile, but eager to work alongside their English brothers in making of this “Canada of Ours” one of the greatest nations of the earth » (2). Ces textes d’opinion paraissaient très régulièrement dans le journal. Rappelons que Valentin Landry, le fondateur et propriétaire de L’Évangéline, avait épousé une anglophone, Mary Lavinia Beckwith, qui était également institutrice et collaborait avec des journaux de langue anglaise (Ross). Ils ont même fondé le Weymouth Free Press en 1887. Le couple exogame aurait-il été derrière le pseudonyme Alpha ou était-ce un pseudonyme de Mary? En tout cas, Landry avait toutes les raisons de souhaiter l’harmonie entre francophones et anglo-phones. C’est pourquoi son journal diffusait des modèles d’Acadiens vertueux et soumis qui ne représentaient aucune menace à l’ordre établi.

Dès son premier numéro, L’Évangéline laisse une place importante à la littérature en publiant des poèmes de Victor Hugo à la une et le feuilleton Évangéline, traduction de Charles Brunel, à la quatrième page. Cette version d’Évangéline est présentée comme un « conte » et le texte de Longfellow est traduit en prose plutôt que sous forme versifiée. En 1888, L’Évangéline publie également Jacques et Marie de Bourassa, comme l’avait fait Le Moniteur Acadien, ce qui fait dire à Bernard Haché que ces deux romans sont les plus importants parmi tous les feuilletons du corpus journalistique acadien du 19 e siècle (134). La répétition ne fait que renforcer la valeur identitaire des modèles chez les lecteurs.

Quelques articles sont consacrés au thème de la Confédération, mais aucun ne la remet en question. Comme c’était le cas dans Le Moniteur Acadien et Le Courrier des provinces maritimes, on s’appuie sur le concept de citoyenneté à part entière pour revendiquer les droits des Acadiens, car « [l]e peuple acadien compte aujourd’hui pour quelque chose dans la confédération canadienne » (« Non » 2). Un article signé par Jos. A.A. Cullen offre une argumentation non équivoque; étant donné que « [n]ul pays n’offre plus de liberté à ses sujets que notre Canada » et que « [s]elon la constitution de notre Gouvernement fédéral, nous sommes tous égaux devant la loi et nous avons tous les mêmes chances de promotion comme sujets britanniques, quelque [sic] soit l’origine propre d’un chacun de nous », il serait logique que les Acadiens aient les mêmes droits que leurs concitoyens anglophones. Or, selon l’auteur, ce n’est pas le cas :

Au Nouveau-Brunswick, le contraste est de nature à nous faire comprendre que le british [sic] fair play n’est pas tout à fait en honneur. Il y a quelques députés français dans ce corps parlementaire mais leur influence est emportée par la majorité. Nos écoles par exemple relèvent de la législature et on sait que les français [sic] du Nouveau-Brunswick ne sont pas justement représentés au bureau de l’éducation. On culbute l’ordre et on se donne des raisons de nommer et de démettre les fonctionnaires d’origine française comme bon nous semble. Cet état de choses est intolérable et injuste. (« Les droits d’un chacun » 2)

Si on va jusqu’à affirmer que « Sa majesté Britannique n’a pas de sujets qui aient plus fait pour la fondation, le maintien et la prospérité de ses colonies d’Amérique, que les Canadiens et Acadiens français » (Observateur 2), il faut lire ce rappel constant de la loyauté des Acadiens dans un esprit de revendication plutôt que de soumission, comme le fait l’article suivant, qui dénonce l’érection d’un monument à Louisbourg par la Society of Colonial Wars en 1895 :

Désormais, nous sommes citoyens du Dominion au même titre que les membres du cabinet fédéral; nous remplissons nos devoirs civiques; nous payons nos taxes, conséquemment nos droits à la justice et au respect; nous sommes cent trente mille qui devant les faits accomplis, avons courbée [sic] la tête et oublié la France à titre de gouvernement sans murmurer; nous ne sommes pas des rebelles vaincus qu’il est bons [sic] d’humilier, donc, nous protestons contre l’érection d’un monument à Louisbourg. (« Une plaie rouverte » 2

Ces termes éloquents n’auront aucun effet sur l’érection du monument. La célébration du vainqueur de la chute de Louisbourg passe avant l’humiliation et l’insulte causées aux Acadiens, ce qui illustre bien le point de vue du gouvernement canadien majoritairement anglophone et renforce un sentiment d’impuissance chez les Acadiens. Nonobstant les échecs comme celui-ci, L’Évangéline s’est fait plus contestataire que les autres journaux de la même époque.

Fondation de L’Impartial

Malgré sa courte vie de 1893 à 1915, L’Impartial a eu un impact considérable sur la collectivité acadienne de l’Île-du-Prince-Édouard en tant que premier — et seul — journal de langue française de l’Île jusqu’à la fondation de La Voix Acadienne en 1975. Ainsi, il a porté les nombreuses causes des Acadiens insulaires, notamment celle de l’éducation en fran-çais, qui était le cheval de bataille principal de son fondateur, Gilbert Buote. Véhicule des grandes valeurs acadiennes telles que la religion catholique et « la survivance acadienne » (Blanchard iv), l’hebdomadaire a aussi servi de tremplin à la création de l’Association des instituteurs de l’Île-du-Prince-Édouard, en publiant les rapports de ses congrès. L’historien Georges Arsenault reconnaît que L’Impartial offre « une véri-table mine de renseignements portant sur l’histoire acadienne de l’Île, sur les familles acadiennes, enfin, sur tout autre sujet ayant trait à la vie des insulaires de souche française » (« Avant-propos » ii). De son côté, Joseph-Henri Blanchard estime que la disparition de L’Impartial a été « la plus grande perte » des Acadiens de l’Île (iii).

Afin de comprendre l’idéologie de L’Impartial, il faut se pencher sur son fondateur, Gilbert Buote. Instituteur comme son père, il devient, au moment où il fonde L’Impartial en 1893, directeur de « l’École gram-maire de Tignish » (Arsenault, Les Acadiens de l’Île 163), poste qu’il maintient malgré la lourde charge que lui impose son travail journalistique. Son fils, François-Joseph Buote, collabore au journal dès sa fondation et, en 1904, en devient le rédacteur en chef et propriétaire. Selon Georges Arsenault, le journal aurait également contribué à promouvoir l’identité des Acadiens en faisant valoir « la richesse de leur culture et de leur langue » (Les Acadiens 157). Effectivement, dans le numéro inaugural, le journal réitère presque mot pour mot les propos d’Israël Landry, fondateur du Moniteur Acadien : « On entend dire quelquefois, que le peuple acadien nourrit une certaine apathie pour la lecture et pour l’instruction en général », mais l’auteur répudie cette idée en expliquant que « [s]i les Acadiens de notre province n’ont pas toujours donné à l’éducation française l’attention qu’elle mérite, c’est que des circonstances adverses s’y opposaient » (le 22 juin 1893, p. 1). L’objectif principal du journal était donc de promouvoir l’éducation en français à l’Île-du-Prince-Édouard. Fidèle à sa mission, L’Impartial a été un organe indispensable à la création et à la promotion d’associations acadiennes telles que la Société mutuelle l’Assomption et l’Association des instituteurs acadiens. Cette dernière association a été créée grâce aux efforts de Gilbert Buote qui, s’étant rendu compte que les instituteurs acadiens de l’Île étaient exclus des congrès pédagogiques provinciaux (anglophones), avait proposé l’idée de les réunir au sein de leur propre association à l’inspecteur Joseph-Octave Arsenault, premier inspecteur francophone des écoles acadiennes insulaires, dans un éditorial du 3 août 1893. L’inspecteur Arsenault a réagi en invitant les personnes intéressées à une rencontre à Charlottetown le 27 septembre 1893, et c’est à ce moment que l’Association des instituteurs acadiens de l’Île-du-Prince-Édouard a été fondée.

Instruit et engagé, Buote est néanmoins souvent critiqué. Il abandonne assez rapidement le principe d’impartialité politique sur lequel il a fondé son journal, ce qui, selon certains, nuirait grandement aux finances de L’Impartial (Blanchard iv-v; Arsenault, Les Acadiens 199-200). En 1896, la crise scolaire au Manitoba amène le journal à se ranger ouvertement du côté des Conservateurs qui, au détriment de L’Impartial, perdent l’élection la même année. À la suite de cette défaite, une tentative de rapprochement avec les Libéraux de Wilfrid Laurier ne fait que miner encore plus la crédibilité du journal, ce qui mène à une seconde diminution du nombre d’abonnés. L’historien Henri Blanchard soutient que ce n’était que pour améliorer les finances précaires du journal que Buote aurait accepté de s’allier à un parti politique ou à un autre, mais il est clair que la tournure des événements a été défavorable au journal (Blanchard v).

Du côté des textes littéraires, L’Impartial publie moins de feuilletons que ses concurrents, soit 22 sur autant d’années (Haché 73). Les feuilletons y sont moins réguliers que dans les autres journaux et, comme le Courrier des provinces maritimes, ce journal ne reproduit ni Évangéline ni Jacques et Marie. Outre des textes d’ordre religieux tels que « St-Antoine de Padoue » d’Ernest Hello, paru du 19 au 26 mars 1896, et « Le martyre d’une mère » de Georges Pradel, paru du 1er  août 1895 au 6 février 1896, il s’y trouve des récits fantaisistes comme « La bouteille enchantée — Conte populaire breton », anonyme, paru du 13 au 20 septembre 1900, et « Les causeries d’une vieille marmite », anonyme, paru du 21 septembre au 23 novembre 1893 (Haché 234-235). Ces récits plus courts semblent se rapprocher de l’oralité et du folklore, ce qui avait sans doute pour objectif d’intéresser la population encore très peu instruite à l’époque (Haché 103). Ainsi, si les textes littéraires publiés dans L’Impartial ne traitent pas de l’histoire acadienne, ils renforcent les valeurs religieuses et cultivent un intérêt pour l’art de raconter, ce qui a peut-être nourri l’imaginaire des Acadiens de l’Île d’une façon particulière (les nombreux travaux de Georges Arsenault qui portent sur les chansons et les contes des Acadiens insulaires semblent l’attester).

Quant au discours sur la position des Acadiens au sein d’un pays majoritairement anglophone, L’Impartial se fait parfois assez critique. Dans un discours prononcé à l’assemblée des instituteurs à Rustico en juillet 1896, Pascal Poirier affirme que les Acadiens seront loyaux tant et aussi longtemps qu’ils auront les mêmes droits et privilèges que leurs compatriotes :

D’un ordre politique nouveau est né un sentiment national nouveau. Par l’allégeance nous sommes tout également et au même titre des sujets loyaux de la couronne britannique . . . [. . .]

Nous ne serons infidèles à la couronne anglaise — ce qu’à Dieu ne plaise — que lorsqu’elle nous enlèvera nos droits et nos biens, et encore nos pères lui sont-ils demeurés loyaux jusqu’à dans la plus sauvage persécution; nous n’aurons d’aversion pour nos compatriotes d’origine différente, catholique [sic] ou protestants, et ne nourrirons vis-à-vis d’eux un esprit de rétaliation méchante que lorsqu’ils méconnaitront notre droit imprescriptible d’être comme eux quelque chose dans l’Etat ou dans l’église [sic]. Que les gouvernements soient justes et libéraux vis-à-vis de nous et ils n’auront pas de plus utiles et de plus loyaux citoyens [. . .]. (« Conférence de l’hon. sénateur Poirier à la convention des instituteurs acadiens à Rustico les 7 et 8 juillet 1896 » 2)

D’autres textes publiés dans L’Impartial se font également revendicateurs, mais en arrivent quand même à conclure que les persécutions du passé n’ont fait que renforcer l’attachement à la langue et à la culture des Acadiens :

Après la session [sic] de la Nouvelle France au roi d’Angleterre, nos pères furent en butte à la tyrannie. Un pouvoir despotique voulut les empêcher de parler leur belle langue et de professer librement leur religion.

Ils avaient pour eux la foi des traites [traités?] : c’est en vain qu’ils firent appel aux sentiments de la justice et du droit. Comme nos frères de Manitoba, ils durent courber la tête et se soumettre, en protestant, aux mesures imposées par la force brutale. [. . .]

Si le militarisme britannique s’était montré moins arrogant et moins injuste envers nos pères, il est possible que notre belle langue serait moins florissante et que nous cultiverions avec moins d’ardeur nos plus légitimes ambitions. (Le Pionnier 4)

Ce discours est sévère envers les oppresseurs, qui représentent la « tyr-annie », le « pouvoir despotique », la « force brutale » et un pouvoir militaire « arrogant » et « injuste ». Néanmoins, l’auteur reconnaît que c’est dans ces conditions de minorité opprimée que la lutte pour la préservation de la langue s’est précisée.

Conclusion

L’émergence d’une presse de langue française en Acadie a donné à l’élite acadienne une voix lui permettant de diffuser, pour la première fois dans son histoire, une idéologie nationaliste qui définissait les valeurs communes et l’identité collective du peuple. Chacun des quatre journaux traités avait pour objectif la promotion de l’idéologie de la Renaissance acadienne et a poursuivi cet objectif à sa façon, parfois en misant sur un aspect du nationalisme plus qu’un autre. Les discours alternent entre la bonne entente avec la majorité anglophone et la revendication de droits, mais demeurent essentiellement la voix de l’élite puisque c’est celle-ci qui est propriétaire des journaux et qui en assure la gestion. À force de se faire rappeler le statut minoritaire et la situation précaire des Acadiens, les dirigeants de la société acadienne de l’époque adhèrent à un discours non contestataire en ce qui a trait à leurs relations avec la majorité anglophone, du moins sur la place publique. Certes, il y a des exceptions à la règle, mais elles sont plutôt rares.

Ces journaux ont aussi contribué à la création d’une tradition littéraire qui se poursuivra jusqu’aux années 1950, date à laquelle des nouveaux modèles apparaissent pour remplacer les multiples représentations du personnage d’Évangéline. Ce premier modèle littéraire a été interprété par les membres instruits de cette société comme une confirmation existentielle de la valeur du peuple acadien et une validation de ses souffrances. Paradoxalement, il présentait aussi le peuple acadien sous un angle paternaliste et condescendant de « racisme bienveillant » (Sandrock 84) qui ne faisait rien pour émanciper le peuple acadien. L’opposition anglophone à la création d’un premier journal de langue française fait écho au sentiment de certains Acadiens qui mettenten garde Israël Landry et lui suggèrent, sous prétexte de vouloir son bien, d’oublier ce projet qui pourrait lui faire plus de mal que de bien. Ainsi, on peut lire dans ce sentiment le reflet d’un peuple colonisé, voire infantilisé par la majorité anglophone. Néanmoins, les modèles de vertu que représentait le personnage d’Évangéline ont inspiré de nombreuses autres œuvres de la Renaissance acadienne qui traitent de la Déportation du point de vue d’un couple déchiré. Ce vaste intertexte de schémas narratifs semblables devient une composante importante de l’identité acadienne de cette période. Il serait d’ailleurs fort révélateur d’analyser ces textes à la lumière des théories récentes sur la littérature postcoloniale. De plus, il serait fort approprié d’étendre l’examen des feuilletons aux autres textes littéraires publiés dans ces journaux. Vu le manque d’espace, je n’ai pas pu faire un examen complet de tous les poèmes, odes, chansons et autres textes littéraires publiés dans ces quatre journaux. Il s’agirait pourtant d’une piste prometteuse à exploiter, car contrairement aux feuilletons, certains de ces textes étaient écrits par des Acadiens ou des Acadiennes, ou encore traitaient de thèmes acadiens.

Finalement, entre les pages de ces mêmes journaux, les débuts d’un discours émancipateur se faisaient entendre de la part de quelques militants acadiens. Bien qu’au départ l’Acadie se soit fortement opposée à la Confédération, une fois la chose accomplie, certains ont cherché à tirer profit de ce nouvel ordre politique et social. Qu’il s’agisse de religion, de politique ou de langue, les Acadiens revendiquaient des droits égaux en tant que loyaux sujets britanniques. L’expression de leur loyauté envers le gouvernement qui les avait déportés oscille donc entre un réflexe de minorisés souhaitant maintenir la bonne entente et une négociation pour l’obtention de leurs droits en tant que citoyens canadiens. Ils seront vite déçus :

De grands espoirs avaient été placés dans la bonne entente d’égal à égal avec les Anglais, parce que, croyait-on, la constitution de 1867 réservait des privilèges à la minorité francophone du Canada. Avec l’entrée en vigueur du Bill des Ecoles, s’ensuit ensuite une période de désillusion et de réorientation, du moins chez plusieurs leaders qui surgissent à ce moment. (Mailhot 168-169)

L’auteur se réfère à la loi scolaire de 1871 au Nouveau-Brunswick, qui retirait tout financement aux écoles catholiques de langue française et qui a fait l’objet de contestations importantes. La négociation identitaire n’a donc pas donné les résultats voulus, du moins à court terme, mais elle a favorisé une prise de conscience au sein de l’élite acadienne et, jusqu’à un certain point, chez tous les Acadiens et les Acadiennes. Ces derniers témoignent de l’émergence de modèles de représentation et, paradoxalement, se rendent compte des injustices qu’ils subissent alors qu’on leur répète incessamment que la Confédération leur octroie un statut égal à celui de leurs compatriotes — du moins en principe. Le nationalisme acadien issu de la Renaissance et promu par les journaux a été dénoncé par une génération d’écrivains et d’écrivaines des années 1960 et 1970 qui y ont vu un assujettissement impardonnable, mais qui n’ont peut-être pas saisi l’ampleur et la complexité du discours colonialiste sous-jacent à l’émergence d’une identité collective exprimée pour la première fois sur la place publique en Acadie.