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Introduction

En juin 2005, le ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS) lançait le Plan d’action en santé mentale 2005-2010 – La force des liens (PASM). Celui-ci visait la réforme du système de soins et services en santé mentale au Québec.

Selon le Larousse, une réforme est un « changement de caractère profond, radical apporté à quelque chose, en particulier à une institution, et visant à améliorer son fonctionnement ». En ce sens, le PASM a introduit de nombreux changements et avancements radicaux pour le Québec, malgré leur promotion antérieure tant dans la Politique de santé mentale du Québec (Ministère de la Santé et des Services sociaux [MSSS], 1989) que dans la documentation scientifique et politique (Macinko, Starfield et Shi, 2003 ; Organisation mondiale de la Santé [OMS], 2001 ; Starfield, Shi et Macinko, 2005). Plus particulièrement, le PASM annonçait l’intégration de pratiques soutenant le rétablissement dans les soins et les services, prescrivait le développement de services de première ligne en santé mentale, réitérait la mise en place de suivi et de soutien dans la communauté et encourageait les soins de collaboration. Il entamait donc des changements tant dans la structure de soins que dans la philosophie qui les sous-tend et dans la façon d’offrir ces soins.

Depuis son échéance, des travaux ont permis de dresser un portrait de la situation et des priorités en santé mentale. Le MSSS a notamment pu compter sur les informations recueillies lors de la tournée régionale réalisée en 2011 dans le cadre de l’évaluation ministérielle de l’implantation du PASM 2005-2010, de même que sur le rapport d’appréciation de la performance du système de santé et de services sociaux 2012 du Commissaire à la santé et au bien-être, qui s’est penché sur le secteur de la santé mentale.

Ces travaux arrivent à la même conclusion : les réformes mises de l’avant dans le PASM visaient juste et ont entraîné des avancées importantes dans l’organisation et l’offre de soins et services au Québec depuis 10 ans. Par contre, les changements entamés n’ont souvent pas été complétés.

D’autres rapports, consultations et travaux menés par la Direction de la santé mentale (DSM) du MSSS ainsi que par des partenaires ont également alimenté la réflexion concernant le choix et l’élaboration des prochaines orientations ministérielles en santé mentale, notamment la consultation des agences de la santé et des services sociaux (ASSS) tenue le 20 janvier 2014 et le forum de consultation auprès des grands partenaires nationaux, présidé par le ministre Hébert le 28 janvier 2014.

Sur la foi de tout ceci, le MSSS travaille actuellement à la rédaction de son prochain PASM. Tout en énonçant le besoin de compléter les réformes énoncées dans le précédent PASM, le prochain voudra participer à la résolution de certains enjeux qui sont déterminés par l’ensemble de nos partenaires. En particulier, la nécessité de mieux servir les jeunes en détectant précocement la vaste majorité des pathologies traitées à l’âge adulte, mais apparues à l’adolescence ; le passage à 18 ans, où la majorité des adolescents recevant des services en santé mentale seraient perdus dans la transition vers les services pour adultes ; l’arrimage des professionnels en santé mentale de première ligne avec les médecins de famille ; le besoin d’agir sur les déterminants individuels de la santé : éducation, famille, emploi, logis ; l’investissement dans le soutien aux professionnels ; l’évaluation de la performance du réseau.

Ainsi, la réforme débutée en 2005 devra continuer dans les années à venir. Toute réforme est un exercice de gestion de la complexité. Cet exercice, pour se conclure avec succès, requiert un accompagnement. Le présent article voudra réfléchir aux diverses formes d’accompagnement requises et voir jusqu’à quel point elles sont présentes sur la scène de la réforme québécoise en santé mentale.

Nous proposons que l’accompagnement requis prenne plusieurs formes pour mener à terme une réforme en santé comme celle proposée par les PASM du MSSS. Ainsi, il peut être :

  • normatif ;

  • formatif ;

  • soutien clinique ;

  • évaluatif ;

  • pédagogique ;

  • géré par l’usager.

On verra plus loin que ces différents types d’accompagnement ne sont pas tous offerts également au sein du réseau québécois de soins et services. Il va de soi qu’un accompagnement normatif est incontournable dans une réforme pilotée par l’État, mais toutes les autres formes peuvent être plus ou moins disponibles, voire complètement absentes.

Dans la réforme actuelle en santé mentale, les accompagnements formatif et évaluatif ont été assurés ; quant à l’accompagnement de soutien clinique, on verra qu’il est offert de façon fort variable, alors que les dernières formes de soutien sont peu exploitées.

L’accompagnement normatif

L’accompagnement normatif est un accompagnement « top-down ». Il s’agit donc ici à la fois des normes, balises et orientations qui définissent la nature de la réforme et ses objectifs et des lois et règlements qui l’encadrent.

À ce titre, le MSSS joue un rôle central en produisant ses plans d’action, orientations et autres documents définissant les structures ou les cibles visées.

En ce qui a trait à la réforme en santé mentale, le MSSS a rendu publics plusieurs de ces documents : le Plan d’action en santé mentale 2005-2010 – La force des liens (2005) ; les Orientations relatives à l’organisation des soins et des services offerts à la clientèle adulte par les équipes en santé mentale de première ligne en CSSS (2008) ; le document définissant le Guichet d’accès en santé mentale pour la clientèle adulte des CSSS (2008) ; les guides Prévention du suicide – Guide de bonnes pratiques à l’intention des intervenants des centres de santé et de services sociaux (2010) et Prévention du suicide – Guide de soutien au rehaussement des services à l’intention des gestionnaires des centres de santé et de services sociaux (2010).

De plus, certains documents ministériels plus généraux ont également une nature normative sur le programme de santé mentale : les Orientations ministérielles relatives à l’utilisation exceptionnelle des mesures de contrôle : Contention, isolement et substances chimiques (2002), le Plan d’action – Orientations ministérielles relatives à l’utilisation exceptionnelle des mesures de contrôle : Contention, Isolement et Substances chimiques (2002), le Cadre de référence pour l’élaboration des protocoles par les établissements de santé et de services sociaux (2011).

Si un plan d’action est une action structurante majeure, il demeure relativement rare dans le temps. Par contre, le MSSS exerce son encadrement normatif en continu et produit donc dans l’intervalle de nombreuses orientations. Outre celles nommées plus haut, plusieurs sont en préparation, dont les orientations sur la fonction de professionnel répondant et les orientations sur l’application de la Loi sur la protection des personnes dont l’état mental présente un danger pour elles-mêmes ou pour autrui.

Un gouvernement a bien entendu à sa disposition l’accompagnement le plus normatif qui soit : l’action législative et réglementaire. Il peut ainsi faire voter des lois et adopter les règlements qui les complètent. Il exerce cependant ce pouvoir avec parcimonie. Ainsi, à l’exception de la révision en 2005 et 2012 de l’Arrêté ministériel concernant la désignation des lieux en vue de la garde, du traitement ou de l’évaluation d’un accusé ou d’un adolescent en application du Code criminel ou de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents (Gouvernement du Québec, 2012), le MSSS n’a pas proposé d’autres modifications législatives et réglementaires en santé mentale depuis le PASM 2005-2010.

Enfin, la reddition de comptes constitue le dernier mode d’accompagnement normatif décrit dans cet article. Les outils de reddition de comptes permettent de mesurer l’atteinte des nombreuses cibles définies dans les divers documents émis par le MSSS. S’il est vrai que les mesures traditionnelles financières ou de volumétrie prennent une large part de cet exercice, le MSSS suit les tendances mondiales en travaillant à l’élaboration d’indicateurs de performance et de qualité qui, en soi, orientent l’action sur le terrain en mettant l’accent sur des objets d’analyse susceptibles d’enrichir l’atteinte des objectifs de la réforme en santé mentale.

L’accompagnement normatif ne se limite pas au palier gouvernemental. Les ASSS, les Centres de santé et de services sociaux (CSSS) et les associations d’établissements jouent également un rôle. En effet, les ASSS peuvent définir les orientations régionales et les choix organisationnels régionaux retenus pour atteindre les cibles nationales, alors que les CSSS doivent faire les choix organisationnels locaux en fonction de leur responsabilité populationnelle, guidés par l’analyse qu’ils ont faite des besoins de la population de leur réseau local de soins (RLS). Enfin, les associations d’établissements soutiennent leurs membres par des documents analysant les orientations ministérielles en fonction des missions spécifiques des établissements. Ils produisent alors des documents semblables aux publications ministérielles, mais visant l’organisation régionale ou locale. Le lecteur trouvera aisément de nombreux exemples de ces divers types de documents sur la toile (ASSS de la Mauricie et du Centre-du-Québec, 2010, 2012 ; Association des CLSC-CHSLD, n.d. ; CSSS Jeanne-Mance, n.d.).

Si l’accompagnement normatif doit servir à donner une vision à l’ensemble des intervenants, tant gestionnaires que professionnels, afin d’assurer une cohérence dans les choix organisationnels, il est sans doute également le mode d’accompagnement qui suscite le plus de résistances et de réactions. Les diverses orientations élaborées à tout niveau sont souvent perçues comme déconnectées de la réalité du terrain et imposées arbitrairement par des technocrates. Pourtant, ces technocrates sont généralement au fait de la documentation scientifique et des documents d’orientations nationaux ou internationaux.

L’accompagnement formatif

La réforme en santé mentale a entraîné des changements de structure, de philosophie et de modèle de soins. Il n’est donc pas surprenant que pour mener à terme cette réforme, différents programmes de formation aient été élaborés et offerts dans les milieux de travail.

La Direction de la santé mentale a mandaté divers partenaires pour élaborer ou offrir des formations plus spécifiques en lien avec les orientations définies dans le PASM. Ainsi,

  • pour développer les services de première ligne en santé mentale et promouvoir les pratiques axées sur le rétablissement, le MSSS a intégré un module de formation sur le rétablissement et les services de première ligne en santé mentale au Plan national de formation (PNF). Le PNF est un programme qui vise à offrir au réseau une panoplie de formations développées par le Ministère pour soutenir ses priorités organisationnelles. L’Association québécoise pour la réadaptation psychosociale (AQRP) a développé et offert dans plusieurs régions ce cours ciblant les gestionnaires et les professionnels de première ligne ;

  • visant la lutte à la stigmatisation et l’intégration de l’expertise expérientielle aux services, le Programme québécois pairs aidants réseau, soutenu par l’AQRP, a formé 135 pairs aidants depuis 2008, dont 50 % ont été embauchés dans le réseau (N. Lagueux, communication personnelle, 25 mars 2014) ;

  • pour promouvoir la participation active des personnes utilisatrices de services de santé mentale à la planification et à l’organisation des services de leur région, l’Association des groupes d’intervention en défense des droits en santé mentale du Québec (AGIDD-SMQ) offre depuis 2006 dans sept régions du Québec des forums de participation citoyenne desquels des usagers sont désignés et soutenus pour porter la voix de leurs pairs ;

  • pour participer à la prévention du suicide, l’Association québécoise de prévention du suicide (AQPS) offre deux programmes de formation :

    • depuis 2006 : « Agir en sentinelle pour la prévention du suicide » ;

    • depuis 2011 : « Intervenir auprès de la personne suicidaire à l’aide de bonnes pratiques ».

Ces formations transmettent donc les connaissances organisationnelles ou cliniques que le MSSS souhaite voir s’implanter au terme de la réforme. Elles participent de plus au souci qu’ont les professionnels de maintenir leurs compétences et leurs connaissances à jour, encadrés en cela par les exigences de développement professionnel décrétées par leurs ordres professionnels.

Dans ce contexte, ces formations sont généralement bien accueillies tant par les organisations que par le personnel y travaillant.

L’accompagnement de soutien clinique

Cette forme d’accompagnement se caractérise par la disponibilité de présence professionnelle, souvent d’individu à individu, et dont l’objectif est le soutien et la supervision clinique.

Il s’agit donc à proprement parler d’une forme de maintien de la compétence qui devrait faire partie intégrante de tout milieu professionnel, nonobstant la présence d’une réforme. Mais on comprendra qu’en processus de réforme, cet accompagnement est particulièrement pertinent et porteur, car non seulement permet-il d’encadrer et de remettre en question les interventions du professionnel, de faciliter le changement de pratique, mais encore le fait-il en fonction des nouvelles orientations et modalités de soins mises de l’avant dans la réforme.

La forme traditionnelle de soutien et de supervision clinique est offerte par un gestionnaire d’expérience ou est rendue disponible par l’organisation par la présence d’un superviseur clinique. C’est aussi malheureusement une des premières victimes des compressions budgétaires. Perçue comme un luxe ou du superflu, la supervision clinique est parfois simplement éliminée des services offerts aux professionnels des équipes de soins, dans un souci apparemment bien fondé de préserver l’accès aux services au détriment de l’encadrement clinique.

Cependant, l’absence de supervision laisse souvent les professionnels, plus particulièrement les débutants, perplexes relativement à des décisions cliniques complexes. Ceci entraîne une insécurité clinique et, par souci de prudence, une prolongation indue de certains services pour des usagers qui pourraient ne plus en avoir besoin. Du coup, engorgement et difficultés d’accès aux services s’ensuivent.

Par ailleurs, l’effort de réduction du taux d’encadrement administratif entraîne souvent une fusion des services sous la responsabilité du cadre et une réduction de l’expertise clinique spécifique qu’il peut offrir dans le domaine des professionnels qu’il gère. Ainsi, une physiothérapeute ou un orthophoniste qui gère un service de réadaptation n’aura aucune expérience clinique pour soutenir des ergothérapeutes spécialisés en santé mentale.

Ici aussi, l’incapacité de l’organisation d’offrir un encadrement clinique aura des répercussions tant sur la qualité des soins que sur leur performance, sur le plan de la continuité comme de l’accès.

Le prochain PASM mettra l’accent sur l’importance de réintroduire la fonction de supervision clinique. En 2012, lors du bilan sur le PASM 2005-2010, les participants consultés ont déploré la grande instabilité du personnel en santé mentale. Tous observaient un roulement de personnel mettant à mal la continuité du service envers l’usager tout autant que la capacité de maintenir des liens de confiance et de collaboration entre les professionnels, plus particulièrement entre les organisations ou les partenaires extérieurs à l’établissement, tels les médecins de famille.

Une part de ce roulement découle de l’obligation de jeunes professionnels frais émoulus de l’école, avec peu d’expérience pour gérer des cas cliniques complexes, et contraints par manque d’ancienneté dans l’organisation, d’accepter des postes à temps partiel, occasionnels ou négligés, voire évités, par les employés avec plus d’ancienneté. Ajoutez à cela un manque d’encadrement clinique et nos organisations produisent des professionnels démotivés et désillusionnés qui quittent au mieux le programme de santé mentale ou au pire le réseau pour trouver un milieu de travail leur permettant mieux un développement et un épanouissement cliniques équilibrés.

Le prochain plan d’action en santé mentale insistera sur l’importance pour les établissements de soutenir activement leur personnel et de lui assurer l’accessibilité à du temps de supervision clinique.

Nous avons discuté jusqu’à maintenant d’accompagnement de soutien clinique sur le plan de l’organisation locale, voire du service clinique spécifique. D’autres formes de ce type d’accompagnement existent. Ainsi, la documentation portant sur le suivi intensif dans le milieu (SIM), ou Program for Assertive Community Treatment (PACT) dans la documentation anglo-saxonne, une modalité de soutien, de traitement et de réadaptation dans la communauté pour les personnes atteintes de troubles mentaux graves dont le parcours est plus difficile, recommande un type de soutien clinique centralisé et spécialisé en SIM afin d’assurer la fidélité au modèle probant de SIM décrit dans la documentation (Gold, Meisler et Santos, 2003). De nombreux États américains ont ainsi mis en place de tels centres de soutien (Case Wertern Reserve University, n.d. ; National Alliance on Mental Illness [NAMI], n.d.). C’est dans ce contexte qu’en 2008, le MSSS a mis sur pied le Centre national d’excellence en santé mentale (CNESM, n.d.). Sous la coordination initiale d’un ardent défenseur de la première heure de l’implantation du SIM au Québec, le CNESM était constitué de cliniciens chevronnés issus du SIM. Ils avaient pour mission d’offrir des services-conseils partout au Québec pour les équipes de SIM en développement comme celles à maturité, épaulés par un courtier en connaissances dont l’expertise en SIM était remarquable et deux chercheurs également reconnus dans ce domaine, afin d’assurer un soutien clinique de pointe et éclairé par les données probantes les plus récentes.

La pertinence de leurs interventions pour rehausser l’expertise des équipes SIM et assurer une fidélité au modèle probant est reconnue par les gestionnaires comme par les professionnels dans toutes les régions du Québec. Construisant sur cette reconnaissance, le CNESM a dans un premier temps étendu son domaine d’intervention au soutien d’intensité variable (SIV), une autre pratique de soutien et de réadaptation dans la communauté proche du SIM.

Fort de cette expérience, depuis 2012, le CNESM développe un deuxième axe de soutien, centré sur les soins de santé mentale de première ligne. Comme pour l’axe SIM-SIV, cet axe bénéficie d’experts-conseils issus de la première ligne en santé mentale, de courtiers en connaissance et de chercheurs intéressés par ce domaine d’intervention.

La conjonction d’interventions du CNESM et de soutien clinique subséquent par des superviseurs cliniques ou des gestionnaires d’expérience peut donc s’avérer un moteur majeur de changement des pratiques au sein d’une équipe de soins (McHugo, Drake, Teague et Xie, 1999 ; Teague, Bond et Drake, 1998) et doit donc être une priorité de tous les ordres de gouvernance si la réforme en santé mentale doit pouvoir offrir le maximum aux usagers qui y sont servis.

Accompagnement évaluatif

L’évaluation des services peut servir de moteur très puissant pour accompagner le changement. Elle peut prendre plusieurs formes, dont l’évaluation quantitative ou qualitative dans le cadre de projets de recherche, l’évaluation de la performance au sens large du terme (comprenant généralement l’accessibilité, la continuité, la qualité, l’efficience et l’équité) en fonction de référents prédéterminés, ou encore l’agrément ou la certification des services par des entités mandatées à cet effet.

Le milieu de la recherche en santé mentale au Québec est très riche et plusieurs chercheurs ont mené ou mènent des projets sur plusieurs aspects du PASM 2005-2010. Le MSSS est d’ailleurs un partenaire de premier plan sur nombre d’entre eux en tant que partenaire-décideur. Le tableau 1 présente plusieurs projets de chercheurs avec lesquels le MSSS a collaboré.

Tableau 1

-> Voir la liste des tableaux

La performance des services en santé mentale a peu été évaluée. Cependant, depuis 2010, le MSSS a créé une direction générale adjointe de la performance. Son mandat est de conseiller les autorités ministérielles sur les mesures susceptibles d’améliorer la performance du système sociosanitaire et de coordonner les travaux relatifs à l’élaboration, à la mise en application et à la révision périodique du cadre ministériel d’évaluation de la performance. Ceci permettra à la DSM d’amorcer un virage vers une évaluation de la performance en développant et en intégrant des outils systémiques de mesure nécessaires.

Enfin, les organismes d’agrément ont pour mission de « contribuer à l’amélioration continue de la qualité des services, notamment en certifiant publiquement que les exigences d’excellence sont rencontrées par les organismes » visés par le processus d’agrément (Conseil québécois d’agrément, n.d.).

S’il est vrai que tous les établissements de soins au Québec se soumettent à des visites d’agrément, il est aussi vrai que les organismes d’agrément sont indépendants et opèrent d’une certaine façon en vase clos. Il est donc impossible en ce moment pour le MSSS de savoir à quel point les critères d’agrément prennent en compte les divers plans d’action et orientations ministériels et participent donc à accompagner la réforme en santé mentale. Ils auraient cependant tout avantage, si ce n’est déjà le cas, à s’inspirer des balises ministérielles, car celles-ci sont souvent en accord avec les recommandations de l’OMS et visent un accroissement de l’accès, de la continuité et de la qualité, tous des objets d’intérêt pour les organismes d’agrément.

La certification est une attestation réalisée par une tierce partie relative à des produits, des processus, des systèmes ou des personnes. Elle est parfois confondue avec l’accréditation, une attestation délivrée par une tierce partie, ayant rapport à un organisme d’évaluation de la conformité, constituant une reconnaissance formelle de la compétence de ce dernier à réaliser des activités spécifiques d’évaluation de la conformité (Comité français d’accréditation, n.d.).

La certification est peu exploitée au Québec dans le programme de santé mentale alors qu’elle est intégrée dans d’autres programmes. Par exemple, certaines ressources en traitement des dépendances ou visant des personnes en perte d’autonomie doivent être certifiées pour offrir des services.

La DSM voudrait cependant tirer profit du levier qu’offre la certification et travaille actuellement à déterminer des critères de certification des services de SIM. À terme, des équipes de SIM ou d’autres modalités de soins pourraient donc devoir être certifiées pour s’assurer de la qualité des services qui y sont rendus.

Accompagnement pédagogique

Si les milieux de recherche peuvent fournir un appui important à la réforme en santé mentale, les milieux d’enseignement peuvent jouer un rôle tout aussi important.

Mais si les chercheurs se sont rapidement inspirés des orientations ministérielles en santé mentale pour soumettre des projets aux concours de financement et entreprendre des recherches en lien avec la réforme, il n’est pas sûr que les facultés et écoles ont adapté leurs curriculums à la réforme souhaitée. Comme elles sont indépendantes, le MSSS ne peut les contraindre à modifier ces curriculums. Mais elles auraient tout avantage à suivre l’exemple des chercheurs.

À titre d’exemple, malgré les données probantes multiples sur les avantages cliniques et organisationnels associés au SIM (Bond, Drake, Muesner et Latimer, 2001 ; NAMI, n.d.) et les orientations ministérielles définissant les requis de services (MSSS, 2005), les établissements hospitaliers affiliés aux facultés de médecine (CHU, CAU, IU) sont à la remorque des établissements sans affiliation universitaire en ce qui a trait à l’offre de cette modalité de soins (MSSS, document de travail non publié). Il leur devient dès lors plus difficile d’offrir un milieu clinique adapté pour l’enseignement de ce modèle de soins promu par le PASM et plus largement pour offrir un milieu d’enseignement de la réadaptation.

Ainsi, pour préparer leurs étudiants à pratiquer dans des environnements en mutation, les facultés et écoles auront peut-être un effort à faire à la parution du prochain PASM pour offrir des programmes d’enseignement en accord avec la réforme.

Accompagnement géré par l’usager

Depuis quelques années, le rôle de l’individu consommateur de soins et de services a grandement évolué. De patient, il se transforme en partenaire (Karazivan et al., 2011 ; Université de Montréal, n.d.).

Sur le plan de la gestion de sa maladie, en particulier dans le cas du modèle de gestion des maladies chroniques qui le place au centre, l’usager est de plus en plus reconnu comme un partenaire collaborant avec les professionnels de la santé pour mieux gérer sa condition. En ce sens, le PASM 2005-2010 proposait, comme le prochain PASM le fera, que l’usager participe aux décisions cliniques qui le concernent.

Il en va de même pour ce qui a trait à sa participation aux structures de planification et d’organisation des services. En cela, les recommandations des PASM du Québec ne font que reproduire ce qui se fait dans des grandes organisations (Fleurence et al., 2013 ; Institute of Medicine of the National Academies, 2013 ; Nunes etal., 2009 ; O’Connor et Stacey, 2005 ; Sheridan et Bechtel, 2013).

Pourtant, les actions mises de l’avant au Québec pour permettre aux usagers de jouer ce rôle n’ont eu qu’un effet mitigé. Malgré une initiative de l’Association des groupes d’intervention en défense des droits en santé mentale du Québec (AGIDD-SMQ, n.d.), en collaboration avec le MSSS, pour préparer des usagers à ce rôle, peu d’établissements ou d’ASSS leur ont fait une place.

Or, la première et la seule étude portant sur l’effet de la participation des usagers sur le choix des priorités organisationnelles visant l’amélioration des soins a été faite au Québec cette année (Boivin, Lehoux, Lacombe, Burgers et Grol, 2014). Elle démontre que les priorités organisationnelles retenues par un groupe d’usagers et de professionnels d’un établissement sont mieux alignées sur le modèle de gestion des maladies chroniques que les priorités établies seulement par des professionnels d’un établissement. En particulier, plutôt que de retenir des priorités portant sur la qualité technique de la gestion d’une condition spécifique, par exemple une optimisation de l’utilisation de glucomètres, un groupe mixte patients-professionnels retiendra l’accès aux soins primaires, le soutien à l’autosoin, la participation de l’usager aux décisions cliniques et le partenariat avec les organismes communautaires, tous des éléments importants dans le modèle de gestion des maladies chroniques. De plus, l’interaction entre les usagers et les professionnels a permis à chacun des types de participants de se rapprocher des préoccupations prioritaires de l’autre type, à la satisfaction des uns et des autres.

Ainsi, un accompagnement par les usagers dans le choix critique des priorités retenues par un établissement pour actualiser la réforme en santé mentale pourrait permettre au réseau de développer des services plus en cohérence avec les attentes des usagers, mieux intégrés dans la communauté sans pour autant s’aliéner les professionnels responsables de ces soins, bien au contraire.

S’il est une forme d’accompagnement qui aurait donc à être investie par les gestionnaires responsables des services de santé mentale et par les cadres supérieurs des établissements responsables d’offrir des services en santé mentale, c’est bien l’intégration des usagers dans les processus décisionnels et de planification.

En conclusion, une réforme ne peut s’imposer par la valeur normative du document qui la définit. Afin de pouvoir véritablement infléchir l’organisation de soins et services, la norme ministérielle doit être soutenue par diverses formes d’accompagnement. Au Québec, certaines formes telles que les initiatives de formation du personnel et des cadres du réseau, le soutien clinique ou la recherche sur les orientations ministérielles sont déjà investies, mais toutes les formes mériteraient d’être consolidées, plus particulièrement le soutien clinique qui a plutôt été désinvesti depuis quelques années. De plus, un effort supplémentaire devrait être fait en ce qui a trait aux milieux d’enseignement qui semblent parfois déconnectés des orientations et des changements qui affecteront les milieux professionnels où leurs étudiants actuels travailleront d’ici peu. Enfin, l’espace de participation de l’usager, tant sur le plan de la gestion de sa condition que sur celui de la planification des services, doit être vigoureusement inscrit dans la culture organisationnelle du réseau de la santé du Québec, pour que la réforme qui vise un service de qualité pour l’usager puisse être planifiée et évaluée par l’usager.