Corps de l’article

I- Introduction générale

La maladie mentale et plus spécifiquement les troubles du spectre schizophrénique (TSS) représentent une barrière importante dans l’accès à l’emploi1-2, comme en témoigne le faible taux d’emploi pour cette population2.

Plusieurs auteurs avancent l’hypothèse que cette faible participation au monde du travail serait en partie due à la présence de déficits cognitifs3-4. Il est en effet communément admis dans la littérature que les personnes souffrant de TSS présentent une altération des fonctions cognitives, et notamment de l’attention, de la mémoire de travail, de la mémoire épisodique verbale et des fonctions exécutives5. L’altération de ces fonctions peut être source de handicap au quotidien et dans l’insertion sociale6. La notion de handicap renvoie aux restrictions de participation (RP) et limitations d’activités (LA) que peut rencontrer une personne dans plusieurs domaines de la vie quotidienne suite à un problème de santé, et en interaction avec des facteurs contextuels (environnementaux et personnels)7.

Pour Levaux et coll.3 il est nécessaire d’identifier précisément la manière dont les processus cognitifs se retrouvent impliqués dans les activités professionnelles de façon à pouvoir proposer des stratégies de compensation adaptées à la personne. Ces stratégies de compensation peuvent ensuite être mises en place via les pratiques et interventions de soutien à l’insertion professionnelle ou au maintien en emploi8, comme l’IPS (Individual Placement and Support)9. Ainsi, un des enjeux de l’accompagnement est d’obtenir une meilleure compréhension du handicap de façon individualisée, afin de proposer un aménagement de l’environnement7.

Seulement, la manière dont les déficits cognitifs viennent impacter la participation à la vie professionnelle chez les personnes souffrant de TSS n’est pas encore entièrement clarifiée à l’heure actuelle. Selon l’équipe de Prouteau et coll.10, la Classification internationale du fonctionnement, du handicap et de la santé (CIF) représente un modèle pertinent pour comprendre et évaluer l’interaction entre les différents facteurs du handicap. À partir de ce modèle de la CIF, la même équipe définit plusieurs principes pour l’évaluation du handicap, notamment de dépasser le modèle médical du handicap, de différencier les limitations d’activité des restrictions de la participation, de considérer les facteurs environnementaux, ainsi que de tenir compte du point de vue des personnes11.

Le propos de cet article est donc de voir en quoi le modèle de la CIF peut offrir un nouvel éclairage sur les données de la littérature concernant les liens entre le fonctionnement cognitif et le fonctionnement au travail chez les personnes souffrant de TSS.

II- Le modèle de la CIF7

En 2001, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) propose la CIF pour apporter un cadre à l’évaluation du handicap en faisant le lien entre une vision médicale et une vision sociale des incapacités7. Cette classification présente l’intérêt de ne s’adresser à aucune pathologie précise. La CIF est constituée de 2 parties :

  • Fonctionnement et handicap :

    1. Fonctions organiques et structures anatomiques : concernant les TSS, les fonctions organiques renvoient surtout aux « fonctions mentales » (ex. fonctions exécutives, fonctions de la mémoire, fonctions émotionnelles, fonctions de la personnalité, expérience de soi, etc.). Le terme de déficience est utilisé pour identifier des écarts par rapport à la norme de ces fonctions ;

    2. Activités et participations : les activités renvoient au fait de réaliser une activité dans des conditions standards, sans influence de l’environnement. Cela correspond à la notion de capacité (ou « aptitude réelle d’une personne » qui se caractérise par son plus haut niveau de fonctionnement dans un domaine particulier). C’est donc l’environnement qui peut induire un écart entre l’activité et la participation. La participation décrit l’implication dans une situation de la vie réelle. On parle ici de performance. Au niveau du handicap on parlera donc de LA d’un côté et de RP de l’autre, en fonction d’une norme pour une population donnée.

  • Facteurs contextuels :

    1. Facteurs personnels : ils renvoient aux caractéristiques de la personne qui ne font pas écho à un problème de santé (ex. âge, sexe, origine sociale, expérience passée et présente, traits psychologiques, etc.) ;

    2. Facteurs environnementaux : ils correspondent à « l’environnement physique, social et attitudinal », que ce soit au niveau des lieux de vie et de l’entourage ou au niveau sociétal.

Au final, la construction de la CIF comporte une visée très pragmatique. Elle met en effet l’accent sur les facteurs contextuels qui sont envisagés comme facilitateurs ou comme obstacles à la participation.

III- L’impact du fonctionnement cognitif sur le travail chez les personnes souffrant de TSS

A. Impact du fonctionnement cognitif sur les RP

La littérature ne fait pas référence directement à ce qui pourrait constituer une RP, mais de nombreux indicateurs utilisés pour évaluer la qualité de l’insertion professionnelle font clairement référence à des RP, à savoir l’implication dans une situation de la vie réelle. Ces indicateurs font référence aux aspects compétitifs au travail.

a) Obtention et maintien d’un emploi

Les déficits cognitifs ne représentent pas un facteur crucial pour l’obtention d’un emploi lorsque les participants sont inscrits dans des programmes de réhabilitation professionnelle. L’étude de Gold et coll.12 ne rapporte aucune différence significative sur le plan du fonctionnement cognitif dans son ensemble entre les participants qui obtiennent un emploi et ceux qui n’en obtiennent pas. D’autres études ne trouvent aucun effet des fonctions exécutives sur l’obtention d’un emploi ou le maintien d’un emploi13, 14.

Une étude qui ne se situe pas dans un contexte de programme de réhabilitation professionnelle vient nuancer ces résultats15. Celle-ci montre un lien important entre les facteurs cognitifs (mémoire de travail, mémoire épisodique verbale/vitesse de traitement de l’information et attention) et le retour au travail ou en formation.

b) Type d’emploi obtenu

En réalisant une analyse de régression multiple, Evans et coll.16 observent une taille d’effet faible pour prédire le type d’emploi obtenu (milieu ordinaire, sans aide ou avec aide, milieu protégé ou préprofessionnel, et sans-emploi) à partir d’un modèle qui comprend notamment la mémoire verbale. Corbière et coll.14 ne mettent en avant aucun effet du fonctionnement exécutif sur le type d’emploi obtenu.

McGurk et Mueser19 obtiennent quant à eux des corrélations significatives entre la complexité des tâches de l’emploi obtenu et la mémoire verbale ou le fonctionnement exécutif.

c) Aspects quantitatifs du travail (nombre d’heures travaillées, salaire)

Les études ne montrent pas de réels consensus à ce niveau. Certaines montrent un lien entre le nombre d’heures travaillées et le fonctionnement cognitif. C’est le cas de l’étude de Gold et coll.12 qui montre des corrélations modérées entre plusieurs tests cognitifs (sans qu’il y ait de spécificité) et le nombre d’heures travaillées, un an après le début d’un programme de soutien à l’emploi. Ces corrélations ont cependant tendance à diminuer 2 ans après le début du programme. McGurk et coll.18 obtiennent dans leur étude, des corrélations significatives entre le fonctionnement exécutif, le montant du salaire obtenu et le nombre d’heures travaillées. Les capacités d’apprentissage sont quant à elles corrélées avec la dernière variable. La suite de cette étude montre que l’impact du fonctionnement cognitif sur ces variables devient plus important après 3-4 années dans le programme de soutien en emploi17.

D’autres recherches viennent cependant relativiser ces résultats. C’est le cas de l’étude d’Evans et coll.16 qui montre quelques corrélations modérées entre le nombre d’heures travaillées et la mémoire épisodique verbale. Pour le montant du salaire, ils n’obtiennent aucune relation significative avec les fonctions cognitives. Dans l’étude de Choi et coll19, lorsque l’on tient compte de la motivation intrinsèque, le fonctionnement cognitif ne prédit plus de manière indépendante et significative le nombre d’heures travaillées par semaine. Corbière et coll.14 n’observent aucun effet des fonctions cognitives sur cette dernière variable à travers leur étude.

B. L’interaction entre le fonctionnement cognitif et les facteurs contextuels sur les RP

Comme le soulignent Lo et Siu20, les études identifient un certain nombre de critères qui s’avèrent représentatifs de l’insertion professionnelle (comme le salaire ou le nombre d’heures travaillées), mais ne tiennent pas compte du contexte au sein duquel ces mesures s’établissent, et notamment de certains facteurs extérieurs (comme le marché du travail ou le soutien social reçu).

Ainsi, lorsque les études tiennent compte des facteurs contextuels, les fonctions cognitives perdent souvent en prédictivité de la participation au travail. C’est le cas par exemple pour l’obtention d’un emploi. Les effets des variables cognitives disparaissent lorsque l’on tient compte de facteurs personnels ou environnementaux comme l’accompagnement professionnel fourni, l’engagement vers le travail, l’aide financière perçue comme une allocation handicap, et la durée d’absence sur le marché du travail13, 14. Une recherche récente21 rajoute à cela l’importance des compétences relationnelles des intervenants et l’alliance de travail avec les personnes accompagnées. De même, nous avons vu précédemment le poids de la motivation comparée aux facteurs cognitifs sur le nombre d’heures travaillées19.

Des revues antérieures22, 23 citent parmi les facteurs contextuels l’expérience professionnelle acquise de la personne, les capacités relationnelles, le sentiment d’efficacité personnelle, l’estime de soi, la motivation, le soutien social, ainsi que des variables organisationnelles au sein même de l’entreprise qui accueille la personne (comme la flexibilité des horaires de travail, l’introduction graduelle des tâches de travail, les gestes de feed-back sur le travail effectué). Ces indicateurs apparaissent souvent comme davantage prédictifs du retour ou du maintien en emploi que les variables cognitives prises isolément22. Il manquerait, comme Corbière et coll.21 le rapportent en limite de leur étude, la prise en compte de la façon dont les accompagnants professionnels vont compenser les déficits cognitifs.

Enfin, l’étude de McGurk et Mueser17 pose également la question de la dynamique de l’interaction entre les facteurs cognitifs et environnementaux sur la RP. Ils montrent en effet que les déficits cognitifs sont moins compensés par les équipes au cours de la 3e et 4e année que durant les 2 premières années.

C. Impact du fonctionnement cognitif sur les LA

Telles que définies dans le modèle de la CIF, les LA sont censées ne pas être influencées par les facteurs contextuels et seraient ainsi théoriquement plus sensibles à l’impact des déficits cognitifs. Cependant, comme pour les RP, nous ne retrouvons pas dans la littérature de référence explicite aux LA. Ce qui renverrait le plus à cet aspect du handicap serait le comportement au travail ou la performance au travail puisqu’il s’agit de considérer le fonctionnement de la personne, indépendamment du contexte. Un outil de mesure souvent utilisé dans les études pour évaluer cet aspect est le Work Behavior Inventory (WBI)24.

Ce questionnaire comporte un ensemble d’items qui évaluent le niveau de performance de la personne sur des points divers : les habitudes de travail, la qualité de travail, les capacités de coopération, la présentation personnelle et les habiletés sociales.

Bell et Bryson25 obtiennent une forte prédiction du fonctionnement cognitif (obtenu à partir d’un agrégat de scores cognitifs) sur plusieurs dimensions professionnelles du WBI. Le score cognitif agrégé prédit notamment 79 % de la variance des habitudes de travail (cet aspect renvoie au respect des normes du monde professionnel : ponctualité, assiduité, implication, etc.), et entre 73 % et 56 % pour la présentation personnelle, la coopération et la qualité de travail. Cependant, les scores cognitifs pris isolément montrent peu ou pas d’effet vis-à-vis des variables du WBI. Choi et coll.19, qui tiennent également compte de la motivation intrinsèque dans leur étude, retrouvent un effet significatif entre le fonctionnement cognitif et le score total du WBI, mais avec une taille d’effet faible.

Evans et coll.16 retrouvent les résultats de l’étude de Bell et Bryson25, concernant les relations entre les scores isolés aux tests cognitifs, à savoir peu ou pas d’effet significatif entre les tests cognitifs et les scores du WBI. Ils obtiennent une corrélation significative entre la mémoire verbale et les habitudes de travail. Le modèle prédictif le plus adapté de leur étude, qui comprend la mémoire verbale et la part cognitive d’une échelle d’évaluation des symptômes, prédit 22 % de la variance du score total du WBI. L’importance de la mémoire verbale sur les dimensions du WBI est retrouvée dans l’étude de Levaux et coll.3.

D’autres auteurs se sont aussi intéressés à l’impact de la cognition sociale sur le comportement au travail. La cognition sociale renvoie aux processus cognitifs impliqués dans la construction des représentations à propos de la relation aux autres, et dans l’utilisation de ces représentations pour guider le comportement social26. C’est un aspect spécifique de la cognition qui serait à distinguer de la cognition froide qui renvoie à la mémoire, l’attention, les fonctions exécutives, etc.27 L’intérêt pour la cognition sociale est pertinent, car celle-ci est connue pour jouer un rôle important dans le fonctionnement social28. Vauth et coll.29 rapportent un pouvoir prédictif plus important de la cognition sociale comparée à la cognition froide sur les variables du comportement social au travail. Ces deux aspects de la cognition expliquent 25 % de la variance. L’analyse les conduit à considérer la cognition sociale comme une variable médiatrice entre la cognition froide et le comportement social au travail. Lo et Siu20 observent également de fortes corrélations entre la perception des émotions d’autrui et le niveau d’autonomie pour s’adapter aux tâches à réaliser, en plus des comportements sociaux au travail. À partir d’un modèle en équation structurelle, ils mettent de plus en évidence une forte association entre la cognition sociale et la performance au travail.

En résumé, l’étude approfondie des différentes fonctions cognitives impliquées dans le comportement au travail met en évidence un rôle particulier de la mémoire verbale. D’autres études viennent souligner l’impact de variables médiatrices entre la cognition froide et le comportement au travail, en particulier la cognition sociale.

Le fonctionnement cognitif serait plus fortement associé aux LA comparé aux RP. Cependant la prédiction des LA par le fonctionnement cognitif présente également des tailles d’effet parfois modérées.

D. Limites des études

Ces recherches ne nous renseignent pas spécifiquement sur la manière dont les déficits cognitifs peuvent venir perturber les capacités fonctionnelles relatives à l’emploi. Par exemple, nous observons des corrélations entre le domaine de la mémoire épisodique verbale et le type d’emploi obtenu chez ces personnes, le nombre d’heures travaillées ou encore, avec des difficultés de performance au travail. Mais ces recherches n’indiquent pas en quoi des troubles de mémoire épisodique verbale impactent directement ces dimensions relatives au travail. Lors d’un accompagnement, il est alors difficile d’utiliser de tels résultats pour pouvoir envisager avec la personne des aides ou des compensations afin de favoriser l’insertion.

Ainsi, une compréhension plus fine de la manière dont les personnes souffrant de TSS peuvent être perturbées par des déficits cognitifs dans leur insertion professionnelle doit tenir compte d’une analyse à la fois plus détaillée de la façon dont les déficits cognitifs impactent les aspects fonctionnels de la recherche et du maintien dans l’emploi, mais doit également tenir compte de l’ensemble des facteurs contextuels au sein duquel la personne évolue. Il faut aussi prendre en compte la manière dont ces facteurs interagissent entre eux. Nous pouvons supposer que la faible prédictivité de certaines dimensions cognitives sur des mesures d’insertion professionnelle résulte de la non-prise en compte de variables médiatrices qui viendraient plus directement impacter le travail, mais qui sont sous-tendues par des facteurs cognitifs.

IV- Synthèse du modèle de la CIF concernant le fonctionnement au travail chez les personnes souffrant de TSS

Si on reprend les différentes études rapportées au début de l’article, nous voyons mieux comment organiser leurs résultats et les liens que les différents facteurs peuvent avoir entre eux. Le modèle de la CIF permet en effet de faire des distinctions entre les différents niveaux de complexité, ce qui est rarement le cas dans les études publiées dans la littérature, notamment concernant les distinctions entre activité et participation. Ce modèle pourrait prendre la forme de la figure 1, en synthétisant l’ensemble des résultats rapportés. Cette figure reprend les termes utilisés dans les études plutôt que les termes de la CIF qui manquent de précision, notamment en ce qui concerne les déficits cognitifs.

Si nous reprenons, par exemple, la question de l’obtention d’un emploi (relative à la participation dans la CIF), il convient de réfléchir à la façon dont les variables interagissent entre elles. Au vu du modèle, il est évident qu’attendre un effet des déficits cognitifs à ce niveau perd beaucoup de sens. Les questions deviennent plutôt : quelles activités rendent compte du fait d’obtenir un emploi et en quoi les déficits cognitifs viennent impacter ces activités ? Nous pouvons en effet imaginer que des troubles sévères des fonctions exécutives peuvent venir impacter la recherche d’un emploi. Mais il est vrai que si cette activité est compensée par un job coach30 qui aiderait la personne souffrant de TSS, la question ne se pose plus. Et c’est à ce niveau qu’il apparaît clairement que les facteurs contextuels sont au coeur de la réussite pour obtenir un emploi comme le rapportent Pachoud et coll22. Cependant, des études supplémentaires sur les liens entre déficits cognitifs et LA permettraient de proposer un entraînement précis sur des mises en situation pour que la personne soit plus autonome et développe un sentiment d’efficacité personnelle. De plus, cela permettrait aux accompagnants de mieux repérer les activités susceptibles de provoquer un frein pour l’obtention d’un emploi et ainsi de les compenser ou de proposer des aménagements.

Cette analyse reste également valable pour le maintien dans l’emploi. La difficulté à laquelle nous nous retrouvons confrontés aujourd’hui est plutôt le manque d’études sur la façon dont les déficits cognitifs vont impacter spécifiquement les LA. À notre connaissance, cette entreprise n’a pour le moment été menée que sur des activités non-professionnelles31.

Figure 1

Le modèle CIF adapté au champ professionnel chez les personnes souffrant de TSS

Le modèle CIF adapté au champ professionnel chez les personnes souffrant de TSS

-> Voir la liste des figures

Cela vient fragiliser le travail des neuropsychologues cliniciens qui ne parviennent à anticiper que de manière approximative l’impact des déficits cognitifs sur les activités professionnelles. Il apparaît donc nécessaire d’envisager des perspectives de recherche à ce niveau de façon à pouvoir ensuite faire des préconisations d’aménagement de poste de travail plus rigoureuses. Pour cela, une réflexion doit être menée sur les outils d’évaluation qui permettent une réelle évaluation des LA dans le domaine professionnel.

Comme le proposent Levaux et coll.3, l’observation en situation offre une méthodologie intéressante pour l’évaluation réelle des capacités des personnes sur une situation donnée. Cette modalité d’évaluation permet selon eux de tenir compte du multitasking inhérent aux activités complexes31. Il serait pertinent pour l’élaboration de cet outil d’évaluation des LA de s’inspirer du travail fourni par les ergothérapeutes. Ceux-ci ont l’expérience de la conception de tels outils, par exemple, le Test des Errances Multiples32.

V- Conclusion

Nous avons pu observer que la question de la prise en compte des perturbations cognitives chez les personnes souffrant de TSS constitue un enjeu majeur dans le travail d’accompagnement vers le retour ou le maintien en emploi de ces personnes. Cependant, à l’heure actuelle, les études dans ce domaine restent encore lacunaires pour souligner l’importance des déficits cognitifs. Par ailleurs, le modèle de la CIF offre une modélisation de la compréhension des perturbations concrètes rendant compte du niveau de handicap. Il offre une vision globale des interactions entre les différents facteurs qui interagissent entre eux. Des études supplémentaires permettraient de vérifier plus rigoureusement ce modèle dans le cadre du fonctionnement au travail chez les personnes souffrant de TSS.

Avec l’éclairage de ce modèle, appliqué aux situations de handicap professionnel, nous considérons donc qu’il reste un enjeu actuel pour que l’évaluation cognitive ne soit pas cantonnée au modèle médical11, à travers la remédiation cognitive et sa visée réparatrice, mais puisse s’intégrer à un modèle social du handicap. Ce modèle social permet d’appréhender les dimensions cognitives dans la compréhension de leur interaction avec les autres facteurs faisant obstacle ou pouvant favoriser l’insertion professionnelle ou le maintien en emploi. Il resterait enfin à inclure à cette évaluation le point de vue des personnes comme le suggèrent Prouteau et coll.11. Cet aspect permettrait d’intégrer l’évaluation cognitive dans l’approche du rétablissement et donner ainsi une place plus importante à la subjectivité8.

L’inclusion de l’évaluation cognitive au modèle de la CIF présente des conséquences en termes d’accompagnement dans l’insertion professionnelle pour les personnes souffrant de TSS. Le bilan cognitif peut sensibiliser l’ensemble des acteurs du processus d’insertion professionnelle sur les pistes d’accompagnement, que cela soit de l’ordre de la compensation et de l’aménagement de l’environnement (via le modèle social), ou que cela soit de l’ordre du réentraînement des capacités (via le modèle médical). Au sein du modèle social, les accompagnements peuvent utiliser le bilan cognitif pour compenser les difficultés qui viendraient freiner la capacité à trouver un emploi dans le cadre de l’insertion professionnelle. Dans le cadre du maintien à l’emploi, ce bilan peut aider les acteurs de l’accompagnement à proposer des mesures d’accommodement du poste de travail. Si l’on s’en tient aux études, il semblerait que ce soit sur ce deuxième aspect que l’évaluation cognitive soit la plus pertinente.