Corps de l’article

Dans une communication au groupe de travail de la Commission des droits de l’Homme des Nations unies, Louise Arbour, Haut Commissaire des Nations unies aux Droits de l’homme, soulignait le 15 janvier 2005 l’importance d’élargir notre vision à la fois nationale et internationale de la portée des droits humains fondamentaux :

Il est crucial de reconnaître comme exigibles les droits économiques, sociaux et culturels si on veut honorer les engagements politiques, moraux et légaux que les États ont pris en adoptant la Déclaration universelle des droits de l’Homme.

Arbour

Tout en réaffirmant l’idée des droits sociaux comme droits humains exigibles en vertu du droit international (tels qu’enchâssés dans des instruments comme le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels), ses commentaires soulignent l’échec des États, qui n’ont su donner un effet significatif aux droits de « seconde génération ». Juge à la Cour suprême du Canada, et voix souvent dissidente quant à la portée des droits sociaux sous l’empire de la Charte canadienne des droits et libertés, Arbour a jaugé les défauts des systèmes juridiques nationaux [1]. Au cours des dernières décennies, les États ont eu à prendre de plus en plus conscience à la fois de la profondeur et des coûts des maladies mentales au sein de leurs populations ; cette prise de conscience a accéléré un regain pour la réforme des lois en santé mentale. Toutefois, de telles réformes ne devraient pas en rester aux questions opérationnelles quant au niveau requis de services, ni au problème du financement, mais devraient y revoir aussi l’aspect des droits de la personne. Car, si la protection des droits des malades mentaux semble devenue une priorité au plan international, comme le montre la revue des écrits en ce domaine, le sort de ces personnes, lui, ne paraît pas s’être amélioré ; en fait, il semble s’aggraver, dans une large mesure à cause de la négligence au plan national. Cet article examine le statut de ces personnes en contexte international et en fait l’évaluation au Canada.

Une distinction doit d’abord être faite entre les droits positifs et les droits sociaux. Les sources internationales en matière de droits de la personne reconnaissent à la fois des droits négatifs et positifs. Les droits négatifs ou de « première génération » empêchent l’État d’empiéter sur certaines libertés protégées : ils lui interdisent certaines actions proscrites. Les droits positifs ou de « deuxième génération » imposent aux États des mandats qui deviennent pour eux obligatoires. Bien que les systèmes de pays comme le Canada garantissent des protections civiles et constitutionnelles significatives quant aux droits positifs de leurs citoyens, y compris ceux qui souffrent de troubles mentaux, il n’en va pas de même pour l’accès à des services sociaux (Hirschl, 2000). Nous discuterons de la nécessité de corriger cette lacune ; plus particulièrement, il nous paraît peu probable qu’on puisse améliorer la vie de ces malades en obtenant des tribunaux certains moyens de les soigner, bien que cela soit préférable. Mieux vaut, au Canada, s’employer surtout à obtenir par voie législative des réformes aux lois et à l’administration des services.

L’héritage historique

Les récents mouvements en faveur des droits des personnes aux prises avec des troubles mentaux sont nés des abus épouvantables subis par des générations de malades, avant l’apparition de l’asile et depuis. Paradoxalement, l’asile est né à bien des égards d’un sentiment de compassion. L’anecdote est peut-être apocryphe, mais le premier asile européen pour aliénés, établi à Valence en 1409 par le père Gilabert Jofré, serait né d’une réaction aux abus que Jofré aurait constatés à l’endroit d’un patient psychiatrique (Pinel, 1988). Toutefois, ce qui commença par un refuge se transforma vite en prison, et finit par se traduire, selon la description de Luis Vives, par une exclusion sociale institutionnalisée (Vives, 1980). Le bannissement par voie d’institutionnalisation n’était, bien sûr, que la suite d’un modèle plus pernicieux de gestion sociale prévalant déjà avant l’asile de Valence. Selon Sebastian Brant, le Narrenschiff ou Stultifera Navis (la Nef des fous) — sur quoi ces malades étaient voués à naviguer les fleuves d’Europe, bannis de place en place, sans jamais trouver de port — a précédé l’asile.

Socialement et politiquement, notait M. Foucault, les asiles ont remplacé les léproseries. Toutefois, alors que ces dernières étaient exclusives aux lépreux, l’asile devint ce qu’il a baptisé « le Grand internement », c’est-à-dire un endroit pour toutes sortes d’indésirables, en particulier les personnes affectées par une maladie mentale (Foucault, 1988). En fait, les lettres de cachet envisagées dans la Loi sur les aliénés de 1838 en France — donnant au « gardien de l’hôpital » le pouvoir de ramasser et d’enfermer « mendiants, vagabonds, sans-emplois chroniques, criminels, politiciens rebelles, hérétiques, prostituées, syphilitiques, alcooliques, fous et idiots » — devinrent le schéma directeur d’institutions similaires à travers le monde occidental (Dômer, 1969). La caractérisation des malades mentaux comme « bêtes sauvages » ne laissa d’autre choix que de les mettre à l’écart (Gracia, 1992).

Pour les personnes souffrant de troubles mentaux, le retour de l’exil a été une longue bataille. Même le geste d’un Pinel qui, imprégné des idéaux libertaires de la Révolution française, coupa en public les chaînes de ces malades à La Saltpêtrière en 1795, n’a pas suffi, car dans plusieurs pays, le vieil hôpital décrépit demeure encore le modèle de soins préféré, sinon le seul (Häfner, 1991). Et encore, pour la majorité de ces malades, le retrait des chaînes comme la permission de revenir chez eux ne spas traduit par une libération significative. Dans la plupart des pays, même les plus avancés et les plus prospères, ils ne sont plus dans des asiles, mais dans des prisons, devenues de réels hôpitaux psychiatriques (Konrad, 2002). La criminalisation de ces personnes est réglementée et surveillée outre mesure par les tribunaux et les psychiatres légistes qui, de concert, en sont devenus les gardiens ou modernes surintendants (Arboleda-Flórez, 2005). Le processus d’évaluation médico-légale est devenu un autre filtre pour leur traitement, tenant ces malades en suspens entre trois systèmes en apparence opposés : le système de soins, la justice et le service correctionnel. Mais finalement, l’effet de maintes évaluations médico-légales aboutit à la même réalité : perte de liberté dans un hôpital pour les criminels dangereux ou privation de liberté en prison, en attendant des décisions judiciaire. Qu’a gagné la personne avec troubles mentaux (Weisstub, 1985) ?

Le droit international et le droit aux soins de santé

À plusieurs égards, le droit international a ouvert le chemin au progrès des droits des patients avec troubles mentaux. Ce progrès a pris la forme de normes internationales, exécutoires ou non exécutoires, ou encore de propositions de réforme des législations nationales. Le droit international trouve son expression dans les traités, les conventions ou les normes coutumières. Il prend la forme de traités bilatéraux entre États partenaires ou de conventions multilatérales promulguées par des instances comme les Nations unies. Les normes internationales coutumières, d’un autre côté, ont leur origine dans les pratiques de l’État et dans l’opinio juris, la doctrine juridique (Kinney, 2001). Cependant, peu importe leur origine, les droits de la personne, incluant le droit aux services sociaux et de santé, ont occupé une place importante en vertu du droit international. Ces droits ont sans doute fait le progrès le plus significatif au chapitre des droits négatifs (c’est-à-dire contre l’État abusif), bien que le droit international commence à constituer une source de droits positifs.

Pour les personnes avec des troubles mentaux, le Pacte international relatif aux droits civils et politiques a eu une grande influence quant à la promotion des droits négatifs. Ce pacte ratifié par 151 pays, y compris le Canada en 2003, figure parmi les plus importants traités multilatéraux faisant la promotion des droits de première génération. Il accorde à l’individu un certain nombre de protections, qui sont particulièrement pertinentes pour qui souffre de déficiences intellectuelles ou de troubles mentaux. En particulier, l’article 9 garantit les droits de l’individu à la liberté et à la sécurité de sa personne, et interdit les actions de l’État qui restreignent de façon arbitraire les intérêts individuels à la liberté. Gostin et Gable le notent :

Les gens souffrant d’incapacités mentales ont souvent invoqué ces droits et bénéficié de la protection qu’ils procurent. Par exemple, l’interdiction de traitements cruels, inhumains ou dégradants a donné aux personnes avec incapacités mentales soumises à une garde civile le pouvoir de réclamer des conditions d’internement et de traitement plus humaines. De même, le droit de ne pas être soumis à des arrestations ou à des détentions arbitraires a soutenu les efforts visant à exiger des protections procédurales adéquates pour les personnes avec incapacités mentales sujettes à une détention civile ou criminelle.

2004, 34

Toutefois, la source internationale peut-être la plus significative en matière de « droit à des soins de santé » est le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels. L’article 12 y stipule :

  1. Les États parties au présent Pacte reconnaissent le droit à toute personne de jouir du meilleur état de santé physique et mentale qu’elle soit capable d’atteindre.

  2. Les mesures que les États parties au présent Pacte prendront en vue d’assurer le plein exercice de ce droit devront comprendre les mesures nécessaires pour assurer :

    1. La diminution de la mortalité infantile, ainsi que le développement sain de l’enfant ;

    2. L’amélioration de tous les aspects de l’hygiène du milieu et de l’hygiène industrielle ;

    3. La prophylaxie et le traitement des maladies épidémiques, endémiques, professionnelles et autres, ainsi que la lutte contre ces maladies ;

    4. La création de conditions propres à assurer à tous des services médicaux et une aide médicale en cas de maladie.

Ce pacte est bien sûr soumis à une limite : pour valoir dans un pays, il doit s’exprimer dans la législation nationale : il s’appliquera alors aux citoyens cherchant à le mettre en vigueur.

Un autre développement significatif des droits positifs en matière de soins de santé est la Résolution 46/119 des Nations unies, Principes de la Protection des personnes atteintes de maladie mentale et amélioration des soins de santé mentale (1991). Bien que les résolutions des Nations unies ne peuvent en général imposer d’elles-mêmes des normes internationales obligatoires, elles ont néanmoins une force de persuasion, et servent de recommandations aux États quant aux actions qui devraient au moins être prises en considération (Kindred, 1993). De plus, l’adoption d’une résolution par l’Assemblée générale de l’ONU, peut être symptomatique d’un consensus plus large sur une position particulière. Les Principes de cet instrument-ci reconnaissent spécifiquement le droit positif aux traitements pour les personnes avec des troubles mentaux. Par exemple, le principe 1.1 spécifie que « toute personne a droit aux meilleurs soins de santé mentale disponibles, dans le cadre du système de santé et de protection sociale » (1991). Bien qu’il soit peut-être vrai que ce principe et les autres de cette Résolution ne puissent fournir de base à une revendication de droits positifs à l’encontre d’un État, il est néanmoins l’expression d’une reconnaissance internationale grandissante de l’importance des droits positifs, en particulier quant aux personnes avec troubles mentaux.

Malgré l’existence d’un corpus international grandissant qui interdit la discrimination par l’État ou limite ses interférences à l’endroit des personnes avec troubles mentaux, et même malgré les droits reconnus à des programmes médicaux, on ne voit pas encore clairement quel effet pratique ces résolutions ont à l’intérieur d’un pays. En contexte canadien, par exemple, les traités internationaux ont un effet seulement dans la mesure où le Parlement les applique et les incorpore dans ses lois ; les tribunaux sont autorisés à considérer le droit international dans la seule mesure où il n’entre pas en conflit avec les lois canadiennes. Cela ne pose généralement pas de problème au chapitre des droits négatifs : la Charte canadienne des droits et libertés ainsi que les statuts et codes des droits de la personne des provinces reprennent (ou améliorent) plusieurs des droits garantis par les conventions internationales. De plus, la Cour suprême a soutenu que le droit international devrait guider l’interprétation de la Charte. Toutefois, tel que mentionné ci-haut, les tribunaux canadiens n’ont pas été très généreux dans la reconnaissance des droits sociaux. En effet, nous le verrons, la Cour suprême n’a pas voulu jusqu’ici interpréter la Charte comme donnant une base au droit d’obtenir des services médicaux particuliers.

L’expérience canadienne

Au Canada, les droits fondamentaux positifs et négatifs des patients avec troubles mentaux sont appliqués de deux manières. Des lois et, en certain contexte, des actions gouvernementales peuvent être contestées devant les tribunaux par voie de révision constitutionnelle ; le « principe » de telles initiatives est une violation présumée de la Charte, qui enchâsse les droits et libertés fondamentales de tous les Canadiens [2]. Conformément à l’article 52 de la Charte, toute loi inconsistante avec ses dispositions n’a aucune force ni effet, et peut être cassée. Une méthode apparentée mais distincte de protection des droits des patients est la « révision judiciaire », où une décision d’un tribunal administratif ou d’une agence d’État peut faire l’objet de révision par une cour supérieure. Ces deux méthodes d’intervention judiciaire ont eu des conséquences importantes pour la promotion des droits des patients au Canada.

La Charte canadienne des droits et liberté

À l’instar de législations similaires dans plusieurs autres pays, la Charte canadienne est un document antidiscriminatoire parfait qui aurait dû être une réponse aux nombreuses formes de discrimination et d’abus subis par les personnes avec troubles mentaux. L’article 15 (1) de la Charte interdit spécifiquement la discrimination sur la base de « déficiences mentales ou physiques ». Malheureusement cela n’a pas toujours été le cas malgré que quatre articles de la Charte (7, 9, 10 et 15) soient particulièrement pertinents. Ces articles seront mis en relief comme exemples des problèmes.

On doit admettre d’emblée que la Charte a eu des impacts positifs sur le sort des personnes avec maladies mentales au Canada. Par suite de contestations en vertu de cette loi fondamentale, le législateur a dû étendre l’équité procédurale aux décisions relatives à la santé mentale en fournissant plus de clarté et de transparence aux définitions de termes tels que maladie mentale ou dangerosité et aux paramètres de l’internement et à sa durée. La Charte a favorisé l’amélioration de tribunaux spécialisés comme la Commission d’examen pour les personnes jugées inaptes à subir un procès ou irresponsables au plan criminel. Cela a constitué un point de repère significatif en Ontario pour la Commission chargée d’examiner le consentement et la capacité des personnes, et a aussi élargi les possibilités d’appel et même le droit à l’habeas corpus. Toutefois, la seule protection de l’autonomie personnelle dans les décisions concernant le traitement ne suffit pas quand se pose le défi plus grand de la négligence sociale, de la violence structurelle, de l’indifférence systématique ou d’une discrimination manifeste. Dans ces domaines de fonctionnement social, la Charte semble avoir été inefficace à ce jour.

La Charte et les droits négatifs

L’article 7 de la Charte stipule que chacun a droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne. Cet article a été instrumental dans l’avancement des droits des personnes avec des troubles mentaux en regard du système de justice et du service correctionnel. Dans la cause R. c. Swain, la Cour suprême a statué que la Couronne ne pouvait dans des procès criminels produire de preuves mettant en question les compétences mentales de l’accusé, vu que cela pourrait avoir pour effet de nier son droit de contrôler sa propre défense. Toutefois, si l’article 7 a mené à des résultats favorables pour les personnes avec troubles mentaux, il est resté quelque peu limité, même en ce qui concerne les droits négatifs : on peut y porter atteinte en autant qu’on le fasse en conformité avec les principes de justice fondamentale. Le traitement judiciaire de la partie XX.1 du Code criminel est éclairant à cet égard.

La partie XX.1 du Code criminel a étendu certaines protections aux personnes accusées de crimes qui souffrent de troubles mentaux ; auparavant, la loi permettait seulement un verdict de culpabilité ou de non-culpabilité. La partie XX.1 a introduit une troisième possibilité : un accusé pouvait obtenir un verdict de non-responsabilité criminelle pour cause de troubles mentaux. Le procédé établi par le Parlement dans cette partie a été contesté en 1999 dans la cause de Winko c. British Columbia (Forensic Psychiatric Institute) [3]. Winko avait été trouvé non responsable criminellement pour une agression de deux piétons en 1983. Selon le procédé de la partie XX.1, il avait été évalué par la Commission de révision, mais jusqu’en 1995, il n’avait pas réussi à obtenir une libération absolue. Il a argué que la partie 672.54 du Code, qui accorde à la Commission la discrétion d’accorder soit une libération absolue, soit une libération conditionnelle, soit une détention préventive, était invalide à cause de sa trop grande portée (over-breadth), et du fait qu’elle présumait de la dangerosité de la personne. Le tribunal a soutenu la constitutionnalité de la loi, estimant que ses dispositions équilibraient adéquatement les intérêts de liberté des personnes reconnues non criminellement responsables et les intérêts de la sécurité publique, tout en fournissant un cadre suffisamment clair pour un débat juridique.

Bien que la partie 672.54 ait été maintenue dans Winko, elle a été contestée avec succès en 2004, dans R. c. Demers. Cette cause concernait le sort à réserver aux personnes reconnues inaptes à subir un procès pour des raisons de troubles mentaux. Sous XX.1, en date de 2004, les personnes reconnues inaptes à subir un procès pour cause de troubles mentaux n’étaient pas éligibles à une libération absolue ; de cette façon, si un accusé souffrait d’un trouble permanent, il n’avait aucun espoir d’une libération, même s’il était établi qu’il ne représentait aucun danger pour le public. Bien que le tribunal n’ait pas trouvé que cette disposition violait la présomption d’innocence de l’accusé, il a reconnu qu’elle était trop large d’application pour les personnes souffrant de troubles permanents. De cette façon, la disposition a été rendue inopérante.

L’article 7 de la Charte a des implications qui vont au-delà des rapports entre les personnes avec troubles mentaux et le système judiciaire. On l’a notamment invoqué pour limiter la portée de la doctrine du parens patriae, selon laquelle l’État prend en charge les mineurs et les personnes jugées inaptes à consentir à des traitements nécessaires. Dans la cause de E. (Mrs.) c. Eve, la mère d’une femme handicapée mentale a déposé une requête à la Cour de l’Île du Prince-Édouard afin d’être reconnue représentante de sa fille, et d’obtenir l’autorisation de la soumettre à une stérilisation. Elle s’inquiétait que sa fille puisse devenir enceinte par accident et, le cas échant, ne se sentait pas en mesure de l’avoir à sa charge avec un enfant. La Cour suprême a estimé que l’application de la doctrine de parens patrie était limitée aux meilleurs intérêts du sujet, non aux intérêts des aidants naturels ; tout en exprimant de la sympathie pour les préoccupations de Mme E. pour le bien-être de sa fille, la Cour a statué de façon catégorique que « l’on ne devrait jamais autoriser cette procédure à des fins non thérapeutiques en vertu de l’autorité donnée sous parens patriae » (para. 86).

En plus de protéger les individus contre des privations de liberté, la Charte enchâsse des garanties de procédure. L’article 8 stipule que « chacun a droit à la protection contre les fouilles, les perquisitions ou les saisies abusives » ; l’article 9 garantit le droit à la protection contre la détention ou l’emprisonnement arbitraires ; l’article 10 prévoit le droit d’avoir recours sans délai à l’assistance d’un avocat et d’être informé de ce droit, et il impose aussi qu’on soit informé dans les plus brefs délais des motifs de son arrestation ou de sa détention.

Bien que ces dispositions soient en règle générale rigoureusement appliquées dans l’interaction de l’individu avec le système judiciaire, leurs exigences le sont beaucoup moins dans l’interaction des personnes avec troubles mentaux avec les médecins, comme l’a montré un jugement de la Cour supérieure de l’Ontario dans C.B. c. Sawadsky. La plaignante, C.B., avait été détenue par la police à la demande de sa fille, et amenée à l’hôpital Sunnybrook de Toronto pour y subir une évaluation psychiatrique. Elle soutenait qu’elle n’avait pas été informée par le psychiatre évaluateur de son droit de consulter un avocat ou de la raison de sa détention. Le médecin, bien qu’il ne se souvenait pas spécifiquement d’avoir informé la personne de son droit à un avocat, ou de lui avoir fait signer le formulaire 42 (qui informe le patient de l’opinion du médecin et de ses propres droits légaux), la Cour a conclu que le médecin l’avait fait. De plus, la Cour a déterminé que la signature du formulaire par le patient constituait un avis suffisant quant au respect de la Charte :

Comme elles visent des objectif publics différents, il est difficile d’analyser les procédures de protection en milieu hospitalier en se référant aux critères du droit criminel. Pour les raisons qui suivent, j’en viens à la conclusion que les protections de procédure établies dans la législation sur la santé mentale respectent les obligations imposées par la Charte pour une détention en vertu de cette loi. Les obligations plus étendues de la Charte qui exigent de la police qu’elle informe verbalement une personne détenue à des fins criminelles de son droit à l’avocat et de la possibilité d’obtenir gratuitement un avis juridique, ne s’appliquent pas [4].

Cette décision souligne en fait les limites inhérentes auxquelles font face les personnes avec troubles mentaux relativement à l’application de leurs droits garantis par la Charte ; même si ces troubles y sont mentionnés parmi les motifs de discrimination interdits, les restrictions aux libertés de ces personnes sont sujettes à des standards d’examen différents. Bien que ce puisse être compréhensible et nécessaire, cela pose aussi des problèmes distincts de promotion inégale des droits de ces personnes.

Vu l’interdiction de discrimination pour troubles mentaux en vertu de l’article 15 (1) de la Charte, on pourrait se demander comment la distinction dans Sawadsky peut être justifiée. Malheureusement, cette décision est conforme au droit dans ce domaine. En fait, dans Winko, la Cour suprême a aussi considéré une contestation de la constitutionnalité de la partie XX.1 du Code criminel en vertu de l’art. 15 (1) de la Charte. La Cour, tout en estimant discrimatoire le traitement différentiel des personnes tenues non criminellement responsables selon XX.1, a jugé qu’il est, dans les faits, en partie nécessaire à titre de mesure préliminaire en vue de leur permettre de réintégrer la société :

Une analyse de ces dispositions du Code criminel et de leur effet sur l’accusé non responsable criminellement révèle qu’elles sont tout le contraire de la discrimination et, par conséquent, elles ne mettent pas en cause les garanties prévues au par. 15 (1). La partie XX.1 ne dénote pas l’application de présumées caractéristiques personnelles ou de groupe. Elle ne perpétue ni ne soutient l’opinion que les personnes visées par ses dispositions sont moins capables ou moins dignes d’être reconnues. Au lieu de nier la dignité et la valeur du contrevenant souffrant de maladie mentale, la partie XX.1 les reconnaît et les rehausse.

1985, para. 82

La logique de la Cour dans Winko est intéressante dans la mesure où elle reconnaît de façon explicite que dans certaines circonstances, le traitement différentiel de certaines catégories d’individus puisse en effet être nécessaire afin de permettre un exercice réussi des droits civils et une plus grande participation à la société en général. À un niveau théorique, on semble reconnaître implicitement que l’idée tenant les individus pour semblables comme sujets de droits en démocratie libérale, constitutionnelle (c’est-à-dire sujets rationnels et agissant librement) ne concorde pas avec l’idée qu’on se fait des individus vivant dans la réalité des troubles mentaux. Malheureusement, cette même logique (qui, doit-on le rappeler, permet aux tribunaux de restreindre les libertés des personnes avec troubles mentaux) n’a pas été déployée pour étendre les droits positifs et les programmes sociaux à ces personnes.

La Charte et les droits positifs

Les deux articles 7 (vie, liberté et sécurité de la personne) et 15 (discrimination), sont les plus prometteurs de la Charte : plusieurs actions s’y sont appuyées afin de faire étendre les droits sociaux. Bien qu’à de rares occasions, la Cour suprême ait été disposée à étendre des programmes sociaux à des catégories générales d’individus, cela n’a pas été le cas pour les soins de santé au Canada [5].

En 2002, la Cour a eu l’occasion d’examiner jusqu’à quel point les articles 7 et 15 pouvaient servir de base à une requête concernant les services sociaux. La cause, Gosselin c. Québec, visait à déterminer si les règlements provinciaux régissant l’admissibilité aux prestations d’aide sociale étaient discriminatoires, et constituaient une violation du droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de la personne. Le programme limitait l’aide sociale accordée aux moins de trente ans à seulement un tiers du barème accordé aux plus de trente ans ; les bénéficiaires voulant se qualifier pour obtenir la pleine prestation devaient participer à des programmes de formation professionnelle approuvés. Dans une décision partagée, la majorité des juges a soutenu que bien qu’il y avait une distinction dans le traitement des moins de trente ans, il ne s’agissait pas de discrimination. Plus intéressant encore, sur le droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de la personne, le juge en chef McClachlin a noté ce qui suit :

Même s’il était possible d’interpréter l’art. 7 comme englobant les droits économiques, un autre obstacle surgissait. L’article 7 précise qu’il ne peut être porté atteinte au droit de chacun à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne qu’en conformité avec les principes de justice fondamentale. En conséquence, jusqu’à maintenant, rien dans la jurisprudence ne tend à indiquer que l’art. 7 impose à l’État une obligation positive de garantir à chacun la vie, la liberté et la sécurité de sa personne. Au contraire, on a plutôt considéré que l’art. 7 restreint la capacité de l’État de porter atteinte à ces droits. Il n’y a pas d’atteinte de cette nature en l’espèce.

Il est possible qu’on juge un jour que l’art. 7 a pour effet de créer des obligations positives. […] La question n’est donc pas de savoir si l’on a déjà reconnu — ou si on reconnaîtra un jour — que l’art. 7 crée des droits positifs. Il s’agit plutôt de savoir si les circonstances de la présente affaire justifient une application nouvelle de l’art. 7, selon laquelle il imposerait à l’État l’obligation positive de garantir un niveau de vie adéquat.

J’estime que les circonstances ne justifient pas pareille conclusion. Avec égards pour l’opinion de ma collègue le juge Arbour, je n’estime pas que la preuve est suffisante en l’espèce pour étayer l’interprétation de l’art. 7 qu’elle propose. Je n’écarte pas la possibilité qu’on établisse, dans certaines circonstances particulières, l’existence d’une obligation positive de pourvoir au maintien de la vie, de la liberté et de la sécurité de la personne. Toutefois, tel n’est pas le cas en l’espèce. Le régime contesté comportait des dispositions prévoyant du « travail obligatoire » compensatoire et la preuve n’a pas établi l’existence d’un véritable fardeau. Le cadre factuel très ténu en l’espèce ne saurait étayer l’imposition à l’État d’une lourde obligation positive d’assurer la subsistance des citoyens.

Ainsi, sans fermer la porte à une extension future de l’applicabilité de l’article 7 à des droits sociaux, il semble clair que, pour le moment du moins, cet article ne peut être invoqué pour appuyer une obligation positive de fournir des services gouvernementaux.

Bien que la majorité ait rejeté une telle lecture, les juges Arbour et L’Heureux-Dubé ont estimé toutes deux que la loi contestée violait les articles 7 et 15 de la Charte. Arbour a suggéré qu’on ne devrait pas adhérer à la distinction faite entre droits sociaux négatifs et programmes sociaux et économiques. En fait, elle a soutenu que la Charte devrait être lue, dans certains contextes, comme imposant des obligations positives à l’État dans des circonstances discrètes :

[…] le droit d’un individu « à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne » que lui garantit l’art. 7 comporte une dimension positive. Peu de gens mettraient en doute l’obligation morale positive qu’a un État providence moderne comme le Canada de protéger la vie, la liberté et la sécurité de ses citoyens. Cependant, la question de savoir si cette obligation morale positive se traduit par une obligation légale ne recueille pas un aussi large consensus. Certains soutiennent que, en raison d’obstacles sur le plan de l’interprétation, il est impossible de conclure que l’art. 7 impose à l’État l’obligation positive d’offrir une protection aussi fondamentale.

À mon avis, ces obstacles sont moins réels et importants qu’on pourrait le supposer. Pas plus que ne l’exige le texte même de la Charte, la Cour n’a jamais statué qu’il lui fallait rejeter toute action — comme celle qui nous occupe — demandant à l’État d’intervenir concrètement pour assurer aux citoyens la protection tangible la plus élémentaire en ce qui touche à la vie et à la sécurité. Au contraire, la Cour a constamment choisi de ne pas écarter la possibilité de conclure à l’existence, à l’art. 7, de certains droits positifs à des moyens élémentaires de subsistance. À mon sens, loin de faire obstacle à une telle conclusion, le texte et la structure de la Charte — tout particulièrement l’art. 7 de celle-ci — commandent en fait une telle conclusion.

para. 306-307

Nonobstant la logique de son argument, cette dissension n’a pas influencé substantiellement les autres jugements, et n’a pas non plus élargi significativement la nature et l’ampleur des droits et libertés au Canada.

Cela a été amplement démontré dans une décision unanime récente, Auton c. B.C., particulièrement pertinente quant aux droits des personnes avec troubles mentaux. La Cour suprême a maintenu une interprétation restrictive de la Charte. Les parents d’un enfant souffrant d’autisme grave arguaient que le refus de la Colombie-Britannique de financer une forme particulière de thérapie béhaviorale constituait une violation des droits de leur enfant garantis par la Charte (article 15 (1) — discrimination). Le juge McLachlin a noté :

On comprend la situation des requérants et la décision des tribunaux inférieurs d’ordonner au régime public de soins de santé de payer leurs frais de thérapie. Cependant, la question dont nous sommes saisi n’est pas de savoir quels services devrait offrir le régime, car il appartient au Parlement et à la législature d’en décider. Notre Cour doit plutôt déterminer si le refus du gouvernement de la Colombie-Britannique de supporter financièrement les services en cause dans le cadre du régime de soins de santé équivaut à un refus injuste et discriminatoire des avantages conférés par le régime, contrairement à l’art. 15 de la Charte. Malgré leur solide argumentation, les requérants n’ont pas établi que le refus des avantages contrevenait à la Charte.

para. 2

Dans sa décision, la Cour s’est appuyée sur l’analyse contre laquelle Arbour avait argué : les obligations de l’État de procurer des services particuliers doivent être ancrées dans un engagement positif de l’État. Autrement dit, la Charte en elle-même ne peut être vue comme donnant une base à une revendication contre l’État. Dans le contexte de la cause Auton, le gouvernement de Colombie-Britannique ne payait pas les services spécifiques demandés par le plaignant ; la loi provinciale sur les soins de santé (Medicare Protection Act) ne prétendait pas étendre le financement aux services des praticiens dispensant la thérapie demandée par le plaignant. Sous le régime provincial, la Colombie-Britannique s’était gardé toute discrétion relativement aux services « alternatifs » dispensés par des praticiens non médicaux. Vu les définitions de ce régime, et la discrétion de la province de financer ou non de tels services, la Cour suprême a été incapable de trouver une obligation légale de la part de la province de fournir le financement demandé.

Selon Sujit Choudhry, la cause Auton de même que la récente décision de Chaoulli c. Québec marquent une nouvelle ère dans les jugements de la Cour suprême ; c’est-à-dire qu’avant ces décisions, il y avait peu de litiges concernant les aspects constitutionnels en matière de soins de santé [6]. Choudhry a argué que si la cause Auton soutient la proposition voulant que des droits positifs ne puissent être mis en vigueur en l’absence d’un fondement législatif spécifique au Canada, la décision Chaoulli soutient la proposition selon laquelle le monopole d’État sur les soins de santé au Canada viole potentiellement [7] les droits des Canadiens garantis par la Charte. Le Dr Chaoulli contestait la constitutionnalité de la loi québécoise qui interdisait la souscription d’assurance santé privée dans cette province. Son patient avait souffert de divers problèmes de santé et se plaignait des délais du système de santé public québécois. Bien que le jugement de la Cour ne soit pas unanime, la majorité a soutenu que l’interdiction d’assurance privée violait la partie 1 de la Charte des droits et libertés de la personne, qui protège le droit de l’individu à la vie et à la sécurité personnelle.

Vu la nature explosive de la décision Chaoulli, le résultat peut être considéré provoquant. La Cour en était consciente ; cependant, comme le juge Deschamps l’écrit au nom de la majorité :

Les tribunaux ont le devoir de s’élever au-dessus du débat politique. Ils laissent au législateur le soin d’intervenir pour concevoir les politiques sociales. Mais lorsque celles-ci violent les droits protégés par les chartes, ils ne peuvent s’esquiver.

para. 89

À la lumière des jugements Auton et Chaoulli, il semblerait que la mise en vigueur d’une obligation légale en matière de soins de santé, à la fois pour les personnes souffrant de troubles mentaux et la population en général, ne peut être soutenue. À l’heure actuelle, les personnes avec troubles mentaux et leurs défenseurs feraient mieux de porter leur attention sur des réformes législatives en matière de soins de santé pour asseoir leurs futures requêtes quant à l’obligation de l’État de dispenser diverses options de traitement.

Révision judiciaire

Bien qu’en contexte canadien une discrétion considérable soit accordée aux tribunaux administratifs quant aux traitements non volontaires des patients avec troubles mentaux, les décisions de ces instances sont sujettes à un examen judiciaire. Le jugement de la Cour suprême dans la cause de Starson v. Swayze démontre bien l’importance de la surveillance judiciaire des décisions prises pour les personnes avec troubles mentaux jugées incapables d’accepter ou de refuser un traitement.

En vertu de la Loi sur le consentement aux soins de santé (Ontario Health Care Consent Act, 1996), une personne jugée inapte peut recevoir des traitements sans son consentement. La capacité, déterminée par un médecin, est définie comme l’aptitude « à comprendre les renseignements pertinents à l’égard de la prise d’une décision concernant le traitement […] et […] à évaluer les conséquences raisonnablement prévisibles d’une décision ou de l’absence de décision ». Dans sa cause, le professeur Starson avait été jugé inapte à prendre une décision et forcé de se soumettre à des traitements tels que médicaments neuroleptiques, psychorégulateurs, anxiolytiques et antiparkinsoniens. Il a demandé à la Commission du consentement et de la capacité de l’Ontario de réviser cette décision. La Commission a confirmé l’incapacité mais sa conclusion a été infirmée en Cour supérieure. La Cour d’appel de l’Ontario puis la Cour suprême du Canada ont confirmé la décision de la Cour siégeant en révision.

La question en litige dans Starson était de déterminer si la juge siégeant en révision avait retenu la norme appropriée et l’avait correctement appliquée à la conclusion d’incapacité prononcée par la Commission. Au Canada, en droit administratif, un grand respect est accordé aux instances telles que la Commission du consentement et de la capacité ; en fait, le tribunal n’interviendra que pour motif patent de conclusion déraisonnable dans les causes où l’erreur saute aux yeux. Un standard moins grand (reasonableness simpliciter) permet de procéder à la révision quand la décision ne peut être appuyée par un examen rigoureux. Finalement, le standard le moins exigeant permet de maintenir la décision quand elle apparaît encore correcte après un examen plus serré. Le standard de révision tenu pour le plus adéquat dans tous les cas se traduit par l’application d’une analyse « pragmatique et fonctionnelle », soit l’examen d’un certain nombre de facteurs contextuels : absence d’un droit d’appel, expertise des décideurs, présence d’une question de fait ou de droit.

Dans Starson, la Cour de l’Ontario a soutenu que la décision de la Commission du consentement et de la capacité était sujette à révision en vertu du critère de la raisonnabilité. En appliquant ce standard, elle a trouvé que la détermination faite par la Commission n’était pas soutenue par la preuve ; alors que Starson ne tenait pas son état pour une maladie, il a reconnu que le fonctionnement de son cerveau n’était pas typique. De plus, la Commission a erré en omettant de lui demander s’il était conscient que son état se détériorerait s’il refusait le traitement proposé. Finalement, elle a erré en appliquant le test d’aptitude ; elle avait basé sa décision, en partie, sur l’opinion qu’elle-même avait du meilleur intérêt du patient : en conséquence, a jugé la Cour, la Commission a « laissé de manière inappropriée son idée du meilleur intérêt de Starson influencer sa constatation d’incapacité ».

Ce jugement est important dans la mesure où il renforce les restrictions imposées à la Commission du consentement et de la capacité sur la portée de ses attributions. Spécifiquement, la Cour a souligné le fait que le mandat de la Commission n’était pas de déterminer les meilleurs intérêts du patient, mais d’évaluer la capacité de la personne en question. Cette approche estime que l’intérêt en jeu est la liberté de la personne, et elle donne une expression plus large à la loi de 1996 sur le consentement du patient, en mettant l’accent sur son autonomie et sur le respect de ses désirs par rapport au traitement. Bien que son état fut susceptible de se détériorer s’il ne se soumettait pas aux soins recommandés, Starson s’objecta au traitement en grande partie à cause des effets secondaires de la médication. La Commission, en imposant l’opinion qu’elle avait de lui, a outrepassé les bornes établies par la loi ; ainsi, Starson peut être vue comme une justification du droit du patient de choisir soit de suivre le traitement, soit de le refuser, peu importe les conséquences.

La disponibilité d’une révision judiciaire ou d’un appel à l’encontre de la détermination arrêtée par un médecin ou une instance concernant l’aptitude, est conforme aux normes internationales en regard des droits des personnes avec troubles mentaux, en particulier le principe 6 stipulant que « la personne dont la capacité est en cause, son représentant personnel, le cas échéant, et toute autre personne concernée auront le droit de faire appel des décisions en question devant un tribunal supérieur ». Néanmoins, l’utilité de la révision judiciaire comme voie d’avancement des droits positifs des personnes avec troubles mentaux est, au mieux, limitée, vu que les instances administratives ont des mandats circonscrits par les législatures, et qu’une décision concédant un bénéfice ou un droit qui n’est pas expressément accordé par la loi, pourrait être facilement révisée et renversée.

Réforme récente : l’ordonnance de traitement en milieu communautaire

Même si la Cour suprême n’a pas voulu reconnaître que la Charte garantit, en l’absence de base législative, un droit positif aux services du gouvernement, il y a eu néanmoins des développements positifs dans la méthode des traitements prodigués par le gouvernement aux personnes qui souffrent de troubles mentaux. Par exemple, l’Ontario et la Saskatchewan ont toutes deux apporté à leur législation en matière de soins en santé mentale des réformes qui fournissent une alternative à l’institutionnalisation, et complètent la loi quant à la négligence et au désaveu. Suite à la tendance actuelle d’un certain nombre de pays, et reflétant les valeurs sous-jacentes aux principes internationaux, ces provinces dispensent maintenant, avec l’innovation communautaire, des traitements plus flexibles. Bien que ces développements portent plus directement sur les droits négatifs que sur les positifs, ils sont révélateurs d’un changement du discours gouvernemental au Canada relativement aux traitements des personnes avec troubles mentaux. Ces initiatives soulignent l’importance de repenser la frontière qui sépare les droits positifs des droits négatifs dans la jurisprudence canadienne.

Une ordonnance de traitement en milieu communautaire (OTC) est un plan de traitements qu’un patient avec troubles mentaux doit suivre (bien que de consentement), mais qui peut être dispensé hors institution. L’utilisation de l’OTC pour le traitement de ces patients n’est pas un nouveau concept ; comme Bell l’a noté, « les soins communautaires ont gagné en popularité dans les années 1960 alors que les médicaments psychotropes menaient à la possibilité que les personnes avec troubles mentaux puissent demeurer dans la communauté tout en recevant des soins » (Bell, 2003, 486). Néanmoins, ce n’est pas avant 1994 que la loi de la Saskatchewan a été modifiée pour permettre les OTC. L’Ontario a suivi en l’an 2000, avec la loi de Brian (Brian’s Law), qui a modifié la législation (Mental Health Act) afin de permettre de dispenser des soins dans la communauté avec l’OTC.

En Ontario et en Saskatchewan, l’OTC est disponible seulement pour les patients qui ont au préalable été hospitalisés à cause de leur maladie. Malgré cette limitation, l’OTC est conforme aux principes internationaux (MI Principles), et reflète l’engagement en faveur des droits fondamentaux des personnes avec troubles mentaux ; le principe 3 reconnaît expressément le droit de ces personnes de vivre dans la mesure du possible dans leur communauté. Bien que les OTC, à l’instar de l’institutionnalisation, interfèrent avec l’intérêt de liberté du patient, ces programmes de soins s’avèrent beaucoup moins contraignants que l’hospitalisation coercitive. De plus, dans le cas de l’Ontario, le consentement du patient (ou de son représentant) est requis pour prescrire l’OTC, et une telle ordonnance ne peut être émise sans que le patient ne soit informé de son droit à un avocat. Quant au modèle institutionnel de traitement obligatoire, l’OTC reflète clairement l’avancement des droits des patients, du moins dans le cadre des droits négatifs.

Toutefois, le succès de ces traitements dépend de la disponibilité des services dans la communauté pour appuyer le patient soumis à une telle ordonnance, et la prestation de tels services n’est pas rendue obligatoire par la loi :

La disponibilité des services est une question majeure à la fois dans l’élaboration et dans l’implantation de la loi sur les traitements communautaires obligatoires (comme pour les soins externes de patients non volontaires). Évidemment, si les ressources nécessaires pour répondre aux conditions de la personne ne sont pas disposibles, elle ne peut s’y soumettre. Ces personnes pourraient devoir retourner à l’hôpital en raison d’une situation sur laquelle elles n’ont aucun contrôle. Certaines critiques […] soutiennent que les ordonnances de traitement en milieu communautaire ne devraient pas être émises tant que la gamme complète des services en santé mentale ne soit disponible pour tous, chose qui n’arrivera peut-être jamais.

Gray, 2006, 20

Les services communautaires requis pour le succès d’un régime OTC ne se limitent pas au traitement médical ; logement et revenu adéquats, aide à la formation, sont aussi nécessaires pour assurer une réintégration réussie de l’individu dans la communauté, et pour contrer la stigmatisation sociale subie par ces personnes. Comme Bell l’a souligné quand les tous premiers programmes OTC ont été introduits :

Les décideurs avaient sous-estimé les circonstances sociales dans lesquelles les personnes avec troubles mentaux pourraient vraisemblablement se retrouver et qui en mèneraient plusieurs à être exclues de l’accès aux ressources matérielles nécessaires à la vie en communauté, une situation que les lois anti-discriminatoires ne corrigent pas toujours.

2003, 486

En l’absence de garantie que les services essentiels à une réintégration réussie dans la communauté seront rendus disponible aux patients sous OTC, il est loin d’être évident que ces développements amélioreront leur vie.

Redressement

Les systèmes modernes de santé mentale ne dépendent plus d’abord des hôpitaux psychiatriques, mais des unités psychiatriques d’hôpitaux généraux et d’une variété d’agences communautaires de santé mentale. En matière de droits humains, ces systèmes ont besoin d’un discours différent, qui aborde la discrimination économique et les inégalités d’accès aux soins ainsi que la violence systémique et structurelle à laquelle ces patients sont sujets dans la communauté. Le discours sur les droits humains doit évoluer pour se préoccuper moins exclusivement des droits à la liberté et à l’autonomie des malades mentaux et davantage à leurs droits comme classe de citoyens encore bafoués au sein du système social. La bataille pour ceux qui se préoccupent de ces personnes est de gagner pour elles les mêmes droits et les mêmes programmes que ceux dont jouissent les autres citoyens (Farmer, 1999).

De la protection des droits fondamentaux à la négligence sociale

La plupart des lois concernant les personnes avec troubles mentaux se concentrent sur les droits civils traditionnels ou de « première génération », surtout les droits de liberté, de juste procédure, de protection contre les abus ou l’imposition autoritaire de traitement (Laing, 1971). Bien qu’il soit très important de préserver ces protections, les régimes trop imbus de philosophie anti-institutionalisation ou fondés sur l’autonomie absolue de l’individu trahissent une idéologie qui oublie de prendre en compte les besoins réels de pays ayant recouru à l’institutionnalisation. Dans la majorité des pays où une politique de désinstitutionnalisation a été implantée, dont le Canada, les patients avec troubles mentaux ne sont plus dans des hôpitaux psychiatriques, mais se retrouvent jetés dans la communauté. La plupart d’entre eux n’ont accès à un lit dans aucun type d’hôpital. Le défi auquel sont confrontés plusieurs de ces patients est l’envers du précédent modèle ; alors que l’abus systémique et la privation de la liberté constituaient la plus grande faiblesse des régimes antérieurs, les patients d’aujourd’hui font face à la négligence structurelle et systémique. À son tour, cette situation a eu un impact profond sur ces personnes en tant que sous-classe sociale laissée sans protection. Ainsi, de savoir si les patients avec troubles mentaux ont gagné quelque chose peut sembler académique, mais à voir le sort qui leur est fait dans les ghettos urbains de maladies mentales, ou dans les prisons, la question est fort pratique, obligatoire et urgente. De plus, elle exige des réponses non seulement des législateurs et des décideurs, mais de la société en général, qui entretient des attitudes négatives envers ces personnes et ne comprend pas dans quelle impuissance elles sont.

Trois interactions sociales — attitudes stigmatisantes, droits négatifs et impuissance — expliquent le fossé qui sépare les documents officiels ou les bonnes intentions des lois contre la discrimination et les réalités de la vie des personnes avec troubles mentaux dans la société d’aujourd’hui.

Attitudes stigmatisantes : perspective, identité et réaction

La stigmatisation, les préjugés et la discrimination ont été identifiés comme étant les raisons à la plupart des difficultés que doivent affronter les personnes avec troubles mentaux lorsqu’elles sont prêtes, au jugement clinique, à réintégrer la société (Arboleda-Flórez, 2003). Alors que la stigmatisation et les préjugés sont des attitudes, la discrimination constitue le déni actif des programmes et des droits dont jouissent d’ordinaire la plupart des citoyens. Stigmatisation, préjugés et discrimination sont étroitement liés et forment un même tissu d’habitudes sociales qu’on peut observer dans toutes les classes et groupes sociaux. La stigmatisation se développe au sein d’une matrice sociale de relations et d’interactions et doit être comprise dans trois aspects (Crocker, 1998). Ces aspects ont été identifiés comme étant la perspective, l’identité et la réaction.

Les patients qui montrent des signes de leur état parce que leurs symptômes ou les effets secondaires de la médication les font apparaître étranges, ou qui sont socialement perçus comme faibles de caractère ou paresseux, ou encore qui affichent des comportements menaçants, obtiennent un score habituellement élevé sur ces trois aspects. Par un processus d’association et d’identification de classe, tous les patients avec troubles mentaux font l’objet d’une stigmatisation égale. Le patient individuel, peu importe son degré de détérioration ou d’incapacité, est rangé dans une classe, et l’appartenance à une classe renforce la stigmatisation à son égard. Ce processus d’inclusion dans une classe va jusqu’à faire percevoir ces personnes comme imprévisibles et violentes. De plus, les perceptions de la population en général sont façonnées par des images médiatiques ou d’autres manifestations de la culture populaire. Les médias dépeignent souvent les patients comme étant dangereux, et l’intrigue du « tueur psycho » est depuis longtemps exploitée par le cinéma (Steadman, 1978 ; Byrne, 1998). L’association entre maladie mentale et violence aide à perpétuer la stigmatisation et les pratiques discriminatoires envers ces personnes et elle n’est qu’un des nombreux stéréotypes et attitudes préjudiciables de la population à leur égard (Stuart 2001).

Dans la mesure où plusieurs maladies mentales sont chroniques et incapacitantes, les personnes aux prises avec ces troubles peuvent difficilement échapper à l’étau des attitudes sociales négatives. Il en résulte une annihilation sociale de ces personnes, un resserrement de leur vie qui les empêche de se ré-intégrer pleinement dans la communauté et de participer aux activités de leurs groupes de référence. La peur de la stigmatisation en empêche plusieurs d’aller chercher les traitements nécessaires ou d’adhérer à un régime de soins. Une telle anxiété au travail comme la peur de perdre son emploi les maintient aussi dans une prison intérieure de désespoir, jusqu’à ce que la situation soit irrécupérable.

De hauts niveaux d’attitudes de stigmatisation au sein de la population et même parmi les cliniciens pourraient être à la base de ce que Kelly (2005) appelle la « violence structurelle », une forme pernicieuse et insidieuse de discrimination et d’abus, qui se traduit par une privation de droits. Les patients avec troubles mentaux sont sans emploi, confinés à une existence de pauvreté et de charité, bénéficiaires de l’anti-droit de vivre en sans-abri mourant souvent de froid une nuit d’hiver. Dans la réalité, ces personnes ont eu plus que leur part de vols, d’agressions, de viols ou de meurtres dans les rues où elles dorment faute de logement approprié. S’il leur arrive de réagir violemment, souvent pour se défendre, elles sont étiquetées comme dangereuses et envoyées en prison. Ces personnes, en effet, ont aussi obtenu l’anti-droit d’être criminalisées et de recevoir des soins, s’il y en a, dans les prisons et les pénitenciers, non dans les hôpitaux comme la plupart des citoyens s’y attendent quand eux-mêmes sont malades (Arboleda-Flórez 1997). La facilité avec laquelle on les a criminalisées renforce les attitudes de stigmatisation à leur égard. Cela a alimenté la peur qu’elles soient dangereuses et imprévisibles, et mené à des appels pour les contrôler davantage par des mesures d’internement forcé (Appelbaum, 1997 ; Durham 1985). En retour, la dureté de leur existence a un impact négatif sur leur maladie car les éléments biologiques, psychologiques et sociaux sont étroitement interreliés pour renforcer les facteurs étiologiques et maintenir leur statut de malade.

Impuissance

Malheureusement, les personnes avec troubles mentaux n’ont pas le pouvoir d’ordinaire d’améliorer leur situation. La pauvreté, la perte de droits et l’absence de défenseur contribuent à cette situation.

Ces personnes se retrouvent souvent au plus bas niveau social et économique. Leur statut socio-économique est relié aux impacts d’une maladie qui les attaque bien avant que plusieurs d’entre elles n’atteignent leur plein développement, tronquant ainsi leur éducation et réduisant leur potentiel de travail. Plusieurs qui développent cette maladie jeunes ne peuvent pas recourir aux soins qui aideraient à la déraciner et à en atténuer les effets. De trop faibles connaissances sur la nature et l’apparition des maladies mentales, la peur du stigmate chez les membres de la famille, un manque des ressources financières, et un système de soins qui ne fournit pas de milieux de traitement pour les jeunes, prolongent sans raison le délai entre l’apparition de la maladie et la première possibilité de la traiter. D’autres, qui deviennent malades plus tard dans la vie, se retrouvent souvent au chômage. Cela entraîne une perte catastrophique de revenu et une descente rapide dans l’échelle socio-économique. Souvent, même une réclamation d’indemnité d’assurance, payée pour des éventualités de cette nature, devient un vrai cauchemar. Les compagnies ont tendance à regarder les réclamations de façon suspecte, réduisant les options de traitement et forçant la personne à encourir des frais d’expertise qui ne servent qu’à redresser l’injustice.

Ces problèmes sont aggravés du fait que les personnes avec troubles mentaux ont rarement de voix politique. La plupart d’entre elles ne peuvent même pas être inscrites à la liste électorale vu qu’elles sont sans domicile fixe ; sans adresse, elles ne peuvent donc pas voter. Le lobbying et la défense des droits, auxquels maints groupes d’usagers recourent pour améliorer l’accès aux soins (centres de traitement ou options de traitement), sont difficiles à organiser parmi les personnes avec troubles mentaux. Les familles sont elles-mêmes affectées : plusieurs vivent dans la pauvreté et sont donc elles-mêmes sans grand pouvoir politique. L’absence de liberté et de voix politique rend invisibles les problèmes sociaux et donc le sort de ces personnes et de leurs familles fait rarement partie des débats politiques. Il en résulte une négligence pour les systèmes de soins, un financement insuffisant, des centres inadéquats et une indifférence totale à cette situation sociale. Les personnes souffrant de ces maladies sont non seulement privées de leurs droits mais totalement aliénées du système politique.

À sa base, l’impuissance de ces personnes prend racine dans leurs propres difficultés mentales, qui consument souvent leur énergie, compromettant ainsi leur capacité de participer à l’arène politique. Les patients gravement malades sont préoccupés par leurs délires et leurs hallucinations ; plusieurs sont trop paranoïaques pour simplement penser faire confiance à quelque forme que ce soit d’action de groupe, ils sont désorganisés à cause de leur comportement maniaque, ou trop déprimés pour simplement s’en préoccuper. Les maladies mentales graves sont très invalidantes et troublent la modulation appropriée des affects et des contrôles de comportement. Elles altèrent aussi les processus cognitifs nécessaires à la compréhension de questions complexes et à l’expression des opinions de manière cohérente, spécialement pour parler en public, comme la plupart des actions politiques le requièrent.

En plus de n’avoir pas de voix politique qui leur soit propre, les personnes avec troubles mentaux manquent aussi de champions. Même lorsqu’un leader ou un militant apparaît et se fait le défenseur de ces personnes, sa force de motivation provient d’ordinaire d’une situation d’outrage personnelle : souvent un proche a succombé à la maladie mentale et lui-même doit faire face à la dure réalité de services inadéquats. La peur des répercussions négatives sur son capital politique a mené plus d’un politicien à cacher la maladie d’un proche ou même dcollègue. Une histoire de maladie mentale s’avère un obstacle majeur pour se faire élire ou demeurer en politique. Les cliniciens qui estiment avoir à confronter la réalité sociale de leurs patients et qui se font un devoir de les défendre sont souvent perçus comme favorisant leurs propres intérêts. Eux-mêmes élus, ils passent à d’autres questions, ne souhaitant pas être vus comme le politicien d’une seule cause, s’obstinant sur un sujet sans résonance politique.

Conclusion

Vu l’apparente dissonance entre les droits internationalement reconnus à des soins adéquats et à la protection contre la discrimination, et leur application restreinte en contexte canadien, on pourrait se demander quels progrès attendre dans un proche avenir. Il est important de rester bien informé du réel progrès accompli au Canada quant à la reconnaissance des droits, positifs et négatifs, des deux dernières décennies. Les tribunaux, les législatures et le parlement ont dans une certaine mesure contribué à cet avancement, et de récents développements font espérer que les inégalités historiques seront de plus en plus réparées.

Les causes de Gosselin et d’Auton n’ont pas réussi à établir au Canada un plein droit à des services de l’État (quant aux prestations d’aide sociale et aux services de soins de santé, respectivement). Néanmoins, vu que la cause de Gosselin a reflété une division à la Cour suprême (un jugement à 5 contre 4), les droits positifs pourraient recevoir une plus grande reconnaissance advenant des faits nouveaux. De plus, une décision récente a ouvert un plus grand espace à l’influence du droit international dans l’interprétation des droits enchâssés dans la Charte. L’Heureux-Dubé l’a noté dans Baker c. Canada (ministère de l’Immigration), « les valeurs exprimées dans le droit international des droits de la personne peuvent aider à éclairer l’approche contextuelle dans l’interprétation des lois et le contrôle judiciaire », même quand un instrument international n’a pas été repris dans les lois canadiennes (Baker, para. 70).

De la même manière, comme on l’a déjà mentionné, les développements législatifs récents ont aidé à une meilleure reconnaissance de la dignité et de la valeur des personnes qui souffrent de troubles mentaux. Notamment, les réformes de la loi sur la santé mentale en Ontario y ont amené le système provincial à s’aligner de plus près avec les Principes internationaux, en stipulant que là où c’est possible, les traitements doivent avoir lieu dans la communauté du patient. Toutefois, en l’absence d’engagements sérieux de la part de l’État à financer adéquatement les programmes communautaires d’aide à la réintégration de ces personnes, les changements législatifs ne vont guère permettre d’en arriver aux résultats souhaités.

Si le Canada doit se conformer vraiment aux principes et à l’esprit de la convention Protection des personnes atteintes de maladies mentales et amélioration des soins de santé mentale, il sera nécessaire de solidifier un terrain propice à l’établissement de droits sociaux exigibles, soit par une interprétation plus progressiste des droits garantis par la Charte canadienne, soit plus probablement par des lois spécifiques ou des engagements réglementaires des gouvernements. Ces deux développements reposent beaucoup, en retour, sur les efforts renouvelés des soignants, des avocats, des psychiatres et des politiciens pour défendre ces droits. En l’absence d’un tel engagement, le fossé entre la première et la deuxième génération de droits sera-t-il comblé, et les droits fondamentaux des patients avec troubles mentaux, tels que reconnus par le droit international, trouveront-ils leur pleine expression au Canada ? Cela reste incertain.